J'ai retrouvé cet extrait de la Grande Parade de JF Revel.
La Grande Parade
jeudi, juin 29, 2006
MELUN BRIGADE CRIMINELLE
J'emprunte ceci à Rue Taranne, un blog libéral susceptible d'humour.
J'aurais aimé avoir écrit tout cela moi-même. Le plus gros défaut des libéraux actuels est le manque d'humour, JF Revel en avait pour plusieurs, malheureusement, il a du se résoudre à mourir.
Bien sûr, il y a plus chiant qu'un libéral, cela s'appelle un trotskiste : nous sommes alors dans le domaine de la religion, dans la haute sphère de l'idéal, très loin des faits et de la basse politique, et, comme chacun sait, les religieux ne sont pas réputés pour leur humour.
Les blagues de Staline et de Trotski ne provoquaient qu'un rire poli au fond des goulags.
Je précise, en ces temps de bien-pensance impérialiste où la sottise se fait envahissante, qu'il s'agit d'une sorte d'humour appelé dérision. Que ceux qui ne comprendraient pas ce qu'il y a de marrant me contactent immédiatement, je ferais de mon mieux pour les soigner.
Reconversion
Bloguer c’est bien gentil mais ça ne nourrit pas son homme. Or, comme chacun sait, les libéraux - et j’en suis un - ne vivent que pour le fric. J’ai donc choisi le média le plus porteur, à savoir la télévision, et le format le plus en vogue, la série. Quinze minutes de cogitation m’ont permis d’aboutir à un concept révolutionnaire, avec des personnages hyperréalistes et des intrigues bétonnées qui, j’en suis sûr, va faire un malheur. TF1 et France 2 m’ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles étaient intéressées. J’en livre la primeur aux lecteurs de Rue Taranne, afin de les remercier de leur fidélité jamais démentie au cours de ces longues années de galère.
MELUN BRIGADE CRIMINELLE
Une série policière citoyenne et solidaire en six épisodes (pour l’instant) créee par Taranne.
Les personnages
Le capitaine Diquaide, un homme intègre, épris de justice, mari sans reproche et père idéal.Le lieutenant Anne Chlousse, une femme d’honneur et mère (célibataire) exemplaire, en butte aux préjugés machistes de ses collègues.Le lieutenant Abdallah Boudchou, un jeune flic exceptionnellement compétent, qui n’oublie pas qui il est ni d’où il vient.
Le lieutenant Géraldine Cottadomo, une jeune recrue prometteuse, lesbienne revendiquée et de tous les combats contre l’intolérance et la haine de l’Autre.
Les épisodes
1. Les marchands de peur
La ville de Melun est en proie à une véritable psychose après une vague sans précédent de vandalisme et d’agressions en tous genres. Chargés de l’enquête, Diquaide et ses hommes découvrent que ces actes sont commandités par un politicien désireux d’asseoir son discours sécuritaire…
2. Les soldats de la haine
Un jeune militant sans-papier est battu à mort et abandonné dans un terrain vague avec une croix gammée gravée sur son front. L’équipe du capitaine Diquaide remonte jusqu’aux meurtriers, une bande de skinheads et leur leader, un ancien collaborateur reconverti dans l’édition de livres négationnistes.
3. Les martyrs du profit
Deux inspecteurs du travail sont abattus à bout portant. Le coupable, un patron sanctionné pour les cadences infernales qu’il imposait à ses employés, est vite arrêté. Mais Diquaide le soupçonne d’avoir été téléguidé par une association proche de l’extrême-droite prônant l’abolition des lois sociales et un ultralibéralisme effrené…
4. Le droit de choisir
Un hôpital pratiquant des avortements est plastiqué, entrainant la mort d’une bénévole du Planning Familial. L’enquête s’oriente vers un mouvement intégriste anti-avortement financé par l’Opus Dei…
5. La semence maudite
Un célèbre biologiste est victime d’un attentat. Il était sur le point de révéler les effets cancérigènes d’une nouvelle variante de maïs génétiquement modifié mise au point par une multinationale américaine. Diquaide et ses hommes découvrent que la CIA pourrait n’être pas étrangère à l’affaire…
6. Mazel Tov
Un rabbin est roué de coups, et une synagogue incendiée. Les témoignages laissent à penser à des actes antisémites commis par des jeunes, mais Diquaide et ses hommes comprennent rapidement qu’il s’agit d’une manoeuvre orchestrée par le Mossad avec la complicité du CRIF à des fins de propagande pro-sioniste…
En cas de succès (et comment pourrait-il en être autrement) une deuxième saison est d’ores et déjà écrite, où Diquaide et son équipe affrontent les violences domestiques, l’homophobie, la pédophilie au sein de l’Eglise, le négationnisme pro-turc, l’industrie du tabac… Une série courageuse et engagée, dont on parlera à coup sûr!
J'aurais aimé avoir écrit tout cela moi-même. Le plus gros défaut des libéraux actuels est le manque d'humour, JF Revel en avait pour plusieurs, malheureusement, il a du se résoudre à mourir.
Bien sûr, il y a plus chiant qu'un libéral, cela s'appelle un trotskiste : nous sommes alors dans le domaine de la religion, dans la haute sphère de l'idéal, très loin des faits et de la basse politique, et, comme chacun sait, les religieux ne sont pas réputés pour leur humour.
Les blagues de Staline et de Trotski ne provoquaient qu'un rire poli au fond des goulags.
Je précise, en ces temps de bien-pensance impérialiste où la sottise se fait envahissante, qu'il s'agit d'une sorte d'humour appelé dérision. Que ceux qui ne comprendraient pas ce qu'il y a de marrant me contactent immédiatement, je ferais de mon mieux pour les soigner.
Reconversion
Bloguer c’est bien gentil mais ça ne nourrit pas son homme. Or, comme chacun sait, les libéraux - et j’en suis un - ne vivent que pour le fric. J’ai donc choisi le média le plus porteur, à savoir la télévision, et le format le plus en vogue, la série. Quinze minutes de cogitation m’ont permis d’aboutir à un concept révolutionnaire, avec des personnages hyperréalistes et des intrigues bétonnées qui, j’en suis sûr, va faire un malheur. TF1 et France 2 m’ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles étaient intéressées. J’en livre la primeur aux lecteurs de Rue Taranne, afin de les remercier de leur fidélité jamais démentie au cours de ces longues années de galère.
MELUN BRIGADE CRIMINELLE
Une série policière citoyenne et solidaire en six épisodes (pour l’instant) créee par Taranne.
Les personnages
Le capitaine Diquaide, un homme intègre, épris de justice, mari sans reproche et père idéal.Le lieutenant Anne Chlousse, une femme d’honneur et mère (célibataire) exemplaire, en butte aux préjugés machistes de ses collègues.Le lieutenant Abdallah Boudchou, un jeune flic exceptionnellement compétent, qui n’oublie pas qui il est ni d’où il vient.
Le lieutenant Géraldine Cottadomo, une jeune recrue prometteuse, lesbienne revendiquée et de tous les combats contre l’intolérance et la haine de l’Autre.
Les épisodes
1. Les marchands de peur
La ville de Melun est en proie à une véritable psychose après une vague sans précédent de vandalisme et d’agressions en tous genres. Chargés de l’enquête, Diquaide et ses hommes découvrent que ces actes sont commandités par un politicien désireux d’asseoir son discours sécuritaire…
2. Les soldats de la haine
Un jeune militant sans-papier est battu à mort et abandonné dans un terrain vague avec une croix gammée gravée sur son front. L’équipe du capitaine Diquaide remonte jusqu’aux meurtriers, une bande de skinheads et leur leader, un ancien collaborateur reconverti dans l’édition de livres négationnistes.
3. Les martyrs du profit
Deux inspecteurs du travail sont abattus à bout portant. Le coupable, un patron sanctionné pour les cadences infernales qu’il imposait à ses employés, est vite arrêté. Mais Diquaide le soupçonne d’avoir été téléguidé par une association proche de l’extrême-droite prônant l’abolition des lois sociales et un ultralibéralisme effrené…
4. Le droit de choisir
Un hôpital pratiquant des avortements est plastiqué, entrainant la mort d’une bénévole du Planning Familial. L’enquête s’oriente vers un mouvement intégriste anti-avortement financé par l’Opus Dei…
5. La semence maudite
Un célèbre biologiste est victime d’un attentat. Il était sur le point de révéler les effets cancérigènes d’une nouvelle variante de maïs génétiquement modifié mise au point par une multinationale américaine. Diquaide et ses hommes découvrent que la CIA pourrait n’être pas étrangère à l’affaire…
6. Mazel Tov
Un rabbin est roué de coups, et une synagogue incendiée. Les témoignages laissent à penser à des actes antisémites commis par des jeunes, mais Diquaide et ses hommes comprennent rapidement qu’il s’agit d’une manoeuvre orchestrée par le Mossad avec la complicité du CRIF à des fins de propagande pro-sioniste…
En cas de succès (et comment pourrait-il en être autrement) une deuxième saison est d’ores et déjà écrite, où Diquaide et son équipe affrontent les violences domestiques, l’homophobie, la pédophilie au sein de l’Eglise, le négationnisme pro-turc, l’industrie du tabac… Une série courageuse et engagée, dont on parlera à coup sûr!
mardi, juin 27, 2006
En garde à vue avec Karim, 17 ans, multirécidiviste
Dalrymple a publié un article sur le même thème en anglais It's this bad relatant des faits similaires en Angleterre, plus graves pour l'agressé (coma, séquelles cérébrales) mais pas pour l'agresseur et fait la même analyse que celle que je présente en commentaires entre [].
Les faits me semblent suffisamment révélateurs et leur signification suffisamment grave pour mériter la citation exhaustive.
En garde à vue avec Karim, 17 ans, multirécidiviste
LE MONDE 27.06.06 15h00 • Mis à jour le 27.06.06 15h00
Karim paraît bien sage, tassé sur sa chaise. Mais ce grand adolescent de 17 ans à la moustache naissante est aussi un délinquant, un "multirécidiviste", comme disent les policiers, arrivé dans le bureau les menottes aux poignets. Depuis près de vingt heures, ce jour de juin, Karim (son prénom a été modifié [touchante précaution : on remarquera que le nom de la coiffeuse accusée de discrimination à l'embauche -article d'il y a quelques jours- n'a pas été modifié]) est en garde à vue au commissariat d'Evry (Essonne) pour avoir "planté" un camarade avec un couteau de cuisine. Une nouvelle étape dans son parcours délinquant : ces trois dernières années, les policiers l'ont mis en cause pour une vingtaine d'infractions [et il était toujours libre jusqu'à l'aggression].
"On le voit quasiment tous les deux mois [ce qu'il y a de bien avec les habitudes, c'est qu'elles finissent par paraître normales]. Jusque-là, il faisait quarante-huit heures de garde à vue et il était libéré. Donc il nous prenait pour des cons [réaction justifiée si on se met à sa place]", se désole Christophe Capelle, 32 ans, lieutenant de police. Karim ou l'exemple-type, pour les policiers, des effets désastreux du sentiment d'impunité des mineurs délinquants [le mot "sentiment" est de trop : il s'agit d'une réelle impunité, or la transgression impunie appelle l'escalade]. Et donc de la nécessité, à leurs yeux [aux miens aussi], de réviser la justice des mineurs, notamment l'ordonnance de 1945, comme le préconise le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.
Cette fois-ci, c'est une "histoire de banlieue" des plus banales qui a conduit le jeune homme à l'hôtel de police : une fille qui le regarde "mal" [on remarquera la sensibilité fantastique de cet ego aussi surdimensionné que vide : un simple regard, d'autant plus s'il est féminin, est une agression insupportable], une claque pour la remettre à sa place [ben voyons, si on te regarde, c'est normal que tu cognes], le copain de la fille qui le "traite" et Karim qui rentre chez lui, prend un couteau de cuisine et retourne sur la place poignarder le jeune homme [processus qui a du prendre un certain temps, le temps de se calmer par exemple, mais non, se calmer, c'est se comporter en adulte, en vieux, très loin des idéaux de notre époque qui se gargarise de tolérance]. A quelques centimètres près, le coup aurait pu être mortel mais la victime, majeure, s'en sort avec un passage aux urgences et dix jours d'interruption temporaire de travail (ITT).
Très calme [n'ayant aucune empathie, se considérant comme supérieur du haut de son vide, il ne peut ni mesurer ses responsabilités ni compatir], visiblement serein malgré vingt heures de garde à vue, Karim fait face au brigadier Fabien Bourat, 30 ans. Le policier l'interroge pour tenter de mesurer le caractère prémédité de l'acte : "Pourquoi tu l'as planté ?
- Vas-y. Il m'a énervé. Je sais pas ce qu'il voulait montrer à la meuf mais voilà. Je sais pas pour qui il s'est pris. Il m'a dit "casse-toi". Je l'ai planté. J'avais la rage [évidemment c'est une excuse : on ne peut pas, on ne doit pas, aller contre ses sentiments : il faut être spontané. C'est la doctrine de l'époque. Si sa spontanéité le pousse à égorger son voisin, c'est bien dommage, mais mieux vaut ça que d'être refoulé et frustré. Le contraire de cette attitude s'appelle être civilisé, cette mystérieuse manière d'être est expliquée dans de vieux livres poussiéreux que plus personne ne lit.]
- Ton but, c'était quoi ?
- Je voulais pas le planter. Je voulais me battre avec lui, j'avais la rage [re-excuse rageuse : je voulais, je voulais, mais l'autre en face, qu'est-ce qu'il voulait ? Etre "planté" ? En fait, l'autre ne compte pas, n'existe pas, sauf comme cible sur laquelle passer sa "rage"]."
Aucun regret exprimé [pourquoi regretter ?]. Au contraire même : ne supportant pas que la victime ait porté plainte, Karim menace de représailles [évidemment, la plainte est imméritée : Karim était en état de légitime défense rageuse suite à une odieuse agression oculaire. Cette plainte est une inadmissible remise en cause du droit à la spontanéité de Karim, une brimade de son être tout en sensibilité. D'ailleurs, l'existence d'autres hommes sur la planète de cet adolescent-Dieu est en soi une agression.]. Il s'inquiète parce que son frère a également été placé en garde à vue pour avoir tenté de faire pression sur la famille du jeune homme agressé. "Quand je sors, dit-il, je vais le défoncer. Moi, je suis enfermé comme un chien [non, pas comme un chien, comme un agreseur] et lui, il rigole dehors. Il fait trop la victime [on remarque que Karim, incapable de considérer autre chose que soi, ne peut réaliser que l'agressé est vraiment une victime ; tout doit tourner autour de lui, la victime joue donc un jeu dont l'unique but est de l'emmerder, lui, le centre du monde.]. Faut qu'il arrête, il est chelou."
La gardienne de la paix, Halima Merzouk, 28 ans, tente de le raisonner : "Si tu fais le con, tu vas prendre des années de prison." Son collègue Fabien Bourat insiste : "Si jamais tu ressors et que tu refais une connerie, c'est fini." Peine perdue, Karim s'énerve : "Vas-y. Il prend ma famille pour des pédés [comment ? Qu'ouis-je ? Qu'entends-je ? Que lis-je ? Une telle insulte et Karim n'est pas aussitôt accusé d'homophobie, crime bien plus grave qu'un malheureux dérapage coutelier sous l'emprise d'une légitime rage ? Vraiment, que fait la police ?], il dépose plainte, la retire, la remet... Si je vais pas en prison tout de suite, sur le Coran [expression à caractère identitaire qui n'indique nullement que le jureur ait lu le Coran, respecte le Coran ou même sache lire] je me le fais. Si c'est pas lui, c'est son frère ["Si ce n'est pas toi, c'est donc ton frère", il y a une fable de La Fontaine sur le sujet, je doute que Karim la connaisse. C'est dommage, il s'y verrait en loup parlant des moutons. Vu son complexe de supériorité, son culte de la force, son agressivité et son mépris du genre humain, je ne suis pas sûr que l'image lui déplaise]."
La victime craint visiblement les représailles : après avoir hésité, elle a retiré sa plainte [une superbe victoire de l'état de droit] en indiquant que, partageant sa confession musulmane et connaissant sa famille, elle pardonnait son agresseur. Les menaces de Karim sont également prises très au sérieux par les policiers : à Evry, début mai, un jeune homme est décédé après avoir été poignardé pour une histoire de rivalité entre quartiers. Des expéditions punitives avaient ensuite été organisées par des proches de la victime.
Pour les policiers, Karim est une caricature des mineurs récidivistes face auxquels ils se sentent désarmés. Les fichiers informatiques mentionnent une vingtaine d'infractions commises en trois ans, des vols avec violence, des dégradations, la détention illégale d'armes, des outrages, des violences sur agent. Depuis cinq ans, il a été écroué, en détention provisoire, une seule fois de janvier à mars 2006 pour vol à main armée.
En patrouille dans les quartiers sensibles d'Evry, les policiers de la BAC (brigade anticriminalité) du commissariat désignent du doigt de nombreux mineurs délinquants, interpellés à de nombreuses reprises mais pour lesquels aucune sanction n'a été prise. "Lui, on l'a déjà serré une dizaine de fois. Il est toujours dehors. Celui-là, il pèse 20 kilos tout mouillé et il a pas 15 ans mais a déjà fait plusieurs vols avec violence", raconte l'un des policiers. "Je dirais que 80 % des interpellations que l'on fait concernent des mineurs ou de très jeunes majeurs", relève Julien Martin, 32 ans, le lieutenant qui commande la BAC d'Evry. Le soir même, ses hommes interpellent un jeune de 11 ans impliqué, avec trois autres mineurs, dans un cambriolage. La "routine", la conséquence de l'"impunité", disent les policiers.
"Des types comme Karim, on les arrête, ils passent devant le juge des enfants. Ils sont placés en foyer, ils s'enfuient et ils recommencent", souligne Christophe Capelle. Le groupe de cinq policiers chargé des vols avec violence - deux par jour en moyenne sur la circonscription d'Evry (90 000 habitants) - y voit une des raisons de la participation fréquente de jeunes mineurs à des agressions crapuleuses, souvent commises en groupe, souvent très violentes.
Le commissaire principal, Jean-François Papineau, évoque des "gamins dressés au vol dès 5 ans" qui connaissent parfaitement les rouages de la justice. Karim en fait partie, qui connaît très bien les rôles respectifs des policiers, du juge des enfants, du procureur ou bien du juge des libertés et de la détention. [Tout cela n'est pas bien grave : puisque l'Etat, malgré de lourds impots, abdique sa mission d'enfermer les gêneurs, ce sont les riches qui vont s'enfermer chez eux, dans des quartiers réservés, pour se protéger des gêneurs en liberté. Le processus est déjà commencé. Quant aux pauvres, qui n'ont pas les moyens de payer barrières, caméras et gardiens, ma foi, ils n'ont qu'à être plus riches. Cela s'appelle la République. ]
Dans sa cellule de garde à vue, il demande aux policiers quand il peut espérer sortir. La réponse tombe plus tard : estimant que le geste est grave et que sa remise en liberté comporte des risques de trouble à l'ordre public, le procureur a requis la mise en détention provisoire, ce que le juge des libertés et de la détention a accepté. Une information judiciaire a été ouverte pour tentative d'assassinat.
Karim a peut-être commis l'acte de trop mais la prison ne l'inquiète visiblement pas [c'est même un honneur, comme une blessure de guerre, d'y aller]. En défendant son honneur [??] au couteau, relèvent les policiers, il privilégie la loi de la cité sur tout le reste. "Karim comprend très bien sa situation. Mais, même devant nous, c'est la loi de la cité, celle qu'il vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui le commande. La loi de la police et de la justice, il ne la croise que de temps en temps. Donc il n'a pas peur de nous dire qu'il va se venger", explique Fabien Bourat.
Le seul aspect qui semble gêner Karim, c'est le regard de sa mère [même les pires abrutis ont une mère, la piété filiale n'est pas une garantie de savoir-vivre.]. "La mettez pas en panique", demande-t-il aux policiers. Pendant une conversation plus informelle, le lieutenant Capelle lui demande s'il a souffert de sa première expérience carcérale : "Normal", "pas de souci". Il sait qu'il y retrouvera des copains de la cité. Et que son statut, dans le quartier, en sortira renforcé. Bien plus que s'il demeure dans son emploi, au fond des cuisines d'un fast-food. [et ce n'est pas les 35 h qui vont rendre le travail plus honorable]
[ Je suis un salaud qui ne comprends pas que Karim est une pauvre victime de la société (plus précisément du libéralisme, ultra, forcément ultra. Je plaisante : si Karim est bien victime de quelque chose dans la société, c'est de l'assistanat, authentique fabrique d''irresponsables, pourvus d'une foultitude de droits-créances et d'aucun devoir). Je pense que Karim est un loup -et encore, c'est une insulte pour le loup.
Cependant, tout loup qu'il est, Karim est parfaitement réprésentatif de l'idéal de notre société : adolescence perpétuelle, expression de soi, éloge de la spontanéité, sentiment supérieur à la raison, égoïsme absolu (perte de la relativité des choses et de moi-même), culte du corps et de la force.
Qu'en conclure ? Qu'il faut vous dépêcher de devenir riches pour pouvoir vous réfugier dans des quartiers protégés. Ensuite, bien à l'abri, vous aurez tout loisir pour vous apitoyer sur la condition des pauvres qui vivent dans la peur ("jouer sur le sécuritaire" : être de droite) ou les oublier totalement ("ne pas faire le jeu de la droite" : être de gauche), au choix.]
Luc Bronner
Article paru dans l'édition du 28.06.06
Les faits me semblent suffisamment révélateurs et leur signification suffisamment grave pour mériter la citation exhaustive.
En garde à vue avec Karim, 17 ans, multirécidiviste
LE MONDE 27.06.06 15h00 • Mis à jour le 27.06.06 15h00
Karim paraît bien sage, tassé sur sa chaise. Mais ce grand adolescent de 17 ans à la moustache naissante est aussi un délinquant, un "multirécidiviste", comme disent les policiers, arrivé dans le bureau les menottes aux poignets. Depuis près de vingt heures, ce jour de juin, Karim (son prénom a été modifié [touchante précaution : on remarquera que le nom de la coiffeuse accusée de discrimination à l'embauche -article d'il y a quelques jours- n'a pas été modifié]) est en garde à vue au commissariat d'Evry (Essonne) pour avoir "planté" un camarade avec un couteau de cuisine. Une nouvelle étape dans son parcours délinquant : ces trois dernières années, les policiers l'ont mis en cause pour une vingtaine d'infractions [et il était toujours libre jusqu'à l'aggression].
"On le voit quasiment tous les deux mois [ce qu'il y a de bien avec les habitudes, c'est qu'elles finissent par paraître normales]. Jusque-là, il faisait quarante-huit heures de garde à vue et il était libéré. Donc il nous prenait pour des cons [réaction justifiée si on se met à sa place]", se désole Christophe Capelle, 32 ans, lieutenant de police. Karim ou l'exemple-type, pour les policiers, des effets désastreux du sentiment d'impunité des mineurs délinquants [le mot "sentiment" est de trop : il s'agit d'une réelle impunité, or la transgression impunie appelle l'escalade]. Et donc de la nécessité, à leurs yeux [aux miens aussi], de réviser la justice des mineurs, notamment l'ordonnance de 1945, comme le préconise le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.
Cette fois-ci, c'est une "histoire de banlieue" des plus banales qui a conduit le jeune homme à l'hôtel de police : une fille qui le regarde "mal" [on remarquera la sensibilité fantastique de cet ego aussi surdimensionné que vide : un simple regard, d'autant plus s'il est féminin, est une agression insupportable], une claque pour la remettre à sa place [ben voyons, si on te regarde, c'est normal que tu cognes], le copain de la fille qui le "traite" et Karim qui rentre chez lui, prend un couteau de cuisine et retourne sur la place poignarder le jeune homme [processus qui a du prendre un certain temps, le temps de se calmer par exemple, mais non, se calmer, c'est se comporter en adulte, en vieux, très loin des idéaux de notre époque qui se gargarise de tolérance]. A quelques centimètres près, le coup aurait pu être mortel mais la victime, majeure, s'en sort avec un passage aux urgences et dix jours d'interruption temporaire de travail (ITT).
Très calme [n'ayant aucune empathie, se considérant comme supérieur du haut de son vide, il ne peut ni mesurer ses responsabilités ni compatir], visiblement serein malgré vingt heures de garde à vue, Karim fait face au brigadier Fabien Bourat, 30 ans. Le policier l'interroge pour tenter de mesurer le caractère prémédité de l'acte : "Pourquoi tu l'as planté ?
- Vas-y. Il m'a énervé. Je sais pas ce qu'il voulait montrer à la meuf mais voilà. Je sais pas pour qui il s'est pris. Il m'a dit "casse-toi". Je l'ai planté. J'avais la rage [évidemment c'est une excuse : on ne peut pas, on ne doit pas, aller contre ses sentiments : il faut être spontané. C'est la doctrine de l'époque. Si sa spontanéité le pousse à égorger son voisin, c'est bien dommage, mais mieux vaut ça que d'être refoulé et frustré. Le contraire de cette attitude s'appelle être civilisé, cette mystérieuse manière d'être est expliquée dans de vieux livres poussiéreux que plus personne ne lit.]
- Ton but, c'était quoi ?
- Je voulais pas le planter. Je voulais me battre avec lui, j'avais la rage [re-excuse rageuse : je voulais, je voulais, mais l'autre en face, qu'est-ce qu'il voulait ? Etre "planté" ? En fait, l'autre ne compte pas, n'existe pas, sauf comme cible sur laquelle passer sa "rage"]."
Aucun regret exprimé [pourquoi regretter ?]. Au contraire même : ne supportant pas que la victime ait porté plainte, Karim menace de représailles [évidemment, la plainte est imméritée : Karim était en état de légitime défense rageuse suite à une odieuse agression oculaire. Cette plainte est une inadmissible remise en cause du droit à la spontanéité de Karim, une brimade de son être tout en sensibilité. D'ailleurs, l'existence d'autres hommes sur la planète de cet adolescent-Dieu est en soi une agression.]. Il s'inquiète parce que son frère a également été placé en garde à vue pour avoir tenté de faire pression sur la famille du jeune homme agressé. "Quand je sors, dit-il, je vais le défoncer. Moi, je suis enfermé comme un chien [non, pas comme un chien, comme un agreseur] et lui, il rigole dehors. Il fait trop la victime [on remarque que Karim, incapable de considérer autre chose que soi, ne peut réaliser que l'agressé est vraiment une victime ; tout doit tourner autour de lui, la victime joue donc un jeu dont l'unique but est de l'emmerder, lui, le centre du monde.]. Faut qu'il arrête, il est chelou."
