A quelques exceptions, la presse ne brille pas par ses qualités intellectuelles.
On peut accuser le gauchisme (1), qui abrutit le débat, ceux qui y participent et ceux qui le rapportent : sur des sujets aussi importants que l'immigration, la culture et l'assistanat, il est impossible de tenir publiquement un discours autre que celui de la gauche sans se faire traiter de fasciste (prière de ne pas rigoler : le fascisme, c'est sérieux, l'ennemi est à nos portes et tout et tout ...).
C'est bien connu, quand on pense tous la même chose, c'est qu'on ne pense plus.
Mais Nicholas Nassim Taleb (NNT), dans le Cygne Noir, pointe une autre cause, plus originale.
Le monde est chaotique. Il arrive des événements surprenants et peu explicables, qui ne répondent pas de gentilles logiques bien linéaires : les attentats du 11 septembre, le krach boursier, etc ...
Or, les journalistes sont, par nécessité professionnelle, parce que c'est ce qui fait plaisir à leurs lecteurs, des raconteurs d'histoires. Il leur faut de belles causes, bien nettes, qui s'enchainent avec de beaux effets, entourés de circonstances précises.
Pour un journaliste, déclarer «Il arrive ça. Hé bien ma foi, je n'ai absolument aucune idée de la cause, mais alors là, que dalle !» est quasiment une faute professionnelle (alors que ça serait une preuve de modestie et d'honnêteté, mais «journaliste modeste» est un oxymore).
C'est particulièrement flagrant avec la bourse : si vous écoutez une radio d'information, vous l'avez constaté.
La bourse monte à 11 h, on vous explique que c'est du à une bonne statistique. La même bourse descend à 13 h, le journaliste (celui de tout à l'heure) vous explique sans se démonter que la bonne statistique fait craindre une remontée des taux directeurs par la banque centrale.
Alors que la seule vraie explication, c'est qu'il n'y a pas d'explication ou, ce qui revient au même, qu'il y a autant d'explications que d'intervenants sur le marché.
En résumé, par sa position de raconteur d'histoire, le journaliste est condamné à être toujours en porte-à-faux vis-à-vis du monde tel qu'il est, chaotique, désordonné, sans guère de rime ni raison.
C'est pourquoi le bavardage journalistique finit toujours par sonner creux aux oreilles habituées au bruit du monde.
NNT fait le même genre de critique aux universitaires : ils sont bornés, enfermés dans leur petit savoir étroit, et en plus, souvent arrogants et précieux.
Mais le monde déborde, bouscule les jolis cadres qui délimitent les disciplines universitaires et qui commandent la distribution des places et des crédits.
NNT oppose les érudits, que leurs connaissances diversifiées rendent capables de comprendre la précarité et l'instabilité du monde («le monde est une branloire pérenne») aux universitaires, prisonniers de leur savoir «gaussien».
Pour illustrer son propos, il soumet une devinette : je fais l'hypothèse que j'ai une pièce équilibrée. Je la lance 99 fois, elle fait pile 99 fois, quelle est la probabilité qu'elle fasse pile la centième fois ?
Je vous mets une photo (ayant un rapport lointain avec le sujet) pour retarder la réponse, histoire que vous jouiez vous aussi.
Un universitaire, fier de son savoir, répondra 50 %.
Un entrepreneur originaire de Brooklyn (pour NNT, le sommet de l'intelligence pratique) pensera «out of the box» et vous répondra que votre hypothèse comme quoi la pièce est équilibrée est fausse.
Bien évidemment, le vrai monde, c'est celui du brooklynien, celui de l'universitaire n'existe pas, il n'a aucun intérêt.
Je me sens à l'aise avec NNT : sa vision du monde, et certaines détestations qui l'accompagnent (2), rejoint la mienne.
Mais il est vrai que ce Libanais, vivant aux Etats-Unis, éduqué en un temps où l'on n'avait pas encore honte d'enseigner la culture «bourgeoise» dans un lycée français, classe Montaigne en tête de ses auteurs préférés !
(1) : sondage de Marianne à l'occasion des dernières élections présidentielles. Les rédactions interrogées votaient à gauche, y compris celles des quotidiens réputés de droite, à plus de 60 %.
(2) : ils n'aiment pas beaucoup les PDGs, les politiciens et les banquiers, gens qui ont l'arrogance de croire et de vouloir persuader autrui qu'ils sont capables de maitriser l'incertitude du monde.
