J'aimais beaucoup Roger Scruton, décédé en janvier. Son dernier article, quelques jours avant sa mort (My 2019), sur la nécessité d'exprimer sa reconnaissance, est d'une élégance typique.
J'ai coutume de dire, pour faire comprendre aux Français, que c'est un Finfkielkraut intelligent et compréhensible.
En 68, il était, contrairement à Finkielkraut, du bon coté des barricades : étudiant anglais en France, il a été immédiatement révulsé par cette révolte d'enfants gâtés, il a compris, comme Pasolini, que des enfants de bourgeois jetaient des pavés sur des prolétaires.
Comme écrivain conservateur, il défendait la beauté (par exemple, contre les éoliennes). C'était aussi un défenseur de la chasse à courre, qu'il pratiquait assidument.
Ce n'était pas un rebelle de pacotille, il s'est rendu plusieurs fois clandestinement de l'autre coté du rideau de fer pour aider des dissidents tchèques.
Venons en au livre de ce jour : deux parties, « Je bois », sur le vin, « Je suis », plus philosophique et, franchement, sans intérêt, le livre m'est tombé des mains.
En revanche, la première partie, « Je bois », justifie l'achat de cet opuscule.
Scruton connaît remarquablement les vins français. Il aime plus la France que notre actuel gouvernement.
Dans l'éternel débat qui oppose les « terroiristes » (ceux qui croient que le caractère d'un vin est fait par le terroir) et les « viticultistes » (ceux qui croient que le caractère d'un vin est fait par le viticulteur, le cépage et la technique), il est résolument terroiriste, au point qu'il a toujours refusé de mettre les pieds en Bourgogne, pour ne pas confronter l'image qu'il s'en était fait à travers ses vins avec la réalité.
J'étais plutôt viticultiste : le débat parlementaire d'il y a un siècle sur les appellations d'origine entre partisans du terroir (les vignerons) et partisans du cépage (les négociants) a été tranché par des arguments électoraux. Les vignerons étaient plus nombreux que les négociants.
Mais Scruton a des arguments convaincants, d'ordre spirituel : le vin, c'est la terre et le soleil, donc le terroir, et si certains s'égarent à les négliger, c'est circonstanciel, pas fondamental.
Il a une philosophie vineuse qui me plaît : il préfère les seconds. Il trouve que les vins les plus réputés sont devenus l'objet d'intolérables spéculations. Pour lui, Les seconds sont presque aussi bons et beaucoup moins chers, il traque les parcelles voisines des grandes appellations.
Le Chateau Yquem est un vin de snobs sans intérêt. Le seul terroir français dont il ne parle pas est la Champagne.
Ses conseils tombent quelquefois à coté de la plaque : un domaine racheté par Bernard Arnault à 360 € la bouteille, mais il donne pas mal d'idées entre 15 et 30 € la bouteille, ce qui est tout à fait raisonnable.
Très anglais, Scruton associe le roquefort au Sauternes. L'association du roquefort et du cognac est classique : ce sont deux goûts boisés qui se marient bien. Pour le Sauternes-roquefort, j'avais un doute, j'ai essayé. Ca passe bien, c'est comme mettre de la confiture avec le fromage, qui est justement une pratique anglaise.
Il me manque déjà , le père Roger.
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