mardi, octobre 21, 2008

Naouri, la suite (le retour de la vengeance du fils)

A mon message précédent, j'ajoute deux exemples de la manière de raisonner de Naouri :

> s'agissant des difficultés de coucher, il est radical : il préconise de toujours choisir, entre les idées du père et de la mère, la solution la plus brutale et la plus frustrante, car tout ce qui adoucit la séparation nocturne renforce l'enfant dans l'idée qu'il a raison d'avoir peur, d'une part, et, d'autre part, prolonge l'idée qu'il commande ses parents.

Bref, une séparation nocturne nette et sans remords aide l'enfant à grandir.

Il ajoute que, pour les parents, discuter de pourquoi la solution la plus brutale est meilleure et de pourquoi cela dérange l'un des deux (souvent la mère, mais pas toujours) est une source d'enrichissement et de connaissance mutuelle.

> s'agissant des difficultés pour manger,Naouri part du principe qu'un enfant ne se laisse pas mourir de faim et qu'il est inutile de le forcer. Forcer un enfant à manger, c'est pour les mères un rappel de leur rôle nourricier. C'est donc le narcissisme et l'ego de la mère qui sont en cause, non la santé de l'enfant.

C'est pourquoi, dans toute son expérience de pédiatre, Naouri a constaté que le conseil qu'il est inutile de forcer un enfant à manger est totalement inaudible des mères qui ont ce penchant.

Il a donc un truc simple, il prescrit un fortifiant anodin mais avec cette recommandation : «L'effet du fortifiant disparait si l'enfant mange trop.»

Enfin, une remarque intéressante : le sexe doit garder pour les enfants du mystère. En effet, les psychanalystes estiment que la curiosité sexuelle est le moteur de toutes les autres curiosités. Naouri ne dit pas «Si vous voulez que votre enfant s'intéresse à l'école, ne répondez à ses questions sur le sexe que par le strict minimum» mais il y a de cela.

On comprend donc à quel point, en ce domaine comme dans tant d'autres, l'école se tire une balle dans le pied avec son obsession de l'éducation sexuelle, de tout dire et de tout montrer.

Naouri conseille fortement le respect de la pudeur parental (et de celle des enfants également) : pas d'enfants dans le lit ou dans la salle de bains quand les parents y sont nus.

Quand la punition est nécessaire, il préconise une punition immédiate, claire, sans remords ni justification, il peut éventuellement y avoir une explication mais il ne faut pas qu'elle sonne comme une justification, elle doit être brève et factuelle.

Bien entendu, il ne s'agit pas ensuite de couvrir l'enfant d'attentions pour se faire pardonner la punition : les parents sont légitimes à punir, ils n'ont rien à se faire pardonner. Quand l'enfant est calmé et la punition accomplie, on passe à autre chose, on fait comme de rien n'était, on tourne la page.

Comme punition, il préconise l'isolement, la mise au coin.

Naouri rappelle que les parents ont l'impérieux devoir d'être exigeants et rigoureux avec leurs enfants (1) pour les préparer à une vie d'adultes équilibrée. La séduction, ça fait plaisir aux parents, mais c'est très nocif pour les enfants, ce qui leur faut, c'est l'éducation.

Mais cela concerne aussi l'entourage : entre la grand-mère qui couvre continuellement de cadeaux et celle qui ne marque que certaines dates bien précises, laquelle aide le plus l'enfant à se structurer ?

Si les préceptes de Naouri vous rappellent par bien des cotés l'éducation «à l'ancienne», ça n'est en rien un hasard. Notre époque bavarde et prétentieuse fait mine de considérer que tout ce qui la précède est vieillot, ringard, et ne mérite aucun respect.

Mais de quoi les «modernes» peuvent-ils donc être si fiers ? L'éducation traditionnelle a convenu à des centaines de générations, l'éducation moderne a fabriqué en une génération des masses d'ignares vaniteux, capricieux et colériques, mal dans leur peau et découragés pas la moindre difficulté. Beau succès, vraiment !

Notre époque serait-elle capable de produire un Blaise Pascal, dont Naouri remarque que nulle part les écrits ne gardent la trace du fantasme infantile de la toute-puissance ?

Comme exemple d'éducation, Naouri cite Helen Keller. Atteinte d'une scarlatine en bas âge (nous sommes en 1880), Helen est sourde, muette et aveugle.

Elle est colérique et violente. Ses parents, qui l'entourent d'autant de soins qu'ils peuvent, qui la couvent,désespèrent. Elle est vue comme un monstre par son entourage.

Survient alors le coup de chance : ils embauchent une éducatrice, Anne Sullivan (ce nom mériterait d'être affiché à l'entrée de toutes les écoles normales), qui bouscule et violente leur fille, pas en vain et par sadisme, mais dans le but de la faire agir et de la rendre autonome.