Quand j'ai lu Taleb, sur le test de la pièce, je suis tombé dans le piège avec rage !!! Pourtant je serais plus Brooklyn qu'autre chose dans mon parcours.... La lecture de Taleb est une trés bonne piqure de rappel.
RépondreSupprimerNous sommes dans la société du story telling généralisé : le juste sera le plus cohérent en fonction de croyance, propagande, a-priori, scénario....
Le 911 est le plus illustratif à mes yeux mais nous allons là vers un débat trop complexe et sensible (je suis un infâme complotiste !).
Il est plaisant de voir que nous avons eu le même plaisir à lire ce livre...
Quant aux journalistes, experts et économistes télégéniques, ils ne sont là que pour justifier les pages de pub....
Remarquez le point suivant : la plupart des journalistes femmes à la télé, sont toutes plutôt jolies, jeunes et bien foutues. En terme de probabilité, il est anormal qu'il n'y ait pas une grosse moche à lunettes, si le critère de sélection est la compétence et la curiosité.
La devinette est faussée: l'auteur nous demande d'admettre une hypothèse de départ (que nous admettons, puisque nous sommes dans une pure spéculation intellectuelle), puis affirme après coup que cette hypothèse est fausse.
RépondreSupprimerC'est de la malhonnêteté intellectuelle. Cela ne démontre rien.
La bonne réponse est bien 50%.
En revanche, ce que Taleb tente de démontrer par cette devinette (à savoir que l'on a tendance à ne pas remettre en question les hypothèses communément admises) est bien exact.
C'est simplement sa démonstration qui est fausse.
«C'est de la malhonnêteté intellectuelle. Cela ne démontre rien.»
RépondreSupprimerJe peux inverser votre raisonnement : vous étiez dans une situation confortable, sans pression, et vous saviez que l'auteur voulait vous emmener quelque part.
C'est le maximum qu'il pouvait faire pour être gentil avec vous.
Pour tester votre capacité à ne pas vous laisser enfermer, il ne pouvait pas mettre un avertissement «Attention ! Piège § Pensez out of the box !»
«je suis un infâme complotiste !»
A la lumière du livre de Taleb, on peut interpréter la théorie du complot de deux manières opposées :
> le complot existe est c'est un Cygne Noir.
> les attentats sont le Cygne Noir et la théorie du complot est l'humaine tentative pour rationaliser le chaos.
Je penche de très loin pour la seconde hypothèse.
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RépondreSupprimerLe monde est chaotique. Il arrive des événements surprenants et peu explicables, qui ne répondent pas de gentilles logiques bien linéaires : les attentats du 11 septembre, le krach boursier, etc ...
Or, les journalistes sont, par nécessité professionnelle, parce que c'est ce qui fait plaisir à leurs lecteurs, des raconteurs d'histoires. Il leur faut de belles causes, bien nettes, qui s'enchainent avec de beaux effets, entourés de circonstances précises.
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Bref, le monde rononne en temps "ordinaire". Je pense que le capitalisme et nos gouvernants (enfin, les plus avisés d'entre eux) se sont mis en tête de profiter des cygnes noirs pour faire avancer leurs pions.
De ce fait, je pense que le livre de NNT est à rapprocher du livre "La stratégie du choc : La montée d'un capitalisme du désastre" de Naomi Klein.
«le capitalisme et nos gouvernants (enfin, les plus avisés d'entre eux) se sont mis en tête de profiter des cygnes noirs pour faire avancer leurs pions.»
RépondreSupprimerEt un complotiste de plus parmi mes lecteurs. Qu'ai je fait pour attirer cette engeance maudite ?
Quant à citer Naomi Klien comme référence, je crois que j'aurais encore préféré Naomi Campbell.
cher FB,
RépondreSupprimer"les attentats sont le Cygne Noir et la théorie du complot est l'humaine tentative pour rationaliser le chaos"
vous vouliez dire :
"le complot est le Cygne Noir et les attentats sont l'humaine tentative pour rationaliser le chaos."
:-)
Entre deux cygnes noirs lequel choisir ?
Je suis un infame cool-soft-complotiste
Bien à vous.
J'oubliais un truc sur le livre de N.Klein. Il est trés bon. Bien sûr sa haine viscérale des néo-cons la pousse un peu loin mais d'un point de vue documentation et argumentation, il est trés fort. Il n'y a pas en France aujourd'hui quelqu'un capable d'écrire un tel bouquin.
