Je ne suis pas souvent d'accord avec Emmanuel Todd, mais à part son petit moment d'égarement sur Macron « populiste », je ne trouve rien à redire :
Emmanuel Todd : « Le protectionnisme oppose des populistes lucides à un establishment aveugle »
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Après l'élection de Trump, vous aviez forgé le concept de « Globalization fatigue »…
De quoi s'agit-il ?
On nous a présenté l'électorat de Trump comme une bande de gros lourds incultes, des
ouvriers qui n'ont plus de métier, et nous avons une vision déformée de la situation. La
victoire de Trump a été possible grâce au vote des ouvriers, mais pas seulement. Le libreéchange
produit une monté des inégalités dans les sociétés avancées, continue, féroce. Il
avantage les détenteurs du capital et les personnes âgées. Pendant un moment, il a
avantagé les diplômés. L'apothéose libre-échangiste a eu lieu quand les 20% diplômés du
supérieur étaient effectivement avantagés. Mais depuis le début des années 2000, après
que le revenu médian a lourdement chuté aux Etats-Unis pour les gens ordinaires, le
revenu des diplômés américains stagne à son tour. Les jeunes diplômés ne sont plus
protégés de la déchéance sociale. C'est pourquoi j'ai parlé de fatigue de la globalisation.
Les Américains sont fatigués. Et dans certains cas, cela peut même se traduire par la
mort.
Justement, que va faire l'Europe ?
Quand j'imagine un dirigeant français autour d'une table de négociation, je pense de plus
en plus au film génial de Francis Veber « Le dîner de cons ». Ces mêmes technos qui ont si
bien dompté l'Allemagne (82 millions d'habitants) nous proposent maintenant de mettre
à genoux les Etats-Unis (325 millions). Mais ils ne savent même pas, lorsqu'ils parlent de
guerre commerciale, que s'il y a une zone dans le monde où l'intensité de cette guerre est
maximale, c'est précisément la zone euro! La contraction austéritaire de la demande
couplée à l'impossibilité de jouer sur les taux de change y rend cette guerre plus intense
encore qu'ailleurs ; la France est d'ailleurs en train de la perdre. Nous perdons peu à peu
notre industrie, notre capacité à construire des TGV, et tant d'autres choses… alors
entendre dire que ce sont les Etats-Unis qui nous précipitent dans une guerre
commerciale, cela n'a aucun sens!
Est-ce que les élections italiennes participent aussi de cette réaction
protectionniste ?
J'analyse surtout cela comme un atterrissage dans la réalité ! La tragicomédie des
establishments occidentaux, c'est cet étonnement désormais incessant devant tout ce qui
se passe. Comme si le monde ne cessait de nous surprendre et d'être inexplicable. C'est là
le signe d'un profond aveuglement idéologique, la fausse-conscience du marxisme ! Si on
accepte de regarder notre monde comme il est, avec ses taux de chômage, sa stagnation
des salaires, le ralentissement des mobilités sociales et en fin de compte la fragmentation
des sociétés, alors on ne peut que comprendre ces basculements électoraux un peu
partout en Europe et dans le monde. Les systèmes de représentation sont en train
d'exploser. L'emploi par un commentateur du mot « populiste » signifie le plus souvent: je
n'ai rien compris mais je m'accroche à mon micro.
[...]
En tout cas, son élection [de Macron] ne signifie pas que la France n'est pas traversée par le même
phénomène! Et ça ne fait que commencer. L'économie est atone, la société se fragmente
et l'électorat est déstructuré, ce qui rend toute opposition difficile. C'est dans ce genre de
situation qu'on voit l'Etat prendre son envol et devenir régime autoritaire ! Alors, quand
le gouvernement veut légiférer sur l'information et retirer au parlement le droit
d'amendement… on a de quoi s'inquiéter ! [J'ai la même inquiétude].
La critique que vous faites du libre-échange est essentiellement économique : n'y at-
il pas aussi une révolte contre une excessive liberté de circulation des personnes ?
Si, absolument. Au départ la démocratie n'est pas universaliste, je l'ai expliqué dans mon
dernier livre. La démocratie, au départ, c'est un peuple particulier qui s'organise sur un
territoire pour débattre dans une langue que tout le monde comprend. Dans l'idée de
démocratie, il y a l'idée d'appartenance territoriale et il y a toujours un élément de
xénophobie fondatrice. Pourquoi refuser de voir l'histoire, Athènes, l'Amérique raciale, le
nationalisme révolutionnaire français.
Il est donc tout à fait logique que le regain
démocratique que l'on observe actuellement contienne une part de xénophobie. Je vais
tenter un aphorisme, en espérant un peu d'humour à sa réception. « Si beaucoup de
xénophobie détruit la démocratie, un peu de xénophobie peut y ramener ». La conscience
de soi d'un peuple est un « mal nécessaire » [C'est un bien] pour établir un minimum de cohésion sociale
et une capacité d'action collective.
