François Delpla me dit trouver excessif l'usage du mot "barbares" dans le texte de Charles Gave.
Cela fait longtemps que je me pose la question des limites du blog. Il m'arrive, à tête reposée, de regretter certaines expressions lachées dans le chaud du moment.
Néanmoins, il y a le ton et il y a le fond. On peut dire de manière véhémente des choses très raisonnables et, inversement, lancer des appels aux meutres sur un ton compassé. Cela s'est déjà vu.
Sur le fond : je ne crois pas que le texte de Charles Gave soit excessif dans son contenu. Il considère les bolcho-bohèmes (autre acception de "bobo") comme des disciples involontaires de Charles Maurras, avec, pour aggraver les choses, un manque de talent affligeant. Je serais mal venu de renier ce texte alors que c'est ce que je pense.
J'avais diagnostiqué depuis longtemps le manque de talent ; par contre, mon association de ces cocos là, les Bové et compagnie, avec le maurrassisme ou le pétainisme est plus récente, ce sont des courants de pensée dont je suis nettement moins familier que des courants libéraux ou jacobins. Mais quelques lectures dont je vous ai fait part (Le vertige social-nationaliste, Le siècle de Monsieur Pétain), plus quelques autres glanées de ci de là, m'ont progressivement ouvert à cette idée.
Maintenant, le ton nuit-il à la sérénité et, par conséquent, à la qualité des débats ? Peut-être, mais il y a aussi un plaisir certain dans le style pamphlétaire.
"Barbares" est-il excessif ? Pour des gens qui ont saccagé un MacDo pour faire parler d'eux et arraché des plantations d'étude, l'excès ne doit pas être bien grand.
Bonsoir !
RépondreSupprimerJe suis sûr que ça ne ferait pas de mal à Franck ni à ses admirateurs de lire de temps en temps un texte d'un autre bord, non réduit à quelques phrases par un venimeux adversaire. Par exemple celui-ci :
Ecole : non au renoncement
La « crise des banlieues » qu’a connue notre pays durant le mois de novembre a été l’occasion, ou le prétexte, pour le gouvernement d’annoncer la fin de la scolarisation obligatoire jusqu’à 16 ans, avec la possibilité d’aller en apprentissage sous contrat de travail dès 14 ou 15 ans, ainsi qu’une nouvelle réforme des zones d’éducation prioritaires (ZEP) qui renie toute ambition de transformation progressiste véritable de notre système éducatif. Certes, il est plus que jamais nécessaire de débattre des difficultés, des modalités et des conditions de la démocratisation de notre système éducatif et de l’accès aux savoirs, ainsi que d’opérer un bilan critique des politiques menées depuis trente ans. Mais ce qui nous est proposé aujourd’hui n’a rien à voir avec cela et relève au contraire du renoncement historique à cette ambition.
Une part de l’opinion publique et du monde enseignant est sans doute favorable à la possibilité pour des adolescents, en difficulté au collège, de quitter celui-ci dès 14 ans pour aller en apprentissage. Mais s’est-on demandé quels jeunes seront concernés en priorité par une telle mesure ? Les fils de ministres, d’avocats, de médecins ou d’enseignants montreront-ils la voie en ce domaine ? Une telle mesure est bien plutôt un moyen de délester le service public d’éducation des questions que lui posent la difficulté et la relégation scolaires et sociales, tout en brandissant l’argument du réalisme et de la prise en considération de la situation difficile qui est effectivement celle de trop nombreux jeunes d’origine populaire aujourd’hui au collège.
Mais ce réalisme est un réalisme illusoire, et il y a pour le moins une énorme hypocrisie à présenter l’apprentissage précoce comme solution pour les jeunes des quartiers les plus paupérisés et les plus stigmatisés : comment peut-on croire ou laisser croire que ces jeunes, qui sont déjà les premières victimes de la discrimination à l’embauche ou pour trouver un stage lorsqu’ils sont élèves de l’enseignement professionnel, ne le seraient plus dès lors qu’ils auraient deux ans de moins ? C’est, en réalité, un réalisme du renoncement, au nom de l’adaptation à une situation urbaine, sociale, économique, culturelle et scolaire engendrée par une politique libérale qui organise la concurrence systématique entre les individus, accroît les écarts et « externalise » les exclus.
