Livre de 1959 toujours d'actualité.
Les deux religions
Synthétisons : en Occident, il n'y a que deux religions : celle du Christ et la Gnose (je traduis gnosticism par Gnose car gnosticisme est vraiment horrible). La plupart des prétendus athées sont des gnostiques sans le savoir, ils ont les idées gnostiques sans avoir apposé un tampon Gnose dessus.
Comme j'ai déjà pas mal écrit suite aux livres de Jean-Louis Harouel, vous pouvez vous y reporter.
Christ : Dieu s'est fait homme, il est mort sur la croix pour tous les hommes. C'est donc une religion de l'incarnation et de la Vérité (« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par Moi »).
Gnose : Dieu est caché et connu seulement des initiés (beaucoup de gens qui se disent « agnostiques » sont en réalité ... « gnostiques » ! Ils croient à une vague divinité mais qu'ils ne peuvent pas connaitre). Le corps est méprisable, on peut donc l'avilir de mille façons, le tatouer (le tatouage est le signe infaillible d'un cerveau en fromage blanc), le prostituer, le faire changer de sexe, etc. C'est une religion de la désincarnation et du relativisme. C'est profondément une religion du Mensonge et de la haine de la vie.
Digression
Chesterton : l'homme est une machine à dogmes.
Celui qui dit « Je ne crois en rien » (très à la mode) est un imbécile qui ne sait même pas en quoi il croit (en fait, il croit au relativisme, il croit que tout se vaut, que toutes les opinions se valent, et c'est pour lui un dogme incontestable. Mais c'est juste une croyance, qu'il est facile de réfuter).
L'Etranger
Voegelin fait une synthèse limpide du point commun de tous les courants gnostiques : « L'homme est étranger à ce monde mauvais, qui est une vallée de larmes ».
C'est directement opposé au christianisme : Dieu crée le monde et « Dieu vit que cela était bon » (Génèse 1:10) et Dieu nous aime tellement qu'il nous a donné son fils.
L'opposition de ces deux visions du monde a des conséquences très concrètes.
Si le monde est mauvais et si l'homme y est étranger, la vie vaut-elle d'être donnée ? Rémi Brague analyse longuement les conséquences de cette vison du monde sur l'effondrement de la natalité (les gnostiques à l'ancienne étaient de farouches partisans du sexe récréatif et de la stérilité).
Bien sûr, les gens qui décident ou non de faire des enfants se posent rarement ces questions philosophiques. Mais ils baignent dans une société qui, du fait de ces représentations, favorise et valorise tel ou tel comportement. Notre société exalte la stérilité (voir aussi le délire homosexualiste).
Le parallèle entre gauchisme sociétal et gnose est impressionnant : haine des différences homme-femmes ; haine du mariage et de la procréation ; éloge de l'homosexualité ; préférence pour le déviant, pour le criminel, pour l'ennemi, pour l'Autre absolutisé ; existence d'une avant-garde éclairée, d'initiés séparés des hommes ordinaires ; individualisme exacerbé s'affranchissant de toute morale ordinaire ; mélange de débauche et de puritanisme ; haine de la fécondité ; et last but not least anti-judaïsme obsessionnel ...
Les 6 caractéristiques de la Gnose
Même si la généalogie de la pensée gnostique a été remontée par les érudits jusqu'à l'époque du Christ (il semble que la Gnose ait légèrement précédé le christianisme), de nos jours (contrairement au passé), elle ne s'annonce jamais comme telle. Il faut donc savoir la reconnaitre :
1) Le gnostique n'est pas satisfait de sa situation.
Jusque là, c'est très commun.
2) Cette insatisfaction est due à l'état du monde.
Première originalité. Dans les croyances traditionnelles, l'état du monde est parfait (même si nous ne le comprenons pas totalement), car donné par Dieu (ou équivalent), c'est l'homme qui est imparfait et doit travailler sur lui-même.
3) Le Salut par rapport à cet état du monde imparfait est possible.
Complètement opposé au christianisme, où le Salut est individuel et n'a rien à voir avec l'état du monde.
4) Ce Salut vient parce qu'on peut changer l'état du monde à travers un processus historique.
Là encore, en opposition complète avec les croyances traditionnelles, où l'état du monde est fixe (ou cyclique) et l'homme doit faire sa vie au mieux dans ce monde donné.
5) Ce changement historique de l'état du monde est réalisable par l'effort des hommes.
6) Les gnostiques (quel que soit leur nom : communistes, écologistes, etc.) ont le savoir qui leur permet de faire advenir ce perfectionnement du monde.
Ici commencent les caractéristiques réellement plaisantes de ce tendre système de pensée : l'existence d'une élite éclairée qui sait ce qu'il faut faire et méprisent les autres, l'extermination des méchants, c'est-à-dire tous les non-gnostiques.