[...]
J'affirme de plus que nier la légitimité de ce contrôle
contient un élément antidémocratique implicite. Les gens qui sont favorables à
l'ouverture absolue de toutes les frontières se pensent de gauche mais ils sont selon moi
des antidémocrates radicaux. Aucun système de représentation démocratique n'est
possible sans stabilité territoriale. J'ai d'ailleurs senti bizarrement monter ces dernières
années une exaspération de cette posture dans certains milieux culturels et sociaux
minoritaires, au moment même où les populations occidentales manifestaient le désir
légitime de préserver un minimum d'entre-soi. Cette radicalisation n'est aucunement le
signe d'un progrès, d'une plus grande ouverture à l'Autre ; j'y perçois en fait une
dimension nihiliste [pile-poil, Manu].
Pour finir, vous aviez prédit la chute de l'URSS: est-ce qu'aujourd'hui, vous
prophétisez la chute de l'Union européenne ?
Je n'ose plus guère faire de prophéties sur l'Europe : la survie de l'euro m'a rendu
modeste. J'avais tout de suite prédit qu'il ne marcherait jamais et de ce point de vue, je ne
me suis pas trompé! Mais le niveau de violence avec lequel les classes dirigeantes ont
maintenu cette monnaie sacrificielle, en revanche, je ne l'avais pas anticipé. J'ai fini par
comprendre que le continent européen n'était pas démocratique et libéral de tradition et
que ses dirigeants, de tradition autoritaire, étaient tout à fait capables de maintenir une
monnaie unique qui détruirait les sociétés.
[...]
Dans la colonne stabilité, il y a l'impossibilité pour nos « élites » d'admettre leur échec et
leur nullité [entièrement d'accord : je suis navré du peu de vision et de profondeur, du conformisme, de nos dirigeants, Macron le tout premier]. il y a aussi et surtout le fait que le continent est très vieux. Or les personnes
âgées, dont je suis, sont devenues otages de l'Euro car les dirigeants nous menacent d'une
liquéfaction de nos pensions et de nos économies en cas de rupture du système
monétaire.
Dans la colonne rupture de l'Union européenne il y a des tas d'éléments: l'Euro ne
fonctionne pas, les frontières ne sont plus contrôlées, l'insécurité économique et
culturelle monte, les peuples sont furieux…
Le Brexit est peut-être la clé. L'Union européenne semble se mettre dans une posture de
conflit avec le Royaume-Uni en tentant un Brexit punitif. Mais nous n'avons pas
d'exemple historique d'une puissance continentale qui ait réussi à vaincre le Royaume-
Uni. Si Bruxelles continue de menacer l'intégrité territoriale du Royaume-Uni en jouant
avec la frontière irlandaise, je suis prêt à parier que, quelle que soit leur russophobie et
leur aversion actuelles pour le régime de Poutine, les Britanniques opéreront un
renversement d'alliance [je n'y crois pas du tout, mais on peut quelquefois être surpris par l'intelligence stratégique des Anglais]. Et l'Union européenne s'effondrera avec un grand bruit mou …
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La France servile du président Macron. Le président sacrifie l'indépendance de la France sur l'autel de son Europe intégrée.
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La géopolitique de Macron, telle qu’elle se dessine depuis le début du quinquennat oppose d’un côté le bloc
continental de l’Union européenne sous commandement allemand et de l’autre côté les EtatsUnis
(version
Trump), la Russie et le RoyaumeUni.
Jusqu’où va le bloc continental ainsi dessiné ? Nous serions tentés de
dire « jusqu’à Stalingrad » mais nous ne sommes pas en 1943 ! Il reste que la silhouette sur la carte est la
même. Il est clair qu’en maintenant les sanctions visàvis
de la Russie et en jouant le jeu du renforcement de
l’OTAN dans les pays baltes, Macron s’inscrit à plein parmi ceux qui considèrent que l’Ukraine a vocation à faire
partie de l’Union européenne, sous une étroite surveillance allemande évidemment, et à tourner le dos à la
Russie.
La carte de l’Europe n’est donc pas sans rappeler celle de l’Europe occupée de la dernière guerre mondiale.
Si l’on omet toute comparaison idéologique entre les deux époques, l’euro a un effet mécanique sur l’économie
française analogue à celui de l’Occupation : le transfert progressif, pour des raisons de compétitivité, d’une part
croissante du potentiel industriel français chez nos concurrents d’outreRhin.
La coopération militaire accrue
souhaitée par le président Macron, au nom d’une Europe de la défense à laquelle nos partenaires ne croient pas
mais dont ils tirent parti à nos dépens, conduit déjà au transfert progressif vers l’Allemagne des fleurons de ce
qui constituait un des grands atouts de la France : une industrie militaire puissante. Déjà Nexter (l’ancien GIAT),
qui a fabriqué le char Leclerc, est à 50% allemand. Un sort analogue semble promis à Naval Group issu de la
DCN qui a fait le porteavions
Charles de Gaulle, convoité par les Italiens. Bien que formé au départ de 70%
d’apports techniques français, Airbus est perçu aujourd’hui dans le monde comme une entreprise allemande.
