Retour sur l'aveu d'un maire dépassé
Par Ivan Rioufol le 6 juin 2011 10h02
Cette semaine écoulée m'a tenu un peu plus éloigné des médias. Cependant, il me semble que les propos de Stéphane Gatignon, maire Génération écologie de Sevran (Seine-Saint-Denis), réclamant des "Casques bleus" pour "des opérations de maintien de paix" dans sa commune n'ont pas eu la résonance qu'ils méritaient. A ceux qui mettent en garde contre la libanisation progressive de certains quartiers, qualifiés aimablement de "sensibles", cet appel à la militarisation d'espaces publics n'est pas une surprise. Mais il est incroyable que cela vienne d'un élu Vert dont la famille politique, la gauche, ne cesse de dénoncer les fantasmes et l'extrémisme de ceux qui constatent l'extension des isolats ethniques au cœur de la République. Or c'est bien ce phénomène que décrit l'élu dépassé, confronté à des échanges quotidiens de tirs entre bandes rivales ayant pris possession de zones hors-la-loi. Ne serait-il pas temps de s'interroger sur la faillite du vivre-ensemble, quand il ne peut être respecté sans l'aide de la force publique?
La gauche ne peut plus se défiler, si elle veut redevenir crédible. Le repliement communautaire, encouragé par des discours sottement universalistes où tout deviendrait interchangeable (1), va devenir une menace pour l'ordre public. Il est urgent de redonner un contenu à des valeurs jugées dépassées comme la nation, la nationalité, l'Etat, le peuple, le citoyen, la loi souveraine, la frontière : autant de concepts qui, s'ils ont été relativisés par le discours mondialiste convenu, sont restés proches de la société civile, qui entend bien préserver son harmonie, sa culture, son mode de vie. C'est chez elle, cette France oubliée, que se trouvent les véritables Indignés. Ils ont peu à voir avec le prêchi-prêcha moralisateur et auto-satisfait de Stéphane Hessel. Ils ne sont pas, non plus, des électeurs acquis, loin de là, à Marine Le Pen. Répondre à cette France exaspérée n'est pas flatter le FN, comme aimeraient le faire croire ceux qui, à droite comme à gauche, voudraient maintenir la tête dans le sable.
Dominique de Villepin a raison quand il s'adresse ainsi à son "Cher Nicolas", sur son nouveau blog : "L'état de stupeur et de sidération dans lequel s'enfonce la France m'inquiète, et je ne vous entends pas". Ce constat est fait ici depuis longtemps. Lui-même a été un des acteurs des Trente calamiteuses. Cependant, quand l'ancien premier ministre conseille au chef de l'Etat de "retourner dans le pays pour mesurer les attentes et affronter courageusement les déceptions", il pourrait s'appliquer également ce conseil, en ne privilégiant plus seulement la France des cités ( "la France des quartiers", dit-il) et ses votes. Villepin comprendrait également que les électeurs rebelles, qui rejettent les hommes politiques et les partis qui se sont tant trompés, ne veulent plus d'égos surdimensionnés, de mots creux et de ces envolées lyriques qui restent son talent suranné.
(1) Lire à ce propos l'analyse qu'en fait Yvan Blot, à partir du concept du Gestell développé par Martin Heidegger ( L'oligarchie au pouvoir, Editions Economica)
Je participerai, ce lundi, à On refait le monde, sur RTL (19h10-20h)
Je participerai, mardi, à Choisissez votre camp, sur LCI (10h-11h)
Dernière heure: je participerai, ce lundi, à C dans l'air, sur l'affaire DSK (France 5, 17h50-19h)
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