Une monographie comme on en trouve à profusion. Quelquefois, on y pêche des histoires passionnantes.
Beatrice Shilling est née en 1909 et morte en 1990. Elle était une des rares femmes ingénieurs à don époque.
Elle est connue (des initiés) pour avoir conçu le dispositif (baptisé «Ms Shilling's orifice» !) permettant au moteur Merlin, celui du Spitfire, de prendre des Gs négatifs, malgré son carburateur, chose que ses adversaires allemands, dotés d'injection, faisaient sans problèmes.
La manœuvre d'évasion des chasseurs consistant à pousser sur le manche pour plonger, c'était une question de vie ou de mort que le moteur ne coupe pas à ce moment crucial.
B. Shilling s'est intéressée très jeune à la mécanique et a participé à des courses de motos. Je n'insisterai jamais assez sur la valeur pédagogique de la mécanique. PG de Gennes préconisait que chaque collégien fasse un stage dans un garage automobile (1).
Plutôt que d'acheter des ordinateurs (quelle connerie de pignoufs incompétents!), l'éducation nazionale ferait bien mieux d'acheter des mobylettes, et pas seulement pour les lycées professionnels.
Revenons à nos carburateurs et à miss Shilling. Elle a du surmonter bien des difficultés pour devenir ingénieur (2). Je suis partagé : j'applaudis les exploits des pionnières et, en même temps, je ne peux que constater que le féminisme outrancier est devenu un de ces poisons qui dissolvent notre société, en la faisant sortir hors des gonds de la raison et du bon sens.
La réponse est peut-être que B. Shilling ne revendiquait rien pour elle qui ne fût bon pour la société : elle excellait comme ingénieur.
Elle n'a sans doute pas eu la carrière qu'elle méritait : la diplomatie n'était pas son fort et il faut un peu de souplesse pour monter dans la hiérarchie des grosses organisations. De plus, elle s'habillait comme l'as de pique, ce qui ne pouvait que susciter des résistances, finalement assez légitimes (3).
Que les féministes ne me sautent pas trop vite sur le poil : vu l'indépendance d'esprit et l'alacrité de la dame, nul doute qu'elle aurait su pointer leurs ridicules.
Le livre en profite pour aborder les problèmes de son mari, pilote de Lancaster. On est loin de l'image du héros en acier inoxydable : sans doute usé par 36 missions de combat, il passa par une période de doute, évitant de peu l'étiquette infamante de «lack of moral fiber» (expression officielle de la lâcheté).
Enfin, Ms Shilling, tenant la paperasse en horreur, avait un commentaire que méditeront avec une certaine amertume tous ceux qui travaillent dans les grands groupes français de défense et d'aéronautique : «La Grande-Bretagne a gagné la guerre parce qu'il y avait pénurie de papier». (4)
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(1) : je regrette de ne pas en avoir bénéficié. Je me rattrape en m'intéressant à la mécanique aéronautique, mais c'est difficile quand on a une famille et qu'on n'est pas rentier. Dans l'école qui m'a généreusement donné mon diplôme, il y avait un garage où les élèves et le personnel entretenaient leurs véhicules (existe-t-il encore ? Tout s'est tellement aseptisé en quinze ans) mais, à l'époque, j'étais trop occupé à parcourir Paris, ses musées, ses monuments.
(2) : bien entendu, je vous fais grâce de l'horrible «ingénieure» que pratiquent des massacreurs de la langue française, comme les journalistes de Libé ou du Monde.
(3) : est-il illégitime d'attendre des hommes de la virilité et des femmes de la féminité ?
(4) : on notera cet autre commentaire, à la question d'un visiteur «Combien de personnes travaillent dans cet établissement ?», elle a répondu : «Environ 50 %». Avec un franc-parler pareil, on ne s'étonne guère de sa difficulté à avoir de la promotion.
(4) Excellent
RépondreSupprimerAu passage, imaginez l'économie de paperasse si le ministre de l'EN s'était pointé à la télé à 20h en disant : "on va pas se faire chier à faire une loi sur le portable dans les classes, je suis ici pour dire qu'on les éteints. Point barre."