Rappelons que, forte de ses excédents, l’Allemagne envisage de remonter ses crédits militaires jusqu’au niveau
requis par l’OTAN : 2% de PIB, ce qui la placera très en avant du niveau français, érodé année après année par
les contraintes budgétaires liées à l’euro, et encore par Macron récemment. Le même Macron qui, dans son
discours de Versailles, exhortait l’Allemagne à se réarmer !
Ce qu’il faut bien appeler une inféodation n’a rien à voir, quoi qu’on prétende, avec l’héritage du gaullisme. C’est
à tort que certains voient dans cette orientation l’inspiration du général lequel aurait, lui aussi, fait le choix de
l’Allemagne contre les AngloSaxons.
Qui peut imaginer qu’il aurait jamais signé le traité de l’Elysée si la France
avait été en position de faiblesse comme elle l’est, de son propre fait, aujourd’hui ?
Cette diplomatie à la fois servile et idéologique ne se contente pas de nous aliéner Washington et Moscou ;
elle nous fait perdre aussi un des bénéfices que nous aurions pu tirer de l’élection de Donald Trump. En prenant
à partie Angela Merkel, ce dernier ne faisait que suivre la politique traditionnelle du monde anglosaxon
:
l’équilibre sur le continent. Devant une Allemagne devenue hégémonique, il est clair que le président américain
était prêt à nous aider à rééquilibrer le rapport de forces. Ce n’est pas l’actuel président qui saisira cette perche.
Encore une occasion de perdue.
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La conclusion de tout cela ? Face aux nuages qui s'amoncellent sur leurs têtes, les européistes et les mondialistes (ce sont les mêmes) peuvent se dire qu'une bonne petite guerre viendrait résoudre pas mal de leurs problèmes, dont le premier : conserver le pouvoir malgré les peuples. Ca n'aurait vraiment rien d'une nouveauté.
La russophobie, annonciatrice de la prochaine guerre européenne ?
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D’abord, les médias mainstream, propriété de l’oligarchie transnationale, ne font en la matière qu’appliquer la stratégie fixée par les Etats Unis depuis la chute de l’URSS : empêcher par tous les moyens la constitution d’une Europe « de l’Atlantique à l’Oural », pour reprendre la célèbre formule du Général De Gaulle, c’est-à-dire une alliance stratégique entre l’Europe et la Russie, susceptible d’équilibrer et finalement de contrebalancer la surpuissance américaine.
La Super Classe Mondiale qui a pris le pouvoir en Occident après la chute de l’URSS s’efforce en effet de maintenir par tous les moyens le leadership américain, car elle a besoin de lui pour faire avancer son projet de gouvernement mondial. Et pour semer le chaos partout, afin d’affaiblir les Etats-Nations qu’elle veut supplanter.
En diabolisant la Russie, les médias et les gouvernements européens n’expriment donc, une fois encore, que la voix de leurs vrais maîtres : la Super Classe Mondiale.
La russophobie occidentale n’est donc pas seulement ridicule. Elle n’est pas seulement une forme de racisme d’Etat, qui fait du peuple russe un coupable ou un danger par essence.
Elle est surtout dangereuse car elle prépare les esprits européens à un affrontement avec la Russie : elle véhicule des bobards de guerre, un « bourrage de crâne » comme on disait pendant la Grande Guerre, qui toujours annoncent la vraie guerre !
En effet, la Super Classe Mondiale n’a nullement renoncé à la guerre pour parvenir à ses fins. Car le monde est en passe de lui échapper. La puissance des anglo-saxons – qui constituait le cœur nucléaire de l’oligarchie occidentale – ne cesse de décliner à l’échelle du monde, dans tous les domaines et pas seulement économiques. Et les oligarques le savent bien.
Les médias mainstream s’efforcent de nous cacher ce grand secret : le monde échappe aux mondialistes parce qu’il devient de plus en plus multipolaire. Parce que de grandes civilisations – notamment en Eurasie – se réinventent et veulent se libérer de la tutelle occidentale. Et qu’elles acquièrent de plus en plus les moyens de le faire.
On ne peut donc exclure que certains oligarques anglo-saxons ne soient tentés, une nouvelle fois, de miser sur un conflit mondial pour maintenir leur leadership, c’est-à-dire leur domination et leur projet liberticide de gouverner le monde à leur seul profit.
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Macron ne laisse pas de m'inquiéter. Il a un sérieux pète au casque (un type qui épouse sa mère ne peut pas être équilibré) et le pouvoir absolu (puisque sans opposition). Il pourrait bien être celui par qui arrive à la France le rappel que l'histoire est vraiment tragique.
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