La gardienne de la paix, Halima Merzouk, 28 ans, tente de le raisonner : "Si tu fais le con, tu vas prendre des années de prison." Son collègue Fabien Bourat insiste : "Si jamais tu ressors et que tu refais une connerie, c'est fini." Peine perdue, Karim s'énerve : "Vas-y. Il prend ma famille pour des pédés [comment ? Qu'ouis-je ? Qu'entends-je ? Que lis-je ? Une telle insulte et Karim n'est pas aussitôt accusé d'homophobie, crime bien plus grave qu'un malheureux dérapage coutelier sous l'emprise d'une légitime rage ? Vraiment, que fait la police ?], il dépose plainte, la retire, la remet... Si je vais pas en prison tout de suite, sur le Coran [expression à caractère identitaire qui n'indique nullement que le jureur ait lu le Coran, respecte le Coran ou même sache lire] je me le fais. Si c'est pas lui, c'est son frère ["Si ce n'est pas toi, c'est donc ton frère", il y a une fable de La Fontaine sur le sujet, je doute que Karim la connaisse. C'est dommage, il s'y verrait en loup parlant des moutons. Vu son complexe de supériorité, son culte de la force, son agressivité et son mépris du genre humain, je ne suis pas sûr que l'image lui déplaise]."
La victime craint visiblement les représailles : après avoir hésité, elle a retiré sa plainte [une superbe victoire de l'état de droit] en indiquant que, partageant sa confession musulmane et connaissant sa famille, elle pardonnait son agresseur. Les menaces de Karim sont également prises très au sérieux par les policiers : à Evry, début mai, un jeune homme est décédé après avoir été poignardé pour une histoire de rivalité entre quartiers. Des expéditions punitives avaient ensuite été organisées par des proches de la victime.
Pour les policiers, Karim est une caricature des mineurs récidivistes face auxquels ils se sentent désarmés. Les fichiers informatiques mentionnent une vingtaine d'infractions commises en trois ans, des vols avec violence, des dégradations, la détention illégale d'armes, des outrages, des violences sur agent. Depuis cinq ans, il a été écroué, en détention provisoire, une seule fois de janvier à mars 2006 pour vol à main armée.
En patrouille dans les quartiers sensibles d'Evry, les policiers de la BAC (brigade anticriminalité) du commissariat désignent du doigt de nombreux mineurs délinquants, interpellés à de nombreuses reprises mais pour lesquels aucune sanction n'a été prise. "Lui, on l'a déjà serré une dizaine de fois. Il est toujours dehors. Celui-là, il pèse 20 kilos tout mouillé et il a pas 15 ans mais a déjà fait plusieurs vols avec violence", raconte l'un des policiers. "Je dirais que 80 % des interpellations que l'on fait concernent des mineurs ou de très jeunes majeurs", relève Julien Martin, 32 ans, le lieutenant qui commande la BAC d'Evry. Le soir même, ses hommes interpellent un jeune de 11 ans impliqué, avec trois autres mineurs, dans un cambriolage. La "routine", la conséquence de l'"impunité", disent les policiers.
"Des types comme Karim, on les arrête, ils passent devant le juge des enfants. Ils sont placés en foyer, ils s'enfuient et ils recommencent", souligne Christophe Capelle. Le groupe de cinq policiers chargé des vols avec violence - deux par jour en moyenne sur la circonscription d'Evry (90 000 habitants) - y voit une des raisons de la participation fréquente de jeunes mineurs à des agressions crapuleuses, souvent commises en groupe, souvent très violentes.
Le commissaire principal, Jean-François Papineau, évoque des "gamins dressés au vol dès 5 ans" qui connaissent parfaitement les rouages de la justice. Karim en fait partie, qui connaît très bien les rôles respectifs des policiers, du juge des enfants, du procureur ou bien du juge des libertés et de la détention. [Tout cela n'est pas bien grave : puisque l'Etat, malgré de lourds impots, abdique sa mission d'enfermer les gêneurs, ce sont les riches qui vont s'enfermer chez eux, dans des quartiers réservés, pour se protéger des gêneurs en liberté. Le processus est déjà commencé. Quant aux pauvres, qui n'ont pas les moyens de payer barrières, caméras et gardiens, ma foi, ils n'ont qu'à être plus riches. Cela s'appelle la République. ]
Dans sa cellule de garde à vue, il demande aux policiers quand il peut espérer sortir. La réponse tombe plus tard : estimant que le geste est grave et que sa remise en liberté comporte des risques de trouble à l'ordre public, le procureur a requis la mise en détention provisoire, ce que le juge des libertés et de la détention a accepté. Une information judiciaire a été ouverte pour tentative d'assassinat.
Karim a peut-être commis l'acte de trop mais la prison ne l'inquiète visiblement pas [c'est même un honneur, comme une blessure de guerre, d'y aller]. En défendant son honneur [??] au couteau, relèvent les policiers, il privilégie la loi de la cité sur tout le reste. "Karim comprend très bien sa situation. Mais, même devant nous, c'est la loi de la cité, celle qu'il vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui le commande. La loi de la police et de la justice, il ne la croise que de temps en temps. Donc il n'a pas peur de nous dire qu'il va se venger", explique Fabien Bourat.
Le seul aspect qui semble gêner Karim, c'est le regard de sa mère [même les pires abrutis ont une mère, la piété filiale n'est pas une garantie de savoir-vivre.]. "La mettez pas en panique", demande-t-il aux policiers. Pendant une conversation plus informelle, le lieutenant Capelle lui demande s'il a souffert de sa première expérience carcérale : "Normal", "pas de souci". Il sait qu'il y retrouvera des copains de la cité. Et que son statut, dans le quartier, en sortira renforcé. Bien plus que s'il demeure dans son emploi, au fond des cuisines d'un fast-food. [et ce n'est pas les 35 h qui vont rendre le travail plus honorable]
[ Je suis un salaud qui ne comprends pas que Karim est une pauvre victime de la société (plus précisément du libéralisme, ultra, forcément ultra. Je plaisante : si Karim est bien victime de quelque chose dans la société, c'est de l'assistanat, authentique fabrique d''irresponsables, pourvus d'une foultitude de droits-créances et d'aucun devoir). Je pense que Karim est un loup -et encore, c'est une insulte pour le loup.
Cependant, tout loup qu'il est, Karim est parfaitement réprésentatif de l'idéal de notre société : adolescence perpétuelle, expression de soi, éloge de la spontanéité, sentiment supérieur à la raison, égoïsme absolu (perte de la relativité des choses et de moi-même), culte du corps et de la force.
Qu'en conclure ? Qu'il faut vous dépêcher de devenir riches pour pouvoir vous réfugier dans des quartiers protégés. Ensuite, bien à l'abri, vous aurez tout loisir pour vous apitoyer sur la condition des pauvres qui vivent dans la peur ("jouer sur le sécuritaire" : être de droite) ou les oublier totalement ("ne pas faire le jeu de la droite" : être de gauche), au choix.]
Luc Bronner
Article paru dans l'édition du 28.06.06
lundi, juin 26, 2006
Une petite leçon pour la "solidarité" à la française ?
En France, où on croit majoritairement que la solidarité est une redistribution étatique de fonds extorqués, on ferait bien de réfléchir à la dépêche suivante :
Warren Buffett donne plus de 80 % de sa fortune à des œuvres caritatives
Warren Buffett, deuxième fortune du monde, a annoncé, dimanche 25 juin, son intention de donner quelque 37 milliards de dollars, soit 29,6 milliards d'euros, à des organisations caritatives dirigées par son ami Bill Gates et par des membres de sa propre famille. Cette décision, qui porte sur plus de 80 % de sa fortune, constitue la plus grosse donation individuelle jamais réalisée aux Etats-Unis
Warren Buffett donne plus de 80 % de sa fortune à des œuvres caritatives
Warren Buffett, deuxième fortune du monde, a annoncé, dimanche 25 juin, son intention de donner quelque 37 milliards de dollars, soit 29,6 milliards d'euros, à des organisations caritatives dirigées par son ami Bill Gates et par des membres de sa propre famille. Cette décision, qui porte sur plus de 80 % de sa fortune, constitue la plus grosse donation individuelle jamais réalisée aux Etats-Unis
Cars
FF
Début laborieux mais ensuite ça tient la route.
Et en plus, ô joie, ô bonheur, il n'y a pas l'habituelle blague pour adultes à la Disney, pas de clin d'oeil "entre grands", de fausse familiarité (Disney et moi n'avons pas élevés les trois petits cochons ensemble).
C'est un film "sérieusement" pour les petits. Mais les grands peuvent le voir avec plaisir.
Dans la peau de Jacques Chirac
Marie-Antoinette
F
Quelques méchantes langues ont surnommé ce film Barbie-Antoinette.
Disons que ça se laisse voir sans atteindre la qualité des précédents films de Sofia Coopola.
Il semblerait que la miss ait quelques difficultés à traiter de l'âge adulte, ce qui fait que le film se dégrade à mesure qu'on s'éloigne de l'adolescence.
La jeunesse est un naufrage
La jeunesse est un naufrage : les jeunes sont immatures, irréfléchis, la plupart du temps incultes, inexpérimentés, influençables, prompts aux exaltations grégaires. Ce n'est pas par hasard que les plus terrifiantes dictatures ont fait un usage abondant de la jeunesse. En restant en France, il suffit de songer aux manifestations contre le CPE pour constater à quel point la jeunesse peut être ridicule (j'admets que les manifestants furent très bruyants mais minoritaires).
Cependant, et jusqu'à ce que les avancées de la science nous rendent immortels, il faut bien convenir que, les jeunes d'aujourd'hui étant les vieux de demain, la jeunesse est l'avenir.
C'est pourquoi on peut toutefois décider de ne voir de la jeunesse que ses bons cotés. Je préfère la compagnie d'un jeune intelligent à celle d'un vieux con.
Il restera tout de même que la vénération excessive de la jeunesse sous toutes ses formes, même les plus rassises, que pratique notre société est une marque de décadence.
Cependant, et jusqu'à ce que les avancées de la science nous rendent immortels, il faut bien convenir que, les jeunes d'aujourd'hui étant les vieux de demain, la jeunesse est l'avenir.
C'est pourquoi on peut toutefois décider de ne voir de la jeunesse que ses bons cotés. Je préfère la compagnie d'un jeune intelligent à celle d'un vieux con.
Il restera tout de même que la vénération excessive de la jeunesse sous toutes ses formes, même les plus rassises, que pratique notre société est une marque de décadence.
dimanche, juin 25, 2006
Le monde qui vient
Voici quelques considérations :
> je touve le mariage homosexuel ridicule et l'adoption par des couples homosexuels néfaste.
> je ne considère pas que toutes les cultures et toutes les opinions se valent.
> le métissage ne m'apparaît pas comme le souverain Bien.
> L'anti-racisme tel que pratiqué aujourd'hui en France par les associations qui s'en réclament n'est pas une attitude morale mais un comportement totalitaire destiné à culpabiliser et à réduire au silence la majorité, comptentueusement baptisée "petits blancs".
La meilleure preuve en est qu'aucune de ces associations n'a porté plainte lorsque des bandes de banlieue ont exprimé ouvertement et physiquement leur racisme anti-blanc lors des manifestations contre le CPE. Il faut traquer, disséquer à la pince à épiler, le moindre propos d'un blanc pour y déceler la plus petite trace d'un insupportable racisme mais quand un noir dit (voir article du Monde sur le CPE) : "Les blancs sont des tapettes qui ne savent pas se battre.", ce n'est pas du racisme, c'est un problème sociologique exprimé par une pauvre victime "avec ses mots à lui".
> se préoccuper des animaux et de la nature, pourquoi pas, mais les hommes d'abord.
> il ne m'est jamais venu à l'idée de faire un procès à quelqu'un qui m'insultait ou qui me choquait.
> je ne me sens pas appartenir à aucun groupe, à part peut-être celui des Français.
> le savoir a une valeur en soi et le transmettre suppose de la méthode.
> un homme n'est pas une femme comme les autres.
> L'égalitarisme sous toutes ses formes est criminel : les hommes ne sont égaux ni en talents, ni en capacités, ni en désirs. L'égalité ne peut se faire que d'un point de vue partiel, partial, et par la médiocrité.
> le rolleriste, surtout en troupeau, me semble être un point bas de l'intelligence.
> le sport m'intéresse peu et le sport qui passe à la télé pas du tout.
> La télé elle-même m'ennuie profondément ; d'ailleurs depuis quelques temps, je m'en passe sans souffrance (seule exception, je regarde quelquefois "C dans l'air" sur internet).
> Je suis capable, avec un peu d'attention, d'écrire sans fautes d'orthographe ni de grammaire.
Bref, tout ceci étant dit, je peux poser cette question : suis-je adapté au monde qui vient ?
Il est vrai que cela n'a guère d'importance : le monde qui vient est sur la pente d'un suicide accéléré, ce qui finira bien par prouver que trop de ridicule peut tuer.
Il sera temps alors d'immigrer aux USA, de se construire une cabane au fin fond de la Pennsylvanie ou du Nevada, avec quelques étagères pour les livres, Homère, Montaigne, Cervantes, Shakespeare, pourquoi pas une Bible, et puis voilà.
> je touve le mariage homosexuel ridicule et l'adoption par des couples homosexuels néfaste.
> je ne considère pas que toutes les cultures et toutes les opinions se valent.
> le métissage ne m'apparaît pas comme le souverain Bien.
> L'anti-racisme tel que pratiqué aujourd'hui en France par les associations qui s'en réclament n'est pas une attitude morale mais un comportement totalitaire destiné à culpabiliser et à réduire au silence la majorité, comptentueusement baptisée "petits blancs".
La meilleure preuve en est qu'aucune de ces associations n'a porté plainte lorsque des bandes de banlieue ont exprimé ouvertement et physiquement leur racisme anti-blanc lors des manifestations contre le CPE. Il faut traquer, disséquer à la pince à épiler, le moindre propos d'un blanc pour y déceler la plus petite trace d'un insupportable racisme mais quand un noir dit (voir article du Monde sur le CPE) : "Les blancs sont des tapettes qui ne savent pas se battre.", ce n'est pas du racisme, c'est un problème sociologique exprimé par une pauvre victime "avec ses mots à lui".
> se préoccuper des animaux et de la nature, pourquoi pas, mais les hommes d'abord.
> il ne m'est jamais venu à l'idée de faire un procès à quelqu'un qui m'insultait ou qui me choquait.
> je ne me sens pas appartenir à aucun groupe, à part peut-être celui des Français.
> le savoir a une valeur en soi et le transmettre suppose de la méthode.
> un homme n'est pas une femme comme les autres.
> L'égalitarisme sous toutes ses formes est criminel : les hommes ne sont égaux ni en talents, ni en capacités, ni en désirs. L'égalité ne peut se faire que d'un point de vue partiel, partial, et par la médiocrité.
> le rolleriste, surtout en troupeau, me semble être un point bas de l'intelligence.
> le sport m'intéresse peu et le sport qui passe à la télé pas du tout.
> La télé elle-même m'ennuie profondément ; d'ailleurs depuis quelques temps, je m'en passe sans souffrance (seule exception, je regarde quelquefois "C dans l'air" sur internet).
> Je suis capable, avec un peu d'attention, d'écrire sans fautes d'orthographe ni de grammaire.
Bref, tout ceci étant dit, je peux poser cette question : suis-je adapté au monde qui vient ?
Il est vrai que cela n'a guère d'importance : le monde qui vient est sur la pente d'un suicide accéléré, ce qui finira bien par prouver que trop de ridicule peut tuer.
Il sera temps alors d'immigrer aux USA, de se construire une cabane au fin fond de la Pennsylvanie ou du Nevada, avec quelques étagères pour les livres, Homère, Montaigne, Cervantes, Shakespeare, pourquoi pas une Bible, et puis voilà.
samedi, juin 24, 2006
Hé hop ! Un peu d'européano-centrisme
Je suis mûr pour me faire traiter de "réac" par la bien-pensance "festive" et "solidaire", autant enfoncer le clou en vous citant une chronique d'Ivan Rioufol dans Ll Figaro :
Égalité des cultures ?
Lu, entendu : la Joconde n’aurait rien à envier à tel superbe masque rituel du Musée des arts premiers du quai Branly, inauguré mardi. Inutile de braver cet unanimisme, en faisant remarquer que la beauté de l’oeuvre de Vinci est le résultat d’un art abouti. Jacques Chirac a tranché : « Il n’existe pas plus de hiérarchie entre les arts et les cultures qu’il n’existe de hiérarchies entre les peuples. » L’idéologie multiculturelle ne dit pas autre chose.
Pour elle, toutes les cultures étant égales, l’Occident n’a pas vocation à s’affirmer, même devant ses hôtes. C’est ce que soutiennent les immigrationnistes, qui ont demandé au président de faire un « geste » pour empêcher l’expulsion des enfants africains, vus comme étant « les descendants » des créateurs de ces arts premiers. Hélas, le chef de l’État partage ce relativisme culturel et ce goût pour la flagellation.
Or la dévalorisation de l’Occident, qui n’incite déjà plus l’école à transmettre un héritage méprisé, relève d’une analyse contestable. Même l’ethnologue Claude Lévi-Strauss en est convenu : « Ce que les pays insuffisamment développés reprochent aux autres n’est pas de les occidentaliser, mais de ne pas leur donner assez vite les moyens de s’occidentaliser. Il ne servirait à rien de vouloir défendre l’originalité des cultures humaines contre elles-mêmes » (« Bloc-Notes » du 27 mars 2004).
« Montrez-moi le Proust des Papous ou le Tolstoï des Zoulous, et je le lirai », avait déclaré le romancier américain Saul Bellow, avant d’être accusé de racisme. Son tort : avoir estimé que certaines cultures étaient plus avancées et avaient davantage enrichi la civilisation. Mais n’est-ce pas ce que pensent de l’Occident les immigrés eux-mêmes, quand ils choisissent de rejoindre des nations chrétiennes, plus riches, plus développés ?
Égalité des cultures ?
Lu, entendu : la Joconde n’aurait rien à envier à tel superbe masque rituel du Musée des arts premiers du quai Branly, inauguré mardi. Inutile de braver cet unanimisme, en faisant remarquer que la beauté de l’oeuvre de Vinci est le résultat d’un art abouti. Jacques Chirac a tranché : « Il n’existe pas plus de hiérarchie entre les arts et les cultures qu’il n’existe de hiérarchies entre les peuples. » L’idéologie multiculturelle ne dit pas autre chose.
Pour elle, toutes les cultures étant égales, l’Occident n’a pas vocation à s’affirmer, même devant ses hôtes. C’est ce que soutiennent les immigrationnistes, qui ont demandé au président de faire un « geste » pour empêcher l’expulsion des enfants africains, vus comme étant « les descendants » des créateurs de ces arts premiers. Hélas, le chef de l’État partage ce relativisme culturel et ce goût pour la flagellation.
Or la dévalorisation de l’Occident, qui n’incite déjà plus l’école à transmettre un héritage méprisé, relève d’une analyse contestable. Même l’ethnologue Claude Lévi-Strauss en est convenu : « Ce que les pays insuffisamment développés reprochent aux autres n’est pas de les occidentaliser, mais de ne pas leur donner assez vite les moyens de s’occidentaliser. Il ne servirait à rien de vouloir défendre l’originalité des cultures humaines contre elles-mêmes » (« Bloc-Notes » du 27 mars 2004).
« Montrez-moi le Proust des Papous ou le Tolstoï des Zoulous, et je le lirai », avait déclaré le romancier américain Saul Bellow, avant d’être accusé de racisme. Son tort : avoir estimé que certaines cultures étaient plus avancées et avaient davantage enrichi la civilisation. Mais n’est-ce pas ce que pensent de l’Occident les immigrés eux-mêmes, quand ils choisissent de rejoindre des nations chrétiennes, plus riches, plus développés ?
Homoparentalité : et si on pensait aux enfants ?
Ces histoires d'homosexuels revendiquant l'adoption est honteusement égoïste, un peu comme les couples divorcés pratiquant la garde alternée : des adultes se font plaisir, assouvissent leur désir, résolvent leurs problèmes, sur le dos des enfants.
Tout cela est un avatar du confusionisme contemporain qui essaie de transformer les hommes en femmes, les adultes en enfants, les rolleristes en artistes et les étrangers en Français (1).
(1) : par d'ambiguité sur ce point : comme je crois, naïf que je suis, à une certaine universalité de la France, je trouve très bien qu'un étranger veuille de lui-même devenir français. Par contre, la naturalisation automatique ou en charettes décrétée dans une administration sous la pression d'associations "solidaires", c'est niet.
D'ailleurs, à force de déguiser sous les noms de "solidarité" opu de "tolérance", leurs pulsions, leurs opinions, leurs préférences afin de les imposer aux autres par la force d'un chantage moral voire légal (cf les lois contre les diverses "phobies"), ces groupuscules vont finir par me faire détester ces jolis mots.
L'homoparentalité, une triple discrimination pour les enfants
Xavier Lacroix (dans Le Figaro)
Il est surprenant que des enjeux aussi consistants que le mariage ou l'adoption soient abordés seulement sous l'angle de l'égalité, comme c'est le cas cette année avec le slogan de la Gay Pride. Comment a-t-on pu en venir à oublier ce qui est en question dans l'objet de la revendication ? Cela a-t-il un sens de revendiquer un égal accès à une réalité alors que la position à l'égard de celle-ci est foncièrement différente ? Or, face au mariage et à la parenté, les couples homosexués ne sont pas, de fait, dans la même situation.
Le mariage n'est pas un objet neutre, convoitable indépendamment de son contenu. Ni hétérosexuel ni homosexuel, il n'est pas seulement «la reconnaissance sociale de l'amour», selon la formule de Noël Mamère, mais, par définition et de fait dans notre droit, la fondation d'une famille. Qu'il soit possible de fonder une famille autrement ou que certains couples mariés soient stériles n'enlève rien à cette finalité intrinsèque. Certains groupes de pression minoritaires dans la société ont tenté de contourner cette difficulté en créant de toutes pièces la notion d'«homoparentalité». Une telle notion n'est possible qu'en dissociant la «parentalité» de la «parenté», le premier terme désignant l'exercice de fonctions, le second restant lié à l'engendrement.
Que, dans des situations de fait, une telle disjonction puisse avoir lieu est une chose dont il faut tenir compte. Mais qu'une telle dissociation soit érigée en principe et a fortiori instituée, en est une autre, moralement discutable. En instituant la parenté monosexuée sous prétexte de lutter contre une prétendue discrimination entre les adultes, on en créerait une autre, bien plus réelle et bien plus grave, entre les enfants. Des milliers d'enfants seraient en effet privés par le droit, a priori donc, de trois biens fondamentaux.
Tout d'abord de la différence entre deux repères identificatoires, masculin et féminin, dans l'univers de leur croissance intime. Qu'il soit garçon ou fille, l'enfant a besoin, pour la découverte de son identité, d'un jeu subtil d'identifications et différenciations avec ses deux instances paternelle et maternelle. Cela a été étudié avec minutie par une littérature scientifique surabondante. Mais, par un étrange phénomène d'amnésie, certains discours font froidement table rase de tout cet acquis.
Le second bien élémentaire pour l'enfant est, lorsque cela est possible, la continuité ou au moins l'analogie entre le couple procréateur et le couple éducateur. La quête douloureuse de leur origine par les enfants nés «sous X», les difficultés propres à l'adoption indiquent bien que les ruptures dans l'histoire, les dissociations entre les différentes composantes de la parenté, sont autant de complications dans la vie de l'enfant. Dès lors, il est souhaitable qu'à la discontinuité liée à l'adoption ne vienne pas s'ajouter une seconde discontinuité, à savoir la perte de l'analogie entre le couple d'origine et le couple éducateur. C'est a fortiori parce qu'il est adopté qu'un enfant a besoin d'un père et d'une mère.
Enfin, l'enfant a besoin d'une généalogie claire et cohérente, lisible. Nous sommes dans un système généalogique à double lignée, ce qui ne manque pas de sens. Les bricolages de la filiation proposés par certains lui ôtent toute lisibilité. L'adoption n'a pas pour objet l'éducation seulement, mais la filiation. Elle ne définit pas seulement par qui l'enfant sera élevé, qui aura sur lui l'autorité parentale, mais de qui il est fils ou fille. Si l'adoption simple était accordée aux partenaires homosexuels, l'enfant, bénéficiant par ailleurs d'une filiation naturelle, pourrait avoir trois lignées paternelles ou maternelles !
Au fil des mois, il apparaît de plus en plus clairement que c'est la dissociation entre parentalité et parenté qui est au coeur du débat. Cette dissociation va de pair avec la déconnexion entre procréation et éducation. La négation de la place de la différence sexuelle dans la parenté ne fait qu'un avec la négation de l'importance du corps dans la filiation. Coupés de leur ancrage charnel, les mots voient leur sens se diluer. Le langage devient fou. On verra une femme demander un «congé de paternité», on se demandera même s'il est indispensable que le père soit nécessairement de sexe masculin. Mieux, l'on remplacera le terme «père» par l'expression : «auteur de l'apport de forces génétiques» comme dans le Code civil québécois. Ce qui conduit, dans le même code, à envisager la situation exotique suivante : «Lorsque l'apport de forces génétiques se fait par relation sexuelle...» ! Où il apparaît que l'articulation du corps et de la parole, du verbe et de la chair est une tâche pour toute éthique qui ne cède pas aux vertiges du fantasme et de la volonté de puissance.
* Directeur de l'Institut des sciences de la famille de Lyon. Auteur de La Confusion des genres : réponses à certaines demandes homosexuelles sur le mariage et l'adoption.
Tout cela est un avatar du confusionisme contemporain qui essaie de transformer les hommes en femmes, les adultes en enfants, les rolleristes en artistes et les étrangers en Français (1).
(1) : par d'ambiguité sur ce point : comme je crois, naïf que je suis, à une certaine universalité de la France, je trouve très bien qu'un étranger veuille de lui-même devenir français. Par contre, la naturalisation automatique ou en charettes décrétée dans une administration sous la pression d'associations "solidaires", c'est niet.
D'ailleurs, à force de déguiser sous les noms de "solidarité" opu de "tolérance", leurs pulsions, leurs opinions, leurs préférences afin de les imposer aux autres par la force d'un chantage moral voire légal (cf les lois contre les diverses "phobies"), ces groupuscules vont finir par me faire détester ces jolis mots.
L'homoparentalité, une triple discrimination pour les enfants
Xavier Lacroix (dans Le Figaro)
Il est surprenant que des enjeux aussi consistants que le mariage ou l'adoption soient abordés seulement sous l'angle de l'égalité, comme c'est le cas cette année avec le slogan de la Gay Pride. Comment a-t-on pu en venir à oublier ce qui est en question dans l'objet de la revendication ? Cela a-t-il un sens de revendiquer un égal accès à une réalité alors que la position à l'égard de celle-ci est foncièrement différente ? Or, face au mariage et à la parenté, les couples homosexués ne sont pas, de fait, dans la même situation.
Le mariage n'est pas un objet neutre, convoitable indépendamment de son contenu. Ni hétérosexuel ni homosexuel, il n'est pas seulement «la reconnaissance sociale de l'amour», selon la formule de Noël Mamère, mais, par définition et de fait dans notre droit, la fondation d'une famille. Qu'il soit possible de fonder une famille autrement ou que certains couples mariés soient stériles n'enlève rien à cette finalité intrinsèque. Certains groupes de pression minoritaires dans la société ont tenté de contourner cette difficulté en créant de toutes pièces la notion d'«homoparentalité». Une telle notion n'est possible qu'en dissociant la «parentalité» de la «parenté», le premier terme désignant l'exercice de fonctions, le second restant lié à l'engendrement.
