Déconfinement : l’ère de la patate chaude des responsabilités. Alors que le gouvernement multiplie les règles largement inapplicables pour le déconfinement, une fronde des élus locaux, des médecins et des entreprises de transport prend de l’ampleur.
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Eric Verhaeghe : De mon point de vue, deux phénomènes jouent à plein.
Le premier est circonstanciel. Édouard Philippe et son entourage sont des donneurs de leçons mais pas des gestionnaires de crise. Depuis l'arrivée de la pandémie, ils montrent leur manque total d'agilité. Et sur ce point, la pénurie de masques est emblématique d'une incapacité à gérer une crise. Tous ces gens sont dans la théorie et dans l'incantation, ils ne sont pas dans le faire. Et sur ce point, ils portent une lourde responsabilité dans le naufrage de cette gestion de crise.
Mais par-delà leur rôle personnel, c'est l'inadaptation de l'énarchie qu'il faut pointer du doigt. Les hauts fonctionnaires français sont incapables de gérer une crise, car ils sont des ayatollahs de l'étiquette aristocratique, et ils détestent se salir les mains dans l'opérationnel. Leur souci est de faire bonne figure en toutes circonstances, de montrer qu'ils sont des gens bien élevés, pondérés, capables de peser le pour et le contre, et de ne jamais se départir de cette forme de morgue et de bienséance qu'on enseigne au lycée Franklin et dans les maisons bourgeoises. Pour eux, l'audace, la prise de risque, sont la marque d'un manque d'équilibre personnel. Or on sait que pour gérer une crise, il faut savoir oser, prendre des décisions rapides et risquées, ne pas avoir peur de son petit doigt, et savoir pousser des coups de gueule pour que les choses avancent plus vite. Tout ce que les énarques détestent. Bref, nous avons une haute d'administration faite d'officiers d'états-majors, quand nous avons besoin de colonels de hussard pour remporter la bataille.
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