Peu à peu, les tabous qui pèsent sur la vie politique française se lèvent. Désormais, on peut dire que l'égalité des chances est une escroquerie. Mais que cette évolution est lente.
Jean-Paul Brighelli, auteur de La fabrique du crétin, est un farouche anti-libéral, mais il n'a pas répondu à ma lettre sur le sujet.
Encore un article du Figaro (ça devient une habitude).
L'égalitarisme, ce grand pourvoyeur d'inégalités
«Beaucoup d'étudiants ont exprimé de vraies inquiétudes sur la valeur de leur diplôme, sur leur accès à l'emploi, sur leur avenir», dit le président... Mais depuis une ou deux minutes, qui écoute encore, dans cette foule rassemblée sur la place de la Bastille, ces dizaines, ces centaines de milliers de personnes jusque-là attentives, partout en France, l'oreille collée à la radio, l'oeil fixé sur la télévision ? Quand Jacques Chirac a annoncé : «J'ai décidé de promulguer cette loi», des hurlements se sont élevés, et le reste du discours s'est perdu. Pour tout le monde.
Dommage. On arrivait au noeud de la question : moins le chômage des jeunes, leur insertion dans un monde adulte décidément bien hermétique, que leur formation, leur éducation, leur adéquation au monde. Qui peut croire qu'une loi mal ficelée, quelles que soient ses intentions réelles, suffit à mettre dans la rue, chaque semaine, deux à trois millions de manifestants ? Ce qui s'exprime depuis un mois dans les lycées, les universités et la rue, à travers le filtre déformant d'un discours pseudo-politique, c'est une anxiété, une angoisse existentielle.
A cette panique, bien des causes : crise rampante, taux de chômage élevé, révolution technologique en marche, redistribution des cartes au niveau mondial. Mais, au plus profond, la peur d'affronter des temps nouveaux.
Deux mots d'ordre mortifères ont jeté depuis quinze ans trop de jeunes vers des impasses. «Égalité des chances» et «réussite pour tous» ont annihilé le sens des réalités. «Égalité des chances», escroquerie sémantique inventée par Pétain contre l'«égalité du droit à l'instruction» de la IIIe République, a été repris sans sourciller par la loi Jospin de 1989, d'où est issu «Réussite pour tous», enfant naturel de ce pédagogisme sectaire qui place l'enfant «au centre du système» et la culture aux oubliettes. Comme disait Pierre Naville, l'expression «égalité des chances» est contradictoire dans ses termes. L'égalité des chances, si elle est un droit, et non un fait, recouvre une inégalité virtuelle, qui est un fait. Et la «réussite pour tous» a légitimé la casse du système scolaire et la baisse programmée du niveau, aussi bien celui des élites que celui des élèves en difficulté : l'égalitarisme est plus grand pourvoyeur d'inégalités que l'appartenance de classe. D'où le blocage de l'ascenseur social.
Résultat ? Une inflation des diplômes, et un écart croissant entre ces bouts de papier dévalués et la compétence réelle. Les instituteurs des enfants du baby-boom étaient recrutés au niveau du brevet. Aujourd'hui, un «professeur des écoles» est retenu au niveau licence. Il est vrai qu'il bénéficie alors de deux ans d'IUFM, ce qui bien évidemment change tout...
On a inventé des dizaines de bacs pour que l'objectif assigné au système par Jean-Pierre Chevènement (80% d'une classe d'âge au bac) soit atteint. Mais les examens, dont les résultats sont adaptés aux exigences de la démagogie, ne constituent même plus un rite de passage, qui s'effectue désormais dans la rue.
Et après ? Que faire de ces bacheliers sans bagages ? On les envoie en fac.
En France, les seules formations post-bac qui privilégient la qualité, sinon l'excellence, sont des voies courtes, BTS, IUT et classes préparatoires. Ce sont – est-ce un hasard ? – des systèmes hautement sélectifs, à l'entrée comme en cours de formation. Le reste, l'immense reste des bacheliers, s'engouffre dans des universités où l'on décante et déchante vite.
Trop de jeunes par ailleurs sont précocement spécialisés, ce qui ne correspond guère aux demandes des entreprises, qui réclament majoritairement une polyvalence – ce que l'on appelait autrefois une culture. Et trop de jeunes ne sont pas formés du tout.
La politique scolaire actuelle, loin de privilégier les savoirs, qui seuls forment une culture, a choisi de promouvoir de supposées «compétences». Elle prétend former à la «citoyenneté» alors qu'elle exalte l'individualisme dans ce qu'il a de plus caricatural, ce relativisme des idées et des discours selon lequel une opinion en vaut bien une autre.
Il est plus que temps de sonner la fin de la récréation. «Je demande au premier ministre et au gouvernement, a conclu Jacques Chirac vendredi soir, d'ouvrir un grand débat national sur les liens entre université et emploi, afin de faciliter l'insertion professionnelle des jeunes...» Un «Grenelle» de l'Éducation ? Bonne idée. La rue, qui abrite le ministère de M. de Robien, s'y prête.
excellent article en particulier pour le résumé sur notre systeme éducatif... sorti de "la fabrique des crétins", je vous encourage si vous n'êtes pas trop atteint ;-)la lecture de la "fabrique des meilleurs" de P Fauconnier.
RépondreSupprimerVous noterez l'absence inquiétante de médiatisation autour du vote du pacte pour la recherche (je donne 5 ans à vivre à la recherche française...)
Les blouses blanches sont peu enclines au lancer de pavé.
Un livre blanc existe depuis 2003, c'est le bilan des états généraux de la recherche (EGR). On nous y reprendra.
Par ailleurs, les discours des "présidentiables" 2007 sur l'enseignement sont d'une pauvreté affligeante et plein de bons sentiments infectes.
Denis (ex-chercheur en science de la vie, bac+8, neo-chomeur, refusé à l'IUT car nul en math, pas parti au états unis...)