Que, dans des situations de fait, une telle disjonction puisse avoir lieu est une chose dont il faut tenir compte. Mais qu'une telle dissociation soit érigée en principe et a fortiori instituée, en est une autre, moralement discutable. En instituant la parenté monosexuée sous prétexte de lutter contre une prétendue discrimination entre les adultes, on en créerait une autre, bien plus réelle et bien plus grave, entre les enfants. Des milliers d'enfants seraient en effet privés par le droit, a priori donc, de trois biens fondamentaux.
Tout d'abord de la différence entre deux repères identificatoires, masculin et féminin, dans l'univers de leur croissance intime. Qu'il soit garçon ou fille, l'enfant a besoin, pour la découverte de son identité, d'un jeu subtil d'identifications et différenciations avec ses deux instances paternelle et maternelle. Cela a été étudié avec minutie par une littérature scientifique surabondante. Mais, par un étrange phénomène d'amnésie, certains discours font froidement table rase de tout cet acquis.
Le second bien élémentaire pour l'enfant est, lorsque cela est possible, la continuité ou au moins l'analogie entre le couple procréateur et le couple éducateur. La quête douloureuse de leur origine par les enfants nés «sous X», les difficultés propres à l'adoption indiquent bien que les ruptures dans l'histoire, les dissociations entre les différentes composantes de la parenté, sont autant de complications dans la vie de l'enfant. Dès lors, il est souhaitable qu'à la discontinuité liée à l'adoption ne vienne pas s'ajouter une seconde discontinuité, à savoir la perte de l'analogie entre le couple d'origine et le couple éducateur. C'est a fortiori parce qu'il est adopté qu'un enfant a besoin d'un père et d'une mère.
Enfin, l'enfant a besoin d'une généalogie claire et cohérente, lisible. Nous sommes dans un système généalogique à double lignée, ce qui ne manque pas de sens. Les bricolages de la filiation proposés par certains lui ôtent toute lisibilité. L'adoption n'a pas pour objet l'éducation seulement, mais la filiation. Elle ne définit pas seulement par qui l'enfant sera élevé, qui aura sur lui l'autorité parentale, mais de qui il est fils ou fille. Si l'adoption simple était accordée aux partenaires homosexuels, l'enfant, bénéficiant par ailleurs d'une filiation naturelle, pourrait avoir trois lignées paternelles ou maternelles !
Au fil des mois, il apparaît de plus en plus clairement que c'est la dissociation entre parentalité et parenté qui est au coeur du débat. Cette dissociation va de pair avec la déconnexion entre procréation et éducation. La négation de la place de la différence sexuelle dans la parenté ne fait qu'un avec la négation de l'importance du corps dans la filiation. Coupés de leur ancrage charnel, les mots voient leur sens se diluer. Le langage devient fou. On verra une femme demander un «congé de paternité», on se demandera même s'il est indispensable que le père soit nécessairement de sexe masculin. Mieux, l'on remplacera le terme «père» par l'expression : «auteur de l'apport de forces génétiques» comme dans le Code civil québécois. Ce qui conduit, dans le même code, à envisager la situation exotique suivante : «Lorsque l'apport de forces génétiques se fait par relation sexuelle...» ! Où il apparaît que l'articulation du corps et de la parole, du verbe et de la chair est une tâche pour toute éthique qui ne cède pas aux vertiges du fantasme et de la volonté de puissance.
* Directeur de l'Institut des sciences de la famille de Lyon. Auteur de La Confusion des genres : réponses à certaines demandes homosexuelles sur le mariage et l'adoption.
Retraites : la catastrophe par répartition
Vous trouverez au lien ci-dessous un article expliquant pourquoi il est urgent de passer de la retraite par répartition à la retraite par capitalisation.
La solidarité entre les générations a-t-elle un avenir?
On nous vante la soi-disant solidarité du système par répartition ; en sous-entendant évidemment un chantage moral : celui qui trouve le sytème par répartition néfaste est un égoïste opposé à la "solidarité". C'est un détestable mensonge : la solidarité est par essence volontaire et en mesure de s'adapter aux circonstances.
Le système par répartition est obligatoire et rigide. Il n'a aucune qualité morale. C'est le système qui a été choisi après-guerre parmi d'autres possibles, voilà tout.
Aujourd'hui, il n'est plus adapté puisqu'il revient, du fait de la pyramide des âges, à appauvrir les jeunes, sans leur consentement explicite, pour maintenir le niveau de vie des vieux (Jacques Marseille a calculé que, compte-tenu de son espérance de vie et du calcul des retraites très avantageux des fonctionnaires, il touchera probablement, sur l'ensemble de sa vie, plus de pension de retraite que de revenus d'activité) ; perspective contraire à tout progrès.
Si nous restons dans ce système, nous nous enfermons dans un dilemme dramatique :
> soit les jeunes finissent par ne plus vouloir payer et ne tiennent plus les promesses faites aux vieux et le magnifique système censé être solidaire aura abouti à créer une fracture générationnelle qui ira bien au-delà de la question des retraites. Succés sur lequel il n'est pas besoin d'épiloguer.
> soit les vieux maintiennent leur niveau de vie aux dépens des jeunes et du pays et ils auront trahi leur mission de passeurs.
Par dogmatisme, par paresse intellectuelle et, pour les plus cyniques, par intérêt bien compris, nous nous refusons à remettre en cause un système mauvais alors que des solutions existent (voir l'exemple du Chili).
La solidarité entre les générations a-t-elle un avenir?
On nous vante la soi-disant solidarité du système par répartition ; en sous-entendant évidemment un chantage moral : celui qui trouve le sytème par répartition néfaste est un égoïste opposé à la "solidarité". C'est un détestable mensonge : la solidarité est par essence volontaire et en mesure de s'adapter aux circonstances.
Le système par répartition est obligatoire et rigide. Il n'a aucune qualité morale. C'est le système qui a été choisi après-guerre parmi d'autres possibles, voilà tout.
Aujourd'hui, il n'est plus adapté puisqu'il revient, du fait de la pyramide des âges, à appauvrir les jeunes, sans leur consentement explicite, pour maintenir le niveau de vie des vieux (Jacques Marseille a calculé que, compte-tenu de son espérance de vie et du calcul des retraites très avantageux des fonctionnaires, il touchera probablement, sur l'ensemble de sa vie, plus de pension de retraite que de revenus d'activité) ; perspective contraire à tout progrès.
Si nous restons dans ce système, nous nous enfermons dans un dilemme dramatique :
> soit les jeunes finissent par ne plus vouloir payer et ne tiennent plus les promesses faites aux vieux et le magnifique système censé être solidaire aura abouti à créer une fracture générationnelle qui ira bien au-delà de la question des retraites. Succés sur lequel il n'est pas besoin d'épiloguer.
> soit les vieux maintiennent leur niveau de vie aux dépens des jeunes et du pays et ils auront trahi leur mission de passeurs.
Par dogmatisme, par paresse intellectuelle et, pour les plus cyniques, par intérêt bien compris, nous nous refusons à remettre en cause un système mauvais alors que des solutions existent (voir l'exemple du Chili).
vendredi, juin 23, 2006
Sarko, je le voyais venir de loin ...
Voici un extrait du discours de Nicolas sarkozy à Agen :
«Ce n'est pas le déficit qui crée le chômage, mais le chômage qui crée le déficit. [Il faut] refuser une logique absurde qui conduit à augmenter les impôts, à couper dans les investissements publics et à tailler dans les dépenses sociales quand la croissance ralentit et le chômage augmente [...] Je propose l'augmentation du pouvoir d'achat»
Ne dirait-on pas un discours de François Hollande ou de Marie-George Buffet ?
Il est maintenant évident que N. Sarkozy est un étatiste forcené, comme les autres, qu'il n'a rien de libéral (1) et, comble de bêtise, qu'il croit à la relance par la dépense (aux frais du contribuable bien entendu) dont on connaît l'inefficacité économique depuis les malheureuses expériences des années 30.
Vous pourriez rétorquer qu'il ment, qu'il s'adapte à son public.
Hélas, de nombreux indices me conduisaient auparavant à penser que NS n'est pas un libéral, ce discours vient comme une confirmation, non comme une surprise.
Je ne sais pas si c'est le chomage qui crée le déficit ou le contraire, mais je sais une chose : tous les pays qui ont résolu leurs problèmes de chomage ont commencé par réduire la dépense publique, mais il est vrai qu'en France nous sommes si supérieurement intelligents que nous pouvons toujours arguer que les autres n'ont rien compris.
(1) bien sûr, je donne un sens précis au mot "libéral", je ne suis pas un gauchiste qui baptise "libéral" à tort et à travers tout ce qui ne lui plaît pas.
«Ce n'est pas le déficit qui crée le chômage, mais le chômage qui crée le déficit. [Il faut] refuser une logique absurde qui conduit à augmenter les impôts, à couper dans les investissements publics et à tailler dans les dépenses sociales quand la croissance ralentit et le chômage augmente [...] Je propose l'augmentation du pouvoir d'achat»
Ne dirait-on pas un discours de François Hollande ou de Marie-George Buffet ?
Il est maintenant évident que N. Sarkozy est un étatiste forcené, comme les autres, qu'il n'a rien de libéral (1) et, comble de bêtise, qu'il croit à la relance par la dépense (aux frais du contribuable bien entendu) dont on connaît l'inefficacité économique depuis les malheureuses expériences des années 30.
Vous pourriez rétorquer qu'il ment, qu'il s'adapte à son public.
Hélas, de nombreux indices me conduisaient auparavant à penser que NS n'est pas un libéral, ce discours vient comme une confirmation, non comme une surprise.
Je ne sais pas si c'est le chomage qui crée le déficit ou le contraire, mais je sais une chose : tous les pays qui ont résolu leurs problèmes de chomage ont commencé par réduire la dépense publique, mais il est vrai qu'en France nous sommes si supérieurement intelligents que nous pouvons toujours arguer que les autres n'ont rien compris.
(1) bien sûr, je donne un sens précis au mot "libéral", je ne suis pas un gauchiste qui baptise "libéral" à tort et à travers tout ce qui ne lui plaît pas.
jeudi, juin 22, 2006
En lisant Commentaire : la double oligarchie à la française
La livrason d'été de Commentaire est arrivée. C'est un grand moment de plaisir.
Voici un article sur la mise en coupe réglée de la France par la double oligarchie syndicats -fonctionnaires (mes commentaires entre crochets et passages sélectionnés en bleu)
La double oligarchie
Voici un article sur la mise en coupe réglée de la France par la double oligarchie syndicats -fonctionnaires (mes commentaires entre crochets et passages sélectionnés en bleu)
La double oligarchie
L'antiracisme persécuteur
C'est l'histoire d'une coiffeuse qui ne voulait pas d'une employée noire.
Huguette Rivaud voulait quelqu'un "de son cru" pour travailler avec elle
Ce n'est pas très sympa, me direz vous, mais les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas, c'est son salon, elle embauche qui elle veut.
Hé bien pas du tout, malheureux ! Elle commet là une infraction qui va sans doute lui valoir condamnation.
Suis-je le seul à trouver cela absurde ? Suis-je le seul à penser qu'une coiffeuse dans son salon a le droit d'embaucher qui elle veut, de ne pas aimer les noires, les blondes, les fumeuses, les petites, les grandes ?
C'est d'autant plus stupide que l'ensemble de critères permettant d'embaucher ou non un candidat est suffisamment étendu pour qu'on puisse toujours dissimuler le racisme sous un autre motif, la loi contre la discrimination est en soi idiote : on ne peut pas découper un candidat en tranches pourvues de différentes identités (identité religieuse, ethnique, professionnelle, générationnelle, etc.)
La condamnation viendra en punition non du racisme mais de ne pas avoir eu l'intelligence de le dissimuler.
En lisant cet article, ce n'est pas la plaignante qui m'inspire pitié, c'est l'accusée, sommée, en public et par la force de la loi, d'avouer comme au confessionnal ses vilaines pensées contre le gentil peuple métissé, festif, antiraciste et bien-pensant.
Ne trouvez vous pas que ça ressemble aux procès de Moscou en encore plus grotesque ?
Aucun des ridicules poncifs à la mode ne nous est épargné : le "testing", le procureur, père la vertu, qui fait les gros yeux au mot de "racisme" le "stage de citoyenneté" (là encore, ça ne vous rappelle rien ? Des camps de rééducation de sinistre mémoire par exemple ?).
On goutera particulièrement aussi la mention du citoyen lambda où l'on retrouve le mépris des branchés pour les ploucs.
On vit vraiment une époque formidable.
Question subsidiaire : quand on ne peut plus exprimer son racisme publiquement, on le dissimule et il y a un endroit tout exprès conçu pour la dissimulation. Ca s'appelle un isoloir. Je vous fais un dessin ?
Mais ne vous inquiétez pas : afin d'améliorer la moralité générale, l'isoloir va bientôt disparaître et les élections se feront en public et à main levée.
Peut-être même que les résultats seront conçus à l'avance et pour le bien du peuple-enfant par les plus hautes autorités morales du pays, bien entendu auto-proclamées et rigoureusement sélectionnées après un féroce pugilat où toutes les bassesses seront permises (cette structure institutionnelle s'appelle une "démocratie populaire").
Décidément, le progrès fait rage.
Huguette Rivaud voulait quelqu'un "de son cru" pour travailler avec elle
Ce n'est pas très sympa, me direz vous, mais les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas, c'est son salon, elle embauche qui elle veut.
Hé bien pas du tout, malheureux ! Elle commet là une infraction qui va sans doute lui valoir condamnation.
Suis-je le seul à trouver cela absurde ? Suis-je le seul à penser qu'une coiffeuse dans son salon a le droit d'embaucher qui elle veut, de ne pas aimer les noires, les blondes, les fumeuses, les petites, les grandes ?
C'est d'autant plus stupide que l'ensemble de critères permettant d'embaucher ou non un candidat est suffisamment étendu pour qu'on puisse toujours dissimuler le racisme sous un autre motif, la loi contre la discrimination est en soi idiote : on ne peut pas découper un candidat en tranches pourvues de différentes identités (identité religieuse, ethnique, professionnelle, générationnelle, etc.)
La condamnation viendra en punition non du racisme mais de ne pas avoir eu l'intelligence de le dissimuler.
En lisant cet article, ce n'est pas la plaignante qui m'inspire pitié, c'est l'accusée, sommée, en public et par la force de la loi, d'avouer comme au confessionnal ses vilaines pensées contre le gentil peuple métissé, festif, antiraciste et bien-pensant.
Ne trouvez vous pas que ça ressemble aux procès de Moscou en encore plus grotesque ?
Aucun des ridicules poncifs à la mode ne nous est épargné : le "testing", le procureur, père la vertu, qui fait les gros yeux au mot de "racisme" le "stage de citoyenneté" (là encore, ça ne vous rappelle rien ? Des camps de rééducation de sinistre mémoire par exemple ?).
On goutera particulièrement aussi la mention du citoyen lambda où l'on retrouve le mépris des branchés pour les ploucs.
On vit vraiment une époque formidable.
Question subsidiaire : quand on ne peut plus exprimer son racisme publiquement, on le dissimule et il y a un endroit tout exprès conçu pour la dissimulation. Ca s'appelle un isoloir. Je vous fais un dessin ?
Mais ne vous inquiétez pas : afin d'améliorer la moralité générale, l'isoloir va bientôt disparaître et les élections se feront en public et à main levée.
Peut-être même que les résultats seront conçus à l'avance et pour le bien du peuple-enfant par les plus hautes autorités morales du pays, bien entendu auto-proclamées et rigoureusement sélectionnées après un féroce pugilat où toutes les bassesses seront permises (cette structure institutionnelle s'appelle une "démocratie populaire").
Décidément, le progrès fait rage.
Mme Royal parle au Monde : "il faut renforcer l'Etat pour que la France n'ait plus peur de la mondialisation"
C'est tout bonnement désespérant : le problème de la France, en général et dans la mondialisation en particulier, est l'Etat obèse, excessif, maternant, déresponsabilisant à force de pseudo-protections.
"Renforcer l'Etat" serait un pas de plus dans le maternage étatique et dans la course sans fin à la protection du risque.
Cela ne peut au final que renforcer les peurs en toute logique : si l'Etat se renforce pour me protéger de la mondialisation, c'est qu'elle est dangereuse, j'ai donc raison d'en avoir peur.
On ne peut que rappeler la phrase de bon sens d'Einstein :
"Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes (dont Mme Royal fait partie) pour les résoudre."
"Renforcer l'Etat" serait un pas de plus dans le maternage étatique et dans la course sans fin à la protection du risque.
Cela ne peut au final que renforcer les peurs en toute logique : si l'Etat se renforce pour me protéger de la mondialisation, c'est qu'elle est dangereuse, j'ai donc raison d'en avoir peur.
On ne peut que rappeler la phrase de bon sens d'Einstein :
"Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes (dont Mme Royal fait partie) pour les résoudre."
mercredi, juin 21, 2006
En ce jour festif d'horrible tintamarre obligatoire, dit "Fête de la musique"
Piqué sur le blog de Zek
Tribunal populaire, Cour Suprême, Paris.Vendredi 19 octobre 2012.
La Cour Suprême du Tribunal populaire, par requête officielle du parquet public, a fait l'objet de demande de jugement immédiat pourl'affaire Zek contre Ville de Paris, pour qu'il soit fait de ce cas un exemple devant être porté au-devant de la scène publique, à l'attention de tous les citoyens de la République populaire de France;
La Cour, réunie autour de son Président Karl Z. en assemblée plénière, statue sur l'affaire opposant le Sieur Zek à la Ville de Paris ;
Vu le Code de Procédures Pénales en Période de Vigilance Citoyenne, Vu les articles 225-12-1 alinéa 2 et 225-12-3 du chapitre XXVIII du Code de Comportement Humain en Période Festive,
Vu le chapitre V du Code des festivités ;
Sur le moyen unique, en sa première branche;
Attendu qu'à la suite d'une juste dénonciation conforme au très nouveau Code de Procédures Pénales en Période de Vigilance Citoyenne, la Ville de Paris a assigné au Tribunal d'instance populaire de Paris le Sieur Zek pour violation des dispositions légales prévues au chapitre XXVIII du Code de Comportement Humain en Période Festive.
Attendu, ainsi que l'a rapellé le procureur public Dieudo dans le premier jugement de l'affaire le 13 août 2012, qu'il est reproché à Sieur Zek d'avoir manqué à l'exécution conforme de ses devoirs citoyens lors de la fête nommée "nuit blanche" du 01 mai 2012.
Selon le procureur Dieudo, "que la violation de ses devoirs est caractérisée par une attitude désinvolte à l'égard de la manifestation festive de rue. Que l'intéressé mis en cause aurait manqué de joie de vivre et d'humeur festive à la fin d'un concert de banjos-accordéons-tamtam, caractérisée par un soupir de résignation face à la prestation musicale en l'espèce. Que l'intéressé a par la suite manqué d'applaudir à la fin du concert. Que l'intéressé serait rentré chez lui avant minuit, sans avoir fait le tour de toutes les manifestations proposées, à fortiori sans passer toute la nuit dans la rue.
Qu'il est prévu par les articles 225-12-1 alinéa 2 et 225-12-3 du dit Code que "toute attitude manifestement négative en l'occasion de manifestations publiques festives telles que prévues par le chapitre V du Code des festivités est punie de 5 ans de remise en question civique en centre spécialisé public."Que, dès lors, il convient de condamner le prévenu Zek en conformité avec ces dispositions légales." (fin de citation)
Attendu que dans le jugement en cause, le Sieur Zek ne tente pas de nier ces agissements tel qu'ils ont été rapportés par le juste dénonciateur, mais justifie son comportement, qu'il reconnaît illégal, par des problèmes affectifs et personnels.
Qu'ainsi, selon lui, il aurait reçu un coup de téléphone l'avertissant d'un grave accident de son cousin vers 22h ce soir-là, ce qui expliquerait son attitude renfermée et triste. Qu'à son crédit il précise qu'il est resté le plus de temps possible dans la rue festive, même en connaissant les malheurs qu'il est arrivé à son proche. Qu'ainsi, pour Zek, les circonstances liées à son attitude caractérisent une cause réelle et sérieuse d'acte pouvant atténuer les disposition légales, et qu'ainsi le Sieur Zek demande la clémence de la justice envers sa personne.
Que le Sieur Zek, à titre subsidiaire, demande la garde de son enfantde 12 ans retenu actuellement dans les écoles sociales laïques à développement strict. Mais attendu qu'aucun motif personnel, à fortiori tels que ceux présentés en l'espèce, ne sauraient constituer une atténuation à la Nouvelle Loi telle que prescrite par le Comité Public d'Aide à laFraternité entre les Citoyens (CPAFC).
Qu'ainsi aucune cause réelle et sérieuse ne peut être présentée devant la justice pour tenter d'échapper à ses obligations légales et à fortiori n'est présente en l'espèce.
Qu'ainsi, dans l'absolu, chaque citoyen se doit de rester joyeux et guilleret en toutes circonstances lors de cérémonies publiques organisées par le Secrétariat d'Etat aux Manifestations Publiques, car il en va de la préservation de l'intérêt général et compte tenu du risque encouru, par cette tristesse, de troubler l'innocence d'un enfant joyeux et le marquer à jamais.
Que le risque de décevoir les musiciens intermittents présents est aussi à prendre en compte, ce qui implique la sécurité publique de la République populaire entière.
Dès lors, la Cour du Tribunal populaire condamne le prévenu Zek à 5 ans de remise en question civique en centre spécialisé public, tel que requis par le Procureur public Dieudo.
Quant à la demande à titre subsidiaire du Sieur Zek ;
Attendu que les écoles sociales laïques à développement strict ne doivent être vues comme une sanction mais comme une chance pour l'enfant de se développer conformément à la doctrine mise en place parle CPAFC, l'enfant devra suivre une éducation dans cette institution ;
Qu'ainsi la demande de remise de son enfant par le Sieur Zek est rejetée
Tribunal populaire, Cour Suprême, Paris.Vendredi 19 octobre 2012.
La Cour Suprême du Tribunal populaire, par requête officielle du parquet public, a fait l'objet de demande de jugement immédiat pourl'affaire Zek contre Ville de Paris, pour qu'il soit fait de ce cas un exemple devant être porté au-devant de la scène publique, à l'attention de tous les citoyens de la République populaire de France;
La Cour, réunie autour de son Président Karl Z. en assemblée plénière, statue sur l'affaire opposant le Sieur Zek à la Ville de Paris ;
Vu le Code de Procédures Pénales en Période de Vigilance Citoyenne, Vu les articles 225-12-1 alinéa 2 et 225-12-3 du chapitre XXVIII du Code de Comportement Humain en Période Festive,
Vu le chapitre V du Code des festivités ;
Sur le moyen unique, en sa première branche;
Attendu qu'à la suite d'une juste dénonciation conforme au très nouveau Code de Procédures Pénales en Période de Vigilance Citoyenne, la Ville de Paris a assigné au Tribunal d'instance populaire de Paris le Sieur Zek pour violation des dispositions légales prévues au chapitre XXVIII du Code de Comportement Humain en Période Festive.
Attendu, ainsi que l'a rapellé le procureur public Dieudo dans le premier jugement de l'affaire le 13 août 2012, qu'il est reproché à Sieur Zek d'avoir manqué à l'exécution conforme de ses devoirs citoyens lors de la fête nommée "nuit blanche" du 01 mai 2012.
Selon le procureur Dieudo, "que la violation de ses devoirs est caractérisée par une attitude désinvolte à l'égard de la manifestation festive de rue. Que l'intéressé mis en cause aurait manqué de joie de vivre et d'humeur festive à la fin d'un concert de banjos-accordéons-tamtam, caractérisée par un soupir de résignation face à la prestation musicale en l'espèce. Que l'intéressé a par la suite manqué d'applaudir à la fin du concert. Que l'intéressé serait rentré chez lui avant minuit, sans avoir fait le tour de toutes les manifestations proposées, à fortiori sans passer toute la nuit dans la rue.
Qu'il est prévu par les articles 225-12-1 alinéa 2 et 225-12-3 du dit Code que "toute attitude manifestement négative en l'occasion de manifestations publiques festives telles que prévues par le chapitre V du Code des festivités est punie de 5 ans de remise en question civique en centre spécialisé public."Que, dès lors, il convient de condamner le prévenu Zek en conformité avec ces dispositions légales." (fin de citation)
Attendu que dans le jugement en cause, le Sieur Zek ne tente pas de nier ces agissements tel qu'ils ont été rapportés par le juste dénonciateur, mais justifie son comportement, qu'il reconnaît illégal, par des problèmes affectifs et personnels.
Qu'ainsi, selon lui, il aurait reçu un coup de téléphone l'avertissant d'un grave accident de son cousin vers 22h ce soir-là, ce qui expliquerait son attitude renfermée et triste. Qu'à son crédit il précise qu'il est resté le plus de temps possible dans la rue festive, même en connaissant les malheurs qu'il est arrivé à son proche. Qu'ainsi, pour Zek, les circonstances liées à son attitude caractérisent une cause réelle et sérieuse d'acte pouvant atténuer les disposition légales, et qu'ainsi le Sieur Zek demande la clémence de la justice envers sa personne.
Que le Sieur Zek, à titre subsidiaire, demande la garde de son enfantde 12 ans retenu actuellement dans les écoles sociales laïques à développement strict. Mais attendu qu'aucun motif personnel, à fortiori tels que ceux présentés en l'espèce, ne sauraient constituer une atténuation à la Nouvelle Loi telle que prescrite par le Comité Public d'Aide à laFraternité entre les Citoyens (CPAFC).
Qu'ainsi aucune cause réelle et sérieuse ne peut être présentée devant la justice pour tenter d'échapper à ses obligations légales et à fortiori n'est présente en l'espèce.
Qu'ainsi, dans l'absolu, chaque citoyen se doit de rester joyeux et guilleret en toutes circonstances lors de cérémonies publiques organisées par le Secrétariat d'Etat aux Manifestations Publiques, car il en va de la préservation de l'intérêt général et compte tenu du risque encouru, par cette tristesse, de troubler l'innocence d'un enfant joyeux et le marquer à jamais.
Que le risque de décevoir les musiciens intermittents présents est aussi à prendre en compte, ce qui implique la sécurité publique de la République populaire entière.
Dès lors, la Cour du Tribunal populaire condamne le prévenu Zek à 5 ans de remise en question civique en centre spécialisé public, tel que requis par le Procureur public Dieudo.
Quant à la demande à titre subsidiaire du Sieur Zek ;
Attendu que les écoles sociales laïques à développement strict ne doivent être vues comme une sanction mais comme une chance pour l'enfant de se développer conformément à la doctrine mise en place parle CPAFC, l'enfant devra suivre une éducation dans cette institution ;
Qu'ainsi la demande de remise de son enfant par le Sieur Zek est rejetée
Ca fait vraiment mauvais genre !
Où l'on reparle de la féminisation du langage.
