Livre sur l'économie depuis la crise de 2008.
C'est très intéressant mais :
1) C'est pratiquement illisible. L'auteur n'a de talent ni pour la concision ni pour la clarté.
2) L'auteur mélange ses opinions (démocrates anti-Trump) et ses analyses (qui, en gros, contredisent ses opinions). C'est assez facile de faire le tri, mais c'est tout de même chiant. Au fond, tout le livre explique et, par bien des cotés, justifie l'élection de Trump !
3) Charles Gave raconte la même chose, en français et en plus clair.
Prenons tout de même la peine de résumer, car c'est, à ma connaissance, le premier livre qui essaie de fournir une explication exhaustive à la crise de 2008.
Il y a un paradoxe apparent : la crise de 2008 est partie des Etats-Unis avec les subprimes et a surtout affecté l'Europe. Ce hiatus n'est qu'apparence.
Je vous livre dès le début la conclusion : en super-macroscopique, la crise de 2008 est la crise de sortie de l'Europe des puissances de premier rang du jeu politico-stratégique mondial.Et elle n'est pas finie.
Rapidement :
1) La crise de 2008 est la première (et peut-être la dernière) crise du mondialisme, cette idéologie qui nie les nations.
En effet, on ne peut pas comprendre cette crise à la lumière des comptes nationaux (PIB, comptes publics, balances des paiements ...). C'est pourquoi les experts se sont, comme d'habitude, plantés. En revanche, elles s'analysent très bien en termes d'entités trans-nationales (banques, compagnies d'assurances, places boursières, etc...) et de flux financiers.
2) La crise de 2008 s'explique par le fait que les banques européennes étaient engagées au-delà de leurs capacités réelles. Elles ont eu les yeux plus gros que le ventre. Les réaménagements post-crise ont eu pour effet de remettre les banques européennes à leur vraie place : secondes.
3) La résolution court-terme s'est faite par injections massives de liquidités (des trillions de dollars) par la Banque Fédérale américaine, décidées dans des cénacles fort restreints de techniciens bancaires (quelques dizaines de personnes), hors de tout contrôle démocratique. Ainsi que par la réaction de la Chine, qui a augmenté ses investissements intérieurs pour que l'économie mondiale continue à tourner. L'Europe n'a eu aucune part dans ces décisions.
4) Le résultat a été une spoliation massive bien que discrète, parce que passant par des instruments très techniques, et une perversion de toute l'économie. Les prix ne sont plus les prix. L'exemple le plus frappant est celui de l'immobilier (mais on pourrait ajouter les voitures de collection, les oeuvres d'art ...). Dans une économie où les taux d'intérêt sont à zéro, on prête à ceux peuvent apporter des garanties, donc aux possédants.
L'analyse européiste que la crise était due au « manque de réformes » n'a aucune base solide d'après Tooze. Mais, en détricotant les systèmes qui protégeaient les classes moyennes et inférieures, on trouvait l'argent pour renflouer les banquiers.
Tooze dit que le sauvetage des banques est « socialism for the bankers, austerity for the many and a historic defeat for European capitalism ». Au moins, c'est clair.
C'est le sytème de Matthieu (suivant une citation des Evangiles) : ceux qui ont beaucoup auront encore plus ; ceux qui ont peu, on leur enlèvera le peu qu'ils ont.
La financiarisation de l'économie n'est pas un problème économique mais politique : elle ôte le pouvoir des mains des peuples pour le mettre dans les mains des technocrates et des nantis.
Tooze insiste aussi sur l'incompétence crasse des dirigeants européens, notamment les teutons casques à pointe. La volonté de punir les Grecs était à la fois immoral (punir es Grecs de quel péché ? Avoir acheté trop de Mercedes ?), sadique et dangereux. Il a fallu les Anglo-Saxons, Obama en tête, qui eux comprennent la finance, pour empêcher les Boches de faire des conneries catastrophiques.
5) Comme cette crise n'a pas été résolue par les acteurs privés mais par les banques centrales, qui sont encore nationales, elle a provoqué un retour des nations. La Chine et la Russie en particulier n'ont aucune envie d'être à la merci de la Fed. Inversement, en Europe, on voit les pays du sud se soumettre (pour combien de temps encore ?) aux diktats de la BCE.
6) Pour Tooze, l'élection de « populistes » (Trump et compagnie) est une saine réaction démocratique au scandaleux sauvetage d'intérêts privés oligopolistiques (les banquiers) par de l'argent public. Le coup de génie de Trump (en plus du timing remarquable de sa campagne électorale) a été de comprendre que les conservateurs avaient non seulement des arguments « culturels » mais aussi économiques (ce que Wauquiez ne comprend absolument pas. Il est vrai que c'est un technocrate pur jus. Comment pourrait-il comprendre alors que c'est le « technocratisme » qui est attaqué ?).
Remarque personnelle : l'élection de Macron prouve que les Français n'ont rien compris à ce qui se passe autour d'eux.
Autre remarque personnelle : il n'est pas incohérent que cette sortie de l'Europe, coeur spirituel de la démocratie, de l'histoire s'accompagne d'un recul de la démocratie, y compris en Europe même.
7) La crise n'est pas finie parce que le mouvement de re-nationalisation et de « dédollarisation » n'en est qu'à ses débuts.
On remarquera que l'Euro nous avait été présenté comme l'instrument de la « dédollarisation » (j'ai bonne mémoire) et qu'il n'en a rien été, bien au contraire. Les banques européennes n'ont jamais été aussi engagées en dollars que depuis qu'il y a l'Euro. Mais bon, en 2018, il n'y a plus que les imbéciles (hélas encore très nombreux) pour croire la propagande européiste.
8) Tooze est inquiet pour la suite : la défiance entre nations grandit, il est peu probable qu'au prochain soubresaut, il y ait la concertation de 2008.
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