dimanche, avril 24, 2016

Natacha Polony : s'aveugler à en mourir

Natacha Polony : s'aveugler à en mourir

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Dans son ouvrage, Rue Jean-Pierre Timbaud, une vie de famille entre barbus et bobos (Stock), Géraldine Smith parle de sa naïveté devant les prières de rue, elle qui se scandalisait qu'on ne construisît pas davantage de lieux de culte, et qui apprend que même quand la mosquée est en partie vide, l'imam invite les fidèles à prier dans la rue pour «occuper le territoire». Elle raconte les intimidations envers un commerçant musulman dont le crime est de ne pas vendre seulement du Coca arabe. Elle explique surtout comment elle et ses amies, insensiblement, se sont mises à éviter les rues où elles se faisaient insulter, et le temps qu'il leur a fallu pour trouver cela inacceptable. Parce qu'au début, ce n'est qu'une petite gêne. «On intègre tellement l'ambiance de la rue, réfléchit l'une d'elles, qu'on finit par se convaincre qu'on prend un gilet parce qu'il fait frais, au lieu de s'avouer qu'on n'ose plus se promener les épaules nues.» Elle repense également à ses gentils rêves de «citoyens du monde», à son agacement devant des voisins bretons affichant leur identité bretonne, leurs binious et leurs crêpes si ridicules et archaïques, alors que les marques d'identité marocaine ou camerounaise lui semblaient tellement sympathiques.

Mais les épisodes les plus édifiants concernent l'école. La maternelle publique où son enfant végète parce que les enfants francophones, explique la directrice, sont des «poissons-pilotes» qui poussent la classe vers le haut. Tout à coup, elle comprend que si son fils est suffisamment stimulé à la maison pour qu'elle puisse se passer de chercher une école performante, ce n'est pas le cas des autres enfants du quartier. Alors, les classes moyennes, immigrées ou non, fuient vers le privé. Le privé? Un établissement catholique dans lequel la maîtresse refuse que son fils à elle, passionné d'Afrique, présente un masque africain à la classe, parce que cela sied mieux à un enfant noir, même s'il est né à Belleville, et qui interroge sans cesse les élèves sur leurs «origines». Un établissement catholique qui finit par supprimer les classes vertes sous la pression des parents musulmans qui refusent pour leurs filles la promiscuité avec les garçons.

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Mais face à ces difficultés explose le grand mensonge qui a tenu la France muette pendant des décennies. «Je crois que je me mens», lui dit une assistante sociale. La France s'est menti. Et des gens ouvrent les yeux. Pas pour exacerber les haines, pas pour rejeter. « J'ai cru à tort qu'une tolérance sans bornes était la meilleure manière d'aider les étrangers et leurs enfants français à s'intégrer, écrit-elle. La tolérance peut être une forme masquée de démission. »
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