Un aimable lecteur me signale le site suivant :
Egalité des sexes et développement
La dame tenant ce site (je n'ai pas dit la maquerelle) ne cache pas ses intentions : éradiquer à travers la révolution du langage l'oppression que subissent les femmes depuis des siècles. Elle n'envisage donc nullement de masculiniser certaines formes féminines exprimant le neutre (une sentinelle, une vigie, une personne, une victime, etc.)
Ce qu'elle veut, c'est une réforme langagière de combat (évidemment, le bon combat est féministe ; il ne s'agit pas du combat de Jacqueline de Romilly -tiens une femme- pour que le Français ne perde pas ses racines classiques).
Si il faut que cette réforme soit imposée, donc par la force, ce n'est pas grave puisque c'est pour le bien de l'humanité, notamment de sa partie féminine, victime forcément victime, du mâle libidineux et dominateur, voire poilu.
Allez voir ce site : comme beaucoup des propos des chatreuses féministes, des éradicatrices d'inégalités, des paritaristes fanatisées, c'est soit à s'en péter la rate de rire, soit à s'effondrer en pleurs, suivant l'humeur du moment.
Pour ma part, j'ai choisi d'en rire et j'ai quelques raisons pour cela : le langage ne se laisse point mener par le bout du nez et les essais de réforme du langage par décret comptent plus d'échecs que de réussites.
De plus, toute cette bien-pensance en action, armée en guerre, prête à l'assaut contre les phallus de toutes sortes, est assez fade et l'on revient vite aux classiques, qui ne se posaient pas tant de questions et qui versent délicieusement, en toute bonne conscience, dans le machisme honni.
La notion même suivant laquelle les femmes seraient les victimes millénaires d'un hypothétique patriarcat est hautement comique.
Il me semble, jusqu'à preuve du contraire et en attendant les avancées fabuleuses de la science, qu'il faut la conjonction d'un homme et d'une femme pour obtenir un enfant. Je ne vous fais pas un dessin, bien que certains couples homosexuels en mal d'enfant en auraient sans doute besoin.
Il est donc hautement douteux que, si oppression de l'homme sur la femme il y avait eu, l'espèce humaine serait arrivée jusqu'à nous.
Des centaines d'oeuvres théatrales et littéraires sont là pour nous montrer que dans les sociétés dites patriarcales, les femmes savent très bien y faire.
Revenons à nos matonnes du langage. La féminisation des noms de fonction participe d'une entreprise terroriste (au sens où celui qui s'y oppose est menacé d'insultes graves : misogyne, phallocrate, réactionnaire, etc ...) plus globale de brouillage des identités, sexuelles ou autres, tout en surdéterminant les individus.
On mélange les genres, on brouille vie privée vie publique, sentiments et raisonnements.
Confondre genre et sexe accentue cette confusion.
Le sexe du ministre ne dit rien sur sa compétence. Je me fous de savoir que LE ministre est une femme. Par contre, ceux qui disent LA ministre considèrent que le fait d'être une femme influe sur son exercice du ministère, si ce n'est pas du sexisme ...
Ce double mouvement (brouillage des identités, surdéterminisme) n'est contradictoire qu'en apparence, la cohérence est donnée par la lutte contre l'individualisme et par la promotion du panurgisme.
L'individu est par excellence quelqu'un qui, grâce à une identité claire, a une volonté, donc qui n'est jamais complètement déterminé (par son sexe, son origine, etc ...). Parce que je sais qui je suis, je sais d'où je viens et ce que je veux.
Si je n'ai pas une identité affirmée et surtout assumée, je suis (du verbe suivre) le groupe, je suis la foule.
Il n'est donc pas étonnant que la pression pour la féminisation des noms de fonction, entreprise confusioniste, vienne de la gauche, où l'on privilégie le groupe, sous ses divers noms (le peuple, les masses, les classes, le genre, la société) sur les individus.
Arrêtons là ces bêtises : il y a bien des femmes opprimées. Cependant, ce n'est pas par le Mâle en général, principe de tout Mal, mais par tel ou tel homme, par telle ou telle coutume, par telle ou telle misère.
La destruction très orwellienne de la langue traditionnelle par une féminisation de combat est donc inutile, car elle combat abstraitement ce qui est de l'ordre du concret, et néfaste, car le peu qui sera détruit ne pourra être reconstruit.
Déjà, l'ignoble "auteure" envahit les journaux de bien-pensance.
Un aimable lecteur me signale le site suivant :
Egalité des sexes et développement
La dame tenant ce site (je n'ai pas dit la maquerelle) ne cache pas ses intentions : éradiquer à travers la révolution du langage l'oppression que subissent les femmes depuis des siècles. Elle n'envisage donc nullement de masculiniser certaines formes féminines exprimant le neutre (une sentinelle, une vigie, une personne, une victime, etc.)
Ce qu'elle veut, c'est une réforme langagière de combat (évidemment, le bon combat est féministe ; il ne s'agit pas du combat de Jacqueline de Romilly -tiens une femme- pour que le Français ne perde pas ses racines classiques).
Si il faut que cette réforme soit imposée, donc par la force, ce n'est pas grave puisque c'est pour le bien de l'humanité, notamment de sa partie féminine, victime forcément victime, du mâle libidineux et dominateur, voire poilu.
Allez voir ce site : comme beaucoup des propos des chatreuses féministes, des éradicatrices d'inégalités, des paritaristes fanatisées, c'est soit à s'en péter la rate de rire, soit à s'effondrer en pleurs, suivant l'humeur du moment.
Pour ma part, j'ai choisi d'en rire et j'ai quelques raisons pour cela : le langage ne se laisse point mener par le bout du nez et les essais de réforme du langage par décret comptent plus d'échecs que de réussites.
De plus, toute cette bien-pensance en action, armée en guerre, prête à l'assaut contre les phallus de toutes sortes, est assez fade et l'on revient vite aux classiques, qui ne se posaient pas tant de questions et qui versent délicieusement, en toute bonne conscience, dans le machisme honni.
La notion même suivant laquelle les femmes seraient les victimes millénaires d'un hypothétique patriarcat est hautement comique.
Il me semble, jusqu'à preuve du contraire et en attendant les avancées fabuleuses de la science, qu'il faut la conjonction d'un homme et d'une femme pour obtenir un enfant. Je ne vous fais pas un dessin, bien que certains couples homosexuels en mal d'enfant en auraient sans doute besoin.
Il est donc hautement douteux que, si oppression de l'homme sur la femme il y avait eu, l'espèce humaine serait arrivée jusqu'à nous.
Des centaines d'oeuvres théatrales et littéraires sont là pour nous montrer que dans les sociétés dites patriarcales, les femmes savent très bien y faire.
Revenons à nos matonnes du langage. La féminisation des noms de fonction participe d'une entreprise terroriste (au sens où celui qui s'y oppose est menacé d'insultes graves : misogyne, phallocrate, réactionnaire, etc ...) plus globale de brouillage des identités, sexuelles ou autres, tout en surdéterminant les individus.
On mélange les genres, on brouille vie privée vie publique, sentiments et raisonnements.
Confondre genre et sexe accentue cette confusion.
Le sexe du ministre ne dit rien sur sa compétence. Je me fous de savoir que LE ministre est une femme. Par contre, ceux qui disent LA ministre considèrent que le fait d'être une femme influe sur son exercice du ministère, si ce n'est pas du sexisme ...
Ce double mouvement (brouillage des identités, surdéterminisme) n'est contradictoire qu'en apparence, la cohérence est donnée par la lutte contre l'individualisme et par la promotion du panurgisme.
L'individu est par excellence quelqu'un qui, grâce à une identité claire, a une volonté, donc qui n'est jamais complètement déterminé (par son sexe, son origine, etc ...). Parce que je sais qui je suis, je sais d'où je viens et ce que je veux.
Si je n'ai pas une identité affirmée et surtout assumée, je suis (du verbe suivre) le groupe, je suis la foule.
Il n'est donc pas étonnant que la pression pour la féminisation des noms de fonction, entreprise confusioniste, vienne de la gauche, où l'on privilégie le groupe, sous ses divers noms (le peuple, les masses, les classes, le genre, la société) sur les individus.
Arrêtons là ces bêtises : il y a bien des femmes opprimées. Cependant, ce n'est pas par le Mâle en général, principe de tout Mal, mais par tel ou tel homme, par telle ou telle coutume, par telle ou telle misère.
La destruction très orwellienne de la langue traditionnelle par une féminisation de combat est donc inutile, car elle combat abstraitement ce qui est de l'ordre du concret, et néfaste, car le peu qui sera détruit ne pourra être reconstruit.
Déjà, l'ignoble "auteure" envahit les journaux de bien-pensance.
mardi, juin 20, 2006
Renards libres dans poulailler libre ?
J'ai trouvé ce texte sur le site de Bertrand Lemennicier :
Beaucoup d’hommes politiques n’hésitent pas, lors de débats publics, à invoquer contre l’existence d’un marché libre ou d’une mondialisation sans contrôle étatique la phrase suivante :
«Le libéralisme, c'est le renard libre dans le poulailler libre. » i.e. supprimer l'État reviendrait à laisser les criminels agir au détriment des honnêtes citoyens alors sans défense.
L’homme politique ou celui qui affirme une telle proposition endosse une vision de l’Etat ou les individus sont réduits en esclavage.
Reproduisons la réponse à cette métaphore telle que l'expose de manière magistrale François René Rideau.
Cette métaphore en dit long sur la façon dont les étatistes considèrent les individus.
Tout d'abord, voyons ce que signifie cette métaphore, quant au rôle de cet État qui se trouve soudain supprimé. Au vu de cette métaphore, alors les individus honnêtes sont des poules dans un poulailler. Qui protège, habituellement, les poules contre les agressions extérieures? Un fermier, l'État, remplit ce rôle; C'est censé être un être supérieur aux poules. [On retrouve là l'argument de Bastiat comme quoi, pour que l'Etat remplisse le rôle que les étatistes lui assignent, il faudrait que les hommes de l'Etat aient des capacités d'analyse et de connaissance suopérieurs à celles du commun des mortels ; ce qu'ils croient sans aucun doute mais qui est faux, il n'y a pas de surhommes, même à l'ENA.]
Mais il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin. Si cette métaphore s'applique, alors il faut accepter de voir dans les individus des bêtes d'élevages, soumises au bon vouloir d'un État fermier. Or ce fermier peut et va à loisir contrôler leur reproduction, voler leurs œufs, les engraisser et les égorger. Le poulailler, c'est l'exploitation des poules par le fermier. Entre le renard et le fermier, il n'est pour les poules que le choix entre deux prédateurs.
L'État n'est pas plus l'ami des citoyens que le fermier n'est l'ami des poules ; comme le fermier exploite ses poules, l'État exploite les citoyens honnêtes. Le criminel, tel le renard, use d'une violence subite, extraordinaire, tandis que l'État use d'une violence ordinaire, permanente; il enferme ses poules de citoyens dans un poulailler, une prison faite de lois et gardée par des chiens-policiers.
Il leur offre un avenir tout fait, où ils seront gavés par diverses subventions mais constamment dépouillés des œufs de la richesse qu'ils créent; ils sont des esclaves durant toute leur vie, jusqu'à ce que l'État les abatte et se nourrisse de leurs dépouilles, confisquant leur héritage.
Les poules libres ne vivent pas dans un poulailler. Elles vivent au grand air. Elles nidifient dans des hautes herbes. Elles sont loin d'être aussi dodues que les poules d'élevage, mais c'est à elles et non pas à un dîneur que profitera la graisse et les muscles qu'elles accumuleront. Elles courent vite, sautent loin par dessus les obstacles pour échapper au renard; au besoin, elles donnent des coups de bec féroces pour se défendre ou protéger la fuite des leurs. Elles ne pondent pas quotidiennement et en vain pour le plaisir des prédateurs humains, mais à fin de reproduction seulement.
Elles ne sont pas enfermées dans une clôture, mais libres de suivre leurs aspirations, et de traverser les routes sans avoir à en répondre à quiconque.
[Comme quoi il faut se méfier des métaphores, elles révèlent quelquefois des pensées secrètes. Le contrôle étatique et la liberté s'opposent.
Mais, bien entendu, ceux qui demandent le contrôle par l'Etat espèrent toujours être du bon coté du manche, celui des contrôleurs, plutôt que celui des controlés. C'est pourquoi ils peuvent jurer les grands dieux qu'ils ne cherchent pas attenter à la liberté, mais ils pensent, quelquefois inconsciemment, à la leur, à leur liberté de contrôleurs, ce sont comme l'écrivait l'excellent P. Muray, des "matons de Panurge".]
Beaucoup d’hommes politiques n’hésitent pas, lors de débats publics, à invoquer contre l’existence d’un marché libre ou d’une mondialisation sans contrôle étatique la phrase suivante :
«Le libéralisme, c'est le renard libre dans le poulailler libre. » i.e. supprimer l'État reviendrait à laisser les criminels agir au détriment des honnêtes citoyens alors sans défense.
L’homme politique ou celui qui affirme une telle proposition endosse une vision de l’Etat ou les individus sont réduits en esclavage.
Reproduisons la réponse à cette métaphore telle que l'expose de manière magistrale François René Rideau.
Cette métaphore en dit long sur la façon dont les étatistes considèrent les individus.
Tout d'abord, voyons ce que signifie cette métaphore, quant au rôle de cet État qui se trouve soudain supprimé. Au vu de cette métaphore, alors les individus honnêtes sont des poules dans un poulailler. Qui protège, habituellement, les poules contre les agressions extérieures? Un fermier, l'État, remplit ce rôle; C'est censé être un être supérieur aux poules. [On retrouve là l'argument de Bastiat comme quoi, pour que l'Etat remplisse le rôle que les étatistes lui assignent, il faudrait que les hommes de l'Etat aient des capacités d'analyse et de connaissance suopérieurs à celles du commun des mortels ; ce qu'ils croient sans aucun doute mais qui est faux, il n'y a pas de surhommes, même à l'ENA.]
Mais il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin. Si cette métaphore s'applique, alors il faut accepter de voir dans les individus des bêtes d'élevages, soumises au bon vouloir d'un État fermier. Or ce fermier peut et va à loisir contrôler leur reproduction, voler leurs œufs, les engraisser et les égorger. Le poulailler, c'est l'exploitation des poules par le fermier. Entre le renard et le fermier, il n'est pour les poules que le choix entre deux prédateurs.
L'État n'est pas plus l'ami des citoyens que le fermier n'est l'ami des poules ; comme le fermier exploite ses poules, l'État exploite les citoyens honnêtes. Le criminel, tel le renard, use d'une violence subite, extraordinaire, tandis que l'État use d'une violence ordinaire, permanente; il enferme ses poules de citoyens dans un poulailler, une prison faite de lois et gardée par des chiens-policiers.
Il leur offre un avenir tout fait, où ils seront gavés par diverses subventions mais constamment dépouillés des œufs de la richesse qu'ils créent; ils sont des esclaves durant toute leur vie, jusqu'à ce que l'État les abatte et se nourrisse de leurs dépouilles, confisquant leur héritage.
Les poules libres ne vivent pas dans un poulailler. Elles vivent au grand air. Elles nidifient dans des hautes herbes. Elles sont loin d'être aussi dodues que les poules d'élevage, mais c'est à elles et non pas à un dîneur que profitera la graisse et les muscles qu'elles accumuleront. Elles courent vite, sautent loin par dessus les obstacles pour échapper au renard; au besoin, elles donnent des coups de bec féroces pour se défendre ou protéger la fuite des leurs. Elles ne pondent pas quotidiennement et en vain pour le plaisir des prédateurs humains, mais à fin de reproduction seulement.
Elles ne sont pas enfermées dans une clôture, mais libres de suivre leurs aspirations, et de traverser les routes sans avoir à en répondre à quiconque.
[Comme quoi il faut se méfier des métaphores, elles révèlent quelquefois des pensées secrètes. Le contrôle étatique et la liberté s'opposent.
Mais, bien entendu, ceux qui demandent le contrôle par l'Etat espèrent toujours être du bon coté du manche, celui des contrôleurs, plutôt que celui des controlés. C'est pourquoi ils peuvent jurer les grands dieux qu'ils ne cherchent pas attenter à la liberté, mais ils pensent, quelquefois inconsciemment, à la leur, à leur liberté de contrôleurs, ce sont comme l'écrivait l'excellent P. Muray, des "matons de Panurge".]
lundi, juin 19, 2006
Comment Le Monde voit le monde
Un article sur les déboires d'ATTAC m'a donné l'occasion de me livrer à un petit calcul.
L'association Contribuables Associés a 136 000 membres. L'association ATTAC en compte 25 000, qui certes font du bruit, se divisent et se disputent comme, au moins ,136 000 (c'est l'inconvénient d'être gauchiste, c'est-à-dire de ne jamais rien comprendre à la démocratie représentative : on est condamné soit au foutoir, soit à la dictature. A ATTAC, il y a les deux !).
Ces deux associations font la promotion d'idées qui sont politiquement antagonistes.
En faisant un tour rapide dans le moteur de recherche du Monde, j'ai trouvé Contribuables Associés 57 fois et ATTAC 82 fois.
Le nombre d'articles rapporté au nombre d'adhérents indique qu'ATTAC est 7.8 (82*136000/57*25 000) fois mieux traité que Contribuables Associés.
De plus, un sondage dans les articles permet de constater que Contribuables Associés n'y est signalé qu'en passant, dans le corps de l'article, alors que dans les deux tiers des cas, ATTAC est le sujet principal de l'article la citant.
Au final, en tenant compte de cet aspect qualitatif, on obtient un "coefficient lévogyre (1)" pour le journal Le Monde de 11.7 (7.8*3/2).
C'est édifiant pour un journal, qui, sans cacher ses opinions, se veut de référence.
(1) : les molécules lévogyres dévient la lumière polarisée vers de la gauche.
L'association Contribuables Associés a 136 000 membres. L'association ATTAC en compte 25 000, qui certes font du bruit, se divisent et se disputent comme, au moins ,136 000 (c'est l'inconvénient d'être gauchiste, c'est-à-dire de ne jamais rien comprendre à la démocratie représentative : on est condamné soit au foutoir, soit à la dictature. A ATTAC, il y a les deux !).
Ces deux associations font la promotion d'idées qui sont politiquement antagonistes.
En faisant un tour rapide dans le moteur de recherche du Monde, j'ai trouvé Contribuables Associés 57 fois et ATTAC 82 fois.
Le nombre d'articles rapporté au nombre d'adhérents indique qu'ATTAC est 7.8 (82*136000/57*25 000) fois mieux traité que Contribuables Associés.
De plus, un sondage dans les articles permet de constater que Contribuables Associés n'y est signalé qu'en passant, dans le corps de l'article, alors que dans les deux tiers des cas, ATTAC est le sujet principal de l'article la citant.
Au final, en tenant compte de cet aspect qualitatif, on obtient un "coefficient lévogyre (1)" pour le journal Le Monde de 11.7 (7.8*3/2).
C'est édifiant pour un journal, qui, sans cacher ses opinions, se veut de référence.
(1) : les molécules lévogyres dévient la lumière polarisée vers de la gauche.
Le père Noël pas en forme
Mis à part le scandaleux népotisme de Noël Forgeard (les stock-options à ses enfants) et ses pratiques financières moralement douteuses, il y a un problème industriel bien décrit dans l'article ci-dessous :
Accident industriel
Il est vrai aussi que le mélange des genres industriel et étatiste (Forgeard a été nommé grâce à Chirac ; l'affaire Clearstream découle directement de la rivalité Forgeard/Camus pour diriger EADS) a précipité la catastrophe, non pas tant celle de l'A380 que celle de A350, mal né avant même que d'être né.
Accident industriel
Il est vrai aussi que le mélange des genres industriel et étatiste (Forgeard a été nommé grâce à Chirac ; l'affaire Clearstream découle directement de la rivalité Forgeard/Camus pour diriger EADS) a précipité la catastrophe, non pas tant celle de l'A380 que celle de A350, mal né avant même que d'être né.
samedi, juin 17, 2006
Nos socialistes au meilleur de leur forme, hélas ...
Le beurre et l'argent du beurre
Jacques Marseille
En lisant le projet du Parti socialiste, Jean-Marie Le Pen a dû dire : « Bravo et merci ! » En effet, une des mesures phares de ce projet, appelée à jouer le même rôle d'appât que les 35 heures en 1997, est l'annonce d'un smic brut à 1 500 euros en cours de législature. Un chiffre hautement symbolique puisque 1 500 euros par mois correspond à peu près au niveau de vie moyen des Français (le salaire brut annuel moyen d'un employé est aujourd'hui de 1 650 euros, le salaire net d'un professeur des écoles est d'un peu moins de 1 600 euros).
Un smic à 1 500 euros, c'est une mesure qui « fait peuple » et fleure bon sa relance keynésienne du pouvoir d'achat, qui avait déjà échoué aussi bien en 1936 qu'en 1981. Mais c'est surtout une formidable gifle assénée aux classes moyennes, qui ont déjà largement perdu confiance en l'avenir et qui ont été les grandes victimes des politiques menées en France aussi bien par la gauche que par la droite. Il faut savoir en effet que depuis 1997 le niveau de vie des personnes les plus modestes s'est accru de 16,3 %, celui des personnes les plus aisées de 13 % et celui des catégories médianes, qui forment plus de 50 % de la population, de 8 % seulement.
Afficher un smic à 1 500 euros, c'est annoncer à ces catégories sociales que le travail, souvent rude, et l'investissement éducatif pour leurs enfants est un non-sens économique puisque le salaire du Français le moins qualifié, celui qui aura eu la « rationalité » d'arrêter précocement ses études, sera égal à celui que touchent la moitié des Français. C'est détruire les fondements d'une démocratie qu'avaient apaisée en leur temps le rêve et la possibilité d'ascension sociale par le travail et par l'étude.
50 milliards d'euros.
Ces classes moyennes, assez « riches » toutefois pour payer l'impôt sur le revenu et se voir écartées de tous les transferts et subventions accordées aux « pauvres », apprendront par ailleurs que ce projet, non réellement chiffré (mais qui « aime » ne « compte » pas) représenterait, selon Dominique Strauss-Kahn, un coût de 50 milliards d'euros. Il faut rappeler qu'en 1999 une note rédigée par la Direction de la prévision du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, alors occupé par... Dominique Strauss-Kahn avait prévu que les 35 heures se traduiraient par un solde positif pour les finances publique de près de 3 milliards d'euros. On sait ce qu'il en coûta aux finances publiques !
Les 50 milliards avancés aujourd'hui par le Parti socialiste représentent le montant de l'impôt sur le revenu ou celui des intérêts de la dette. Mais qu'importe la dette quand trois membres du conseil national du Parti socialiste osent écrire dans Le Monde du 21 janvier 2006, avec un cynisme étonnant : « Les créances de la dette publique sont aux mains des rentiers. "Nos" enfants ne verront donc pas tout le poids de la dette peser sur leurs épaules fragiles. Certains paieront les intérêts de la dette, d'autres les encaisseront. Et avec une dette publique de plus de 1 000 milliards d'euros, cela représentera un sacré pactole pour tous les enfants de rentiers. » Un pactole qui, sans nul doute, s'accroîtrait au terme d'une législature socialiste.
Travailler plus. Il est vrai que les socialistes, qui recrutent largement dans les professions protégées (celles auxquelles ils promettent pour faire bonne mesure l'abrogation de la loi Fillon, la retraite à 60 ans et la généralisation des 35 heures), n'ont pas encore compris, contrairement à tous les autres socialistes du monde, que c'est le travail des uns qui crée le travail des autres et que travailler plus est aujourd'hui une nécessité économique. « Déjà, écrit Michel Winock (1), le raisonnement sous le Front populaire était de diminuer l'horaire hebdomadaire de travail (à 40 heures) pour partager le travail disponible, comme s'il s'agissait d'une quantité fixe. Nous savons depuis 1936 que la baisse des taux d'activité, loin de guérir le chômage, provoque une moindre croissance ou interdit la reprise. Au contraire, c'est dans les pays où la durée du travail et les taux d'activité sont élevés que le chômage est le plus faible. Les socialistes vont-ils continuer à promettre le beurre et l'argent du beurre ? »
Certes, les socialistes, après la défaite de Lionel Jospin en 2002, sont persuadés que pour gagner les élections il faut se « refaire une santé » à gauche. Une posture qu'incarne Laurent Fabius, le nouveau Gracchus Babeuf. Ce faisant, ils offrent un cadeau « royal » à Jean-Marie Le Pen, qui pourra recruter ses électeurs dans ce peuple exposé que les élites socialistes connaissent si mal.
On savait que la gauche française était la gauche la plus idéologisée du monde. On sait maintenant qu'elle est la plus aveugle ou la plus cynique. On préférerait la plus cynique. N'est-ce pas en effet le cynisme qui a permis à François Mitterrand d'atterrir en 1983 après avoir promis la lune en 1981 ?
1. « La gauche au pouvoir », de Michel Winock, avec Séverine Nikel (Bayard, 188 pages, 17 E).
© le point 15/06/06 - N°1761 - Page 42 - 833 mots
Jacques Marseille
En lisant le projet du Parti socialiste, Jean-Marie Le Pen a dû dire : « Bravo et merci ! » En effet, une des mesures phares de ce projet, appelée à jouer le même rôle d'appât que les 35 heures en 1997, est l'annonce d'un smic brut à 1 500 euros en cours de législature. Un chiffre hautement symbolique puisque 1 500 euros par mois correspond à peu près au niveau de vie moyen des Français (le salaire brut annuel moyen d'un employé est aujourd'hui de 1 650 euros, le salaire net d'un professeur des écoles est d'un peu moins de 1 600 euros).
Un smic à 1 500 euros, c'est une mesure qui « fait peuple » et fleure bon sa relance keynésienne du pouvoir d'achat, qui avait déjà échoué aussi bien en 1936 qu'en 1981. Mais c'est surtout une formidable gifle assénée aux classes moyennes, qui ont déjà largement perdu confiance en l'avenir et qui ont été les grandes victimes des politiques menées en France aussi bien par la gauche que par la droite. Il faut savoir en effet que depuis 1997 le niveau de vie des personnes les plus modestes s'est accru de 16,3 %, celui des personnes les plus aisées de 13 % et celui des catégories médianes, qui forment plus de 50 % de la population, de 8 % seulement.
Afficher un smic à 1 500 euros, c'est annoncer à ces catégories sociales que le travail, souvent rude, et l'investissement éducatif pour leurs enfants est un non-sens économique puisque le salaire du Français le moins qualifié, celui qui aura eu la « rationalité » d'arrêter précocement ses études, sera égal à celui que touchent la moitié des Français. C'est détruire les fondements d'une démocratie qu'avaient apaisée en leur temps le rêve et la possibilité d'ascension sociale par le travail et par l'étude.
50 milliards d'euros.
