dimanche, mai 13, 2007
La crise des années 30 est devant nous (F. Lenglet)
FFF
Petit livre terrifiant : l'auteur y dresse, à coup de citations frappantes, un parallèle entre notre époque et les années 30 qui ne peut qu'inquiéter.
Examinons la chose dans l'ordre des chapitres :
1) Retournements
a) La finance : comme le dit l'adage boursier, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Déjà dans les années 20, il y a eu des théories sur la "nouvelle économie" expliquant que les krachs étaient choses du passé. On sait ce qu'il en est advenu.
On peut d'ailleurs noter qu'internet est bien moins révolutionnaire que ne le furent en leur temps le chemin de fer et le télégraphe.
Il est certain qu'il va y avoir un krach boursier, je suis d'accord avec Lenglet, nous sommes entre deux krachs boursiers, et un krach immobilier.
Le tout est de savoir quelles en seront les conséquences. Or, même si celui de l'an 2000 n'était pas le "vrai" krach, l'économie a plutôt bien résisté.
Le problème actuel est que les risques financiers sont très répartis et, en grande partie, inconnus. Cela rend le système économique résistant, mais, si il cesse de résister, la crise risque d'être très profonde.
b) L'Europe : elle se désagrège à grande vitesse et peu d'espoir est permis de ce coté.
c) La géopolitique : le risque d'une guerre mondiale partant d'Asie est très important. De tous les risques recensés par cet ouvrage, celui-ci me paraît aussi probable que le krach. La France est devenue tellement provinciale que l'Asie ne l'intéresse que dans la mesure où elle est directement concernée. Pour elle, l'Asie, c'est les T-shirts à 1 € et les lecteurs de DVD à pas beaucoup plus.
Pourtant, c'est aussi une région en proie à une course aux armements débridée, aux nationalismes pas du tout apaisés et aux rancoeurs tenaces.
Je parierais bien que quelques temps (années ? Mois ?) après l'euphorie éphémère des JO de Pékin, la question taïwanaise redeviendra brûlante, avec une guerre pas du tout froide en perspective.
Taiwan risque d'être notre Dantzig.
2) Régressions françaises :
a) Elites en crise : comme dans les années 30, le peuple a les élites politiques et économiques qu'il mérite. Certaines pages de Marc Bloch ou de Bertrand de Jouvenel sont d'une actualité inquiétante.
Les élites économiques renient de plus en plus souvent leur patrie (par exemple, Franck Riboud a déclaré que la question de la nationalité de Danone n'était plus pertinente).
Quant aux élites politiques, le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'éclairent pas la voie.
b) Le populisme : le populisme consiste à dire que le peuple, le "pays réel", sait mieux que les experts, que les dirigeants. Inutile d'y insister au sortir d'une campagne électorale où tous les camps ont utilisé la populisme à doses de cheval.
c) La crise d'identité : là encore, comme dans les années 30, tout s'articule : immigration, tensions internes et doutes sur notre place internationale.
Un des signaux les plus inquiétants est, là encore comme dans les années 30, l'abandon par les socialistes de leur internationalisme, comme Dominique Réynié le rappelait d'ailleurs quelques semaines après le NON au TCE, dans Le vertige social nationaliste. A l'époque, Léon Blum, s'avouant "épouvanté", avait fait barrage à Adrien Marquet, ultérieurement frappé d'indignité nationale pour faits de collaboration (1). On cherche encore le Blum d'aujourd'hui (2).
d) Les illusions économiques : non, pas plus que dans les années 30, la France n'est pas aujourd'hui un ilôt qui serait préservé par on ne sait quel miracle des vents du large de l'économie mondiale.
e) Eclipse des Lumières : sur ce point, en bon libéral, je suis de fer, voire d'acier, le relativisme ne passera pas par moi. Hélas, on ne peut pas dire la même chose de tous, y compris de quelqu'un qui fut Président de la République pendant les douze dernières années.
Or, le relativisme est mortel pour la démocratie : elle repose sur l'idée que certaines valeurs, fondamentales, sont applicables à tous car la condition humaine est la même pour tous. C'est le fameux "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".
Ce n'est pas pour rien qu'André Malraux, qui avait vécu la crise des années 30, a plus tard déclaré "La France n'est jamais plus grande que quand elle parle pour tous les hommes."
Pour conclure, la crise des années 30, en France, a, au fond, les mêmes causes que notre crise actuelle, le refus des réalités, articulé au refus de l'universalisme : une France volontairement aveugle et sans ambitions, maladie dont la cause était, déjà, d'après Alfred Sauvy, dans le vieillissement de la population.
Gardons cependant à l'esprit que comparaison n'est pas raison et que l'histoire ne se répète jamais, même sous forme de farce (décidément, je ne suis pas marxiste).
L'histoire est très chaotique au sens physique du mot, une petite différence initiale peut résulter en une grande différence finale : une baïonnette levée de quelques centimètres et Charles De Gaulle meurt en 1916, un obus quelques mètres à droite ou à gauche et le caporal Hitler se transforme en chaleur et en lumière, des Boers un peu plus précis et Winston Spencer Churchill trouve une mort de jeune héros.
Espérons que, l'histoire portant leçon, nous ne commettons pas les mêmes erreurs que les hommes des années 30. C'était d'ailleurs ma raison de voter Sarkozy : certes, il est populiste ; certes, il a fait des promesses contradictoires, mais tout de même, il refuse moins de regarder le monde en face, il refuse moins de laisser deviner un projet, que son adversaire, mais que c'est étriqué par rapport aux enjeux !
Sera-ce suffisant ? J'en ai l'espoir, non la certitude.
(1) : un petit aparté : la gauche actuelle se présentant comme le camp du Bien oublie sa propre histoire. Nombre de socialistes se sont ralliés à la Révolution Nationale du Maréchal. Et si il n'y avait pas de camp du Bien, mais seulement des options politiques ?
(2) : je scrute la vie du PS car ce parti me paraît très malade et je m'en inquiète.
Le livre essentiel du moment....indispensable pour prendre du recul et analyser ce qui nous arrive en ce début de siècle. Ce livre restera dans l'histoire, c'est une évidence....du moins si notre civilisation parvient a éviter le pire..ce qui n'est pas gagné d'avance si les démocrates modérés de tout bords ne s'unissent pas pour
RépondreSupprimer- raisonner l'ultracapitalisme qui est a l'origine de la montée rapide des extremes
- refroidir les derives des blocs ultracapitalisme et socialo-communiste qui s'apprete a en découdre
- ressouder l'Europe et en faire le balancier moderé et naturel entre les deux blocs, celui déclinant les USA et celui montant (Sino-russe)
il va falloir aller vite, car nous entrons de plus en plus dans l'avant guerre.
Bayrou est un visionnaire, c'est lui qui a raison...sans une approche non ideologique, démocrate et moderée nous allons vers une déflagration...
pauvre de nous