RépondreSupprimerJ'émets l'hypothèse que les néo-cons ont véritablement trahi les idéaux de la philosophie libérale...... Je résume cela en disant à quel point j'adore Hayek et je déteste Friedman (père et fils). C'est un vaste débat.
Par contre, je ne retiens pas du tout l'idée d'une exploitation de cygne noir par les "capitalistes" : trop conformistes, trop étroits d'esprit,.....Les cygnes noirs sont aussi la main invisible d'A Smith.
Ce n'est pas l'intelligence de N. Klein que je mets en cause, mais son orientation : on peut employer beaucoup d'intelligence à défendre de mauvaises idées (remember JP Sartre).
RépondreSupprimer«les néo-cons ont véritablement trahi les idéaux de la philosophie libérale»
Oui
«le complot est le Cygne Noir et les attentats sont l'humaine tentative pour rationaliser le chaos.»
Pourquoi pas ? Mais l'explication la plus simple, la plus économe, est encore, la version «officielle» mélange d'imagination de la part des terroristes, d'incompétence de la police et de malchance.
Et puis, franchement, un complot, pour quoi faire ? Ca ne tient pas la route.
«je ne retiens pas du tout l'idée d'une exploitation de cygne noir par les "capitalistes" : trop conformistes, trop étroits d'esprit»
Evidemment.
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RépondreSupprimer«le capitalisme et nos gouvernants (enfin, les plus avisés d'entre eux) se sont mis en tête de profiter des cygnes noirs pour faire avancer leurs pions.»
Et un complotiste de plus parmi mes lecteurs. Qu'ai je fait pour attirer cette engeance maudite ?
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Complotiste ? Mes propos n'étaient pas complotistes ! Vous en voyez partout ma parole !
Je vais reformuler pour éviter votre filtre je-vois-des-complotistes-de-partout :
«
le capitalisme et nos gouvernants (enfin, les plus avisés d'entre eux) présentent les données de tous les jours selon l'angle qui les arrangent pour conforter leurs positions, leurs dires et leurs propositions, et tendent aussi à profiter des évènements inattendus pour faire avancer leurs pions, moyennant notamment pression et peur du futur pour conforter que rien ne bouge et qu'ils continuent à être en bonne position - je pense notamment à la phrase d'Attali selon lequel "le capitalisme a gagné :
- quand tout va bien, les capitalistes s'en mettent plein les poches,
- quand tout va mal, les capitalistes paient leur dettes en faisant payer les contribuables.".
»
Si vous voulez faire soft, pensez à l'ENA pour donner un ex de chez nous.
Ceci étant, pour titiller votre filtre je-vois-des-complotistes-de-partout, j'attends tjrs que l'on trouve les ADM en Irak...
Ou, si vous voulez :
RépondreSupprimer«
le capitalisme et nos gouvernants ne sont pas à l'origine des cygnes noirs (pas de complot ici), mais prennent le train en marche en lui faisant dire ce qu'ils veulent bien lui faire dire.
»
Franck, vous dites:
RépondreSupprimerJe peux inverser votre raisonnement : vous étiez dans une situation confortable, sans pression, et vous saviez que l'auteur voulait vous emmener quelque part.
C'est le maximum qu'il pouvait faire pour être gentil avec vous.
Pour tester votre capacité à ne pas vous laisser enfermer, il ne pouvait pas mettre un avertissement «Attention ! Piège § Pensez out of the box !»
***
Autrement dit, vous reconnaissez que c'est bien une arnaque intellectuelle. Je savais que l'auteur voulait m'emmener quelque part, mais je partais du principe qu'il était intellectuellement honnête, faute de quoi ce type de "balade" n'a plus aucun sens.
Vous parlez de sentiments: confort, pression, gentillesse. Les sentiments n'ont rien à faire dans un raisonnement mathématique (car c'est bien de cela qu'il s'agit: les probabilités, ce sont des mathématiques).
La malhonnêteté (ou, pour être gentil, l'erreur) de Taleb consiste à confondre deux situations: celle qu'il nous présente, et qui est une pure spéculation intellectuelle; et une situation réelle, où nous verrions un véritable individu réellement jeter en l'air une pièce 99 fois de suite.
Si Taleb avait dit: vous rencontrez quelqu'un qui joue à pile ou face et qui obtient pile 99 fois de suite, quelle est la probabilité qu'il tire pile la centième fois?, alors il pourrait répondre à bon droit, à celui qui dirait 50%, vous n'avez pas envisagé la possibilité que la pièce soit truquée.