Ces classes moyennes, assez « riches » toutefois pour payer l'impôt sur le revenu et se voir écartées de tous les transferts et subventions accordées aux « pauvres », apprendront par ailleurs que ce projet, non réellement chiffré (mais qui « aime » ne « compte » pas) représenterait, selon Dominique Strauss-Kahn, un coût de 50 milliards d'euros. Il faut rappeler qu'en 1999 une note rédigée par la Direction de la prévision du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, alors occupé par... Dominique Strauss-Kahn avait prévu que les 35 heures se traduiraient par un solde positif pour les finances publique de près de 3 milliards d'euros. On sait ce qu'il en coûta aux finances publiques !
Les 50 milliards avancés aujourd'hui par le Parti socialiste représentent le montant de l'impôt sur le revenu ou celui des intérêts de la dette. Mais qu'importe la dette quand trois membres du conseil national du Parti socialiste osent écrire dans Le Monde du 21 janvier 2006, avec un cynisme étonnant : « Les créances de la dette publique sont aux mains des rentiers. "Nos" enfants ne verront donc pas tout le poids de la dette peser sur leurs épaules fragiles. Certains paieront les intérêts de la dette, d'autres les encaisseront. Et avec une dette publique de plus de 1 000 milliards d'euros, cela représentera un sacré pactole pour tous les enfants de rentiers. » Un pactole qui, sans nul doute, s'accroîtrait au terme d'une législature socialiste.
Travailler plus. Il est vrai que les socialistes, qui recrutent largement dans les professions protégées (celles auxquelles ils promettent pour faire bonne mesure l'abrogation de la loi Fillon, la retraite à 60 ans et la généralisation des 35 heures), n'ont pas encore compris, contrairement à tous les autres socialistes du monde, que c'est le travail des uns qui crée le travail des autres et que travailler plus est aujourd'hui une nécessité économique. « Déjà, écrit Michel Winock (1), le raisonnement sous le Front populaire était de diminuer l'horaire hebdomadaire de travail (à 40 heures) pour partager le travail disponible, comme s'il s'agissait d'une quantité fixe. Nous savons depuis 1936 que la baisse des taux d'activité, loin de guérir le chômage, provoque une moindre croissance ou interdit la reprise. Au contraire, c'est dans les pays où la durée du travail et les taux d'activité sont élevés que le chômage est le plus faible. Les socialistes vont-ils continuer à promettre le beurre et l'argent du beurre ? »
Certes, les socialistes, après la défaite de Lionel Jospin en 2002, sont persuadés que pour gagner les élections il faut se « refaire une santé » à gauche. Une posture qu'incarne Laurent Fabius, le nouveau Gracchus Babeuf. Ce faisant, ils offrent un cadeau « royal » à Jean-Marie Le Pen, qui pourra recruter ses électeurs dans ce peuple exposé que les élites socialistes connaissent si mal.
On savait que la gauche française était la gauche la plus idéologisée du monde. On sait maintenant qu'elle est la plus aveugle ou la plus cynique. On préférerait la plus cynique. N'est-ce pas en effet le cynisme qui a permis à François Mitterrand d'atterrir en 1983 après avoir promis la lune en 1981 ?
1. « La gauche au pouvoir », de Michel Winock, avec Séverine Nikel (Bayard, 188 pages, 17 E).
© le point 15/06/06 - N°1761 - Page 42 - 833 mots
En défense de Corneille
Qu'ajouter à l'éditorial ci-dessous ? Que notre école (sauf bien entendu nos établissement pour l'élite, et encore) fabrique des ignares (et qu'on ne me dise pas le contraire : j'éprouve régulièrement la culture des "jeunes" avec qui je discute, et ce n'est pas brillant du tout.) Or un homme (pardon, de nos jours, faute de rituel de passage, les hommes n'existent plus, il ne reste que d'éternels adolescents) sans culture ni passé n'a pas d'avenir.
N' "enseigner" aux élèves que ce qu'ils liraient "spontanément" ou que ce qui est supposé (dans les préjugés intellocrates) les intéresser, c'est une forme de mépris pur et sans mélange.
Je me souviens d'une classe de seconde en bonne partie consacrée à Chrétien de Troyes, c'était en 1986, nous savions tous à peu près lire et écrire et nous avions même (inimaginable érudition de nos jours) de solides notions de latin. Cependant, il ne nous serait pas venu "spontanément" à l'idée d'attaquer Perceval le Gallois par la face nord.
Signe évident que je fus irrémédiablement traumatisé : je lus de mon propre chef le restant des oeuvres de Chrétien de Troyes.
Bien entendu, comme il convient de mélanger les genres et de brouiller ce qui clair, on ne peut attribuer pareille attitude qu'à une supposée extraction bourgeoise.
Michel Ragon, complet autodidacte, qui a commencé sa culture en lisant les Petits Classiques Larousse dans l'ordre alphabétique, avait donc sans le savoir quelques gènes de bourgeoisie, puisqu'il a fait de la culture sa vie.
Laissons là ces fadaises d'archéo-marxistes , de jeunes militants gauchistes déjà vieux, il ne faut pas désespérer : la culture "classique", "bourgeoise", est suffisamment attayante pour ne point disparaître, elle trouvera toujours quelques hôtes qui sauront la transmettre en attendant que d'autres générations, plus éclairées que la nôtre, la fasse revivre pour tous.
Cela fait quelques siècles que Homère, Racine, Corneille, Shakespeare et d'autres émeuvent les hommes, quelques Trissotins meyrieuphiles ne suffiront pas à en venir à bout.
Apprendre Corneille par coeur peut être une peine pour le présent mais c'est un cadeau pour l'avenir.
Ô rage! ô Désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir an un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermis le trône de son roi
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée!
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur;
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
D'un Corneille l'autre
L'éditorial de Claude Imbert
« S'il vivait, je le ferais prince », disait de lui Napoléon. Aujourd'hui, notre vieille République oublie jusqu'à son nom. Pierre Corneille (1606-1684) est quasi chassé d'une mémoire nationale qui, durant quatre cents ans, le révéra. Il figurait parmi les grands « classiques » voués à diffuser dans les classes une certaine idée du Bien et du Beau. Et la magie d'une langue coulée dans le bronze. On l'apprenait par coeur. « Par coeur » pour apprendre à l'aimer.
Fini ! Nos classiques agonisent à domicile. Molière se défend encore bien, mais Corneille et Racine tirent leur révérence comme l'imparfait du subjonctif. On ne comprend plus leur art de dire. Et moins encore ce qu'ils disent : des vieilles lunes, l'honneur, le service forcené de l'idéal, la loyauté clanique qui ne subsistent sous nos yeux qu'en Corse, chez les Gitans ou dans le vieux Maghreb.
Ne pleurnichons pas sur cette fatalité ! Mais, tout de même, quel crève-coeur de voir notre République sombrer de plus en plus dans son gâtisme repentant : elle ne commémore que ses remords... Au diable, donc, le flamboyant, le tonnant, le glorieux ! Austerlitz, Corneille, même charrette ! Le décervelage à la mode, encensé par un Etat soûlé de démagogie, c'est de battre sa coulpe sur celle des aïeux. Dans la mythologie antique, la mémoire était la mère des muses : la France, aujourd'hui, a la mémoire qui flanche, et les muses aussi.
Remarquez, on voit bien pourquoi notre temps enterre, sans tambour ni trompette, un Corneille entiché de tambours et de trompettes. Ecrivain féal et catholique, il exaltait une époque en turbulent essor, ivre de confiance et de conquête et qui fut la jeunesse de la France. La tête dans l'idéal mais sanguine, querelleuse, obsédée par les combats intimes du devoir et de l'amour, c'était une époque de rayonnante vitalité, un autre âge de la nation. Un âge révolu que nous peinons à imaginer. « Le Cid » ignorait le principe de précaution. On vivait moins longtemps mais plus haut et plus fort. Et nous ? « Nous, nous vivons si vieux que nous ne vivons plus »...
Corneille fut aussi le héraut, le chantre d'une société aristocratique, celle de Louis XIV, où l'élévation de coeur et d'âme servait encore l'esprit féodal. L'esprit démocratique n'a pas pour cette sorte d'idéal la même ferveur. Tocqueville, il y a cent cinquante ans, notait déjà que, dans les démocraties, « l'amour des jouissances matérielles, la concurrence, la recherche de succès immédiats... font que l'égalité détourne les hommes de la peinture de l'idéal ». La démocratie, ajoutait-il, « écarte l'imagination de ce qui est extérieur à l'homme pour ne la fixer que sur l'homme lui-même ».
De nos jours, l'ignorance massive aidant, une outrecuidance puérile prétend soumettre des époques révolues à des valeurs contemporaines. On fait reproche à Louis XIV ou à Napoléon de rester sourds à la Ligue des droits de l'homme. Passons sur ces niaiseries ! Plus fâcheux, pourtant : ce révisionnisme historique ôte peu à peu à la nation ses racines et légendes. La nation y perd plumes et panache et se retrouve, avec la chair de poule, dans la grisaille. A la place des peintres et poètes qui chantaient la gloire de Dieu et des princes, et les splendeurs de la nature, la mode actuelle va aux photographes qui peignent la misère, le bitume et les squats.
Dans ce séisme, le malheureux Corneille est emporté comme fétu. Il mettait, lui, un point d'honneur à chanter les fondements de sa civilisation. Dans sa trilogie d'« Horace », « Cinna » et « Polyeucte », il se plaisait à parcourir d'un bout à l'autre le cycle fondateur de notre héritage romain, puis impérial puis chrétien (1). Une archéologie désormais érudite ! L'excellent Charles Dantzig, qui trouve Corneille « pénible », le peint sous le regard d'aujourd'hui « en rocker hurleur dont les pièces avancent sur le rythme de l'obéissance peinte en devoir »...
Que reste-t-il de ce Corneille englouti ? Une descendance normande, et prouvée : Charlotte Corday, ce qui donne à penser... Une icône historique : de Gaulle, dernier personnage cornélien. Un nez, aussi, celui de Cyrano. Et une pièce, « L'illusion comique », où la verve du vieux magicien se rit de lui-même et de l'emphase fanfaronne (2).
Si vous cherchez Corneille sur Internet, vous tomberez sur un autre Corneille, jeune et séraphique chanteur africain, rescapé miraculeux du génocide rwandais. Un million de disques vendus, il a plus de succès que l'autre. Ses bons sentiments marient le rhythm and blues et la chanson française. Doué, gentil, ce jeune Corneille s'épanouit dans le touchant et le compassionnel. « Le Bon Dieu, a-t-il dit un jour, est une femme... » Ah bon ? L'autre Corneille n'y avait pas songé.
1. Voir « Ecrivez-moi de Rome. Le mythe romain au fil du temps », d'Arnaud Tripet (éd. Champion).
2. Courez voir, si vous le pouvez, « L'illusion comique » au Théâtre de Poche Montparnasse.
© le point 15/06/06 - N°1761 - Page 3 - 774 mots
N' "enseigner" aux élèves que ce qu'ils liraient "spontanément" ou que ce qui est supposé (dans les préjugés intellocrates) les intéresser, c'est une forme de mépris pur et sans mélange.
Je me souviens d'une classe de seconde en bonne partie consacrée à Chrétien de Troyes, c'était en 1986, nous savions tous à peu près lire et écrire et nous avions même (inimaginable érudition de nos jours) de solides notions de latin. Cependant, il ne nous serait pas venu "spontanément" à l'idée d'attaquer Perceval le Gallois par la face nord.
Signe évident que je fus irrémédiablement traumatisé : je lus de mon propre chef le restant des oeuvres de Chrétien de Troyes.
Bien entendu, comme il convient de mélanger les genres et de brouiller ce qui clair, on ne peut attribuer pareille attitude qu'à une supposée extraction bourgeoise.
Michel Ragon, complet autodidacte, qui a commencé sa culture en lisant les Petits Classiques Larousse dans l'ordre alphabétique, avait donc sans le savoir quelques gènes de bourgeoisie, puisqu'il a fait de la culture sa vie.
Laissons là ces fadaises d'archéo-marxistes , de jeunes militants gauchistes déjà vieux, il ne faut pas désespérer : la culture "classique", "bourgeoise", est suffisamment attayante pour ne point disparaître, elle trouvera toujours quelques hôtes qui sauront la transmettre en attendant que d'autres générations, plus éclairées que la nôtre, la fasse revivre pour tous.
Cela fait quelques siècles que Homère, Racine, Corneille, Shakespeare et d'autres émeuvent les hommes, quelques Trissotins meyrieuphiles ne suffiront pas à en venir à bout.
Apprendre Corneille par coeur peut être une peine pour le présent mais c'est un cadeau pour l'avenir.
Ô rage! ô Désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir an un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermis le trône de son roi
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée!
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur;
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
D'un Corneille l'autre
L'éditorial de Claude Imbert
« S'il vivait, je le ferais prince », disait de lui Napoléon. Aujourd'hui, notre vieille République oublie jusqu'à son nom. Pierre Corneille (1606-1684) est quasi chassé d'une mémoire nationale qui, durant quatre cents ans, le révéra. Il figurait parmi les grands « classiques » voués à diffuser dans les classes une certaine idée du Bien et du Beau. Et la magie d'une langue coulée dans le bronze. On l'apprenait par coeur. « Par coeur » pour apprendre à l'aimer.
Fini ! Nos classiques agonisent à domicile. Molière se défend encore bien, mais Corneille et Racine tirent leur révérence comme l'imparfait du subjonctif. On ne comprend plus leur art de dire. Et moins encore ce qu'ils disent : des vieilles lunes, l'honneur, le service forcené de l'idéal, la loyauté clanique qui ne subsistent sous nos yeux qu'en Corse, chez les Gitans ou dans le vieux Maghreb.
Ne pleurnichons pas sur cette fatalité ! Mais, tout de même, quel crève-coeur de voir notre République sombrer de plus en plus dans son gâtisme repentant : elle ne commémore que ses remords... Au diable, donc, le flamboyant, le tonnant, le glorieux ! Austerlitz, Corneille, même charrette ! Le décervelage à la mode, encensé par un Etat soûlé de démagogie, c'est de battre sa coulpe sur celle des aïeux. Dans la mythologie antique, la mémoire était la mère des muses : la France, aujourd'hui, a la mémoire qui flanche, et les muses aussi.
Remarquez, on voit bien pourquoi notre temps enterre, sans tambour ni trompette, un Corneille entiché de tambours et de trompettes. Ecrivain féal et catholique, il exaltait une époque en turbulent essor, ivre de confiance et de conquête et qui fut la jeunesse de la France. La tête dans l'idéal mais sanguine, querelleuse, obsédée par les combats intimes du devoir et de l'amour, c'était une époque de rayonnante vitalité, un autre âge de la nation. Un âge révolu que nous peinons à imaginer. « Le Cid » ignorait le principe de précaution. On vivait moins longtemps mais plus haut et plus fort. Et nous ? « Nous, nous vivons si vieux que nous ne vivons plus »...
Corneille fut aussi le héraut, le chantre d'une société aristocratique, celle de Louis XIV, où l'élévation de coeur et d'âme servait encore l'esprit féodal. L'esprit démocratique n'a pas pour cette sorte d'idéal la même ferveur. Tocqueville, il y a cent cinquante ans, notait déjà que, dans les démocraties, « l'amour des jouissances matérielles, la concurrence, la recherche de succès immédiats... font que l'égalité détourne les hommes de la peinture de l'idéal ». La démocratie, ajoutait-il, « écarte l'imagination de ce qui est extérieur à l'homme pour ne la fixer que sur l'homme lui-même ».
De nos jours, l'ignorance massive aidant, une outrecuidance puérile prétend soumettre des époques révolues à des valeurs contemporaines. On fait reproche à Louis XIV ou à Napoléon de rester sourds à la Ligue des droits de l'homme. Passons sur ces niaiseries ! Plus fâcheux, pourtant : ce révisionnisme historique ôte peu à peu à la nation ses racines et légendes. La nation y perd plumes et panache et se retrouve, avec la chair de poule, dans la grisaille. A la place des peintres et poètes qui chantaient la gloire de Dieu et des princes, et les splendeurs de la nature, la mode actuelle va aux photographes qui peignent la misère, le bitume et les squats.
Dans ce séisme, le malheureux Corneille est emporté comme fétu. Il mettait, lui, un point d'honneur à chanter les fondements de sa civilisation. Dans sa trilogie d'« Horace », « Cinna » et « Polyeucte », il se plaisait à parcourir d'un bout à l'autre le cycle fondateur de notre héritage romain, puis impérial puis chrétien (1). Une archéologie désormais érudite ! L'excellent Charles Dantzig, qui trouve Corneille « pénible », le peint sous le regard d'aujourd'hui « en rocker hurleur dont les pièces avancent sur le rythme de l'obéissance peinte en devoir »...
Que reste-t-il de ce Corneille englouti ? Une descendance normande, et prouvée : Charlotte Corday, ce qui donne à penser... Une icône historique : de Gaulle, dernier personnage cornélien. Un nez, aussi, celui de Cyrano. Et une pièce, « L'illusion comique », où la verve du vieux magicien se rit de lui-même et de l'emphase fanfaronne (2).
Si vous cherchez Corneille sur Internet, vous tomberez sur un autre Corneille, jeune et séraphique chanteur africain, rescapé miraculeux du génocide rwandais. Un million de disques vendus, il a plus de succès que l'autre. Ses bons sentiments marient le rhythm and blues et la chanson française. Doué, gentil, ce jeune Corneille s'épanouit dans le touchant et le compassionnel. « Le Bon Dieu, a-t-il dit un jour, est une femme... » Ah bon ? L'autre Corneille n'y avait pas songé.
1. Voir « Ecrivez-moi de Rome. Le mythe romain au fil du temps », d'Arnaud Tripet (éd. Champion).
2. Courez voir, si vous le pouvez, « L'illusion comique » au Théâtre de Poche Montparnasse.
© le point 15/06/06 - N°1761 - Page 3 - 774 mots
jeudi, juin 15, 2006
La fin du modèle suédois
Je vous invite à réfléchir sur cet article de Guy Sorman :
Le modèle suédois, suite et fin
Je crois qu'il faudra bien en France finir par ouvrir les yeux : les idées libérales sont cohérentes et particulièrement adaptées à un monde en évolution rapide. Il n'y a pas de "troisième voie".
La statopathie (1) française est arrivée à un point où elle en devient étrange : non seulement la France a eu de grands penseurs libéraux, mais elle a aussi une tradition d'individualisme (et non de liberté, il est vrai) qui fait par exemple que les Français se mettent facilement à leur compte pour devenir leurs propres patrons.
Il ne devrait pas être si difficile de leur faire voir les bons cotés (hé oui, il y en a, même plus que de mauvais) du libéralisme.
Mais voilà, nous sommes dirigés par des étatistes qui le sont quasi depuis le berceau et qui ne sont même pas capables d'envisager qu'ils puissent y avoir autre chose que l'Etat, l'Etat, l'Etat ...
Et si, juste un peu, l'Etat s'immobilisait, nous lachait la grappe, arrêtait d'agir ou, plus exactement, de s'agiter, de s'immiscer ?
(1) : statopathie : syndrome fusionnel qui pousse les individus qui en sont atteints à croire que, hors de l'Etat, ils sont nus et que, sans l'Etat, ils ne peuvent rien et à voir toute leur vie à travers le prisme de leur relation avec l'Etat.
Celui-ci qui souffre de la "statopathie" ne vit que par l'Etat, et ne peut résoudre ses problèmes qu'en s'en prenant à l'Etat, cause de son malheur.
Il ne s'en prend ni à lui-même, ni à sa profession, ni à sa famille : il rend l'Etat responsable de sa vie, de son échec, de sa détresse.
Sa responsabilité personnelle ne souffre aucune remise en cause : il est un rouage du Système, la faute n'est pas sienne, elle appartient à un défaut du Sytème, lequel est censé incarner la Morale et la Justice.
L'archétype du statopathe est Richard Durn, qui fusilla le conseil municipal de Nanterre. Mais, hélas, on en trouve d'autres dans l'actualité, qui prouvent bien que la statopathie n'est pas un mal imaginaire.
Le modèle suédois, suite et fin
Je crois qu'il faudra bien en France finir par ouvrir les yeux : les idées libérales sont cohérentes et particulièrement adaptées à un monde en évolution rapide. Il n'y a pas de "troisième voie".
La statopathie (1) française est arrivée à un point où elle en devient étrange : non seulement la France a eu de grands penseurs libéraux, mais elle a aussi une tradition d'individualisme (et non de liberté, il est vrai) qui fait par exemple que les Français se mettent facilement à leur compte pour devenir leurs propres patrons.
Il ne devrait pas être si difficile de leur faire voir les bons cotés (hé oui, il y en a, même plus que de mauvais) du libéralisme.
Mais voilà, nous sommes dirigés par des étatistes qui le sont quasi depuis le berceau et qui ne sont même pas capables d'envisager qu'ils puissent y avoir autre chose que l'Etat, l'Etat, l'Etat ...
Et si, juste un peu, l'Etat s'immobilisait, nous lachait la grappe, arrêtait d'agir ou, plus exactement, de s'agiter, de s'immiscer ?
(1) : statopathie : syndrome fusionnel qui pousse les individus qui en sont atteints à croire que, hors de l'Etat, ils sont nus et que, sans l'Etat, ils ne peuvent rien et à voir toute leur vie à travers le prisme de leur relation avec l'Etat.
Celui-ci qui souffre de la "statopathie" ne vit que par l'Etat, et ne peut résoudre ses problèmes qu'en s'en prenant à l'Etat, cause de son malheur.
Il ne s'en prend ni à lui-même, ni à sa profession, ni à sa famille : il rend l'Etat responsable de sa vie, de son échec, de sa détresse.
Sa responsabilité personnelle ne souffre aucune remise en cause : il est un rouage du Système, la faute n'est pas sienne, elle appartient à un défaut du Sytème, lequel est censé incarner la Morale et la Justice.
L'archétype du statopathe est Richard Durn, qui fusilla le conseil municipal de Nanterre. Mais, hélas, on en trouve d'autres dans l'actualité, qui prouvent bien que la statopathie n'est pas un mal imaginaire.
mardi, juin 13, 2006
15 000 fonctionnaires en moins, quel exploit !
Le gouvernement se glorifie de supprimer 15 000 postes de fonctionnaires d'Etat. Les syndicats hurlent à "une logique purement comptable inadmissible".
Quelques commentaires :
1) Il ne s'agit pas là d'un bien grand exploit à la vérité, c'est même minable : une diminution de moins de 0.9 % des effectifs de l'Etat est d'autant plus ridicule que, pendant ce temps, les effectifs territoriaux bondissent. On évitera de remplacer seulement un sur six des 85 000 fonctionnaires d'Etat partant à la retraite l'année prochaine et on embauchera tout de même 70 000 fonctionnaires. Comme effort substantiel, on a déjà vu mieux. On peut aussi supposer que le gouvernement va encore baisser sa culotte devant les sourcils froncés des nantis du syndicalisme d'Etat.
2) "Logique comptable" est pour les syndicats une insulte, ce qui prouve bien, mais on le savait déjà, qu'ils n'ont aucun souci de l'intérêt général, contrairement à ce qu'ils prétendent avec une irritante hypocrisie.
En effet, quand on oublie de compter, on oublie la peine des hommes, on méprise le contribuable qui travaille la moitié de l'année pour payer ses impôts. Je ne leur reproche pas leur corporatisme forcené et aveugle, je leur reproche leur discours de faux-culs arguantd'une "défense des services publics" qui n'est en réalité que la défense d'intérêts catégoriels très étroits.
Je reproche aussi aux hommes politiques, qui savent pourtant à quoi s'en tenir, de ne pas dévoiler ces vérités. Quand on explique la réalité des privilèges, comme ça s'est produit récemment pour la SNCM et la SNCF, l'opinion publique comprend bien la fausseté de la "grève par procuration" et de la "défense du service public".
3) Enfin, les opposants à ces mesurettes mettent en avant la suppression de 8 500 postes dans l'éducation nationale comme un énorme crime contre l'avenir. Là encore, c'est volontairement regarder les choses par le petit bout de la lorgnette puisqu'on sait que le problème de l'EN n'est pas d'effectifs mais d'organisation, voire de philosophie (se reporter à mes messages précédents sur le sujet).
L'EN n'a de problèmes d'effectifs que si l'on commence par postuler que l'organisation actuelle est intouchable (par exemple, quand on n'oublie pas les 32 000 profs équivalent-temps-plein qui n'enseignent pas, on peut relativiser les 8 500 en moins ...). Attribuer les maux de l'EN à des effectifs insuffisants revient à enlever trois roues d'une voiture et à mettre la piètre autonomie de ce véhicule bizarre sur le compte d'un manque de carburant.
Conclusion ? Les expériences étrangères prouvent que les demi-mesures sont inefficaces et prolongent les difficultés plutôt que de les résoudre.
La vraie nouveauté serait de ne remplacer aucun départ à la retraite de fonctionnaire, mais, pour que cela soit possible, il faudrait s'attaquer au statut de la fonction publique de manière à ce que les mutations entre corps et entre ministères soient aisées, alors qu'elles sont aujourd'hui quasi impossibles (un informaticien du ministère de l'agriculture ne peut pas devenir informaticien du ministère de la défense ! Ne rigolez pas, ce sont vos impôts, et donc votre travail, qui financent cette bouffonerie).
Mais revoir le statut de la fonction publique suppose un objectif, des moyens, une stratégie, bref une politique. Il ne manquerait plus que les hommes politiques élaborent une politique !
C'est pourquoi nous restons toujours dans la gesticulation, dans le théâtre, pas dans la réforme, pas dans la politique.
Quelques commentaires :
1) Il ne s'agit pas là d'un bien grand exploit à la vérité, c'est même minable : une diminution de moins de 0.9 % des effectifs de l'Etat est d'autant plus ridicule que, pendant ce temps, les effectifs territoriaux bondissent. On évitera de remplacer seulement un sur six des 85 000 fonctionnaires d'Etat partant à la retraite l'année prochaine et on embauchera tout de même 70 000 fonctionnaires. Comme effort substantiel, on a déjà vu mieux. On peut aussi supposer que le gouvernement va encore baisser sa culotte devant les sourcils froncés des nantis du syndicalisme d'Etat.
2) "Logique comptable" est pour les syndicats une insulte, ce qui prouve bien, mais on le savait déjà, qu'ils n'ont aucun souci de l'intérêt général, contrairement à ce qu'ils prétendent avec une irritante hypocrisie.
En effet, quand on oublie de compter, on oublie la peine des hommes, on méprise le contribuable qui travaille la moitié de l'année pour payer ses impôts. Je ne leur reproche pas leur corporatisme forcené et aveugle, je leur reproche leur discours de faux-culs arguantd'une "défense des services publics" qui n'est en réalité que la défense d'intérêts catégoriels très étroits.
Je reproche aussi aux hommes politiques, qui savent pourtant à quoi s'en tenir, de ne pas dévoiler ces vérités. Quand on explique la réalité des privilèges, comme ça s'est produit récemment pour la SNCM et la SNCF, l'opinion publique comprend bien la fausseté de la "grève par procuration" et de la "défense du service public".
