« Orwell reprochait à la gauche petite bourgeoise son mépris implicite des classes populaires »
La sécession des « élites » ou comment la démocratie est en train d'être abolie
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Le livre pose l'hypothèse que ce n'est plus la « révolte des masses » qui menace désormais
la vie démocratique, mais la coupure de plus en plus prononcée entre le peuple et les
« élites ». Une coupure tant économique et matérielle qu'éducative et intellectuelle, dont
résulte le repli sur eux-mêmes des privilégiés. Ces derniers ne parlent plus qu'à leurs
pareils, c'est-à-dire non seulement à ceux qui bénéficient d'un même niveau de richesses,
mais également à ceux qui partagent le même niveau d'instruction. Ils adorent mettre en
scène leur pouvoir et le font de mille façons: exhibition des signes extérieurs de richesse,
bien sûr, mais également - et de plus en plus - de leur patrimoine culturel. Le discours,
ahurissant de cuistrerie, du président Macron sur l'intelligence artificielle (29 mars 2018)
en est un exemple qui confine au grotesque. En revanche, ils n'assument plus que de
mauvaise grâce les charges et responsabilités qui devraient leur incomber, et préfèrent le
service de leur intérêt bien compris à celui d'un «intérêt général», dont ils ne conçoivent
même plus qu'il pût exister.
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« En 1968, des gendarmes ruraux qui travaillaient depuis l’âge de 14 ans ont fait face à une jeunesse dorée »
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Que sait-on
des gendarmes qui ont fait face aux étudiants ?
Ce sont essentiellement des ruraux, des fils d’agriculteurs, de mineurs, d’ouvriers. Pour entrer en gendarmerie, il
fallait le niveau du certificat d’études, ce qui, pour l’époque, n’était pas rien. Cependant, à la fin des années 1950
et au début des années 1960, guerre d’Algérie oblige, on a pris un peu plus de monde parce qu’il en fallait… Et
puisque la moyenne d’âge du gendarme de 1968 est de 30-35
ans, beaucoup ont connu l’Algérie, soit comme
appelés du contingent, soit comme gendarmes. Les plus anciens, notamment les gradés, avaient fait les
campagnes d’Indochine, voire de la Seconde Guerre mondiale. Finalement, les gendarmes de l’époque – à la
grande différence d’aujourd’hui – ont souvent eu une première vie professionnelle avant le service. Après leur
certificat d’études, beaucoup avaient travaillé comme apprentis artisans, paysans ou ouvriers.
Comme l’a observé Pasolini, il y a donc un fossé sociologique entre les étudiants et les gendarmes ?
Oui. Parallèlement au choc physique, il y a un véritable choc sociologique. Ces provinciaux, ruraux, peu instruits,
qui travaillaient depuis l’âge de 14 ou 15 ans ont fait face à une jeunesse dorée qui n’avait pas connu la guerre.
Pour eux, ce sont des gens favorisés, à qui on paye des études et qui pratiquent le vandalisme, ce que les
ouvriers faisaient rarement à l’époque. Il y a donc une incompréhension totale. En même temps, contrairement à
ce qu’il en est pour les étudiants, Mai 68 ne représente pas grandchose…
Par rapport à ce qu’ils ont vécu en
Algérie, ce n’était pas très grave. Une fois Paris pacifié, ils sont passés à autre chose.
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