L'erreur des parents a été, dans leur volonté de bien faire, de trop entourer leur fille et de trop la protéger. Anne Sullivan interrompt ce comportement nocif, n'hésitant pas à passer plusieurs jours dans une petite maison avec Helen afin de la couper de ses parents.

Se produit alors ce qui fut considéré comme un miracle et ressort surtout de l'art de la pédagogie élevé au plus haut point : Helen révèle des capacités exceptionnelles, apprend le braille et fait des études universitaires.

Si Helen était restée seulement entourée de l'amour de ses parents et laissée à elle-même, libre de développer ses talents, elle n'aurait rien développé du tout.

Un livre écrit par Helen Keller elle-même raconte ce «Miracle en Alabama», dont il a été tiré un film. C'est une jolie histoire et elle illustre magnifiquement les propos de Naouri.

(1) : il ne s'agit pas de transformer les parents en bourreaux d'enfants, comme caricaturent des irresponsables. Naouri insiste sur l'interdiction du caprice parental, dont l'autoritarisme, dévoiement de l'autorité due à une utilisation aléatoire et excessive, est une des formes, et aussi l'interdiction du moindre châtiment corporel.

8 commentaires:

  1. Il ne faudrait pas forcer les enfants à manger car ils ne se laisseraient pas mourir de faim ? Mais l'imbécile qui a dit ça a-t'il prit en compte tout les penchants naturels des enfants ? en particulier celui pour le sucre. Je veux dire par là que si on ne force pas un enfant à manger et qu'ensuite il se nourrit de lui-même, je doute que son repas soit très équilibré et qu'il en ai quoi que ce soit à faire. Quelle solution alors ? Leur faire un cours sur l'équilibre alimentaire ? Là aussi j'ai de gros doutes sur l'efficacité de la chose. Les punir pour ça ? manger deviendrait une corvée, rien de mieux pour les dégouter. Alors ?

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  2. Mathieu, hormis le penchant pour le sucre, il existe un problème particulier, chez l'enfant comme chez l'adulte d'ailleurs (ils sont tous deux des humains), que tout le monde s'obstine à prendre pour de la simulation au lieu de saisir la Recherche sur cette question précise pour détecter d'où vient le problème et tenter d'y trouver des remèdes médicaux (c'est bien plus intéressant de faire souffrir le gamin et de le traumatiser !) : c'est l'impossibilité de supporter le goût d'un aliment ou d'une famille d'aliments. J'en parle comme vécu parce qu'étant dans ce cas, encore aujourd'hui et sans doute pour toujours. A Alternative Libérale, vous ne semblez guère décider à appliquer aux enfants les principes que vous préconisez, "heureusement et à très juste raison", pour les adultes ! Faut-il donc en déduire que le bonheur, ou une vie ordinaire et monotone à l'âge adulte, n'est possible qu'à la stricte condition d'avoir subi les pires supplices durant l'enfance ? Ceci dit, il faut vous laisser ce brin de modestie vous faisant terminer sur une question, honnête reconnaissance implicite qu'avec les enfants les principes étant plus faciles à édicter qu'à mettre en pratique, il n'est peut-être pas de méthode "miracle" et universelle d'éducation. Modération qu'on peut légitimement souhaiter, mais peut-être en vain, voir apparaître un jour chez votre ami Franck...

    Franck, je n'ai plus qu'un mot à vous dire : cet auteur dont vous êtes fan est un fou ! Je le croiserais sur un trottoir avec un môme, je passerais sur l'autre. Maintenant, vous êtes libre, à chacun son masochisme, paraît-il que certaines femmes battues prennent plaisir à la chose (pourquoi pas, tant qu'il ne s'agit pas de moi, ça ne me dérange pas) mais JAMAIS vous (ni personne) ne me convertirez sur ce sujet.

    Têtatutelle

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  3. J'ai entendu dire de source médicale, qu'un nourrisson déshydraté prenait toujours le biberon de sel à la place du biberon de sucre...
    Eh bien, un enfant ne devrait pas avoir un total accès aux sucreries, de la même façon qu'il ne devrait pas avoir accès à l'eau de javel, aux vases en cristal etc... avant d'être en âge de vivre à côté sans dommages. Il n'est pas question de faire des enfants traumatisés, il est question de les éduquer. Quand l'heure de manger est passée, elle est passée.
    Faire l'effort de goûter n'est pas surhumain. J'en ai vu, des gamins devant leur assiette dire "j'aime pas ça" sans avoir goûté. Et la maman s'empressant de dire "oui mon chéri, pas de problème, tu peux sortir de table" et l'autre se ruant discrètement sur les biscuits et autres (accessibles bien sûr! "le pauvre, il n'a rien mangé").
    Et ça aussi ça fait partie de l'éducation. On n'aime pas, c'est possible, mais on reste à table en famille et on n'a pas accès bien sûr aux "sucreries", on attend le repas suivant!
    Il peut y avoir des goûts qui "fâchent", il est évident qu'il faut les respecter, et ne pas faire de l'autoritarisme qui est tout sauf de l'éducation. De là à intervertir les rôles...
    Enfin, vaste sujet. Quant à moi, je serrerais volontiers la main à ce Monsieur. C'est sur les principes qu'il donne que nous avons élevé nos enfants et nous en sommes très heureux, eux les premiers :-)