3) Enfin, les opposants à ces mesurettes mettent en avant la suppression de 8 500 postes dans l'éducation nationale comme un énorme crime contre l'avenir. Là encore, c'est volontairement regarder les choses par le petit bout de la lorgnette puisqu'on sait que le problème de l'EN n'est pas d'effectifs mais d'organisation, voire de philosophie (se reporter à mes messages précédents sur le sujet).
L'EN n'a de problèmes d'effectifs que si l'on commence par postuler que l'organisation actuelle est intouchable (par exemple, quand on n'oublie pas les 32 000 profs équivalent-temps-plein qui n'enseignent pas, on peut relativiser les 8 500 en moins ...). Attribuer les maux de l'EN à des effectifs insuffisants revient à enlever trois roues d'une voiture et à mettre la piètre autonomie de ce véhicule bizarre sur le compte d'un manque de carburant.
Conclusion ? Les expériences étrangères prouvent que les demi-mesures sont inefficaces et prolongent les difficultés plutôt que de les résoudre.
La vraie nouveauté serait de ne remplacer aucun départ à la retraite de fonctionnaire, mais, pour que cela soit possible, il faudrait s'attaquer au statut de la fonction publique de manière à ce que les mutations entre corps et entre ministères soient aisées, alors qu'elles sont aujourd'hui quasi impossibles (un informaticien du ministère de l'agriculture ne peut pas devenir informaticien du ministère de la défense ! Ne rigolez pas, ce sont vos impôts, et donc votre travail, qui financent cette bouffonerie).
Mais revoir le statut de la fonction publique suppose un objectif, des moyens, une stratégie, bref une politique. Il ne manquerait plus que les hommes politiques élaborent une politique !
C'est pourquoi nous restons toujours dans la gesticulation, dans le théâtre, pas dans la réforme, pas dans la politique.
lundi, juin 12, 2006
Festivus festivus (P. Muray)
FFFF
Festivus festivus "festive qu'il festive" comme Sapiens sapiens "sait qu'il sait". Bien entendu, le prototype de l'espèce est Bertrand Delanoë.
Je regrette un peu d'avoir découvert Muray à l'occasion de sa mort, due à un politiquement incorrect cancer tabagique. Comme je vous ai déjà parlé indirectement de ce livre (dans le message Le plein s'il vous plaît), dialogue avec Elisabeth Lévy (questions en italique), je me contenterai de vous citer deux extraits :
La chasse au patriarcat
Martine aux outrages
J'ai choisi le deuxième extrait spécialement pour François Delpla, qui est un peu borgne (il voit la religiosité en politique à droite alors qu'elle est surtout à gauche) et parce que Martine Aubry, sorte de Georges Marchais au féminin, est si fidèle à sa caricature d'apparatchik bornée que c'en est un plaisir, certes fadasse, de la détester.
Pour bien nous ôter tout doute sur le fait qu'elle est incorrigible et inamendable, elle vient de commettre un article de défense des 35 h, sujet sur lequel le silence, à défaut de contrition, aurait été de bon ton.
Je reprends avec plaisir l'expression de Muray "les mutins de Panurge" ou "les matons de Panurge", suivant les circonstances, pour désigner nos petits marquis des fausses révoltes et nos gardiens de la bien-pensance écologiste, "concernée" et "solidaire", sourcilleux et volontiers éradicateurs.
Je suis d'accord avec Christine Boutin
Le Monde, organe de la boboïtude feutrée et totalitaire, promeut plus ou moins discrètement l'adoption par les couples homosexuels.
Christine Boutin y déclare :
"Je ne sais pas jusqu'où ira la droite, elle va certainement faire des contorsions, mais je me battrai de toutes mes forces pour affirmer l'altérité comme fondement de la société."
Je ne peux qu'approuver.
C'est tout de même étrange que des gens qui sont pour beaucoup adeptes du principe de précaution et contre les manipulations génétiques oublient toute prudence et essaient d'ouvrir la porte à des expérimentations psychologiques irréversibles dès que leur égoïste désir d'enfant est en jeu.
Vous pourrez me dire que je suis conservateur, voire réactionnaire, mais je ne le prendrai même pas comme une insulte : quand on assiste à une surenchère dans la bêtise destructrice, être traité de conservateur sonne comme un compliment.
Christine Boutin y déclare :
"Je ne sais pas jusqu'où ira la droite, elle va certainement faire des contorsions, mais je me battrai de toutes mes forces pour affirmer l'altérité comme fondement de la société."
Je ne peux qu'approuver.
C'est tout de même étrange que des gens qui sont pour beaucoup adeptes du principe de précaution et contre les manipulations génétiques oublient toute prudence et essaient d'ouvrir la porte à des expérimentations psychologiques irréversibles dès que leur égoïste désir d'enfant est en jeu.
Vous pourrez me dire que je suis conservateur, voire réactionnaire, mais je ne le prendrai même pas comme une insulte : quand on assiste à une surenchère dans la bêtise destructrice, être traité de conservateur sonne comme un compliment.
dimanche, juin 11, 2006
Contre le principe de précaution
Je ne serai pas étonné si, dans quelques générations, on en vient à considérer l'adoption généralisé du principe de précaution comme un des pires crimes de notre époque qui en compte beaucoup. On y verra peut-être aussi le symbole du retour de l'obscurantisme.
A moins que, rendus à une époque où le monde sera gouverné par l'Asie, les savants ne considèrent rétrospectivement cela comme un des signes les plus nets de la décadence intellectuelle et morale de l'Occident.
En effet, notre système de droit est notre grande particularité et notre atout, le dynamiter soi-même n'est ce pas suicide et décadence ?
Le principe de précaution : la fin du règne du droit
Ecrit par Henri Lepage
"La civilisation passe par des prises de risque "raisonnées", encadrées par un droit de la responsabilité dont le rôle est d'inciter les gens à faire preuve d'une vertu de comportement qui s'appelle "la prudence". Avec le principe de précaution on va bien au delà de cette simple "prudence" puisqu'il aboutit à poser comme règle que là où existe le moindre doute - ou, tout au moins, là où l'on n'a pas encore démontré qu'il n'existe avec certitude pas de doute - il faut s'abstenir d'agir."
La crise de la vache folle a posé deux problèmes qu'il convient de bien distinguer. Le premier est celui, technique et politique, d'un risque possible d'épidémie future et de ce qu'il convient de faire. Fallait-il interdire les farines animales ? Faut-il abattre toutes les bêtes des troupeaux où l'on a identifié la présence d'un animal malade ? Après tout, si l'on considère qu'il y a un réel danger, peut-être est-il "prudent" de prendre ce genre de décision. La prévention des épidémies relevant de la compétence traditionnelle des Etats, on ne peut leur reprocher de se mêler de prendre de telles décisions. On peut en discuter le contenu. Proposer une autre politique.Mais on ne peut leur reprocher de rester dans leur rôle.
Le second problème concerne l'argument utilisé par le pouvoir politique pour justifier son action. Les pouvoirs publics se réfugient derrière le "principe de précaution". C'est là que le bât blesse. Ce faisant ils contribuent à ancrer au cœur de notre système de droit un concept qui représente une véritable bombe juridique. C'est cela qui, est important et qu'il faut en priorité faire apparaître. A côté, tout le reste n'est que détail.
Le "principe de précaution", loin de n'être qu'un principe philosophique, est déjà entré dans notre droit. Il fait déjà partie du droit communautaire. Il est en train de devenir un principe de droit à part entière. Mais, que dit-il exactement ? Un brin d'histoire est nécessaire.
Le concept est indissociable du nom d'un intellectuel allemand, Hans Jonas, un professeur de philosophie qui s'est exilé en 1933 pour enseigner ensuite à Jérusalem, au Canada, à New York, puis finalement à Munich. Auteur d'une thèse de doctorat sur la Gnose, il est principalement connu pour avoir publié en 1979 un livre intitulé "Le Principe Responsabilité". C'est cet ouvrage qui pose les fondements philosophiques et éthiques de ce qui, depuis, est devenu le "principe de précaution".
Partant du constat que les nouvelles technologies font apparaître de nouveaux risques qui mettent en cause la survie même de l'homme, Hans Jonas en déduit que les hommes d'aujourd'hui sont redevables vis à vis des générations futures d'une nouvelle obligation morale : celle de tout faire pour assurer la survie de l'humanité future. Ainsi conçu, "Le Principe Responsabilité" revient à admettre que les générations qui nous succèderont ont des droits sur nous, et qu'en conséquence nous avons une "responsabilité collective" à leur égard ; responsabilité qui ne peut être organisée et exercée que par l'intervention réglementaire de l'Etat (puisque les propriétaires de ces nouveaux "droits" n'étant pas encore nés il leur est par définition impossible de venir les défendre devant des tribunaux).
Ce livre se présente avant tout comme une critique du rationalisme et de l'attitude scientifique en général. Il est fondé sur l'idée que, dans le monde technicien d'aujourd'hui, l'irréversibilité des actions humaines est telle qu'elle mène l'humanité dans une impasse. Hans Jonas y souligne sans arrêt les dangers qui résultent du développement de la technique. La nature y est considérée comme un véritable objet de réflexion éthique en soi, qui est externalisé et déifié. Pour échapper au monde apocalyptique auquel nous conduit l'actuel rationalisme scientifique hérité des lumières, la seule solution consisterait à abandonner la Raison et à revenir au sacré.
Ainsi que l'a souligné Gérard Bramoullé il s'agit d'une démarche profondément malthusienne, guidée par une conception animiste de la nature, et débouchant sur le retour à un obscurantisme élitiste plaçant l'humanité sous le contrôle fort peu démocratique d'êtres qui seraient en quelque sorte les nouveaux prêtres d'une écologie triomphante.
Les fondements du principe de précaution
La première apparition du "principe de précaution" dans notre édifice juridique date de la loi Barnier du 2 février 1995, sur l'environnement. Les travaux préparatoires en donnent la définition suivante :
"le principe de précaution est le principe selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, ne doit pas empêcher l'adoption de mesures proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, à un coût économique acceptable".
Autrement dit, ce n'est pas parce que les scientifiques continuent de débattre de la présence possible d'un danger menaçant les conditions de vie sur la planète (comme le réchauffement de l'atmosphère du fait des activités humaines) que les responsables politiques doivent s'abstenir d'agir.
On peut contester la réalité de l'effet de serre. C'est ce que continuent de penser les savants qui, en 1992, à l'initiative de Fred Singer, ont signé l'appel d'Heidelberg. On peut aussi, tout en admettant l'existence du phénomène, considérer que chercher à en contrôler préventivement les effets n'est pas la meilleure stratégie de réponse possible. Il n'en reste pas moins qu'ainsi rédigé, le principe de précaution reste prudent et d'effet limité. Il ne concerne que l'environnement, et est soumis à des bornes telles qu'"un coùt économique acceptable", "des mesures proportionnées", "compte tenu des connaissances scientifiques du moment".
Mais cette modération n'a pas tenu longtemps. L'une après l'autre, ces précautions de style ont sauté. L'affaire du sang contaminé, l'inquiétude et l'indignation qu'elle a suscité dans l'opinion publique, y furent sans doute pour beaucoup. En moins de cinq ans le champ d'application du principe s'est considérablement élargi, au point d'envahir tout le champ de la vie collective et des interactions humaines. C'est ainsi que dans leur rapport remis au Premier Ministre Lionel Jospin en 1999, Philippe Kourilsky et Geneviève Viney expliquent que :
"le principe de précaution doit s'imposer à tous les décideurs, à toute personne qui a le pouvoir de mener une activité susceptible de déclencher un risque pour autrui".
Autrement dit, le champ d'application du principe de précaution s'étend désormais "à toute décision susceptible de provoquer un risque", quel que soit le domaine d'intervention - par exemple la santé ou la sécurité sanitaire.
C'est ce qui s'est passé au niveau européen. En 1998 les décisions prises au niveau communautaire pour interdire les importations de bœuf anglais s'appuient explicitement sur la prise en considération du principe de précaution. La Cour de Justice européenne, dans l'arrêt qu'elle a ensuite rendu pour débouter les autorités britanniques de leur recours, utilise très directement le terme. De son côté, la DG 24 de la Commission a diffusé des recommandations générales à l'ensemble des administrations publiques des états-membres de l'Union Européenne qui demandent l'application systématique du principe de précaution.
Il est vrai que le Traité d'Amsterdam n'envisage l'application du principe de précaution qu'aux "politiques d'environnement". Mais au mois de mars dernier, dans une affaire de maïs transgénique, la Cour de Justice européenne a rendu un arrêt (dit "arrêt Maïs-Novartis") dont l'effet est d'inscrire le principe de précaution au rang des grands principes généraux du droit communautaire. Le principe de précaution est entré dans le vocabulaire des juges. Il est devenu un principe de droit auquel les juges se croient désormais tenus de faire référence.
On se plaint souvent de la difficulté que les idées ont à se diffuser. A l'évidence, le principe de précaution n'a pas rencontré les mêmes obstacles. Encore simple élucubration philosophique au moment de la parution de l'ouvrage de Hans Jonas en 1979, il s'inscrit désormais, moins de vingt ans plus tard, dans l'ordre normal du droit. Dans l'histoire du droit - où la norme de temps est plutôt le siècle - peu de concepts philosophiques ont trouvé aussi rapidement leur traduction juridique.
Un alibi protectionniste ?
Dennis Avery, Directeur du Center for Global Food Issues, qui dépend du Hudson Institute (fondé par Herman Kahn) n'a pas de mots trop durs pour dénoncer l'effet de mode dont le principe de précaution bénéficie de ce côté-ci de l'Atlantique. Comme la plupart de ses collègues anglo-saxons, il l'attaque par le biais de ses conséquences. Il y voit l'instrument du retour à des pratiques protectionnistes déguisées sous des prétextes de sécurité sanitaire ou alimentaire.
A plusieurs reprises, accuse-t-il, l'Union européenne a déjà utilisé le principe selon lequel il serait légitime d'imposer des restrictions à l'entrée de technologies susceptibles de déclencher un risque, même en l'absence de preuves scientifiques démontrant la présence d'un réel danger, pour empêcher des importations de produits américains. La première fois, ce fût en 1985, lors de l'affaire du bœuf aux hormones ( interdit bien que les enquêtes scientifiques menées par les services de la Commission n'aient jamais établi que les trois hormones naturelles visées aient jamais représenté une menace pour des vies humaines). L'an dernier, cédant au harcèlement médiatique de Greenpeace, la Commission Européenne a provisoirement interdit la commercialisation de certains jouets et articles pour enfants en plastique mou, au prétexte qu'il serait dangereux pour leur santé de les sucer. La décision de pérenniser cette interdiction devrait être prochainement prise, bien que tous les membres de la commission scientifique chargée d'instruire le dossier - sauf deux - aient reconnu qu'en 40 ans d'existence de ce type de produit il n'y ait jamais eu la moindre preuve d'effet nocif. Les autorités de Bruxelles ont interprété le principe de précaution au sens strict : ce qui subsistait de doute dans l'esprit de deux membres très minoritaires de la commission a eu plus de poids que la conviction de tous leurs collègues réunis. Une telle attitude, notent les américains, ouvre la porte à toutes les manipulations, même les plus sordides. A la limite, il suffit qu'une rumeur venue d'on ne sait ni où ni comment, mais savamment orchestrée, trouble ne serait-ce que l'espace d'un moment l'esprit d'un seul expert, pour qu'un produit dont tous les tests ont établi jusqu'à présent la totale inocuité fasse l'objet d'une interdiction administrative. C'est comme cela qu'aux temps de l'Inquisition on faisait la chasse et on brûlait les sorcières. Quelle peut être la valeur d'un principe de droit autorisant - ne serait-ce que de manière potentielle - de telles pratiques ?
C'est la raison pour laquelle les américains ont été particulièrement irrités lorsque les européens ont obtenu de l'OMC, au début de cette année, que le protocole, qui réglemente le commerce des organismes génétiquement modifiés (OGM), prenne en compte l'application du principe de précaution pour justifier qu'un pays mette en place des entraves au commerce de certains produits. Il est désormais inscrit dans les textes que :
"l'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes (ne doit pas empêcher un pays) de prendre une décision concernant l'importation, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels".
Déjà, l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (dit accord SPS), conclu dans le cadre du cycle de l'Uruguay Round, prévoit que des restrictions au commerce peuvent être instituées provisoirement pour prévenir un risque, même s'il n'existe pas encore "de preuves scientifiques pertinentes". En avril dernier, à Paris, un projet de l'Union européenne visait à faire admettre le principe de précaution au rang de principe général gouvernant les activités du Codex - cette organisation multilatérale, placée sous l'égide de la FAO et l'OMS, qui élabore les normes internationales en matière de sécurité alimentaire. Mais cette fois-ci, en raison des fortes réticences des Etats-Unis, le débat a été reporté à plus tard.
Il est vrai que la Commission européenne entoure la possibilité d'y recourir d'un certain nombre de précautions. Le 2 février, elle a adopté une communication sur le recours au principe de précaution où il est expliqué que, si des mesures sont prises, celles-ci doivent être "proportionnées", "ne pas introduire de discrimination", et être rééxaminées à la lumière de toutes les nouvelles données scientifiques disponibles. Mais on a vu ce qu'il est advenu des garde fou qui entouraient la rédaction du principe de précaution tel qu'il fut défini en 1995 par la loi Barnier.
Une mise en oeuvre nécessairement asymétrique
En matière de droit, les conditions et capacités de mise en œuvre d'un principe juridique sont bien souvent plus importantes que le principe lui-même et les bonnes intentions qui en inspirent la rédaction. C'est précisément ce qui se passe avec le principe de précaution. Si l'objectif recherché est parfaitement louable (un niveau élevé de protection), il n'empêche que, par définition, la mise en œuvre du principe de précaution ne peut être qu'asymétrique.
Interdire la vente d'un produit parce qu'on n'a pas la certitude absolue qu'il ne fait courir à personne de risques potentiels comporte également des risques : notamment le risque que les consommateurs se tournent vers d'autres produits qui ne présentent pas le même degré de fiabilité, mais qui, eux, ne sont pas visés par l'action des organisations qui cherchent à établir leur influence et leur pouvoir en ciblant une cause médiatique particulière. En effet, la carrière des fonctionnaires en charge du dossier - leur capacité à bien faire le boulot pour lequel ils sont payés - ne sera pas évaluée sur la base d'une évaluation raisonnée des risques relatifs présentés par les solutions alternatives, mais seulement en fonction de leur capacité à démontrer qu'ils n'ont négligé aucun des risques possibles associés à l'usage du produit concerné. Le système ne peut fonctionner qu'à charge, jamais à décharge car, tel qu'il est rédigé, le principe ne peut, par construction, s'accomoder que d'accusateurs, jamais d'avocats ! Que penserait-on d'un régime pénal qui fonctionnerait sur ces bases ? On dirait qu'il a tout d'un régime... soviétique ! Et l'on aurait raison.
L'idée que la généralisation du principe de précaution est en soi une menace pour le maintien du libre échange n'est donc pas une fantaisie. De par sa construction il ne peut qu'introduire dans la pratique un biais renforçant les tentations protectionnistes toujours latentes dans certains pays d'Europe. Le fait qu'on reconnaisse qu'il s'agisse d'un concept à utiliser "avec prudence" n'y change intrinsèquement rien.
Ce qui précède nous ramène directement au grand sujet de préoccupation des critiques anglo-saxonnes dès lors qu'il s'agit du principe de précaution : ses conséquences malthusiennes.
Julian Morris, de l'Institute of Economic Affaires, dans un livre qui vient tout juste de sortir, écrit :
"Le principe de précaution n'est qu'un alibi conceptuel commode utilisé par le mouvement écologique et les grandes organisations de consommateurs adversaires de la mondialisation des marchés, pour s'opposer à la diffusion de technologies qu'ils n'aiment pas. Ce faisant, ils prennent le risque de geler le progrès technique et donc, en conséquence, de prolonger bien des souffrances humaines" (qu'ils sont généralement les premiers à dénoncer au nom même de la justice, et auxquelles la dynamique du progrès aurait progressivement apporté les moyens de porter remède).
Pour Julian Morris, imaginer qu'il suffise de s'abtenir d'agir pour éviter toute prise de risque - ce qui est en définitive bien l'essence du principe de précaution : "n'agis pas tant que le dernier savant à douter ne t'a pas confirmé qu'il n'y a aucun risque !" - relève de l'absurdité mentale, puisque ne pas agir conduit en réalité à prendre d'autres risques.
Les OGM en sont un bon exemple. Il est vrai que ces recherches comportent certains risques.
Par exemple de dissémination accidentelle de facteurs génétiques susceptibles de répandre de nouvelles maladies inconnues (mais la plupart des savants reconnaissent que ces risques sont insignifiants au regard de ceux bien plus grands que l'humanité a sans doute pris dans le passé en se fiant au seules techniques très frustres de l'hybridation des plantes). Le risque est aussi que certaines espèces se trouvent menacées de disparition du fait de l'utilisation intensive de ces produits (la fameuse affaire des papillons !). Mais en contrepartie il y a tous les gains dont la planète tirera profit du fait de la plus grande adaptation des plantes de culture à la diversité des sols et des conditions climatiques, et donc de l'accroissement des rendements. Par ailleurs, avec de meilleurs rendements dans tous les coins de la planète, il ne sera plus besoin de continuer à défricher autant d'espace pour satisfaire aux besoins alimentaires créés par l'accroissement de la population mondiale. Les amoureux de la nature devraient s'en féliciter : grâce aux OGM la Terre reverdira ! Mais non, leurs organisations n'en sont pas à une contradiction près. Interdire les OGM, c'est prendre le risque de maintenir les nations du tiers-monde dans leur pauvreté.
C'est empêcher leurs populations d'accéder à des régimes alimentaires plus riches et plus évolués. C'est, en définitive, comme dans le malheureux exemple du DDT, prendre le risque d'écourter la vie de millions de personnes dont nous savons qu'elles devraient, dans les dix ou vingt années à venir, avoir la chance d'accéder à un sort meilleur gràce aux innovations actuellement en cours de développement. N'est-ce pas là un bel exemple d'égoisme de nantis ?
Les économistes et savants des grandes nations du tiers-monde (Inde, Egypte...) ne s'y sont pas trompés qui s'opposent résolument à l'idée d'un moratoire des OGM dont leurs populations seraient les première victimes.
Autrement dit, insiste Julian Morris, le principe de précaution est un concept profondément pervers :
" S'il était appliqué de manière généralisée, sa conséquence serait exactement l'inverse de ce qui est recherché : un accroissement des risques et des incertitudes auxquels les gens ordinaires ont à faire face dans la vie de tous les jours. En nous empêchant de recourir à des technologies nouvelles et plus sûres, l'application du principe de précaution réduira notre capacité de réponse aux risques qui nous entourent déjà, il nous rendra la vie encore plus compliquée et incertaine, et nous privera des moyens de nous adapter et de réagir aux nouveaux risques et défis susceptibles d'apparaître demain".
Sans prise de risque, plus de progrès, plus de civilisation
On retrouve le grand thème que développe, à forces conférences, Fred Smith, le fondateur du Competitive Enterprise Institute, le dénonciateur sans doute le plus acharné de l'escroquerie verte :
"C'est en prenant des risques que l'on progresse dans l'élimination (et la réduction) des risques - pas autrement !".
Pour l'illuster, Fred Smith ne manque jamais une occasion de revenir sur son fameux exemple du Mythe de Prométhée. Si l'Homme avait dû réfléchir aux risques qu'il prenait en domestiquant le feu ( le risque de se brûler, de mettre le feu à sa cabane, de mourir asphyxié...), et s'il avait appliqué le principe de précaution dans les conditions dans lesquelles il est actuellement préconisé, nous en serions toujours à l'âge de pierre. Le progrès implique l'expérimentation, donc le risque de se tromper. Si l'on élimine toute prise de risque, il n'y a plus de progrès, et plus de civilisation. Le principe de précaution est donc absurde dans son essence même.
La civilisation passe par des prises de risque "raisonnées", encadrées par un droit de la responsabilité dont le rôle est d'inciter les gens à faire preuve d'une vertu de comportement qui s'appelle "la prudence". Avec le principe de précaution on va bien au delà de cette simple "prudence" puisqu'il aboutit à poser comme règle que là où existe le moindre doute - ou, tout au moins, là où l'on n'a pas encore démontré qu'il n'existe avec certitude pas de doute - il faut s'abstenir d'agir.
Appliquée à la lettre une telle attitude nous prive des moyens de continuer à progresser dans la réduction des risques. L'adoption du principe de précaution change notre façon d'aborder l'avenir. Au lieu d'être spontanément ouverts à l'exploration de l'avenir, elle nous enferme dans l'immobilisme. Est-ce cela qui est recherché ?
Par définition, nous vivons malheureusement dans un univers imparfait où nous commettons tous des erreurs. En matière de technologie et d'expérimentation, il y a deux types d'erreurs possibles : 1. le risque de laisser passer trop de mauvais produits (aller trop vite) ; 2. le risque d'arrêter le progrès en étant trop rigoureux, trop exigeant, trop conservateur (aller trop lentement).
Ces deux risques comportent des coûts humains et sociaux. Pour le premier, rappelons-nous le précédent de la thalydomide et des bébés mal formés. Pour illustrer le second, on pourrait prendre l'exemple de tous les malades décédés du fait des lenteurs ou des réticences des administrations à autoriser la mise en marché, ou même tout simplement l'expérimentation de nouveaux médicaments. Le fait d'aller trop vite est la cause d'accidents non prévus. Mais aller trop lentement implique que des gens ne sont pas soignés qui auraient pu l'être, ou encore que des problèmes restent sans solution alors que des progrès pouvaient être faits qui auraient apporté les moyens de leur solution.
La bonne technique de contrôle est celle qui, consciente de ces deux options, établit un équilibre en fonction d'un choix argumenté et raisonné. C'est la situation vers laquelle tend naturellement le marché du fait des contraintes qui s'y exercent. L'entreprise est un lieu où existe en permanence une tension interne entre la crainte de voir sa responsabilité - et donc sa réputation - mise en jeu, et l'impératif d'innover pour survivre. Le principe de précaution, en revanche, est totalement asymétrique : il n'admet l'expérimentation qu'à la condition qu'on garantisse qu'il n'y aura pas d'échec possible. Ce qui est totalement absurde, car l'expérimentation, l'essai impliquent nécessairement qu'un risque d'échec soit pris.
Aaron Wildavsky, l'auteur d'un des meilleurs ouvrages qui aient jamais été écris sur le risque ( "In Search of Safety") avait l'habitude de rappeler que c'est en avançant vers l'avenir que l'on apprend à le maîtriser. De temps en temps, expliquait-il, on découvre que l'on n'aurait pas dû y aller. Ou encore on se rend compte qu'on aurait dû y aller d'une manière différente. Mais on n'apprend qu'en faisant.
Par construction, le principe de précaution implique l'hypothèse qu'il serait possible d'apprendre et de découvrir sans courir de risque d'échec. Ce qui n'a pas de sens. Vu que l'essai sans risque est impossible, fonder une politique sur le respect strict du principe de précaution ne peut garantir qu'un seul résultat : qu'il n'y aura plus jamais d'essais. Pour Fred Smith il ne fait aucun doute que Malthus est de retour ! Le choix implicite est celui de l'ignorance, de la pauvreté, et donc de la mort.