Quiconque connait bien des écologistes ou des communistes sait que leur engagement politique est l'expression de leurs frustrations et de leurs névroses (non, je ne parle pas seulement de Sandrine Rousseau).
Le Mensonge
La Gnose (et donc la modernité) repose sur un mensonge à propos de la condition humaine, et tous les « ismes » qui en découlent aussi.
L'homme nait, vit et meurt. Il n'a pas le pouvoir de changer sa condition. Il appartient pleinement à ce monde où, comme lui, toutes choses, les plantes et les animaux, naissent, vivent et meurent. L'homme est soumis à l'ordre divin et il est bien qu'il en soit ainsi (Socrate : « Si l'homme est la mesure de toute chose, qu'est-ce qui mesurera l'homme ? »).
L'essence de la Gnose, c'est l'interdiction de certaines questions sur le réel. La réalité est l'ennemi intime de la Gnose. Cela porte un nom que nous connaissons tous : l'idéologie. Le réel doit se conformer à la théorie et non l'inverse.
A l’inverse, la Gnose multiplie les questions absurdes d’un point de vue réaliste.
« Qu'est-ce qui vous dit qu'une femme ne peut pas être un père ? », « Qu'est-ce qui vous dit qu'un Malien ne peut pas être un Français ? » ne sont pas des aberrations du point de vue gnostique, c'est le cœur de la Gnose, qui se rattache fondamentalement à « Qu'est-ce qui vous dit que, moi, je suis né un jour et que je mourrai un jour ? »
Voegelin passe en revue la liste des questions interdites par chaque idéologie (Marx, Nietzsche, Freud).
Le mensonge de Marx sur l'auto-engendrement (l'homme peut se créer lui-même) invalide sa philosophie historique qui suppose que l’homme peut être amélioré. Voegelin dit (avec un certain humour, me semble-t-il) que « l’homme socialiste est l’homme qui ne pose aucune question sur la nature humaine ».
Pour Nietzsche, c'est très clair : il fait passer, sous de multiples masques, la « mort de Dieu » pour le produit d'une réflexion philosophique alors que c'est en réalité une nécessité psychologique personnelle (pas étonnant qu'il ait fini à l'asile). Voegelin explique comment Nietzche ment à ses lecteurs sur ses motivations, présentant comme le fruit d'un raisonnement, ce qui était en réalité son point de départ.
L'essence de la modernité, c'est la Gnose.
Les « ismes » modernes (marxisme, freudisme, fascisme, communisme, progressisme etc. Aujourd’hui, on peut ajouter réchauffisme et covidisme) sont des héritiers de la Gnose.
Cette généalogie, parfois alambiquée, est bien tracée par les érudits.
La plus grande gnose est cependant la franc-maçonnerie.
La Gnose moderne est une révolte contre l’œuvre de Dieu et une soif de pouvoir inextinguible qui se traduit par :
1) un programme sans limite de transformation donc de transgression (il s’agit toujours de faire advenir l’Homme Nouveau, la Race Supérieure, l’Ecologie Intégrale, la Société du Bonheur etc …)
2) une déification de l’Homme, de ses idées, de ses désirs, de son pouvoir
On remarque que, de nos jours, l’Eglise catholique est beaucoup plus séduite par les hérésies gnostiques que l’Eglise orthodoxe.
Voegelin écrit (en 1959 c’était visionnaire par rapport à ce que nous vivons) que la Gnose moderne se caractérise par la vie dans le virtuel, le fantasme.
Son plus gros mensonge est le meurtre de Dieu, la négation de part spirituelle de l’homme, la négation d’un ordre divin qui ne dépend pas de l’homme.
L'essence de la modernité, c'est la Gnose. Et l'essence de la Gnose, c'est l'idéologie.
Dieu est mort
Pour que l'homme puisse se laisser aller à son délire narcissique d'auto-engendrement, il faut qu'il ne dépende pas d'un ordre supérieur extérieur, ce qu'on appelle l'ordre divin dans la culture occidentale (mais il y a l'équivalent dans toutes les cultures).
Comment tuer Dieu ? En proclamant que c'est une invention des hommes : une nécessité de la sociologie, un fruit de l'imagination poétique, une consolation psychologique.
Hegel pervertit la philosophie en prétendant tout inventer de zéro, faire système, alors que la philosophie honnête est l'observation d'un ordre qui nous pré-existe.
Amusant : Auguste Comte, l'inventeur du positivisme, crée le mot « altruisme » pour remplacer « amour » trop connoté chrétien. L'altruisme, c'est la fraternité sans père : toujours le meurtre du père, de Dieu. Ordre et Progrès, la devise (anti-phrase !) du Brésil est directement comtienne.
Les trois âges
Joachim de Flore, un moine du XIIème siècle, est le père de la Gnose moderne (le cardinal de Lubac a écrit un gros pavé La postérité spirituelle de Joachim de Flore).