Si je vais à Barbès, que je vois un type jouer au bonneteau et me proposer de parier 20 euros, je vais me méfier. Je vais penser qu'il y a une arnaque.
Mais là, Taleb dit: je fais l'hypothèse que j'ai une pièce équilibrée. Donc nous sommes à la fois dans une situation non réelle, matérialisée simplement par une hypothèse intellectuelle, et dans une hypothèse formulée par Taleb lui-même.
Nous n'avons donc pas d'autre choix que d'accepter ce qu'il nous dit. Je ne dis pas de croire, car cela supposerait qu'il fasse allusion à une situation réelle, qui n'existe pas.
Cette devinette absurde revient à dire: imaginons que je sois devant un mur. Ce mur est bleu. De quelle couleur est le mur?, puis, à celui qui répond: ben, bleu, connard, de lui rétorquer: ben, non, connard, il est blanc, je t'ai menti.
Ca peut faire rigoler à l'âge de six ans en cour de récréation, mais certainement pas passer pour une expérience ou un raisonnement scientifiques.
Pour prendre une autre analogie, ça revient, lors du bac, à poser un problème de robinets, en disant: soit une baignoire d'une capacité de 100 litres, avec un robinet d'une débit de 5 litres à la minute, etc; puis, une fois les copies ramassées, à dire: ahaha, bande de cons, je vous ai bien eus, la baignoire faisait 200 litres et pas 100.
En gros, Taleb tente de faire une expérience sociologique, et se plante: les conditions de la validité de l'expérience ne sont pas réunies. C'est plus compliqué de faire une expérience de sociologie qu'une expérience de physique, car, en raison du facteur humain (qui sonne toujours deux fois), il est plus difficile de remplir les conditions de validité scientifique: reproductibilité, etc. Mais c'est possible. Plein de sociologues le font tous les jours.
A moins que votre transcription du bouquin de Taleb n'ait déformé son raisonnement, évidemment.
«capitalisme et nos gouvernants (enfin, les plus avisés d'entre eux) présentent les données de tous les jours selon l'angle qui les arrangent pour conforter leurs positions, leurs dires et leurs propositions, et tendent aussi à profiter des évènements inattendus pour faire avancer leurs pions»
RépondreSupprimerJe veux bien, mais en quoi est-ce une information, un trait distinctif ?
Les socialistes, Besancenot, les commnunistes «(enfin, les plus avisés d'entre eux) présentent les données de tous les jours selon l'angle qui les arrangent pour conforter leurs positions, leurs dires et leurs propositions, et tendent aussi à profiter des évènements inattendus pour faire avancer leurs pions».
Bob,
Même si NNT était malhonnête (ce que je ne pense pas), vous n'avez pas été capable de penser en dehors du problème et de vous dire que NNT pouvait être malhonnête
«Je veux bien, mais en quoi est-ce une information, un trait distinctif ?»
RépondreSupprimerRien, si ce n'est, pour reprendre la formulation de Pierre, que l'on est entré dans l'ère du story telling généralisé.
Même les cygnes noirs font l'objet d'un story telling (orienté comme tous les story tellings). Bref, cela "bavarde" sans cesse. Cela devient de plus en plus difficile de trouver la touche pause. Difficile de prendre du recul.
Pas étonnant que les journalistes, par ex, se plantent et que de toute facon, cela passe relativement inapercu car une nouvelle chasse l'autre.
«Cela devient de plus en plus difficile de trouver la touche pause. Difficile de prendre du recul.»
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord : il ne dépend que de vous ne pas allumer la télé ou la radio, de ne lire que quelques journaux bien choisis ou même aucun.
Une hypothèse:
RépondreSupprimerIls (journalistes et universitaires) ont des sunk costs très élevés qui les plombent.
Ils ont passé beaucoup de temps à étudier de l'orthodoxe et n'ont pas appris l'esprit critique qui leur permetrait de trier et remettre en cause.
Ils n'ont pas envie de jeter au panier et de reprendre. Trop cûteux, psychologiquement et en travail.
L´Éducation Nationale ne peut pas enseigner l'esprit critique.
Si elle le faisait c'est sa mort.
Comment peut-on croire qu'un même type d'enseignement avec les mêmes méthodes soit un tant soit peu optimal (pour jargonner) une population aussi vaste et aussi diverse que celle d'un grand pays?
Capitalisme et État
Attention il y a un capitalisme de société libre disons petit capitaliste et un grand capitalisme(pas toutes les grandes entreprises mais trop) qui sont de mêche avec les États et n'ont pas grand chose à voir avec le fonctionnement du marché (le croony capitalism des anglo-saxons.)
