Favilla (Les Echos)
En politique, a dit Tocqueville, c'est la communauté des haines qui fait le fond des amitiés. Si c'est le cas aussi en politique internationale, le cercle vient de s'élargir. Dans une déclaration trop peu relevée, le président du Venezuela, Hugo Chavez, vient d'adhérer bruyamment à celui de l'antisémitisme. Selon lui, « il se trouve qu'une minorité, les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ, s'est emparée des richesses du monde ». Sans revenir sur la théologie, l'affirmation économique est inexacte. Les richesses pétrolières du monde sont pour l'essentiel aux mains d'ennemis des juifs (dont maintenant le Venezuela). Bien que, de cette rente octroyée par la providence, tous ces pays n'aient pas tiré grand-chose pour leurs peuples. En revanche, Israël a su construire, sur une terre exiguë et ingrate, une économie et une démocratie de dimensions respectables. Si une richesse peut leur être reprochée, c'est celle de leur valeur ajoutée. La précision prend plus de sens encore à la veille de la visite à Caracas de cet autre imprécateur et pétrolier Ahmadinejad - de dimensions plus considérables à ces deux titres -, qui parle de « rayer Israël de la carte » et assure que la Shoah est un mythe fabriqué. Ainsi se précisent les critères d'adhésion au club élargi : en premier lieu, naturellement, haïr les juifs ; détester et combattre, fondamentalement, les Américains ; posséder des richesses pétrolières et, subséquemment, ne pas savoir en faire un bon usage ; exciter la haine des pauvres de leurs pays contre un ennemi extérieur, même lointain et mal défini, pour leur faire oublier qu'ils les maintiennent dans leur pauvreté.
A y regarder de près, ce front « pétrole contre valeur ajoutée » a quelques raisons de se métastaser jusqu'à l'Amérique latine. Longtemps opprimés, des Amérindiens prennent ici et là le pouvoir et règlent leur compte avec les Yankees, en réutilisant la confusion avec les juifs avides si employée naguère par les nazis (dont beaucoup se réfugièrent chez eux). La gestion d'effectifs importants de va-nu-pieds (comme en Iran) appelle des messages simples, dont le racisme et la superstition sont les plus commodes [pour avoir voyagé en Iran, je peux vous dire que toutes les catastrophes y sont dues aux juifs, même le mauvais temps et les tremblements de terre.]. On ne peut pas exclure non plus que la disparition de l'Union soviétique ait laissé les leaders antiaméricains orphelins d'une idéologie de substitution - voir Castro... Il reste stupéfiant et, pour tout dire, glaçant, que même dans ce continent éloigné de nos turpitudes euro-moyen-orientales, on ne trouve à nouveau qu'un antisémitisme recuit pour suppléer à l'insuffisance de la pensée [l'anti-américanisme est le socialisme des imbéciles, et l'antisémistisme ?]. Cela vient de loin. Telle prisonnière d'un camp de travail en Pologne ne disait-elle pas avoir dissimulé ses lunettes pour qu'on ne la soupçonne pas d'être juive ? Et tel humoriste juif, que les autres croyants du Livre ne leur pardonnaient pas de leur avoir pris leur religion ? Ainsi s'entretient la communauté des haines.
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