Il postule qu'il y a trois âges : celui du Père, celui du Fils et celui du Saint-Esprit (post-chrétien) ce qu'on a traduit en Antiquité, Moyen-Age et Modernité. On retrouve ce mythe de la progression, de l'homme qui change le monde.
On retrouve bien d'autres symboles de Joachim de Flore dans notre paysage intellectuel. Intéressant que ce moine quasi-inconnu ait pu laisser tant de traces.
Les utopies
Les utopies jouent un rôle majeur dans la propagande gnostique. Elles justifient le pouvoir de l'intellectuel prophète qui sait comment devrait être le monde.
Ils s'agit toujours de juger les imperfections de ce monde à l'aune d'un monde idéal qui n'existera jamais car il ment sur un point fondamental de la condition humaine.
A tout seigneur, tout honneur. Thomas More, dans Utopia, invente le mot. Il imagine un monde dépourvu de propriété privée, dont il reconnait l'impossibilité totale, l'homme étant ce qu'il est (c'est-à-dire ayant besoin de se rassurer et de paraitre avec des objets).
On peut s'interroger sur la santé mentale d'un homme qui passe des années sur un ouvrage pour conclure qu'il raconte n'importe quoi. Shelling a forgé le mot (peu heureux) de « pneumopathologie » pour désigner cette maladie de l'âme (pneuma : souffle, esprit) qui consiste à s'inventer un monde menteur.
Hobbes, lui, imagine la guerre de tous contre tous, avec l'Etat tout-puissant en arbitre, parce qu'il refuse (il le dit explicitement) la pulsion de l'homme vers le bien commun (pulsion plus ou moins présente, voire absente dans certains individus extrêmes, mais suffisamment généralisée pour ne pouvoir être comptée pour rien sans mentir).
Hegel ment en laissant croire que l'homme sait l'histoire qu'il fait (là dessus Marx a raison : l'homme fait l'histoire mais ne sait pas l'histoire qu'il fait).
La psychologie gnostique
Pour préférer, à une vérité incertaine, une mensonge certain, pour refuser d'assumer la condition humaine, il faut une psychologie particulière.
Ariane Bilheran, à propos du délire covidiste, a bien analysé cette psychologique totalitaire idéologique (car c'est bien de cela qu'il s'agit). Elle a bien décrit cette faille psychologique qui consiste à refuser d'assumer sa finitude.
Voegelin remarque que le christianisme est très exigeant : il demande d'avoir foi en des trucs fantastiques (un seul Dieu en trois personnes, la présence réelle du Christ dans l'hostie consacrée ...). Et cet état de fait favorise par opposition la fuite vers la Gnose.
Pour Voegelin, c'est le rôle de la science d'éclairer cette faille psychologique.
La Gnose dans nos vies
Il n'y a aucun parti gnostique. Aucun ambitieux ne proclame « Je suis gnostique ».
La Gnose nous tue à travers des vecteurs : le marxisme, le communisme, la psychanalyse, le fascisme et le nazisme. On peut y ajouter ces fadaises que Voegelin a eu le bonheur de ne pas connaitre : le réchauffisme et l'hygiénisme.
Et ces véhicules de la Gnose sont aujourd'hui plus présents que jamais dans nos vies.
La Gnose a vaincu : nous sommes devenus le Mensonge. Nous mentons et nous nous mentons sur tout. Notamment, sur les fondamentaux de la vie (on nait d'un homme et d'une femme, on vit dans un monde donné dont l'ordre nous est extérieur, on souffre et on meurt). L'escamotage de la mort a atteint un niveau si stratosphérique qu'il suffit d'un rhume pour déclencher une panique collective.
La Gnose façonne nos vies, d'où notre préférence pathologique pour les simulacres, l'irréalité, les modèles, les fantasmes, les images virtuelles.
Notre asile à ciel ouvert
Ma conclusion à moi : la modernité est un asile à ciel ouvert.
Le moderne est un matérialiste fanatique (l’homme n’est qu’un amas d’atomes, l’esprit n’existe pas. Pas de Dieu, pas d’âme, que des objets) qui a une phobie pathologique de toutes les expressions de la matérialité de l’homme (le sexe fixé par la nature, la naissance, la mort, la maladie, la viande, la pollution même légère, même hypothétique…).
Le gauchisme est une maladie mentale.
Le moderne est, littéralement, fou à lier.
Les vegans, les covi-nazis, les trottinetteurs, les anti-nucléaires, les teslanautes et compagnie ont une place dans une société saine : cette place, c’est enfermés dans une cellule capitonnée (ou alors dans des fermes, pour leur faire retrouver le contact de la matérialité). De toute façon, la plupart sont irrécupérables.
Pour le bien de la société, il faudrait les isoler de toute urgence (il parait qu'il y a de l'espace à Cayenne). Ce n'est pas ce qui se passera.
Mais la réalité pourrait bien être terrible pour les modernes. J'attends, sans impatience mais avec intérêt, le combat des hommes-soja et des mangeurs de viande.