Autant emporte le vieux monde
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Aujourd'hui, dans une période elle aussi marquée par
l'épuisement d'une civilisation et l'aube d'un nouveau monde, il trouve une nouvelle
résonance. Entre les anciens et les modernes, le débat fait rage. Les premiers veulent
s'appuyer sur un passé, parfois idéalisé, pour construire le présent et préparer le futur.
Les second faire table rase et se débarrasser du monde ancien. Pour eux, les statues et les
mythes, comme les classiques de l'âge d'or et les rêves seront, c'est inéluctable, emportés
par le vent.
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Annulations de la pièce de théâtre de Charb : l'ombre de la censure idéologique
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Mais la grille de lecture économique ne suffit pas. À la Manufacture par exemple, le
Charb s'est également vu écarté au profit d'une lecture d'Histoire de la violence dirigée
par le metteur en scène Laurent Hatat en présence de l'auteur Edouard Louis. Or ce récit,
assez similairement à la pièce de Mohamed Kacimi, procède à la réhabilitation du
criminel (ici le violeur) présenté comme un damné de la terre et une victime de la
société. Accueillie en même temps que Moi, la mort, je l'aime, comme vous aimez la vie,
cette lecture laisse à penser qu'il y a bien un «choix artistique» assez peu pluraliste de la
part de la Manufacture, qui accueille ici deux projets, deux formats différents - mais aux
présupposés idéologiques assez similaires.
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Une photo de femme avec son bébé est-elle une offense à la dignité humaine ?
Bérénice Levet : «Qui arrêtera les grands épurateurs de l'Histoire ? »
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Cette lecture en blanc et en noir de l'histoire pourrait être dénoncée comme de
l'infantilisme, ce qu'elle est assurément - l'adulte, l'homme qui a accédé à l'âge de la
majorité, l'homme éclairé est censé savoir que l'histoire est un tissu de complexités - mais
ce serait insuffisant car elle est d'une redoutable efficacité, elle séduit et est diffusée,
relayée par des esprits qui ont largement dépassé l'âge infantile.
Nos élites intellectuelles, culturelles, politiques en sont les grandes instigatrices. Ainsi,
mardi 28, dès 7h30, avant même de s'être rendu à son kiosque à journaux, l'auditeur de
la Matinale de France-inter savait, grâce à son animateur Nicolas Demorand (éditorial
accessible en ligne sur le site de la radio), qu'il était ce jour-là un sermon à ne pas
manquer et à gravement médité, publié dans le quotidien Libération, la tribune de Louis-
Georges Tin. « Examen de conscience nécessaire, donc, de ce côté de l'Atlantique »,
concluait le journaliste sur un ton solennel mais non moins enjoué, le ton de celui qui se
sait appartenir au camp du bien.
C'est la raison pour laquelle on aurait tort de traiter par le mépris, avec un haussement
d'épaules et un sourire au coin des lèvres, ces manifestations et revendications.
Comment ces grands épurateurs de notre histoire, de notre passé, ne trouveraient-ils pas
audience auprès de nos politiques hantés par l'idée d'être suspects de complicité avec les
« péchés », quand ce ne sont pas les «crimes», de la France (colonialisme, sexisme etc.) ?
Imaginons un instant, Anne Hidalgo, lisant la tribune de Tin: Comment l'exhortation à
traquer la moindre trace des « négriers » dont la ville perpétuerait le souvenir, et en
conséquence, à débaptiser les rues, les établissements scolaires, déboulonner les statues
pécheresses, ne trouverait-elle une oreille des plus bienveillantes auprès de la maire de
Paris engagée dans cette vaste opération d'ingénierie urbaine et sociétale, éloquemment
intitulée «Réinventer Paris» (entendre régénérer le peuple parisien)? Une ville nettoyée
de ces vieilleries au nom de la lutte contre le racisme et l'esclavagisme…Que rêver de
mieux!
Il nous faut être extrêmement vigilants, car les revendications communautaristes sont un
tonneau des Danaïdes et nos élites font montrer d'une véritable soumission.
Cette focalisation sur le passé offre l'avantage de se détourner de l'urgence du présent, de
se dispenser de juger ici et maintenant. Ainsi la France mérite-t-elle toute leur haine,
quand les terroristes islamistes à l'inverse, serinent-ils après chaque nouvel attentat, ne
l'auront pas.
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La dernière phrase est terrible, mais ils ne la liront pas. Et même s'ils la lisaient, ils la mépriseraient.
Dans L'armée des ombres, Ventura et Meurisse sortent d'un cinéma de Londres : « Pour les Français , la guerre sera finie quand ils pourront voir ce film merveilleux ». Hélas, cela redevient vrai.
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