jeudi, janvier 26, 2006
Les territoires perdus de la République (E. Brenner)
FF
Un livre terrifiant sur les violences, notamment antisémites, racistes et sexistes, à l'école. Terrifiant, mais pas surprenant : à partir du moment où l'école est devenue, suivant le titre d'un autre livre, "l'école des egos", cela ne pouvait qu'advenir.
L'enfant n'est pas naturellement civilisé, c'est pourquoi la discipline inculquée à l'élève est à la fois la condition et un des résultats de l'instruction.
Considérer la discipline comme un archaïsme barbare ouvre la porte à la violence, car c'est la discipline qui crée la retenue, la politesse, la réflexion, c'est le contraire de la spontanéité et de la violence.
Un exemple : une jeune prof, à des élèves qui ne savaient pas lire, proposa d'écrire en groupe un roman policier. Les naïfs s'étonneront de cette bien curieuse démarche : faire écrire, collectivement, des élèves qui, individuellement, ne savent pas lire. Les familiers du constructivisme pédagogique (l'élève construit lui-même ses savoirs) auront reconnu là sa patte inimitable de cuistrerie pseudo-novatrice. Que croyez vous qu'il arrivat ? Les élèves écrivirent, avec plus de fautes d'orthographe que de mots -c'est un détail sauf pour un vieux con dans mon genre, une sorte de "Massacre à la tronçonneuse au collège". Tous les profs y passèrent, en imagination, avec force trouvailles sadiques et sanglantes. La jeune prof maquilla le roman de façon à ce que les personnages devinssent moins identifiables et reçut les félicitations de l'inspection académique ! Le progrès fait rage. Après cela, il devient difficile de se formaliser, la bouche en coeur, des violences scolaires.
Autre cas navrant où la Gentillesse fait des ravages : après des agressions antisémites, un proviseur décide d'organiser une discussion sur le sujet. Faut-il que la connaissance des choses humaines soit tombée bien bas pour qu'un homme cultivé croit que la discussion est la solution d'une violence irrationnelle, peut-être n'y croyait il pas, peut-être était-ce seulement la fuite devant la nécessité d'un acte d'autorité. Passons, de toute façon, après quelques minutes, une fois les premières hésitations surmontées, la "discussion" s'est transformée en déchaînement incontrôlé d'insultes et de clichés antisémites, à l'épouvante des adultes présents.
Autant la "tolérance zéro" avec des adultes me semble démagogique, autant elle est indispensable avec des enfants qui sont d'inlassables chercheurs de limites entre le permis et l'interdit. Et qu'on ne sorte pas les histoires de père Fouettard, il faut vraiment de ne jamais avoir vu un enfant de près pour ignorer qu'il y a des degrés et des subtilités dans la réprimande, mais aussi des nécessités.
Les violences sexistes ne sont pas les moins préoccupantes car elles atteignent des couches psychologiques très profondes. Je connais un jeune couple d'une vingtaine d'années où toute l'expression ou presque est le cri, la violence, la colère, le rapport de force. Le contexte familial y est sûrement pour quelque chose, mais je ne peux m'empêcher de penser que cette pauvreté d'expression et de sentiment n'a pas trouvé de remède à l'école et que c'est un manque de celle-ci. Visiblement, les sentiments tendres, c'est pour les "Feux de l'amour", c'est pour la télé, pas pour la "vraie vie".
Comme le disait Marc Le Bris avec humour à propos d'un incident dans son école, il est normal que les garçons veuillent soulever les jupes des filles, mais il est inadmissible qu'ils ne disent pas "S'il te plaît".
Les violences antisémites et sexistes sont, essentiellement, le fait des élèves maghrébins, qui excellent, par ailleurs, à se poser en victimes du racisme pour invoquer cette fausse logique comme quoi une victime du racisme ne saurait être elle-même accusée de racisme. Les témoignages mettent bien en évidence une origine familiale de cette phobie anti-juive et anti-féminine (ce qui me renforce dans mon idée que l'école doit être un sanctuaire). Les violences antisémites se sont multipliées au point d'entraîner une fuite vers les écoles privées juives, qui se barricadent comme en état de siège (je le sais : j'en ai une en bas de chez moi).
Il y a clairement une démission de certains professeurs, par exemple qui ne présentent plus la Shoah en histoire. Des professeurs ont refusé d'inscrire sur le fronton du lycée "Liberté Egalité Fraternité" pour "ne pas entrer en conflit avec certains élèves". Heureusement, d'autres se battent, avec l'inconvénient de ne pas être soutenus, puisque la consigne est "Surtout, pas de vagues". C'est ainsi qu'une déléguée de classe déclarant "Je hais la France" en conseil de classe et qui a refusé de présenter des excuses n'a fait l'objet d'aucune sanction malgré la demande d'un professeur.
A l'idée d'inviter la déportée (juive) Ida Grinspan, des professeurs s'opposent : "Non, nous avons trop d'élèves arabes, par contre, si tu veux inviter une déportée non-juive ..." Sans ccommentaire.
J'ai sélectionné quelques témoignages édifiants. Ceux qui trouvent excessive mon accusation d'immaturité vis-à-vis de certains professseurss liront avec profit le passage sur le manichéisme concernant la question palestinienne, c'est être charitable que d'attribuer une telle attitude à l'immaturité.
(Petit problème technique : il vous faudra tourner les pages d'un quart de tour dans votre lecteur pdf -icone au milieu de la barre d'outils le plus souvent)
Témoignage 1
Témoignage 2
Témoignage 3
Au risque de passer pour un drole de zouave, il me revient deux versets d'un livre honnis par beaucoup:
RépondreSupprimerOsée 4: mon peuple meurt, faute de connaissance
Et Proverbe 29: le peuple meurt faute de vision.
Textes passéistes, dont un ancien religieux m'a indiqué en son temps qu'ils signifiaient tout simplement qu'une nation, qu'un peuple, qu'un pays qui oublie l'héritage légué par ses ancêtres, soit pour le jeter aux orties, soit pour l'instrumentaliser n'a d'autre avenir que celui de l'obscurité, du désarroi.
Ce passage du blog - avec d'autres notamment ceux en lien avec les méthodes de lecture - me fait aussi penser dans le domaine scientifique à la citation de Newton au Royal College de Londres. Encensé pour ses découvertes, le scientifique, modeste pour l'occasion, a dit " si j'ai pu voir loin, c'est que j'étais sur les épaules de géants".
Manière de dire que le savoir est cumulatif et qu'on voit toujours mieux quand on s'appuie aussi sur les résultats des géants passés, plutôt que de vouloir toujours faire table rase du passé, ou ne pas l'apprendre.