lundi, juin 24, 2024

L'affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français (Dominique Missika)

La « grande famille » du cinéma français dans toute sa splendeur.

Il me plait d'autant plus d'évoquer ce sujet que la résurgence de la judéophobie (1)  en France ne cesse de m'inquiéter.

Bien sûr, il y a la judéophobie musulmane, transplantée en France par le Grand Remplacement.

Mais pas seulement, d'autres (Soral, Meyssan, Jovanovic, Durain  etc), sous prétexte de critiquer le « judaïsme talmudique » et le « sionisme », remettent au goût du jour les pires clichés anti-juifs : peuple comploteur pratiquant les sacrifices humains. Et certains d'entre eux sont catholiques !

Ils se croient supérieurement intelligents, ayant compris des choses cachées que les naïfs dans mon genre ne comprennent pas. Il sont juste méchants et idiots : la complexité du monde les dépasse, ils ont besoin de s'inventer des mécanismes cachés simples. Les demi-habiles sont une calamité biblique.

Je soupçonne qu'il y a aussi une soumission femelle, plus ou moins consciente, au mâle viril du moment : le barbu musulman.

Quittons ce préambule.

Un passionné de cinéma

Nohum Tannenzapf est un juif roumain né en 1886. Passionné d'image, assez vite, il s'oriente vers le cinéma.

Il immigre en France. Il se marie à une Française.

En 1911, il est condamné pour outrages aux bonnes mœurs pour des films « grivois ». Ses ennemis en feront plus tard des tonnes sur ce sujet, le qualifiant, comme un dirait aujourd'hui, d'acteur porno. C'est très exagéré.

Il faut noter, pour remettre les choses dans le contexte, que beaucoup de maisons de production s'y livrent pour arrondir des fins de mois, parfois difficiles.

Il fait une « belle guerre », suivant l'expression de l'époque. Sa condamnation est effacée et il est naturalisé sous le nom de Bernard Natan.

Avec la réussite, les ennuis, et la jalousie, commencent.

Le premier en France, il tente une intégration verticale de la production de films, avec des techniques de pointe.

Première faute : il étale trop sa réussite, très parvenu, nouveau riche. On ricane dans son dos. Bien des pique-assiettes ayant profité de ses largesses et de ses soirées fastueuses sauront s'en méchamment souvenir. Il ressemble (hasard ?) au châtelain juif joué par Dalio dans La règle du jeu (un film que j'adore, mais c'est une autre histoire).

Il aide financièrement Mélies qui, tombé dans la misère, tient une petite boutique de fleurs à la gare Saint Lazare.

En 1929, il rachète ses parts à Charles Pathé et l'entreprise devient Pathé-Natan. Charles Pathé a alors une attitude ignoble, déshonorante : il savonne la planche, dans le dos, en traitre, de celui à qui il a vendu ses parts. Deuxième faute de Natan : il ne se méfie pas de Pathé.

Natan finance aussi les balbutiements de la télévision.

Mauvaise date : 1929, c'est l'année du krach de Wall Street, qui fera sentir ses effets en France deux ans plus tard. Pathé-Natan, comme tous ses concurrents, souffre beaucoup. Natan doit se battre pour survivre et ce n'est pas toujours blanc-bleu.

En 1936, Pathé-Natan dépose le bilan mais continue son activité.

En 1938, Natan est arrêté pour escroquerie après une campagne de presse immonde et condamné en 1939 à cinq ans de prison. C'est la vengeance des jaloux et des judéophobes.

La justice aussi est immonde. Le réquisitoire du procureur a un ton et un vocabulaire pamphlétaires, bien loin de la sérénité et de la mesure qui siéent à un magistrat. Le célèbre avocat Maurice Garçon, pourtant anti-juif, en est choqué.

Il y a bien eu escroquerie, mais fort légère, et les victimes en étaient des margoulins, elle a été grossie hors de proportion et la peine est très excessive.

On notera que Pathé n'a pas été liquidée et fut florissante après ce passage à vide. Il semble qu'Ernest Mercier, polytechnicien fondateur de ce qui s'appelle aujourd'hui Total, fut à la manœuvre pour profiter de la chute de Natan (Mercier est lié à la famille Dreyfus, difficile de l'accuser de judéophobie).

Natan est l'une des « vedettes » des expositions anti-juives organisées après la défaite.

En 1942, toujours en prison, il est déchu de sa nationalité française et livré aux autorités allemandes en tant que juif apatride (rappelons que c'est un décoré de guerre). Il meurt en 1942 à Auschwitz.

Sa réhabilitation commence en 1996, pour le centenaire de Pathé, et une plaque d'hommage est dévoilée à la FEMIS.

Un milieu de pourris

Cette histoire n'est à la gloire ni de la France ni du milieu du cinéma.

Jean Dréville poursuivra Marcelle Natan de ses injures jusqu'à la fin de sa vie. Elle est belle, la hauteur d'âme des « grands » artistes.

Un mot de conclusion : la Mal est partout en l'homme. Mais les gens de cinéma et de télévision vivent d'images et, souvent, de leur image. Cet état de fait, de profession, prédispose aux sentiments les plus bas. Il est dans l'ordre des choses que ce soit un milieu de pourris.

L'équipe du Splendid, vachement cool, n'est-ce pas ? Et bien, Anémone raconte que les Lhermitte, Jugnot et compagnie ont monté en douce une société sans lui en parler pour la spolier d'une partie des bénéfices du Père Noël est un ordure.

Cette grande dégueulasserie met en perspective l'élan purificateur qui s'est emparé des moralistes du cinéma français depuis quelques temps.

J'aime le cinéma, mais je n'ai jamais compris qu'on puisse admirer les gens de cinéma pour autre chose que pour leurs qualités professionnelles. Les opinons des acteurs et des metteurs en scène sur la vie, la mort, l'amour, la politique, je m'en fous comme de colin-tampon.

Le Caravage et de La Tour étaient des voleurs et même un petit peu des assassins,. Il ne serait pas venu à l'esprit de leurs commanditaires de tenir compte de leur avis sur quoi que ce soit à part la peinture.


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(1) : je préfère ce mot à « antisémitisme », plus flou, plus ambigu.

2 commentaires:

  1. Excellent article! (je ne suis pas juif)
    Pangloss

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  2. Je suis comme vous : la judéophobie ambiante me fout hors de moi, et elle est le fait aussi bien des gauchistes (le "soutien aux Palestiniens" est une énorme arnaque) , mais aussi le fait de certains opposants qui me foutent la honte.

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