lundi, août 21, 2023

Pourquoi je suis moyennement démocrate / Pourquoi je serais plutôt aristocrate (Vladimir Volkoff)

Ces deux opuscules de moins de 100 pages sont écrits sur un ton léger, mais qui peine à dissimuler l'inquiétude de Volkoff.

Quand on essaie de tirer un bilan réaliste de la démocratie (exercice  classique), on est très loin du « pire régime à l'exception de tous les autres » que nous serine la nouvelle religion droits-de-lhommiste.

La démocratie a, comme tous les régimes politiques, ses avantages et ses inconvénients, dont le poids varie en fonction des circonstances, et ses dégénérescences possibles. Aristote a fait le boulot, je ne vais pas recommencer.

Volkoff remarque qu'il n'y a aucune raison que la majorité veuille et connaisse le Bien et le Juste.

De toute façon, les gens qui cherchent à obtenir le pouvoir sont malsains, les systèmes où on donne le pouvoir à des gens qui ne le cherchent pas sont meilleurs.

Il fait aussi remarquer qu'aucune démocratie véritable n'a jamais fonctionné correctement (à part la démocratie suisse) : les démocraties athénienne et américaine s'appuyaient massivement sur l'esclavage, ce qui est moyennement démocratique.

Le principal reproche moral que fait Volkoff à la démocratie, c'est son absolutisme. Elle ne tolère aucune opposition interne (« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ») et fait la guerre extérieure pour se répandre (guerres coloniales au XIXème siècle, guerres américaines au XXème).

Aucune monarchie n'a jamais eu ce comportement prosélyte fanatique.

Pour Volkoff, la démocratie moderne est ce qui se fait de plus proche du totalitarisme.

Limitons à nos circonstances : la démocratie est-elle le meilleur régime possible pour un peuple gravement décadent ?

D'abord que le peuple français soit gravement décadent est difficilement contestable : on le voit aux mœurs, aux comportements, à la culture, aux principe et même au physique (1).

Mais, surtout, Volkoff en vient au point essentiel : la démocratie est-elle possible en nos temps de matraquage médiatique incessant, où les opinions divergentes sont systématiquement insultées et ridiculisées ? 

Réponse claire : non.

Remarque : c'est écrit en 2002, donc bien avant le « re-vote » du référendum de 2005 et le délire macrono-covidiste.

C'est pourquoi Volkoff est pour une aristocratie, le gouvernement des meilleurs. Et se heurte à l'éternelle difficulté des aristocraties : comment distinguer et faire accéder au pouvoir les meilleurs ? Et comment empêcher que le pouvoir les corrompe ?

Il a bien conscience que nous sommes en ploutocratie : une démocratie dégénérée où le pouvoir va à ceux qui ont les finances pour acheter les votes, soit directement (c'est ce que font pour se maintenir ceux qui sont déjà au pouvoir, avec l'argent des impôts) soit indirectement (par la propagande omniprésente et insidieuse).

Malheureusement, sur la question pratique, Volkoff s'évapore.

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(1)  : une plage française en 1970. Pas d'obèses, pas de téléphone, pas de « difficultés », pas de burkini.












vendredi, août 04, 2023

Christine: SOE Agent & Churchill's Favorite Spy (Madeleine Masson)

La vie de Krystina Skrabek, dite Christine Granville, illustre bien la phrase (avec un rien de coquetterie) de d'Astier de la Vigerie sur les Résistants : « Nous étions des ratés ».

Une enfance libre

Krystyna Skrabek est née en 1915 d'un comte polonais volage et d'une fille de banquier juif. Élevée très librement, elle excellait dans les activités d'extérieur, équitation, marche, natation ... En revanche, elle était réputée pas très douée de ses mains, on dit qu'elle ne savait ni coudre ni tirer. Elle parlait un français impeccable, comme souvent les Polonais de la haute à cette époque.

Sans être laide, loin de là, elle n'était pas une beauté de concours, mais il émanait d'elle un grand charme, du à sa forte personnalité. Elle trainait une ribambelle d'hommes derrière elle.

Ses parents furent ruinés par la crise de 1929 et rien dans son éducation ne l'avait préparée à gagner sa vie.

Elle  tenta de travailler dans un garage FIAT à Varsovie mais fut intoxiquée par les fumées (cela lui servirait plus tard).

Mariée et divorcée à 18 ans, remariée, elle vivota jusqu'à la guerre. Il se disait déjà qu'elle était un agent anglais usant de ses multiples contacts dans la haute société polonaise. On n'en a pas de preuves.

La guerre l'a probablement sauvée d'une déchéance inéluctable : elle était inadaptée à vivre de son travail dans une société ordinaire.

Un agent exceptionnel

Son pays envahi, elle se mit à la disposition des Anglais.

La guerre révéla son talent exceptionnel d'espionne. Jugement, sang-froid, imagination, endurance.

A l'hiver 1940, elle se rendit en Pologne occupée en passant par la Hongrie et par la montagne.

Arrêtée par la Gestapo, elle se mordit la langue, fit croire à une tuberculose (le voile sur les poumons made in FIAT, bien utile) et parvint à s'échapper (les Teutons, ces grands hypocondriaques).

Avec son amant, elle fit passer des dizaines, probablement des centaines de pilotes polonais.

Elle ramena de Pologne des documents extraordinaires : les préparatifs allemands de l'attaque de l'URSS. Churchill demanda immédiatement qu'ils soient transmis à Staline ... qui crut à une intoxication.

Mise sur la touche pendant deux ans au Caire suite à d'obscures bisbilles au sein du gouvernement polonais en exil, elle en profita pour se perfectionner (parachute, radio, etc.).

Parachutée dans le Vercors, elle obtint la reddition d'un poste allemand par l'intermédiaire des Polonais qui y étaient enrôlés. Elle survécut à la débâcle de ce maquis grâce à ses capacités de marcheuse.

Elle avait un talent particulier avec les animaux. Histoire incroyable s'il n'y avait pas eu des témoins : un chien d'une patrouille allemande la détecta et, au lieu d'aboyer, la lécha et la suivit.

A Digne, en août 1944, trois officiers anglais étaient en attente d'exécution pour espionnage, elle prit contact avec le geôlier et le corrompit, avec un sang-froid remarquable (elle parlait plutôt d'inconscience !).

L'après-guerre

L'après-guerre fut terrible: les Anglais se comportèrent en parfaits ingrats et ne l'aidèrent pas. Très instable, elle était probablement atteinte de ce qu'on appelle aujourd'hui un syndrome post-traumatique.

Les talents de la dame étaient évidents, vraiment dommage que les Anglais n'aient pas fait le moindre effort, probablement par xénophobie latente. 

Assurément, elle avait une mauvaise réputation : un peu tendance à coucher avec les hommes avec qui elle partageait ses aventures. Ca passait moins bien à l'époque.

Il est très probable (c'est un anglicisme pour dire « certain ») que Christine, qui fut la maitresse de Ian Fleming, a inspiré la première conquête de James Bond, Vesper Lynd.

Elle se retrouva hôtesse de cabine sur une ligne maritime et mourut poignardée en 1952 par un marin jaloux (qui sera pendu).

C'est vraiment une fin très triste pour une femme aussi talentueuse.

Dans la ferveur de ses amis à garder sa mémoire, il y avait sans doute le remords de ne pas l'avoir aidée plus de son vivant.