« Nous avons toujours coexisté avec les virus »
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Nous avons toujours coexisté avec les virus. Ils font partie de notre monde et si nos ancêtres ont pu construire tout ce qu’ils ont construit, c’est qu’ils ont appris à composer avec eux. Non en les fuyant mais en les domptant. Non en leur déclarant solennellement la guerre comme à une entité maléfique mais en s’y adaptant comme cela a toujours été le cas.
Nous sommes exposés aux virus depuis presque 10 000 ans en Eurasie parce que la propagation des épidémies nécessite de grands rassemblements humains rendus possibles par la révolution néolithique. Par ailleurs, beaucoup de virus sont initialement véhiculés par des animaux (le bétail pour la variole, le canard pour la grippe, etc.). Or, treize des quatorze grands mammifères domestiqués par l’homme sont d’origine eurasienne. Notre coexistence avec les animaux explique que nos ancêtres aient été régulièrement contaminés ces derniers milliers d’années. Quand, progressivement immunisé contre plusieurs de ces virus au cours des millénaires, l’Européen posa le pied sur le continent américain au XVe siècle, les germes qu’il portait décimèrent plus de 90% de la population américaine en quelques décennies…
Aujourd’hui encore, les scientifiques débattent sur la nature inerte ou vivante des virus. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont aussi anciens que la vie sur terre et ce n’est pas demain qu’ils disparaîtront. Non seulement, ils sont là depuis le début mais ils ont accompagné le développement de nos civilisations eurasiennes. Ils en sont en quelque sorte le produit - aussi indésirable qu’inévitable - de ce processus plurimillénaire qui nous a conduits à la prospérité. Les spécialistes considèrent que l’agriculture et l’élevage ont été inventés dans 6 foyers originels où plantes et animaux ont été sélectionnés et domestiqués pour la première fois avant de se répandre par cercles concentriques. Fait cocasse: juste après le Croissant Fertile, le plus ancien foyer agricole au monde est situé dans une zone de la Chine couvrant la fameuse province de Hubei dont la capitale est Wuhan…
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Peut-être avons-nous perdu le bon sens paysan de nos ancêtres qui, certes, vivaient de manière plus rudimentaire mais plus courageuse et plus enracinée dans le réel. Coexister avec le virus ne signifie évidemment pas vivre en harmonie avec lui ou cesser de s’en protéger. Coexister avec le virus signifie simplement refuser fermement qu’il occupe toute la place dont nous avons besoin pour exister. Une place à laquelle nous avons droit. C’est permettre à chaque citoyen de reprendre ses activités et le laisser seul juge des risques qu’il accepte de courir. Vivre est une entreprise risquée. Une vie qui se prémunit contre tout risque est-elle encore une vie digne d’être vécue ?
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