Chirac marche dans les mauvais pas de Mitterrand.
Il est un autre débat que l'adhésion de la Turquie qui risque de disparaître avant même d'avoir été ouvert, c'est celui de la procédure par laquelle la France s'est prononcée sur le sujet. Certes, le président de la République vient d'affirmer solennellement que les Français seront, le moment venu, consultés par référendum. Mais ne sera-t-il pas alors trop tard ?
Si l'on a bien compris le propos du chef de l'Etat, le vote populaire interviendra à l'issue des longues négociations d'adhésion. Dès lors, de deux choses l'une, soit ces négociations échouent en cours de route et il sera inutile de consulter le peuple, soit elles aboutissent et il deviendra quasiment impossible de les désavouer, sauf à infliger à la nation turque un camouflet lourd de rancoeurs et porteur de graves retournements stratégiques.
La décision majeure n'est donc pas celle que prendra le peuple français dans dix, quinze ou vingt ans, c'est celle que le président Chirac a annoncée mercredi soir à la télévision. Or cette décision de proposer une adhésion pleine et entière à la Turquie a été prise par un homme seul. Il est vrai que cet homme n'est pas le premier venu mais le président de la République et que l'article 52 de la Constitution lui confère le pouvoir de négocier et de ratifier les traités. Mais sommes-nous seulement ici dans une procédure juridique dont on se satisferait qu'elle soit conforme au droit constitutionnel ? A l'évidence, non. Il s'agit de l'une de ces décisions politiques telles qu'il en existe quelques-unes par décennie et qui, dans une démocratie, doivent être précédées, et non pas suivies, par le débat le plus approfondi et le plus transparent possible.
En l'occurrence, la décision a été annoncée à la veille du Conseil européen qui va arrêter la position de l'Union sur le sujet, c'est-à-dire à une date où plus aucune discussion n'est possible.
Elle est annoncée sans que le Parlement ni les partis politiques aient été sérieusement consultés, sans même que le pouvoir exécutif se soit expliqué sur les motifs de ses divergences en son propre sein puisque l'on croit savoir que le Premier ministre est sur ce point d'un avis différent de celui du président. Bref, nous sommes dans la monarchie républicaine en ce qu'elle a de plus caricatural et, disons-le clairement, de plus contestable.
Quoi que l'on pense sur le fond de la question turque, la procédure par laquelle la France l'aborde n'est pas le meilleur de l'exception française. Goethe se réjouissait que la Révolution française exporte les Lumières dans toute l'Europe monarchique. Il plaiderait sans doute aujourd'hui pour qu'elles reviennent à Paris.
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