Natacha Polony : s'aveugler à en mourir
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Dans son ouvrage, Rue
Jean-Pierre Timbaud, une vie de famille entre barbus et bobos (Stock), Géraldine
Smith parle de sa naïveté devant les prières de rue, elle qui se scandalisait qu'on
ne construisît pas davantage de lieux de culte, et qui apprend que même quand la
mosquée est en partie vide, l'imam invite les fidèles à prier dans la rue pour
«occuper le territoire». Elle raconte les intimidations envers un commerçant
musulman dont le crime est de ne pas vendre seulement du Coca arabe. Elle
explique surtout comment elle et ses amies, insensiblement, se sont mises à éviter
les rues où elles se faisaient insulter, et le temps qu'il leur a fallu pour trouver cela
inacceptable. Parce qu'au début, ce n'est qu'une petite gêne. «On intègre tellement
l'ambiance de la rue, réfléchit l'une d'elles, qu'on finit par se convaincre qu'on
prend un gilet parce qu'il fait frais, au lieu de s'avouer qu'on n'ose plus se
promener les épaules nues.» Elle repense également à ses gentils rêves de
«citoyens du monde», à son agacement devant des voisins bretons affichant leur
identité bretonne, leurs binious et leurs crêpes si ridicules et archaïques, alors que
les marques d'identité marocaine ou camerounaise lui semblaient tellement
sympathiques.
Mais les épisodes les plus édifiants concernent l'école. La maternelle publique où
son enfant végète parce que les enfants francophones, explique la directrice, sont
des «poissons-pilotes» qui poussent la classe vers le haut. Tout à coup, elle
comprend que si son fils est suffisamment stimulé à la maison pour qu'elle puisse
se passer de chercher une école performante, ce n'est pas le cas des autres enfants
du quartier. Alors, les classes moyennes, immigrées ou non, fuient vers le privé. Le
privé? Un établissement catholique dans lequel la maîtresse refuse que son fils à
elle, passionné d'Afrique, présente un masque africain à la classe, parce que cela
sied mieux à un enfant noir, même s'il est né à Belleville, et qui interroge sans
cesse les élèves sur leurs «origines». Un établissement catholique qui finit par
supprimer les classes vertes sous la pression des parents musulmans qui refusent
pour leurs filles la promiscuité avec les garçons.
[…]
Mais face à ces
difficultés explose le grand mensonge qui a tenu la France muette pendant des
décennies. «Je crois que je me mens», lui dit une assistante sociale. La France s'est
menti. Et des gens ouvrent les yeux. Pas pour exacerber les haines, pas pour
rejeter. « J'ai cru à tort qu'une tolérance sans bornes était la meilleure manière
d'aider les étrangers et leurs enfants français à s'intégrer, écrit-elle. La tolérance
peut être une forme masquée de démission. »
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