Ce livre est essentiellement pour réhabiliter, si il en était besoin, HCT Dowding.
Plus que tout autre, il mérite les lauriers de la Bataille d'Angleterre. C'est lui qui a conçu l'architecture de défense et fait développer les matériels, qui ont permis cette victoire. Il a de plus imaginé la meilleure (ou la moins mauvaise) stratégie possible.
Cependant la fin de sa carrière fut ce que les Anglais appellent une disgrace, une honte. Ni Churchill ni Douglas Bader ni Sholto Douglas ne se montrèrent dans cette affaire sous leur meilleur jour, c'est le moins qu'on puisse dire.
Cerné des médisances et des jalousies que lui valut son caractère abrupt, il fut démis comme un malpropre de son commandement du Fighter Command, un rapport officiel allant même jusqu'à dire que la Bataille d'Angleterre fut «mishandled», ce qui est rigoureusement l'inverse de l'avis de la majorité des pilotes de l'époque et de la totalité des historiens et experts actuels.
Mais déferle la bassesse, lui peut regarder le ciel sans pâlir et le terre sans rougir (1).
Deux conclusions :
> les hommes sont d'une ingratitude féroce même, et peut-être surtout, envers ceux à qui ils doivent le plus. Le sommet fut atteint par le Ministère de l'Air, qui réussit à écrire une histoire de la Bataille d'Angleterre sans mentionner Dowding, ce que Churchill compara à écrire l'histoire de Trafalgar sans parler de Nelson, mais lui-même fit peu de cas de Dowding dans ses propres mémoires.
> on finit toujours par savoir qui sont les vrais héros. Ni Douglas Bader (qui fut dans son genre un héros), ni Sholto Douglas n'ont leur statue sur le Strand. Dowding l'a (2). Les pilotes de base n'ont jamais eu aucun doute.
Enfin, on se concentre souvent sur les organisations, mais les individus comptent. Un De Gaulle, un Churchill, un Dowding, et la face du monde est changée.
Addendum : j'ai oublié de préciser. Dowding s'est opposé à Churchill sur l'envoi d'escadrons outre-Manche dans une tentative désespérée d'aider les Français. Ce qui a fait dire à Dowding : «Churchill peut raconter ce qu'il veut sur la Bataille d'Angleterre. Sans moi, il l'aurait perdue avant quelle commence.»
Hitler n'avait probablement pas l'intention de débarquer en Angleterre (Churchill en était convaincu, contrairement à ce qu'il dit dans ses discours). Mais si la RAF avait été éradiquée pendant la Bataille de France, le parti du «bon sens», c'est-à-dire de la négociation avec Hitler, de Lord Halifax aurait peut-être triomphé.
Enfin, la propagande vichyste a insisté sur la trahison britannique. Pourtant, il est clair que Churchill était prêt à se raccrocher à la moindre velléité de résistance française et c'est faute d'avoir reçu un signe d'une quelconque volonté de résister qu'il s'est résigné à retrancher derrière la Manche.
(1) : citation de De Gaulle pour les parachutistes de la France Libre qui me semble convenir à Dowding.
(2) : non pas payée par l'Etat, les haines des ronds-de-cuir sont tenaces et vous poursuivent par delà la mort, mais par une souscription des pilotes, ce qui augmente sa valeur.
très intéressant. Merci pour cette plongée dans l'histoire que je connais très mal.
RépondreSupprimerJe retiens le nom du personnage.
Il faut dire que Dowding croyait communiquer avec les esprits, ceux de sa femme et de ses pilotes morts, et ne s'en cachait pas.
RépondreSupprimerMais les Anglais ont l'habitude de l'excentricité. Ce ;n'était pas une raison pour le virer.
On peut tout de même dire à la décharge des adversaires de Dowding que sa victoire paraissait moins nette à l'époque que maintenant. Car les archives des deux cotés ont permis de revenir sur la surévaluation anglaise de la Luftwaffe. Les Anglais (et les Français durant la Bataille de France)ont plus entamé le potentiel de la Luftwaffe qu'ils ne l'ont cru.
Un point reste chaudement débattu entre historiens militaires : la Bataille d'Angleterre ne fut ni une victoire allemande ni une défaite anglaise, mais fut-elle une défaite allemande et une victoire anglaise ?
Des historiens allemands soutiennent que la Luftwaffe fut en état de combattre efficacement jusqu'en 1944 donc que la Bataille d'Angleterre ne fut pas une défaite.
C'est une vision étroite : ^politiquement, stratégiquement, ce fut bien une défaite.
De plus, ce débat est pollué par le fait que Leigh-Mallory, qui a le plus fait pour savonner la planche à Dowding, a conçu et mené les opérations Rhubarbe et Cirque (décrite par P. Clostermann dans Le Grand Cirque) consistant à aller cherché la Luftwaffe chez elle (c'est-à-dire en France).
Or, elles se sont avérées franchement mauvaises : en allant attaquer la Luftwaffe, la RAF perdait ses avantages : guidage radar, plus de temps de vol disponible pour le combat.
Bonjour et bonne année.
RépondreSupprimerJe ne connais pas le dossier dans tous ses détails, ayant surtout travaillé sur la campagne de France.
Ce que je peux dire, c'est que Churchill menait de front deux politiques : maintenir la France au combat le plus longtemps possible, et conserver à l'Angleterre les moyens de poursuivre la guerre seule.
"Gouverner c'est choisir", dira-t-on peut-être, et dit Dowding lorsqu'il prétend qu'en freinant des quatre fers l'envoi des squadrons sur le continent, il a empêché la bataille d'Angleterre d'être perdue avant de commencer.
Mais justement non ! Plus l'effondrement de la France aurait été hâté, plus les chances de Churchill de maintenir son pays dans la guerre auraient été faibles.
Avec une France ne se rendant que le 17 juin, c'était déjà tout juste, alors si elle avait demandé l'armistice début juin en invoquant l'arrêt de toute aide anglaise, la poursuite de la guerre par l'Angleterre seule aurait tenu de l'absurdité et il ne manquait pas de gens à Londres pour prôner alors ouvertement le renversement d'un premier ministre en échec total (tant dans sa francophilie que dans son antinazisme), et la paix concomitante.
Certes, mais un pilotage de cette finesse requiert une part de chance.
RépondreSupprimerPeut-être que cette manœuvre (promettre à Reynaud des avions et des pilotes que Churchill finit par ne pas envoyer) était la meilleure possible pour gagner du temps sans se découvrir.
Cependant, il ne semble pas qu'elle ait été délibérée (bien sûr, si Churchill a fait une promesse avec l'intention de ne pas la tenir, il s'est bien gardé d'en parler).
Pour en revenir à Dowding, qui est le sujet du livre, il a lui aussi eu chaud aux fesses : le système de défense avec guidage radar et et postes de commandement coordonnés est son oeuvre. Or, il n'a vraiment été au point qu'au moment de l'évacuation de Dunkerque, just in time.
Des problèmes techniques mineurs ont encore gêné le guidage (notamment, des pbs de mesure d'altitude) pendant toute la Bataille d'Angleterre).