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  4. C'est sur les principes qu'il donne que nous avons élevé nos enfants et nous en sommes très heureux, eux les premiers :-)"

    Et bien vous avez bien de la chance ! Moi j'aurais été éduquée comme ça je me serais taillé les veines, et bien avant l'adolescence ! Laisser seul dans le noir complet un enfant qui a peur, on aura tout entendu ! Et s'il crie la nuit entière ? Les parents n'arriveront pas à dormir, l'enfant aura donc "quand même" gagné, elle leur fera donc une belle jambe leur autorité !

    Quant au manger, je parlais bien sûr pour ceux qui ont goûté mais certains n'aiment pas grand chose et on y peut rien. Quant à supprimer le goûter, c'est oublier les différences d'appétit des uns et des autres (moi adulte, je goûte encore !) et imposer un goûter au fromage au lieu du chocolat c'est interdire tout plaisir : le plaisir est-il réservé à l'adulte, en quel honneur ?

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  5. @ Sylvie

    Ca me rassure de voir que tout le monde n'est pas tombé sur la tête.

    Rappelons les trois causes que donnent Naouri de l'infantolâtrie qui sévit (je crois d'ailleurs n'en avoir donné que deux dans mes messages précédents) :

    > la contraception : désormais les enfants sont voulus.

    > l'émancipation des femmes (et la fragilisation des couples)

    > un intérêt commercial bien compris.

    La société est devenu une véritable machine à entretenir l'infantolatrie : par exemple, les rapts et les meurtres d'enfants et autres faits divers sordides du même acabit ont toujours existé. Il n'y a que dans notre société où pas une semaine se passe sans qu'ils fassent la une des journaux, martelant ainsi aux parents le message le plus stressant qui soit «votre enfant est en danger, vous devez le protéger».

    De même, je suis légèrement perplexe quand je vois l'attirail de samouraï dont on habille les enfants avant de les mettre sur un vélo. Mes souvenirs les plus marquants de vélo sont des gadins mémorables.

    Il me semble qu'on marche sur la tête : d'un coté on traite les enfants comme de pauvres petites choses fragiles, de l'autre on en fait les égaux, voire les supérieurs, des adultes. Ma perspective est totalement inverse : les enfants sont certes inférieurs, mais il est du devoir des parents de les aider et de les pousser à s'émanciper, ce qui suppose l'acceptation d'une certaine dose de risques.

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  6. Il y a une chose qui va dans le même sens et qui me choque à chaque fois que j'en entends parler : il est fait implicitement référence que quand un enfant meurt dans des circonstances dramatiques sa vie vaut plus que celle d'un adulte. En quoi la vie d'un enfant aurait-elle plus de valeur que celle d'un adulte ?

    je me souviens d'un reportage où juste avant sa diffusion deux mères qui étaient persuadées que leurs enfants étaient les 8èmes merveilles du monde ont vu comment ils se comportaient dans une cour de récréation. C'était assez répugnant pour qui croit encore à l'innocence de ces chers bambins. Elles ont eu le choc de leur vie : leurs gosses maltraitaient avec violence et délectation d'autres enfants.

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  7. Naouri explique très bien : un enfant est censé porter pour ses parents une part d'immortalité, puisqu'ils survivront en lui après leur mort.

    C'est pourquoi la mort d'un enfant est si affreuse pour les parents : en lui, ce sont aussi eux qui meurent.

    Mais, du point de vue de la société, je suis d'accord avec vous : cette surévaluation systématique des enfants est révélatrice d'une perte de repères.

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  8. "Par exemple, les rapts et les meurtres d'enfants et autres faits divers sordides du même acabit ont toujours existé. Il n'y a que dans notre société où pas une semaine se passe sans qu'ils fassent la une des journaux, martelant ainsi aux parents le message le plus stressant qui soit «votre enfant est en danger, vous devez le protéger».

    C'est bien, c'est bien, continuez et sourtout "augmentez" la provocation !

    Oui ils sont fragiles, et bien justement raison de plus pour comprendre qu'il est normal qu'ils aient peur dans le noir !

    Et justement encore (comme je le dis dans mon dernier message de votre premier article), la mort d'un enfant étant terrible pour des parents, il est là encore normal qu'ils fassent tout pour empêcher un éventuel suicide.

    Quant à la cour de récréation, je suis " la PREMIERE" à savoir de quoi vous parlez, Théo !" sauf que.......je me situais malheureusement du "mauvais côté", celui de celle qui prenait constamment les coups et sans.....jamais se défendre !! Donc il est question là encore une fois d'adopter une position modérée car équitable : punir les agresseurs soit, mais soutenir voire protéger au besoin les agressés.

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