Chacun sait que l’apprentissage à 14 ans, ce sera l’orientation encore plus précoce vers des classes où l’on parquera, en attendant, ceux qui sont les premières victimes du fonctionnement élitiste et socialement inégalitaire de notre système éducatif, ceux qu’il faudrait, non pas chercher à séduire par des promesses illusoires, mais au contraire réconcilier avec l’étude, le travail et la culture scolaires. Chacun sait que cette mesure est aux antipodes d’une véritable formation, générale et professionnelle, et qu’elle témoigne d’un mépris détestable pour les métiers dits « manuels » qu’elle réduit à de simples tâches d’exécution, ne nécessitant qu’une formation scolaire au rabais.
Chacun sait que le vrai courage politique ne consiste pas à « traiter » les problèmes par l’exclusion, mais à s’attaquer, le plus tôt possible, et donc dès les premières classes, à la genèse de l’échec et de la ségrégation scolaires. Non, l’issue n’est pas dans la politique du renoncement mais dans une politique qui rompe avec la gestion sociale de l’inégalité et de la ségrégation sociales et scolaires, qu’est devenue, au fil du temps, la politique « en faveur des plus démunis ». Non il n’est plus possible d’accepter que, dans ce domaine comme dans tant d’autres la protection sociale et l’emploi en particulier , les hommes politiques qui nous gouvernent s’évertuent à transformer les victimes en coupables, à envoyer en permanence aux vaincus du libéralisme des signaux leur disant : « C’est de votre faute ! Vous n’aviez qu’à être du côté des vainqueurs ! » Cette pensée qui bafoue l’idéal d’une république sociale est à l’inverse de ce qui permettrait à notre peuple de redresser la tête et de prendre sa place dans un monde solidaire. Faut-il rappeler, une nouvelle fois, qu’« une chaîne ne vaut que ce que vaut son maillon le plus faible » ?
Les mesures annoncées par le gouvernement concernant les ZEP participent ainsi, elles aussi, d’une détestable politique du renoncement. C’est tout d’abord l’annonce selon laquelle cette nouvelle « relance » des ZEP devra se faire à moyens constants, alors que tous les analystes de cette politique insistent sur la faiblesse des moyens qui lui ont été accordés. Annonce renforcée, quelques jours plus tard, au beau milieu des vacances scolaires, par celle d’une diminution de plus de 30 % des postes mis au concours en 2006. C’est ensuite la concentration quasi exclusive des mesures annoncées sur les collèges qui, d’une part, pourrait laisser croire qu’il n’y aurait pas de problème en amont, à l’école maternelle et élémentaire et, d’autre part, qu’il n’est pas nécessaire de s’attaquer aux processus de ségrégation sociale, urbaine et scolaire qui produisent la paupérisation et la précarisation croissantes d’une part de plus en plus grande de la population habitant ou fréquentant les quartiers et les établissements scolaires « de banlieue ». C’est encore la possibilité donnée aux meilleurs élèves de ZEP de s’inscrire dans l’établissement de leur choix qui affiche, en creux, le peu d’ambition que l’on a pour les établissements qui concentrent déjà aujourd’hui, et concentreront encore plus demain, les élèves les plus « défavorisés » et, en particulier, évidemment, les lycées de banlieue qui vont se trouver de plus en plus ghettoïsés, bloquant plus que jamais l’ascenseur social qu’on prétend faire redémarrer.
