Il m'apparaît de plus en plus que l'idéal libéral, au sens originel, celui du citoyen libre et responsable est une chose du passé.
Nous sommes désormais un troupeau manipulé par le gouvernemaman. C'est d'ailleurs une attitude très féminine : il m'arrive d'observer des mères seules. Ne disant jamais non franchement, elles sont cesse en train de manipuler leurs enfants.
En guillotinant Louis XVI, on a tué le père de la nation, elle ne s’en est jamais vraiment remise, politiquement. On a de nouveau chassé le père en 1968. Je suis finalement assez d’accord avec les philosophes politiques de l’âge classique : république pour les petits pays, monarchie pour les gros.
Nous sommes pris dans un double mouvement qui a commencé avec notre révolution :
1) Un perfectionnement continu des techniques de manipulation des masses. Les Séguéla sont les disciples, professionnellement parlant, des Goebbels. Des gens soutiennent même qu’il est plus éthique (l’éthique, ce truc mou qui a remplacé la morale) de manipuler les foules que de leur donner des ordres francs et directs.
2) Une abstraction et une « déréalité » de la politique toujours plus étendues.
Cette façon de faire de la politique, où l’on ne gouverne plus mais on « gère » avec une « bonne gouvernance », où l’on ne décide plus mais on applique des principes, a fini par créer un nouveau monde.
Celui-ci est par essence totalitaire : comme il est basé sur l’irréalité, toute irruption de la réalité lui est un poison mortel, il doit donc tout contrôler.
Je ne suis visiblement pas le seul que cela inquiète :
Poutine, Orban : pourquoi les autocrates séduisent à l'Ouest
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Comme les grands fauves, survivants incompris et pourchassés d'un temps révolu, ils se sentent, se reconnaissent, se respectent, même
dans l'opposition farouche, et d'une certaine façon aussi se serrent les coudes. Ils méprisent souverainement la faiblesse de leurs
interlocuteurs qui leur parlent morale pour masquer leur idéalisme impuissant ou leur cynisme au petit pied. Ils tiennent pour
indispensable la centralité de la décision et l'autorité sur leur «peuple» qu'ils ne réduisent pas à une «population» mais entendent guider
vers un horizon de puissance et d'influence peut-être contestable mais au moins défini et clair. Pour eux, le collectif est plus que la
somme des intérêts particuliers ; il doit incarner quelque chose de plus grand que soi. Ils ont compris que la clef de la popularité durable
réside dans le courage de l'impopularité immédiate.
[…]
Mais il y a pire. Notre classe politique ne se contente pas de faire passer sa médiocrité pour une vertu. Nos dirigeants ne supportent plus
ceux de leurs homologues internationaux qui usent et parfois abusent d'autorité. Pas une tête ne doit dépasser. Il faut dégommer les
autocrates ou les despotes éclairés au plus tôt, les stigmatiser l'oeil sombre et le doigt vengeur, en faire d'innommables tyrans ou, au
mieux, des chefs de «démocratures» aux noirs desseins. Pourquoi? Pour leur substituer de soi-disant «modérés» plus représentatifs? En
ce cas, c'est un échec complet et planétaire. Non! Il y a en creux une grande dose d'envie dans cette curée tragi-comique, de la jalousie
dans cet opprobre courroucé et ces anathèmes ridicules. Ces hommes forts sont des offenses vivantes et bien trop résistantes à
l'arasement impérieux des identités et volontés nationales récalcitrantes à l'ordre démocratique supérieur qui veut étendre ses bienfaits
«naturels» à la planète entière.
À l'aune de ce projet horizontal, toute «verticale du pouvoir» devient une infamie … Dès lors, les figures d'un Milosevic, d'un Saddam
Hussein, d'un Kadhafi, d'un Assad leur sont insupportables. Comment font-ils pour rester au pouvoir en dépit de tant de morgue et de
violence? Pourquoi diable leurs peuples les soutiennent-ils avec ferveur? Arriérés sans doute, n'ayant pas encore vu la lumière! Et il faut
bien admettre que ces grands animaux politiques connaissent le communautarisme bouillonnant qui fragilise leurs Etats composites. Et
ils font avec ; avec la main très lourde parfois. Pour préserver leur pouvoir certes mais aussi leurs Etats autrefois découpés sans vergogne
et en dépit du bon sens par nos soins.
[…]
Nous baignons en Europe comme dans du formol, dans une illusion de paix et de prospérité qui endort nos peuples et nos élites, les
empêchant de voir la menace qui monte, extérieure mais aussi intérieure. Cette menace, ce n'est pas l'Islam radical, qui n'est qu'un loup
dans une bergerie dont les portes sont grandes ouvertes ; c'est le renoncement muet des Nations et des Etats à affirmer leur identité
dans toute leur richesse, leur complexité, leurs paradoxes. En France, l'estime de soi nationale fond comme la banquise. L'heure est à la
repentance, à l'automutilation collective jubilatoire pour complaire à ceux de nos partenaires ou adversaires qui nous contestent même
les maigres vestiges de notre puissance enfuie. Cette honte de soi renforce le délitement de la cohésion nationale et du sentiment
d'appartenance à un passé profond, riche, glorieux et aussi nécessairement douloureux. Il devient urgent de réfléchir aux ravages de
notre célébration entêtée de la «normalité» en politique, cache misère de la déresponsabilisation et du renoncement à l'exercice difficile
de l'autorité. Peut-on encore juger cette normalité salutaire ou ne serait-ce qu'utile au pays, quand celui-ci s'enfonce sans mot dire dans
l'insignifiance politique et stratégique et pratique l'hypnose de masse sur sa population sommée de croire en des lendemains qui
chantent? Chaque Etat, tous les Etats, ont besoin de figures politiques de l'autorité et de la responsabilité, imparfaites mais qui assument
leurs choix et essaient d'incarner leur vision dans une action politique ambitieuse. Cela vaut mieux que ne rien oser, écouter tout le
monde, faire plaisir à chacun, mettre en musique la cacophonie des corporatismes et des égoïsmes et appeler cela de l'Opéra.
Forfanterie. Et forfaiture.
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Et les conséquences :
Syrie : marginalisée, la France a peu d'atouts pour revenir dans le jeu
Libye, Syrie, Ukraine : le Waterloo de la diplomatie française
Bien sûr, on n'est pas obligé d'être d'accord :
Les défaillances du modèle libéral n'excusent pas la violence d'Assad et de Poutine
Je ne suis pas un grand ami des despotes. Je préfère une démocratie qui fonctionne car elle permet les petits ajustements permettant d'éviter les grandes catastrophes. Mais quand la démocratie ne fonctionne pas ?
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