Les peuples de l'Europe de l'ouest veulent que l'histoire les laisse mourir en paix, gavés d'opulence. Le problème est que l'histoire ne laisse jamais les peuples mourir en paix, leur mort est toujours pleine de tragédies et de drames, d'horribles souffrances.
Les peuples d'Europe de l'ouest se sont donc inventés une fausse histoire, linéaire, sans soubresauts ni surprises, gentille, régie par le droit, par des colloques inter-gouvernementaux interminables peuplés de technocrates abrutis et par des juges idéologues inamovibles non-élus.
Ils fantasment de remplacer, suivant la géniale expression saint-simonienne, le gouvernement des hommes par l'administration des choses.
Cette conception fausse de l'histoire explique le vote Macron : c'est celui d'une histoire où il n'y a jamais besoin de prendre une décision de rupture, où on peut choisir la continuation de ce qui nous tue sans en souffrir, où on peut porter au pouvoir des gens qui n'ont aucun sens de l'histoire sans que ça nous pète à la gueule, où le prolongement des courbes et la mise en équations suffisent bien, où on n'a pas à choisir entre deux risques (1).
Et le coronavirus SARS-Cov2 est arrivé.
Lui, c'est de l'histoire bien tragique, qui tache, qui fait des vagues, où les morts ne se relèvent pas à la fin de la pièce. Oh, il n'est même pas très méchant, M. Coronavirus : sur la carte des grands fléaux de l'humanité, il apparaîtra comme un point minuscule.
Mais il suffit à mettre en bas le château de cartes de l'histoire gentille.
C'est pourquoi le professeur Raoult est l'objet d'une admiration proche de l'idolâtrie : parce qu'il vit dans l'histoire à l'ancienne, pleine de bruit et de fureur, c'est l'anti-Macron (d'ailleurs, la macronie l'a bien compris et le déteste).
Il prend des décisions risquées dans l'urgence. La mise en équation, les réunions d'experts qui se tirent l'élastique, les protocoles qui durent six mois, le copinage pourri avec les labos, pas le temps. La chloroquine ? C'est mieux que rien et, justement, on n'a rien.
De même qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, un Raoult ne fait pas une révolution politique. Aussitôt le danger passé, les Français retomberont dans la mollesse de la mort douce. On l'a bien vu avec les Gilets Jaunes, autre expression de l'histoire furieuse.
Amusant paradoxe. C'est le pays le plus suicidaire, l'Allemagne, qui s'en sort le mieux parce qu'il lui reste de l'histoire tragique le sentiment de sa supériorité raciale et de sa légitimité à étrangler, à travers l'Euro, les races inférieures résidant dans le sud de l'Europe.
La vraie rupture avec la fausse histoire gentille, ça sera l'éclatement de l'Euro, obligeant à assumer de nouveau l'espace naturel de l'histoire tragique, la nation. Ce n'est pas pour tout de suite, mais peut-être pour demain.
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(1) : le vote Le Pen était risqué mais chaque jour qui passe prouve qu'il l'était moins que le vote Macron.
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