Une perversion du droit de la responsabilité
La critique est juste. Malheureusement son efficacité se trouve fortement limitée par le phénomène de dissonance cognitive qui caractérise les opinions publiques contemporaines dès qu'il est question de politique et de choix collectifs. Il faut donc aller encore plus loin, frapper encore plus fort, montrer que le principe de précaution n'est qu'un de ces nombreux anti-concepts dont la prolifération traduit un déréglement général - mais non gratuit - de l'intelligence. Pour croire à la validité d'une telle notion il faut vraiment avoir cessé de croire à l'existence de toute raison.
Il s'agit d' un concept qui traduit un processus de subversion tel du langage et de la pratique juridique que ce sont les fondements même de notre société de droit qui sont en jeu (sans que les gens en aient vraiment conscience).
Avec le principe de précaution nous arrivons au point d'orgue d'un processus engagé depuis le début du XXème siècle qui conduit à pervertir et inverser peu à peu le sens de tous les concepts les plus fondamentaux associés à une société de liberté. Le socialisme a changé la nature du concept d'égalité. Les marxistes ont retourné le sens du mot liberté. Le positivisme juridique a tellement élargi le domaine des "droits fondamentaux " que l'expression est aujourd'hui vidée de tout véritable contenu ( les "droits" ne sont plus que l'expression de désirs subjectifs faisant l'objet d'une apparente demande majoritaire). Il est normal que ce soit au tour du concept de "responsabilité" de subir à son tour une évolution de même type.
L'évolution est certes en cours depuis déjà pas mal de temps avec la tendance du droit de la responsabilité civile à céder la place à la notion de "responsabilité objective" : c'est à dire l'abandon de la faute comme critère d'incrimination (cf par exemple l'évolution de la législation qui concerne la responsabilité du producteur pour les risques inhérents aux produits vendus, la responsabilité concernant le transports des produits toxiques, la pollution des nappes d'eaux souterraines...). Il y a dix ans, Baudoin Bouckaert a écrit un remarquable article . Il y montre comment la tendance contemporaine est de faire que c'est l'Etat lui-même qui, de plus en plus, par la loi ou le règlement, détermine a priori qui devra payer en cas d'accident portant dommage à des tiers, et cela indépendamment de savoir si celui dont on fait ainsi jouer la responsabilité civile a bien pris toutes les précautions possibles, s'il a agi avec prudence ou non, et donc s'il a commis ou non une faute. L'affaire de l'Erika en est un bel exemple puisque le cœur du problème se trouve dans la ratification du protocole de 1992 qui a redistribué d'autorité les responsabilités entre les différentes parties prenantes possibles lorsqu'il y a naufrage. Les habitants du petit village de Bretagne qui vient d'être débouté alors qu'il demandait à Elf de lui rembouser ses frais de nettoyage ont raison de se dire scandalisés par cette décision. Mais le juge n'a fait qu'appliquer la loi telle qu'elle a été refaite par les pouvoirs publics (et non "le droit"). Leurs protestations traduisent les contradictions et le malaise inévitables auxquels conduisent une telle approche du droit.
Bouckaert démontre les conséquences d'une telle évolution. Tout accident est la conséquence d'une chaîne de causalités qui, à la limite, peut être presque infinie. "Chaque accident, écrit-il, est le produit d'une chaîne causale qu'on peut reconstituer, si on veut, jusqu'au "big bang" qui a donné naissance à notre univers". Si un gosse, un jour de 14 Juillet, fait éclater un pétard qui met le feu à la grange du maire, pourquoi ne pas remonter jusqu'au Chinois qui a inventé la poudre il y a plus d'un milliers d'année ? N'est--ce pas à cause de son invention qu'un tel événement a pu se produire ? Pour que la responsabilité soit un concept utile, il faut interrompre la chaîne des causalités quelque part, et disposer pour cela d'un critère. Dans la tradition occidentale du droit, ce critère est celui de la faute - que celle-ci soit appréciée en fonction d'attributs objectifs comme "l'invasion de propriété" (l'emissio romain), ou qu'elle résulte d'une évaluation subjective des faits de nature jurisprudentielle. "La théorie de la faute, précise Baudoin Bouckaert, permet de s'arrêter à un maillon de la chaîne, en donnant à ce maillon une signification morale. La faute est dès lors considérée du point de vue juridique comme la fin de la chaîne. Toutes les causes précédentes sont alors effacées et deviennent invalides".
Bouckaert décrit ce qui se passe lorsqu'on élimine la faute comme condition de responsabilité. "Tous les maillons de la chaîne reçoivent la même qualification morale". Pourquoi s'arrêter là plutôt qu'ailleurs ? Pourquoi s'en tenir au gosse et ne pas condamner l'inventeur chinois ? Pourquoi pas le maire qui a "omis" d'interdire les pétards à moins de 50 mètres de toute habitation ? Pourquoi pas 500 mètres ? (Ce serait encore plus sûr). Pourquoi ne pas les interdire totalement ? Dès lors qu'il manque ce critère moral, il n'y a plus qu'une solution : c'est au législateur qu'il appartient de choisir, et de décider sur les épaules de qui retombera le devoir de responsabilité. Le législateur devient celui qui distribue le risque par décret. On passe dans un nouveau type de régime juridique où "une certaine activité se trouve légalement qualifiée comme risquée et un certain acteur dans le déroulement de cette activité est purement et simplement désigné comme l'auteur du risque, et donc comme coupable, chaque fois que l'accident se réalise". La responsabilité ne devient plus qu'un terme générique pour toutes sortes de distributions de risque imposées par les autorités politiques.
Une telle évolution est profondément dommageable. Pour deux raisons. La première tient à ce qu'elle introduit dans le domaine de la responsabilité civile un élément inévitable d'instabilité, contraire à la tradition du droit, et à la fonction même du droit. Si c'est le législateur qui décide de la répartition des risques, ce qu'une législature fait, pourquoi la prochaine ne le déferait-elle pas, si la majorité des citoyens ont entretemps changé d'avis ? Si l'instabilité de la législation économique, avec l'incertitude qu'elle crée, est déjà quelque chose que l'on peut regretter (ça n'aide pas à attirer les investisseurs étrangers), que dire dès lors que cette incertitude s'étend à un domaine aussi essentiel à l'organisation pacifique des rapports humains que la responsabilité juridique ?
La seconde raison est tout simplement que le choix du législateur ne peut qu'être arbitraire (puisqu'il n'y a plus l'élément "moral" qui permet de faire le tri entre les différents niveaux de causalité possible). L'attribution du risque va se faire en fonction de critères "politiques" dominés par des processus de lobbying. Le fait que celui-ci plutôt que tel autre soit désigné comme "responsable" - du moins aux yeux de la loi - sera d'abord et avant tout le reflet d'un rapport de force politique.
On deviendra "responsable" non pas en fonction d'une conception morale fondée sur des valeurs universelles ayant subi le test d'une longue histoire philosophique et jurisprudentielle, mais parce qu'on se trouve, à une certaine époque, dans des circonstances que l'on ne contrôle pas, plutôt du mauvais côté du manche. Question de malchance ! Et si c'est de la malchance, la responsabilité est donc quelque chose sur laquelle, à l'envers de toute la tradition philosophique et juridique sur laquelle s'est fondé le développement de l'Occident, je ne peux avoir aucune influence. Je dois m'y soumettre comme à toute fatalité. C'est quelque chose qui m'échappe, qui m'est totalement extérieur. Voilà revenu le "fatum" de l'Antiquité ! Exit l'idée même de "responsabilité individuelle", l'idée que les hommes conservent une certaine part de contrôle sur leur destinée, que l'exercise de leur "responsabilité civile" est précisément l'un des éléments les plus importants de ce contrôle moral sur leur vie.
On passe dans un autre univers. Un univers qui conduit directement à une pratique de la responsabilité conçue comme un instrument mécanique de contrôle social : il s'agit de susciter chez l'individu les bons stimuli - comme pour les souris de laboratoire -, de manière à lui inculquer les bons réflexes, ceux qui sont nécessaires à la réalisation des plans formés par le législateur. Le communisme a vécu, mais le socialisme, lui, est loin d'être mort ! Avec une telle évolution du droit il s'installe plus que jamais au fond même de nos esprits.
Une troisième conséquence du passage à une conception "objective" de la responsabilité est - en conformité d'ailleurs avec la doctrine marxiste - d'instiller la discorde, le conflit au cœur même des rapports juridiques, alors qu'en toute logique la fonction du droit est au contraire d'être un facteur de concorde. C'est la raison pour laquelle les juristes - du moins les bons, les vrais - insistent sur l'exigence de stabilité des règles de droit. Dès lors que la décision du législateur de faire retomber le risque sur une catégorie particulière d'individus ne peut plus s'expliquer par référence à des valeurs morales stables, il est normal qu'elle soit ressentie comme arbitraire, et donc contestable par ceux-là même qui se sentent ainsi visés. Le droit perd sa fonction fondamentale de cohésion, pour devenir un instrument de politisation généralisée de la société.
Ce qui correspond d'ailleurs bien à la finalité de ceux qui se font les apôtres les plus ardents du principe de précaution : le "tout politique !".
Le point d'orgue d'une dégradation fondamentale du droit
C'est dans cette perspective de dégradation fondamentale du droit qu'il faut replacer le problème du principe de précaution. La dynamique a connu une forte accélération avec l'arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 et l'esprit qu'ils ont introduit dans la rédaction des lois (rappelons-nous la loi Quillot par exemple ; la création des nouveaux mécanismes d'indemnisation des victimes d'accidents, etc). La juridicialisation du principe de précaution représente en quelque sorte l'achèvement, l'apothéose de cette dérive, son point d'orgue.
Pourquoi ? Comment ? de quelle manière ? Le premier point sur lequel il convient d'insister est l'inanité du concept de "responsabilité collective" dont découle le principe de précaution.
Par définition, le principe de précaution découle de la responsabilité que l'humanité présente aurait vis à vis des générations futures d'assurer qu'elle leur transmettra un monde encore vivable. L'idée est jolie, elle séduit. Mais ce ne sont que des mots. "Le Principe Responsabilité" relève du galimatia de philosophe en quête d'audience. Ce ne peut être un concept juridique, un concept fondateur de droit. Tout simplement parce que si les mots ont un sens, si les concepts ne sont pas des vases creux que l'on peut remplir avec n'importe quoi au gré des humeurs politiques de majorités changeantes, parler de "responsabilité collective" est une incohérence sémantique, c'est une contradiction dans les termes.
En raison même de la nécessité d'une "faute" comme condition nécessaire de déclenchement de la responsabilité, la notion même de responsabilité ne peut qu'être individuelle. La responsabilité ne peut être qu'un attribut de personnes dotées de conscience, et donc d'un sens moral. Or, sauf à être pleinement marxiste, au sens philosophique du terme, la notion de conscience - et donc de responsabilité - ne saurait s'appliquer à des entités collectives. Donc la formulation du principe de précaution est viciée à la base. On ne peut attendre d'une collectivité qu'elle soit dotée ni d'une conscience, ni d'un sens moral, autres que ceux attachés aux individus qui en font partie.
Certains diront que ce n'est qu'une question de définition. Que c'était peut-être ce qui se faisait autrefois. Mais qu'aujourd'hui tout est différent. Qu'après tout les mots n'ont que le sens qu'on y met, et que si, aujourd'hui, la majorité de nos concitoyens y mettent quelque chose de différent, eh bien il faut nous y soumettre. Fort bien. Mais alors il faut en accepter toutes les conséquences, admettre qu'on ne peut pas tenir ce discours et s'attacher autour du cou une étiquette "libérale" dans la mesure où l'adopter revient à se rendre complice d'un processus inévitable de subversion radicale des valeurs centrales d'une conception libérale des rapports en société.
Indépendamment de ce que le principe de précaution est un concept vicié à la base ( un "faux concept" comme dirait François Guillaumat), se pose également le problème de sa praticabilité ; des conséquences du passage à l'acte, de sa mise en application dans le cadre d'un système juridique concret. C'est ainsi que Gérard Bramoullé nous a rappelé que le principe de précaution aboutit à placer la notion de risque comme élément central de déclenchement d'une action juridique alors que, comme l'a alors souligné Georges Lane, la notion même de "risque objectif" n'existe pas.
On nous propose un système intellectuel qui nous donne une apparence réconfortante d'objectivité : il suffit d'évaluer, de mesurer les risques, et de comparer pour prendre des décisions. L'évaluation, la mesure, c'est le travail de la science, des savants. Puis, ensuite, viennent les politiques qui vont prendre la décision en fonction de ce que leurs diront les agences spécialement créées.
Une première difficulté vient de ce qu'adopter ce positionnement revient implicitement à faire des savants des sortes d'astrologues modernes à qui les dirigeants politiques demanderaient de rendre les oracles à la manière de l'antique Pythie d'Athènes. C'est une drôle de conception du rôle du politique, mais aussi de la science !
Mais le plus grave n'est pas là. Il est lié à ce que ce raisonnement confère au risque les attributs d'une grandeur susceptible de faire l'objet de mesures répondant à tous les critères d'objectivité qui sont aujourd'hui considérés comme l'apanage d'une démarche scientifique. Or, objecte avec raison Georges Lane, c'est loin d'être le cas. Ce n'est même pas du tout le cas. Le "risque objectif" n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des espérances individuelles qui font que, ex ante, nous gérons nos actes en fonction d'anticipations de gains ou de pertes. Le risque n'apparaît qu'ex post lorsque nous essayons a posteriori de reconstituer les probabilités statistiques que nous avions de réaliser ou non nos espérances. Comme cette distinction subtile passe au-dessus de la tête de la plupart des gens, même des juges, faire du principe de précaution un critère de responsabilité conduit à confier aux tribunaux le soin de juger, ou de trancher les conflits en responsabilité, en fonction d'une information qui, par définition, n'existait pas au moment où les décisions qui ont déclenché le dommage étaient prises. Autrement dit, on va demander aux juges de vous sanctionner en décidant a posteriori de ce que vous auriez du faire (ou ne pas faire) en fonction d'un ensemble d'informations qui n'étaient pas disponibles au moment où vous aviez à prendre la décision. On entre dans un univers qu'il faut bien qualifier de délirant !
La tâche n'était déjà pas facile depuis qu'au milieu du 19 ème siècle, comme le raconte Baudoin Bouckaert, on avait abandonné la doctrine de l'emissio romain, et avec elle le critère de la propriété comme élément d'établissement de la preuve d'une faute. Mais désormais, c'est autrechose. Comment savoir quels éléments seront pris en compte par le tribunal ? Comment seront calculées les soi disantes probabilités "objectives" qui guideront sa décision et dont on assumera que vous auriez du en tenir compte dans l'élaboration de votre décision ?
Apparamment la démarche d'une cour de justice restera en principe la même : reconstituer l'univers de celui que l'on accuse au moment des faits afin de déterminer s'il y a eu faute de sa part. Mais au lieu de se référer à un élément stable et "objectif" - car faisant partie d'un corps de valeurs universelles reconnues par tous et dont l'usage a été poli par la jurisprudence : l'élément "moral" évoqué plus haut - , le débat sera désormais essentiellement informé par des arguments de type scientifique dont on sait, avec les querelles en cours autour de phénomènes comme l'effet de serre, à quel point ils sont souvent de nature contingente, et même politique, et sujets à fréquentes contestations et révisions.
Si l'on veut vraiment détruire la justice, il n'y a donc sans doute pas meilleure bombe ! On ne peut pas faire d'un concept aussi flou et aussi aisément manipulable la pierre de touche du régime juridique de demain. Sauf si le véritable objectif est de nous faire définitivement sauter le pas d'un autre ordre social. Pris au sérieux, le principe de précaution conduirait rien moins qu'à la négation pure et simple du libre arbitre individuel dans la mesure où ce n'est plus la conscience qui présidera à la prise de risque (l'information personnelle éclairée et tempérée par la concience), mais l'application de règles et de critères imposés en fonction de l'idée qu'une opinion dominante - médiatisée par ses prêtres - se fera de ce à quoi correspond le savoir scientifique du moment.
A moins que, rendus à une époque où le monde sera gouverné par l'Asie, les savants ne considèrent rétrospectivement cela comme un des signes les plus nets de la décadence intellectuelle et morale de l'Occident.
En effet, notre système de droit est notre grande particularité et notre atout, le dynamiter soi-même n'est ce pas suicide et décadence ?
Le principe de précaution : la fin du règne du droit
Ecrit par Henri Lepage
"La civilisation passe par des prises de risque "raisonnées", encadrées par un droit de la responsabilité dont le rôle est d'inciter les gens à faire preuve d'une vertu de comportement qui s'appelle "la prudence". Avec le principe de précaution on va bien au delà de cette simple "prudence" puisqu'il aboutit à poser comme règle que là où existe le moindre doute - ou, tout au moins, là où l'on n'a pas encore démontré qu'il n'existe avec certitude pas de doute - il faut s'abstenir d'agir."
La crise de la vache folle a posé deux problèmes qu'il convient de bien distinguer. Le premier est celui, technique et politique, d'un risque possible d'épidémie future et de ce qu'il convient de faire. Fallait-il interdire les farines animales ? Faut-il abattre toutes les bêtes des troupeaux où l'on a identifié la présence d'un animal malade ? Après tout, si l'on considère qu'il y a un réel danger, peut-être est-il "prudent" de prendre ce genre de décision. La prévention des épidémies relevant de la compétence traditionnelle des Etats, on ne peut leur reprocher de se mêler de prendre de telles décisions. On peut en discuter le contenu. Proposer une autre politique.Mais on ne peut leur reprocher de rester dans leur rôle.
Le second problème concerne l'argument utilisé par le pouvoir politique pour justifier son action. Les pouvoirs publics se réfugient derrière le "principe de précaution". C'est là que le bât blesse. Ce faisant ils contribuent à ancrer au cœur de notre système de droit un concept qui représente une véritable bombe juridique. C'est cela qui, est important et qu'il faut en priorité faire apparaître. A côté, tout le reste n'est que détail.
Le "principe de précaution", loin de n'être qu'un principe philosophique, est déjà entré dans notre droit. Il fait déjà partie du droit communautaire. Il est en train de devenir un principe de droit à part entière. Mais, que dit-il exactement ? Un brin d'histoire est nécessaire.
Le concept est indissociable du nom d'un intellectuel allemand, Hans Jonas, un professeur de philosophie qui s'est exilé en 1933 pour enseigner ensuite à Jérusalem, au Canada, à New York, puis finalement à Munich. Auteur d'une thèse de doctorat sur la Gnose, il est principalement connu pour avoir publié en 1979 un livre intitulé "Le Principe Responsabilité". C'est cet ouvrage qui pose les fondements philosophiques et éthiques de ce qui, depuis, est devenu le "principe de précaution".
Partant du constat que les nouvelles technologies font apparaître de nouveaux risques qui mettent en cause la survie même de l'homme, Hans Jonas en déduit que les hommes d'aujourd'hui sont redevables vis à vis des générations futures d'une nouvelle obligation morale : celle de tout faire pour assurer la survie de l'humanité future. Ainsi conçu, "Le Principe Responsabilité" revient à admettre que les générations qui nous succèderont ont des droits sur nous, et qu'en conséquence nous avons une "responsabilité collective" à leur égard ; responsabilité qui ne peut être organisée et exercée que par l'intervention réglementaire de l'Etat (puisque les propriétaires de ces nouveaux "droits" n'étant pas encore nés il leur est par définition impossible de venir les défendre devant des tribunaux).
Ce livre se présente avant tout comme une critique du rationalisme et de l'attitude scientifique en général. Il est fondé sur l'idée que, dans le monde technicien d'aujourd'hui, l'irréversibilité des actions humaines est telle qu'elle mène l'humanité dans une impasse. Hans Jonas y souligne sans arrêt les dangers qui résultent du développement de la technique. La nature y est considérée comme un véritable objet de réflexion éthique en soi, qui est externalisé et déifié. Pour échapper au monde apocalyptique auquel nous conduit l'actuel rationalisme scientifique hérité des lumières, la seule solution consisterait à abandonner la Raison et à revenir au sacré.
Ainsi que l'a souligné Gérard Bramoullé il s'agit d'une démarche profondément malthusienne, guidée par une conception animiste de la nature, et débouchant sur le retour à un obscurantisme élitiste plaçant l'humanité sous le contrôle fort peu démocratique d'êtres qui seraient en quelque sorte les nouveaux prêtres d'une écologie triomphante.
Les fondements du principe de précaution
La première apparition du "principe de précaution" dans notre édifice juridique date de la loi Barnier du 2 février 1995, sur l'environnement. Les travaux préparatoires en donnent la définition suivante :
"le principe de précaution est le principe selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, ne doit pas empêcher l'adoption de mesures proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, à un coût économique acceptable".
Autrement dit, ce n'est pas parce que les scientifiques continuent de débattre de la présence possible d'un danger menaçant les conditions de vie sur la planète (comme le réchauffement de l'atmosphère du fait des activités humaines) que les responsables politiques doivent s'abstenir d'agir.
On peut contester la réalité de l'effet de serre. C'est ce que continuent de penser les savants qui, en 1992, à l'initiative de Fred Singer, ont signé l'appel d'Heidelberg. On peut aussi, tout en admettant l'existence du phénomène, considérer que chercher à en contrôler préventivement les effets n'est pas la meilleure stratégie de réponse possible. Il n'en reste pas moins qu'ainsi rédigé, le principe de précaution reste prudent et d'effet limité. Il ne concerne que l'environnement, et est soumis à des bornes telles qu'"un coùt économique acceptable", "des mesures proportionnées", "compte tenu des connaissances scientifiques du moment".
Mais cette modération n'a pas tenu longtemps. L'une après l'autre, ces précautions de style ont sauté. L'affaire du sang contaminé, l'inquiétude et l'indignation qu'elle a suscité dans l'opinion publique, y furent sans doute pour beaucoup. En moins de cinq ans le champ d'application du principe s'est considérablement élargi, au point d'envahir tout le champ de la vie collective et des interactions humaines. C'est ainsi que dans leur rapport remis au Premier Ministre Lionel Jospin en 1999, Philippe Kourilsky et Geneviève Viney expliquent que :
"le principe de précaution doit s'imposer à tous les décideurs, à toute personne qui a le pouvoir de mener une activité susceptible de déclencher un risque pour autrui".
Autrement dit, le champ d'application du principe de précaution s'étend désormais "à toute décision susceptible de provoquer un risque", quel que soit le domaine d'intervention - par exemple la santé ou la sécurité sanitaire.
C'est ce qui s'est passé au niveau européen. En 1998 les décisions prises au niveau communautaire pour interdire les importations de bœuf anglais s'appuient explicitement sur la prise en considération du principe de précaution. La Cour de Justice européenne, dans l'arrêt qu'elle a ensuite rendu pour débouter les autorités britanniques de leur recours, utilise très directement le terme. De son côté, la DG 24 de la Commission a diffusé des recommandations générales à l'ensemble des administrations publiques des états-membres de l'Union Européenne qui demandent l'application systématique du principe de précaution.
Il est vrai que le Traité d'Amsterdam n'envisage l'application du principe de précaution qu'aux "politiques d'environnement". Mais au mois de mars dernier, dans une affaire de maïs transgénique, la Cour de Justice européenne a rendu un arrêt (dit "arrêt Maïs-Novartis") dont l'effet est d'inscrire le principe de précaution au rang des grands principes généraux du droit communautaire. Le principe de précaution est entré dans le vocabulaire des juges. Il est devenu un principe de droit auquel les juges se croient désormais tenus de faire référence.
On se plaint souvent de la difficulté que les idées ont à se diffuser. A l'évidence, le principe de précaution n'a pas rencontré les mêmes obstacles. Encore simple élucubration philosophique au moment de la parution de l'ouvrage de Hans Jonas en 1979, il s'inscrit désormais, moins de vingt ans plus tard, dans l'ordre normal du droit. Dans l'histoire du droit - où la norme de temps est plutôt le siècle - peu de concepts philosophiques ont trouvé aussi rapidement leur traduction juridique.
Un alibi protectionniste ?
Dennis Avery, Directeur du Center for Global Food Issues, qui dépend du Hudson Institute (fondé par Herman Kahn) n'a pas de mots trop durs pour dénoncer l'effet de mode dont le principe de précaution bénéficie de ce côté-ci de l'Atlantique. Comme la plupart de ses collègues anglo-saxons, il l'attaque par le biais de ses conséquences. Il y voit l'instrument du retour à des pratiques protectionnistes déguisées sous des prétextes de sécurité sanitaire ou alimentaire.
A plusieurs reprises, accuse-t-il, l'Union européenne a déjà utilisé le principe selon lequel il serait légitime d'imposer des restrictions à l'entrée de technologies susceptibles de déclencher un risque, même en l'absence de preuves scientifiques démontrant la présence d'un réel danger, pour empêcher des importations de produits américains. La première fois, ce fût en 1985, lors de l'affaire du bœuf aux hormones ( interdit bien que les enquêtes scientifiques menées par les services de la Commission n'aient jamais établi que les trois hormones naturelles visées aient jamais représenté une menace pour des vies humaines). L'an dernier, cédant au harcèlement médiatique de Greenpeace, la Commission Européenne a provisoirement interdit la commercialisation de certains jouets et articles pour enfants en plastique mou, au prétexte qu'il serait dangereux pour leur santé de les sucer. La décision de pérenniser cette interdiction devrait être prochainement prise, bien que tous les membres de la commission scientifique chargée d'instruire le dossier - sauf deux - aient reconnu qu'en 40 ans d'existence de ce type de produit il n'y ait jamais eu la moindre preuve d'effet nocif. Les autorités de Bruxelles ont interprété le principe de précaution au sens strict : ce qui subsistait de doute dans l'esprit de deux membres très minoritaires de la commission a eu plus de poids que la conviction de tous leurs collègues réunis. Une telle attitude, notent les américains, ouvre la porte à toutes les manipulations, même les plus sordides. A la limite, il suffit qu'une rumeur venue d'on ne sait ni où ni comment, mais savamment orchestrée, trouble ne serait-ce que l'espace d'un moment l'esprit d'un seul expert, pour qu'un produit dont tous les tests ont établi jusqu'à présent la totale inocuité fasse l'objet d'une interdiction administrative. C'est comme cela qu'aux temps de l'Inquisition on faisait la chasse et on brûlait les sorcières. Quelle peut être la valeur d'un principe de droit autorisant - ne serait-ce que de manière potentielle - de telles pratiques ?
C'est la raison pour laquelle les américains ont été particulièrement irrités lorsque les européens ont obtenu de l'OMC, au début de cette année, que le protocole, qui réglemente le commerce des organismes génétiquement modifiés (OGM), prenne en compte l'application du principe de précaution pour justifier qu'un pays mette en place des entraves au commerce de certains produits. Il est désormais inscrit dans les textes que :
"l'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes (ne doit pas empêcher un pays) de prendre une décision concernant l'importation, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels".