C’est enfin l’accent exclusif mis sur l’individualisation des mesures et sur la volonté, affirmée aussi bien par Gilles de Robien que par Nicolas Sarkozy, de ne plus donner la priorité aux « zones » mais aux élèves. A ce moment encore, derrière une question qui mérite débat (faut-il privilégier une approche en termes de territoires, ou en termes de rapports entre le système éducatif et certaines catégories de population ?), se dissimule bien mal une volonté de renoncement à la transformation nécessaire de l’Ecole et de lutte contre toutes les formes de « fracture sociale ». On voudrait nous laisser croire, en privilégiant une logique de traitement individuel, qu’il suffirait de mieux « adapter » les enfants de milieux populaires (à grands renforts de soutien, de rattrapage, de parrainage, voire de culpabilisation ou de pénalisation de leurs parents) à un système éducatif dont le fonctionnement élitiste pourrait demeurer inchangé. Mais les enfants des « banlieues », ceux des milieux populaires posent au contraire, à notre société comme à notre Ecole, le problème de leur nécessaire transformation ; ils nous obligent à mieux penser et à mettre en oeuvre les conditions, sociales, économiques et scolaires de la démocratisation de l’accès au savoir et à l’exercice de la pensée critique. Perspective à laquelle tourne obstinément le dos ce gouvernement autiste, enfermé dans une logique du renoncement qui lui fait brader toute ambition pour l’Ecole et qui le conduit à promettre une scolarité au rabais à ceux qui auraient au contraire besoin, non seulement de plus mais de mieux d’Ecole.
Quand cette politique s’accompagne d’une multitude d’autres renoncements plus ponctuels mais tout aussi significatifs : abandon, en terminale, des travaux personnels encadrés qui permettaient la formation au travail de groupe et à la recherche documentaire exigeants, imposition aux professeurs d’école de la méthode syllabique au détriment d’un apprentissage progressif et critique de la lecture tout au long de la scolarité, présence dans les établissements de forces de police pour faire régner l’ordre alors qu’on refuse à ces mêmes établissements les moyens en conseillers principaux d’éducation et en cadres éducatifs, enseignement des « bienfaits » de la colonisation, réduction de l’éducation civique à l’apprentissage de la Marseillaise, etc., alors il n’est plus temps de s’inquiéter, il est urgent de chercher, par tous les moyens, à résister.
Signez en ligne
Premiers signataires :
Chantal Amade-Escot, Université Paul Sabatier Toulouse ; Jean-Pierre Astolfi, Université de Rouen ; Anne Barrère, Université Lille III ; Élisabeth Bautier, Université Paris VIII ; Stéphane Bonnéry, Université Paris VIII ; Marc Bru, Université Toulouse-le-Mirail ; Yves Chevallard, IUFM d’Aix-Marseille ; François Dubet, Université Bordeaux II ; Marie Duru-Bellat, Université de Bourgogne ; Sylvia Faure, Université Lyon II ; Jacques Fijalkow, Université Toulouse-le-Mirail ; Dominique Glasman, Université de Savoie ; Roland Goigoux, IUFM d’Auvergne ; Jean Houssaye, Université de Rouen ; Samuel Johsua, Université de Provence ; Bernard Lahire, ENS Lyon ; Alain Legardez, IUFM d’Aix-Marseille ; Claude Lelièvre, Université Paris V ; Gérard Mauger, CSU-CNRS ; Philippe Meirieu, Université Lyon II ; Mathias Millet, IUFM de Poitiers ; Jacques Pain, Université Paris X ; Patrick Rayou, IUFM de Créteil ; Jean-Yves Rochex, Université Paris VIII ; Françoise Ropé, Université d’Amiens ; Gérard Sensevy, IUFM de Bretagne ; Jean-Pierre Terrail, Université Versailles Saint-Quentin ; Daniel Thin, Université Lyon II
post-scriptum : la non-lecture
RépondreSupprimerje n'avais pas reproché l'usage su mot barbare mais son usage COMPULSIF
nuance négligée par Franck
ça étonne quelqu'un ?