"Même si NNT était malhonnête (ce que je ne pense pas), vous n'avez pas été capable de penser en dehors du problème et de vous dire que NNT pouvait être malhonnête" (Franck)
RépondreSupprimerHop, hop, hop, hop! Sérions les problèmes, voulez-vous?
Il est tout à fait exact que je n'ai pas été "capable" de me dire que Taleb pouvait être malhonnête. C'est même ce que je me tue à vous expliquer. Sauf que ce n'est pas une question de capacité. C'est un choix délibéré et parfaitement rationnel.
Il y a là une raison simple: si Taleb était mahonnête, il n'y avait aucune raison d'avoir une discussion rationnelle avec lui, même par l'intermédiaire d'un livre, et donc aucune raison de tenter de résoudre sa devinette.
A partir du moment où quelqu'un se prête au jeu, c'est parce qu'il y trouve de l'intérêt; et un tel jeu n'a d'intérêt que si l'auteur a un minimum d'honnêteté intellectuelle.
En revanche, si, comme vous l'affirmez, Taleb triche de cette manière (et je persiste à en douter, car cela me paraît vraiment gros), alors le risque d'avoir cru en lui est tout à fait nul, puisque nous sommes dans un raisonnement virtuel.
Si je joue avec lui, j'ai (mettons) 50% de chances de gagner (c'est à dire d'apprendre quelque chose, de devenir plus intelligent, etc). Si je joue avec lui mais que le jeu est faussé, j'ai 0% de chances de perdre (sinon une seconde de mon temps, ce qui ne compte pas): il n'y a pas d'enjeu.
Donc, soit je dis: ce bouquin est chiant, l'auteur a l'air con, ces problèmes ne m'intéressent pas, je ne tente pas de résoudre la devinette; sois je le fais, et alors, par définition, je joue le jeu.
Pour donner une troisième analogie, quel intérêt d'organiser une partie de foot en "cachant" aux joueurs qu'on "applique" les règles du rugby?
L'organisateur d'une telle rencontre n'appliquerait rien du tout, en réalité: il peut toujours dire aux joueurs adverses: vous avez perdu, car vous avez appliqué les règles du foot, or ceci était une partie de rugby.
Mais il n'arrivera à rien, car appliquer des règles, c'est être d'accord sur les règles avec tout le monde, pas seulement avec soi-même. Il passera simplement pour un imbécile.
En revanche, si je paye les joueurs adverses pour perdre volontairement, et que mon équipe touche des primes énormes en cas de victoire, là c'est une véritable escroquerie, avec un enjeu. Elle mérite donc qu'on s'en méfie, et l'expérience montre que c'est le cas.
Donc, Taleb ne démontre pas un quelconque conformisme par cette devinette. Il démontre simplement que la vie intellectuelle et le débat rationnel réclament un minimum de confiance entre les gens, et de présupposés sur les règles du débat. On ne peut pas passer sa vie à se défier d'autrui.
Dans la vie réelle, les gens sont malhonnêtes parce qu'ils espèrent en tirer un gain indû. C'est pourquoi, dans la réalité, quand il y a vraiment le risque de se faire arnaquer, on se méfie.
Cela étant, cela n'empêche effectivement pas le conformisme, la difficulté à penser dans un nouveau cadre. Taleb ne manquait pourtant pas d'exemples, maintes fois ressassés: IBM prévoyant que le marché mondial des ordinateurs plafonnerait à 100 unités (ou quelque chose d'approchant), les chroniqueurs parisiens s'angoissant face aux perspectives de rues noyées sous le crottin de cheval (avant la généralisation de la voiture), le téléphone dont la principale application devait être la transmission des opéras, etc.
Enfin, si vous ne pensez pas que Taleb était malhonnête... je comprends encore moins votre argument.
Bob,
RépondreSupprimerNous ne nous comprenons pas. Je n'ai pas envie d'user le soleil sur ce sujet.
Si mieux comprendre vous fait une motivation pour lire Taleb, c'est très bien.
"Il arrive des événements surprenants et peu explicables, qui ne répondent pas de gentilles logiques bien linéaires : les attentats du 11 septembre, le krach boursier, etc ..."
RépondreSupprimerComment pouvez-vous écrire ça après avoir dit et avant de redire surement que vous aviez prévu le krach ?
«avoir dit et avant de redire surement que vous aviez prévu le krach»
RépondreSupprimerVous ne m'avez pas bien lu.