Déjà, l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (dit accord SPS), conclu dans le cadre du cycle de l'Uruguay Round, prévoit que des restrictions au commerce peuvent être instituées provisoirement pour prévenir un risque, même s'il n'existe pas encore "de preuves scientifiques pertinentes". En avril dernier, à Paris, un projet de l'Union européenne visait à faire admettre le principe de précaution au rang de principe général gouvernant les activités du Codex - cette organisation multilatérale, placée sous l'égide de la FAO et l'OMS, qui élabore les normes internationales en matière de sécurité alimentaire. Mais cette fois-ci, en raison des fortes réticences des Etats-Unis, le débat a été reporté à plus tard.
Il est vrai que la Commission européenne entoure la possibilité d'y recourir d'un certain nombre de précautions. Le 2 février, elle a adopté une communication sur le recours au principe de précaution où il est expliqué que, si des mesures sont prises, celles-ci doivent être "proportionnées", "ne pas introduire de discrimination", et être rééxaminées à la lumière de toutes les nouvelles données scientifiques disponibles. Mais on a vu ce qu'il est advenu des garde fou qui entouraient la rédaction du principe de précaution tel qu'il fut défini en 1995 par la loi Barnier.
Une mise en oeuvre nécessairement asymétrique
En matière de droit, les conditions et capacités de mise en œuvre d'un principe juridique sont bien souvent plus importantes que le principe lui-même et les bonnes intentions qui en inspirent la rédaction. C'est précisément ce qui se passe avec le principe de précaution. Si l'objectif recherché est parfaitement louable (un niveau élevé de protection), il n'empêche que, par définition, la mise en œuvre du principe de précaution ne peut être qu'asymétrique.
Interdire la vente d'un produit parce qu'on n'a pas la certitude absolue qu'il ne fait courir à personne de risques potentiels comporte également des risques : notamment le risque que les consommateurs se tournent vers d'autres produits qui ne présentent pas le même degré de fiabilité, mais qui, eux, ne sont pas visés par l'action des organisations qui cherchent à établir leur influence et leur pouvoir en ciblant une cause médiatique particulière. En effet, la carrière des fonctionnaires en charge du dossier - leur capacité à bien faire le boulot pour lequel ils sont payés - ne sera pas évaluée sur la base d'une évaluation raisonnée des risques relatifs présentés par les solutions alternatives, mais seulement en fonction de leur capacité à démontrer qu'ils n'ont négligé aucun des risques possibles associés à l'usage du produit concerné. Le système ne peut fonctionner qu'à charge, jamais à décharge car, tel qu'il est rédigé, le principe ne peut, par construction, s'accomoder que d'accusateurs, jamais d'avocats ! Que penserait-on d'un régime pénal qui fonctionnerait sur ces bases ? On dirait qu'il a tout d'un régime... soviétique ! Et l'on aurait raison.
L'idée que la généralisation du principe de précaution est en soi une menace pour le maintien du libre échange n'est donc pas une fantaisie. De par sa construction il ne peut qu'introduire dans la pratique un biais renforçant les tentations protectionnistes toujours latentes dans certains pays d'Europe. Le fait qu'on reconnaisse qu'il s'agisse d'un concept à utiliser "avec prudence" n'y change intrinsèquement rien.
Ce qui précède nous ramène directement au grand sujet de préoccupation des critiques anglo-saxonnes dès lors qu'il s'agit du principe de précaution : ses conséquences malthusiennes.
Julian Morris, de l'Institute of Economic Affaires, dans un livre qui vient tout juste de sortir, écrit :
"Le principe de précaution n'est qu'un alibi conceptuel commode utilisé par le mouvement écologique et les grandes organisations de consommateurs adversaires de la mondialisation des marchés, pour s'opposer à la diffusion de technologies qu'ils n'aiment pas. Ce faisant, ils prennent le risque de geler le progrès technique et donc, en conséquence, de prolonger bien des souffrances humaines" (qu'ils sont généralement les premiers à dénoncer au nom même de la justice, et auxquelles la dynamique du progrès aurait progressivement apporté les moyens de porter remède).
Pour Julian Morris, imaginer qu'il suffise de s'abtenir d'agir pour éviter toute prise de risque - ce qui est en définitive bien l'essence du principe de précaution : "n'agis pas tant que le dernier savant à douter ne t'a pas confirmé qu'il n'y a aucun risque !" - relève de l'absurdité mentale, puisque ne pas agir conduit en réalité à prendre d'autres risques.
Les OGM en sont un bon exemple. Il est vrai que ces recherches comportent certains risques.
Par exemple de dissémination accidentelle de facteurs génétiques susceptibles de répandre de nouvelles maladies inconnues (mais la plupart des savants reconnaissent que ces risques sont insignifiants au regard de ceux bien plus grands que l'humanité a sans doute pris dans le passé en se fiant au seules techniques très frustres de l'hybridation des plantes). Le risque est aussi que certaines espèces se trouvent menacées de disparition du fait de l'utilisation intensive de ces produits (la fameuse affaire des papillons !). Mais en contrepartie il y a tous les gains dont la planète tirera profit du fait de la plus grande adaptation des plantes de culture à la diversité des sols et des conditions climatiques, et donc de l'accroissement des rendements. Par ailleurs, avec de meilleurs rendements dans tous les coins de la planète, il ne sera plus besoin de continuer à défricher autant d'espace pour satisfaire aux besoins alimentaires créés par l'accroissement de la population mondiale. Les amoureux de la nature devraient s'en féliciter : grâce aux OGM la Terre reverdira ! Mais non, leurs organisations n'en sont pas à une contradiction près. Interdire les OGM, c'est prendre le risque de maintenir les nations du tiers-monde dans leur pauvreté.
C'est empêcher leurs populations d'accéder à des régimes alimentaires plus riches et plus évolués. C'est, en définitive, comme dans le malheureux exemple du DDT, prendre le risque d'écourter la vie de millions de personnes dont nous savons qu'elles devraient, dans les dix ou vingt années à venir, avoir la chance d'accéder à un sort meilleur gràce aux innovations actuellement en cours de développement. N'est-ce pas là un bel exemple d'égoisme de nantis ?
Les économistes et savants des grandes nations du tiers-monde (Inde, Egypte...) ne s'y sont pas trompés qui s'opposent résolument à l'idée d'un moratoire des OGM dont leurs populations seraient les première victimes.
Autrement dit, insiste Julian Morris, le principe de précaution est un concept profondément pervers :
" S'il était appliqué de manière généralisée, sa conséquence serait exactement l'inverse de ce qui est recherché : un accroissement des risques et des incertitudes auxquels les gens ordinaires ont à faire face dans la vie de tous les jours. En nous empêchant de recourir à des technologies nouvelles et plus sûres, l'application du principe de précaution réduira notre capacité de réponse aux risques qui nous entourent déjà, il nous rendra la vie encore plus compliquée et incertaine, et nous privera des moyens de nous adapter et de réagir aux nouveaux risques et défis susceptibles d'apparaître demain".
Sans prise de risque, plus de progrès, plus de civilisation
On retrouve le grand thème que développe, à forces conférences, Fred Smith, le fondateur du Competitive Enterprise Institute, le dénonciateur sans doute le plus acharné de l'escroquerie verte :
"C'est en prenant des risques que l'on progresse dans l'élimination (et la réduction) des risques - pas autrement !".
Pour l'illuster, Fred Smith ne manque jamais une occasion de revenir sur son fameux exemple du Mythe de Prométhée. Si l'Homme avait dû réfléchir aux risques qu'il prenait en domestiquant le feu ( le risque de se brûler, de mettre le feu à sa cabane, de mourir asphyxié...), et s'il avait appliqué le principe de précaution dans les conditions dans lesquelles il est actuellement préconisé, nous en serions toujours à l'âge de pierre. Le progrès implique l'expérimentation, donc le risque de se tromper. Si l'on élimine toute prise de risque, il n'y a plus de progrès, et plus de civilisation. Le principe de précaution est donc absurde dans son essence même.
La civilisation passe par des prises de risque "raisonnées", encadrées par un droit de la responsabilité dont le rôle est d'inciter les gens à faire preuve d'une vertu de comportement qui s'appelle "la prudence". Avec le principe de précaution on va bien au delà de cette simple "prudence" puisqu'il aboutit à poser comme règle que là où existe le moindre doute - ou, tout au moins, là où l'on n'a pas encore démontré qu'il n'existe avec certitude pas de doute - il faut s'abstenir d'agir.
Appliquée à la lettre une telle attitude nous prive des moyens de continuer à progresser dans la réduction des risques. L'adoption du principe de précaution change notre façon d'aborder l'avenir. Au lieu d'être spontanément ouverts à l'exploration de l'avenir, elle nous enferme dans l'immobilisme. Est-ce cela qui est recherché ?
Par définition, nous vivons malheureusement dans un univers imparfait où nous commettons tous des erreurs. En matière de technologie et d'expérimentation, il y a deux types d'erreurs possibles : 1. le risque de laisser passer trop de mauvais produits (aller trop vite) ; 2. le risque d'arrêter le progrès en étant trop rigoureux, trop exigeant, trop conservateur (aller trop lentement).
Ces deux risques comportent des coûts humains et sociaux. Pour le premier, rappelons-nous le précédent de la thalydomide et des bébés mal formés. Pour illustrer le second, on pourrait prendre l'exemple de tous les malades décédés du fait des lenteurs ou des réticences des administrations à autoriser la mise en marché, ou même tout simplement l'expérimentation de nouveaux médicaments. Le fait d'aller trop vite est la cause d'accidents non prévus. Mais aller trop lentement implique que des gens ne sont pas soignés qui auraient pu l'être, ou encore que des problèmes restent sans solution alors que des progrès pouvaient être faits qui auraient apporté les moyens de leur solution.
La bonne technique de contrôle est celle qui, consciente de ces deux options, établit un équilibre en fonction d'un choix argumenté et raisonné. C'est la situation vers laquelle tend naturellement le marché du fait des contraintes qui s'y exercent. L'entreprise est un lieu où existe en permanence une tension interne entre la crainte de voir sa responsabilité - et donc sa réputation - mise en jeu, et l'impératif d'innover pour survivre. Le principe de précaution, en revanche, est totalement asymétrique : il n'admet l'expérimentation qu'à la condition qu'on garantisse qu'il n'y aura pas d'échec possible. Ce qui est totalement absurde, car l'expérimentation, l'essai impliquent nécessairement qu'un risque d'échec soit pris.
Aaron Wildavsky, l'auteur d'un des meilleurs ouvrages qui aient jamais été écris sur le risque ( "In Search of Safety") avait l'habitude de rappeler que c'est en avançant vers l'avenir que l'on apprend à le maîtriser. De temps en temps, expliquait-il, on découvre que l'on n'aurait pas dû y aller. Ou encore on se rend compte qu'on aurait dû y aller d'une manière différente. Mais on n'apprend qu'en faisant.
Par construction, le principe de précaution implique l'hypothèse qu'il serait possible d'apprendre et de découvrir sans courir de risque d'échec. Ce qui n'a pas de sens. Vu que l'essai sans risque est impossible, fonder une politique sur le respect strict du principe de précaution ne peut garantir qu'un seul résultat : qu'il n'y aura plus jamais d'essais. Pour Fred Smith il ne fait aucun doute que Malthus est de retour ! Le choix implicite est celui de l'ignorance, de la pauvreté, et donc de la mort.
Une perversion du droit de la responsabilité
La critique est juste. Malheureusement son efficacité se trouve fortement limitée par le phénomène de dissonance cognitive qui caractérise les opinions publiques contemporaines dès qu'il est question de politique et de choix collectifs. Il faut donc aller encore plus loin, frapper encore plus fort, montrer que le principe de précaution n'est qu'un de ces nombreux anti-concepts dont la prolifération traduit un déréglement général - mais non gratuit - de l'intelligence. Pour croire à la validité d'une telle notion il faut vraiment avoir cessé de croire à l'existence de toute raison.
Il s'agit d' un concept qui traduit un processus de subversion tel du langage et de la pratique juridique que ce sont les fondements même de notre société de droit qui sont en jeu (sans que les gens en aient vraiment conscience).
Avec le principe de précaution nous arrivons au point d'orgue d'un processus engagé depuis le début du XXème siècle qui conduit à pervertir et inverser peu à peu le sens de tous les concepts les plus fondamentaux associés à une société de liberté. Le socialisme a changé la nature du concept d'égalité. Les marxistes ont retourné le sens du mot liberté. Le positivisme juridique a tellement élargi le domaine des "droits fondamentaux " que l'expression est aujourd'hui vidée de tout véritable contenu ( les "droits" ne sont plus que l'expression de désirs subjectifs faisant l'objet d'une apparente demande majoritaire). Il est normal que ce soit au tour du concept de "responsabilité" de subir à son tour une évolution de même type.
L'évolution est certes en cours depuis déjà pas mal de temps avec la tendance du droit de la responsabilité civile à céder la place à la notion de "responsabilité objective" : c'est à dire l'abandon de la faute comme critère d'incrimination (cf par exemple l'évolution de la législation qui concerne la responsabilité du producteur pour les risques inhérents aux produits vendus, la responsabilité concernant le transports des produits toxiques, la pollution des nappes d'eaux souterraines...). Il y a dix ans, Baudoin Bouckaert a écrit un remarquable article . Il y montre comment la tendance contemporaine est de faire que c'est l'Etat lui-même qui, de plus en plus, par la loi ou le règlement, détermine a priori qui devra payer en cas d'accident portant dommage à des tiers, et cela indépendamment de savoir si celui dont on fait ainsi jouer la responsabilité civile a bien pris toutes les précautions possibles, s'il a agi avec prudence ou non, et donc s'il a commis ou non une faute. L'affaire de l'Erika en est un bel exemple puisque le cœur du problème se trouve dans la ratification du protocole de 1992 qui a redistribué d'autorité les responsabilités entre les différentes parties prenantes possibles lorsqu'il y a naufrage. Les habitants du petit village de Bretagne qui vient d'être débouté alors qu'il demandait à Elf de lui rembouser ses frais de nettoyage ont raison de se dire scandalisés par cette décision. Mais le juge n'a fait qu'appliquer la loi telle qu'elle a été refaite par les pouvoirs publics (et non "le droit"). Leurs protestations traduisent les contradictions et le malaise inévitables auxquels conduisent une telle approche du droit.
Bouckaert démontre les conséquences d'une telle évolution. Tout accident est la conséquence d'une chaîne de causalités qui, à la limite, peut être presque infinie. "Chaque accident, écrit-il, est le produit d'une chaîne causale qu'on peut reconstituer, si on veut, jusqu'au "big bang" qui a donné naissance à notre univers". Si un gosse, un jour de 14 Juillet, fait éclater un pétard qui met le feu à la grange du maire, pourquoi ne pas remonter jusqu'au Chinois qui a inventé la poudre il y a plus d'un milliers d'année ? N'est--ce pas à cause de son invention qu'un tel événement a pu se produire ? Pour que la responsabilité soit un concept utile, il faut interrompre la chaîne des causalités quelque part, et disposer pour cela d'un critère. Dans la tradition occidentale du droit, ce critère est celui de la faute - que celle-ci soit appréciée en fonction d'attributs objectifs comme "l'invasion de propriété" (l'emissio romain), ou qu'elle résulte d'une évaluation subjective des faits de nature jurisprudentielle. "La théorie de la faute, précise Baudoin Bouckaert, permet de s'arrêter à un maillon de la chaîne, en donnant à ce maillon une signification morale. La faute est dès lors considérée du point de vue juridique comme la fin de la chaîne. Toutes les causes précédentes sont alors effacées et deviennent invalides".
Bouckaert décrit ce qui se passe lorsqu'on élimine la faute comme condition de responsabilité. "Tous les maillons de la chaîne reçoivent la même qualification morale". Pourquoi s'arrêter là plutôt qu'ailleurs ? Pourquoi s'en tenir au gosse et ne pas condamner l'inventeur chinois ? Pourquoi pas le maire qui a "omis" d'interdire les pétards à moins de 50 mètres de toute habitation ? Pourquoi pas 500 mètres ? (Ce serait encore plus sûr). Pourquoi ne pas les interdire totalement ? Dès lors qu'il manque ce critère moral, il n'y a plus qu'une solution : c'est au législateur qu'il appartient de choisir, et de décider sur les épaules de qui retombera le devoir de responsabilité. Le législateur devient celui qui distribue le risque par décret. On passe dans un nouveau type de régime juridique où "une certaine activité se trouve légalement qualifiée comme risquée et un certain acteur dans le déroulement de cette activité est purement et simplement désigné comme l'auteur du risque, et donc comme coupable, chaque fois que l'accident se réalise". La responsabilité ne devient plus qu'un terme générique pour toutes sortes de distributions de risque imposées par les autorités politiques.
Une telle évolution est profondément dommageable. Pour deux raisons. La première tient à ce qu'elle introduit dans le domaine de la responsabilité civile un élément inévitable d'instabilité, contraire à la tradition du droit, et à la fonction même du droit. Si c'est le législateur qui décide de la répartition des risques, ce qu'une législature fait, pourquoi la prochaine ne le déferait-elle pas, si la majorité des citoyens ont entretemps changé d'avis ? Si l'instabilité de la législation économique, avec l'incertitude qu'elle crée, est déjà quelque chose que l'on peut regretter (ça n'aide pas à attirer les investisseurs étrangers), que dire dès lors que cette incertitude s'étend à un domaine aussi essentiel à l'organisation pacifique des rapports humains que la responsabilité juridique ?
La seconde raison est tout simplement que le choix du législateur ne peut qu'être arbitraire (puisqu'il n'y a plus l'élément "moral" qui permet de faire le tri entre les différents niveaux de causalité possible). L'attribution du risque va se faire en fonction de critères "politiques" dominés par des processus de lobbying. Le fait que celui-ci plutôt que tel autre soit désigné comme "responsable" - du moins aux yeux de la loi - sera d'abord et avant tout le reflet d'un rapport de force politique.
On deviendra "responsable" non pas en fonction d'une conception morale fondée sur des valeurs universelles ayant subi le test d'une longue histoire philosophique et jurisprudentielle, mais parce qu'on se trouve, à une certaine époque, dans des circonstances que l'on ne contrôle pas, plutôt du mauvais côté du manche. Question de malchance ! Et si c'est de la malchance, la responsabilité est donc quelque chose sur laquelle, à l'envers de toute la tradition philosophique et juridique sur laquelle s'est fondé le développement de l'Occident, je ne peux avoir aucune influence. Je dois m'y soumettre comme à toute fatalité. C'est quelque chose qui m'échappe, qui m'est totalement extérieur. Voilà revenu le "fatum" de l'Antiquité ! Exit l'idée même de "responsabilité individuelle", l'idée que les hommes conservent une certaine part de contrôle sur leur destinée, que l'exercise de leur "responsabilité civile" est précisément l'un des éléments les plus importants de ce contrôle moral sur leur vie.
On passe dans un autre univers. Un univers qui conduit directement à une pratique de la responsabilité conçue comme un instrument mécanique de contrôle social : il s'agit de susciter chez l'individu les bons stimuli - comme pour les souris de laboratoire -, de manière à lui inculquer les bons réflexes, ceux qui sont nécessaires à la réalisation des plans formés par le législateur. Le communisme a vécu, mais le socialisme, lui, est loin d'être mort ! Avec une telle évolution du droit il s'installe plus que jamais au fond même de nos esprits.
Une troisième conséquence du passage à une conception "objective" de la responsabilité est - en conformité d'ailleurs avec la doctrine marxiste - d'instiller la discorde, le conflit au cœur même des rapports juridiques, alors qu'en toute logique la fonction du droit est au contraire d'être un facteur de concorde. C'est la raison pour laquelle les juristes - du moins les bons, les vrais - insistent sur l'exigence de stabilité des règles de droit. Dès lors que la décision du législateur de faire retomber le risque sur une catégorie particulière d'individus ne peut plus s'expliquer par référence à des valeurs morales stables, il est normal qu'elle soit ressentie comme arbitraire, et donc contestable par ceux-là même qui se sentent ainsi visés. Le droit perd sa fonction fondamentale de cohésion, pour devenir un instrument de politisation généralisée de la société.
Ce qui correspond d'ailleurs bien à la finalité de ceux qui se font les apôtres les plus ardents du principe de précaution : le "tout politique !".
Le point d'orgue d'une dégradation fondamentale du droit
C'est dans cette perspective de dégradation fondamentale du droit qu'il faut replacer le problème du principe de précaution. La dynamique a connu une forte accélération avec l'arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 et l'esprit qu'ils ont introduit dans la rédaction des lois (rappelons-nous la loi Quillot par exemple ; la création des nouveaux mécanismes d'indemnisation des victimes d'accidents, etc). La juridicialisation du principe de précaution représente en quelque sorte l'achèvement, l'apothéose de cette dérive, son point d'orgue.
Pourquoi ? Comment ? de quelle manière ? Le premier point sur lequel il convient d'insister est l'inanité du concept de "responsabilité collective" dont découle le principe de précaution.
Par définition, le principe de précaution découle de la responsabilité que l'humanité présente aurait vis à vis des générations futures d'assurer qu'elle leur transmettra un monde encore vivable. L'idée est jolie, elle séduit. Mais ce ne sont que des mots. "Le Principe Responsabilité" relève du galimatia de philosophe en quête d'audience. Ce ne peut être un concept juridique, un concept fondateur de droit. Tout simplement parce que si les mots ont un sens, si les concepts ne sont pas des vases creux que l'on peut remplir avec n'importe quoi au gré des humeurs politiques de majorités changeantes, parler de "responsabilité collective" est une incohérence sémantique, c'est une contradiction dans les termes.
En raison même de la nécessité d'une "faute" comme condition nécessaire de déclenchement de la responsabilité, la notion même de responsabilité ne peut qu'être individuelle. La responsabilité ne peut être qu'un attribut de personnes dotées de conscience, et donc d'un sens moral. Or, sauf à être pleinement marxiste, au sens philosophique du terme, la notion de conscience - et donc de responsabilité - ne saurait s'appliquer à des entités collectives. Donc la formulation du principe de précaution est viciée à la base. On ne peut attendre d'une collectivité qu'elle soit dotée ni d'une conscience, ni d'un sens moral, autres que ceux attachés aux individus qui en font partie.
Certains diront que ce n'est qu'une question de définition. Que c'était peut-être ce qui se faisait autrefois. Mais qu'aujourd'hui tout est différent. Qu'après tout les mots n'ont que le sens qu'on y met, et que si, aujourd'hui, la majorité de nos concitoyens y mettent quelque chose de différent, eh bien il faut nous y soumettre. Fort bien. Mais alors il faut en accepter toutes les conséquences, admettre qu'on ne peut pas tenir ce discours et s'attacher autour du cou une étiquette "libérale" dans la mesure où l'adopter revient à se rendre complice d'un processus inévitable de subversion radicale des valeurs centrales d'une conception libérale des rapports en société.
Indépendamment de ce que le principe de précaution est un concept vicié à la base ( un "faux concept" comme dirait François Guillaumat), se pose également le problème de sa praticabilité ; des conséquences du passage à l'acte, de sa mise en application dans le cadre d'un système juridique concret. C'est ainsi que Gérard Bramoullé nous a rappelé que le principe de précaution aboutit à placer la notion de risque comme élément central de déclenchement d'une action juridique alors que, comme l'a alors souligné Georges Lane, la notion même de "risque objectif" n'existe pas.
On nous propose un système intellectuel qui nous donne une apparence réconfortante d'objectivité : il suffit d'évaluer, de mesurer les risques, et de comparer pour prendre des décisions. L'évaluation, la mesure, c'est le travail de la science, des savants. Puis, ensuite, viennent les politiques qui vont prendre la décision en fonction de ce que leurs diront les agences spécialement créées.
Une première difficulté vient de ce qu'adopter ce positionnement revient implicitement à faire des savants des sortes d'astrologues modernes à qui les dirigeants politiques demanderaient de rendre les oracles à la manière de l'antique Pythie d'Athènes. C'est une drôle de conception du rôle du politique, mais aussi de la science !
Mais le plus grave n'est pas là. Il est lié à ce que ce raisonnement confère au risque les attributs d'une grandeur susceptible de faire l'objet de mesures répondant à tous les critères d'objectivité qui sont aujourd'hui considérés comme l'apanage d'une démarche scientifique. Or, objecte avec raison Georges Lane, c'est loin d'être le cas. Ce n'est même pas du tout le cas. Le "risque objectif" n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des espérances individuelles qui font que, ex ante, nous gérons nos actes en fonction d'anticipations de gains ou de pertes. Le risque n'apparaît qu'ex post lorsque nous essayons a posteriori de reconstituer les probabilités statistiques que nous avions de réaliser ou non nos espérances. Comme cette distinction subtile passe au-dessus de la tête de la plupart des gens, même des juges, faire du principe de précaution un critère de responsabilité conduit à confier aux tribunaux le soin de juger, ou de trancher les conflits en responsabilité, en fonction d'une information qui, par définition, n'existait pas au moment où les décisions qui ont déclenché le dommage étaient prises. Autrement dit, on va demander aux juges de vous sanctionner en décidant a posteriori de ce que vous auriez du faire (ou ne pas faire) en fonction d'un ensemble d'informations qui n'étaient pas disponibles au moment où vous aviez à prendre la décision. On entre dans un univers qu'il faut bien qualifier de délirant !
La tâche n'était déjà pas facile depuis qu'au milieu du 19 ème siècle, comme le raconte Baudoin Bouckaert, on avait abandonné la doctrine de l'emissio romain, et avec elle le critère de la propriété comme élément d'établissement de la preuve d'une faute. Mais désormais, c'est autrechose. Comment savoir quels éléments seront pris en compte par le tribunal ? Comment seront calculées les soi disantes probabilités "objectives" qui guideront sa décision et dont on assumera que vous auriez du en tenir compte dans l'élaboration de votre décision ?
Apparamment la démarche d'une cour de justice restera en principe la même : reconstituer l'univers de celui que l'on accuse au moment des faits afin de déterminer s'il y a eu faute de sa part. Mais au lieu de se référer à un élément stable et "objectif" - car faisant partie d'un corps de valeurs universelles reconnues par tous et dont l'usage a été poli par la jurisprudence : l'élément "moral" évoqué plus haut - , le débat sera désormais essentiellement informé par des arguments de type scientifique dont on sait, avec les querelles en cours autour de phénomènes comme l'effet de serre, à quel point ils sont souvent de nature contingente, et même politique, et sujets à fréquentes contestations et révisions.
Si l'on veut vraiment détruire la justice, il n'y a donc sans doute pas meilleure bombe ! On ne peut pas faire d'un concept aussi flou et aussi aisément manipulable la pierre de touche du régime juridique de demain. Sauf si le véritable objectif est de nous faire définitivement sauter le pas d'un autre ordre social. Pris au sérieux, le principe de précaution conduirait rien moins qu'à la négation pure et simple du libre arbitre individuel dans la mesure où ce n'est plus la conscience qui présidera à la prise de risque (l'information personnelle éclairée et tempérée par la concience), mais l'application de règles et de critères imposés en fonction de l'idée qu'une opinion dominante - médiatisée par ses prêtres - se fera de ce à quoi correspond le savoir scientifique du moment.
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