Longtemps, je me suis dit que mes conceptions valaient bien celles de nos politiciens, mais que, au moins, ils avaient des qualités de saltimbanques et de manoeuvriers que je n'avais pas. Mais, même cela, je commence à en douter.
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L'extraordinaire tempête déclenchée par le trader Kerviel n'aura donc pas été inutile. Voilà un gouvernement et plus largement des élites qui plaident tous les jours auprès des citoyens de ce pays les bienfaits de l'Europe, les nécessités de l'Europe, l'intérêt philosophique, stratégique, historique, de la construction européenne. Et sitôt que pointe un problème, le réflexe, donc la nature, la vérité cachée par le vernis, surgit: la solution doit être française, la réponse française, la banque française.
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Le discours public ne peut inspirer la confiance que s'il porte en lui un haut niveau de cohérence. Il y a bientôt vingt ans, les gouvernants français ont conçu le projet d'une monnaie commune, et de fait unique, avec d'autres pays. Il n'existe pas, dans la hiérarchie des symboles et des outils, d'instrument supérieur à la monnaie dans l'expression de la souveraineté. Abandonner la monnaie nationale, la fondre dans un espace plus vaste que celui de la Nation, n'a de sens que si, ensuite, dans la vie de tous les jours comme dans les discours des grands jours, la référence à la Nation intègre ce changement majeur. Être Français aujourd'hui a du sens et une signification. C'est une culture, une manière d'être, tout cela façonné par une histoire, une longue et belle histoire. Mais déjà, le futur doit se penser différemment pour tenir compte de cette décision si importante qui a engagé la communauté, une décision prise par la communauté elle même, en 1992, au travers d'un référendum, l'acte politique assurément le plus important dans la vie de ce peuple durant ces cinquante dernières années.
Or, qu'a-t-on vu hier? Que le futur pouvait se penser selon l'ancien schéma, puisque la banque doit rester française. Pourquoi pas? Mais alors, qu'elle est la sincérité, le degré d'adhésion réel des gouvernants vis-à-vis de l'Europe et de son expression monétaire, c'est à dire l'euro? Et si eux n'y croient pas, comment veulent-ils que les citoyens, le peuple, y croient?
L'expression de "double discours" est souvent employée, à propos de beaucoup de choses et finalement de pas grand chose. Si elle trouve à s'exprimer, c'est pourtant bien ici. Il existe, dans cette matière fondamentale de la monnaie, deux discours. Existe-t-il beaucoup de choses plus fragiles que la monnaie? Son essence et son existence procèdent de la confiance, et d'elle seule.
Hier après-midi, à l'Assemblée nationale, alors qu'il ne s'agissait que de l'avenir d'une banque, le chef du gouvernement français a bien dit quelque chose d'important et de fondamental sur ce projet politique que nous poursuivons depuis des années et qui apparaît tout à coup comme une chimère puisque ceux là mêmes qui disent vouloir le construire s'en détournent dans un réflexe révélateur de la distance abyssale qui sépare la parole de la pensée.
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