J'avais une idée assez simple de Louis XIV : comme libéral, je n'aimais pas sa monarchie absolue ; comme Français, je trouvais qu'il avait travaillé à la gloire de la France mais qu'il en avait trop fait.
Mais au fil de mes lectures, je m'aperçois que la monarchie n'était pas si absolue. Les traditions et les particularismes font une masse de micro-contre-pouvoirs.
Par exemple, il ne serait jamais venu à l'esprit du roi d'interrompre une procession pour faire passer son carrosse. Comparez aux voitures à gyrophare sirène hurlante. C'est bien sûr anecdotique, mais significatif.
Nos dirigeants, du fait qu'ils sont élus par le peuple souverain, à la tête d'un Etat tentaculaire, se sentent beaucoup de droits et bien peu de devoirs. Comme dit l'expression populaire, ceux-là, tout leur est du.
A contrario, le roi, du fait qu'il devait être à l'image du Christ, à la fois maître et serviteur, se sentait de très lourds devoirs. De plus, il servait un Etat d'une taille ridicule par rapport au nôtre.
Le roi était peut-être le maître en son royaume, il ne faisait par pour autant ce qu'il voulait, notamment avec le contre-pouvoir que représentait la noblesse et surtout les parlements qui faisaient régulièrement échouer les projets de la monarchie.
RépondreSupprimerA côté, il y avait aussi un ensemble de lois et de règles qui limitaient sévèrement le pouvoir du roi.
Au passage, je crois me souvenir avoir lu que dans ces temps "barbares", le roi n'avait besoin dans ses déplacement que d'un faible escorte - une dizaine de mousquetaires - quand nos présidents actuels rameutent des escouades de CRS et autres gardes mobiles.
RépondreSupprimerA titre personnel, je ne peux voir en Louis XIV un roi bénéfique pour le royaume de France en raison de la rupture de l'Edit de Nantes.
Bien que la réforme de ce dernier fut rendu nécessaire par les privilèges qu'il accordait aux protestants - bien que Richelieu eut déjà amoindri certaines choses -, sa révocation pure et simple a fait fuir du royaume des capitaux humains et financiers qui sont aller faire les beaux jours de l'Angleterre, de la Suisse et de la Prusse - voir la dessus notamment le témoignage de Vauban -.
Frédéric I opportuniste promulga l'édit de Postdam qui, pendant de la révocation française, fit de Berlin une terre d'accueil des protestants français en fuite et marqua une rupture en faveur du royaume de Prusse - qui devint ce que tout le monde sait un siècle et demi plus tard -.
Pour rejoindre votre message suivant, nous ne pouvons que constater une hélas permanence dans certains atavismes politiques français - qui a parlé de l'ISF ou de l'instabilité fiscal ?-.
Cordialement
Sur un règne si long, il est inévitable qu'il y ait des fautes.
RépondreSupprimerMais il me parait évident que l'actif est supérieur au passif.
La monarchie asbsolue.
Absolue = "parfaite". Pas de contresens qui consisterait à lui donner un sens totalitaire.
Le pouvoir est de droit divin, oui. Mais dans les fais, le Roi, ne pouvant gouverner seul, délègue une partie de ses pouvoirs, ce qui revient à laisser se créer des contre-pouvoirs. LXIV a voulu mettre au pas ces contre-pouvoirs, ce qui doit se comprendre dans un contexte de lassitude face aux chaos.
L'ordre.
Le souvenirs des guerres de Religion ne sont pas lointains. Les désordres de la Fronde ont épuisé la France. Le peuple est à l'unisson pour réclamer l'ordre, que lui donne le roi.
(Au passage, si la Pologne avait eu un Louis XIV, au lieu de ses institutions "progressistes", elle n'aurait pas disparu de la carte pendant un siècle et demi. Les temps n'étaient pas mûrs pour la démocratie et la liberté, voilà tout).
L'art.
L'aspiration à l'ordre se retrouve aussi dans les Arts, et ce n'est pas un hasard si ce que a été crée en ce temps là a marqué notre inconscient collectif et fait, encore aujourd'hui, l'admiration de tous.
L14 doit prendre sa part dans cette réussite exeptionnelle. Il a été le chef d'orchestre de la réalisation de Versailles. Et la postérité a validé ses choix artisitiques. Je n'aurais pas la cruauté de comparer avec nos présidents.
La guerre.
Louis XIV a trop fait la guerre, il l'a lui-même reconnu. Mais il était difficile de ne pas profiter d'une situation géopolitique exceptionnelle en début de règne. Le traité de Westpahlie fait de la France l'arbitre de l'Europe. Belliqueux en début de règne, LXIV s'est trouvé sur la défensive à la fin. Et la France a tenu bon.
Il est curieux que l'on reproche ses guerres à ce roi, tandis que celles de Napoléon sont louées. Pourtant, le premier était plus raisonnable que le second. Et l'essentiel de ses conquêtes a été conservé.
La révocation de l'Edit de Nantes.
Une faute commise sous la pression de la société. Rappellons tout de même que l'Edit était un accord provisoire, appelé à cesser un jour ou l'autre.
Affaire Fouquet.
Une faute.
En dehors de ces deux affaires, le règne a été, à l'intérieur, incroyablement stable selon les critères du temps. 1643 - 1715. 62 années !
En conclusion, je pense qu'il s'agit d'un des règnes les plus extraordinaires de l'Histoire même si des fautes ont été commises. La France a souffert, mais a énormément gagné en prestige.
Pour juger, il faudrait pouvoir calculer les bénéfices et dividendes (spirituels et économiques) apportés par ce prestige, et dont elle a bénéficié par la suite.
Et comparer, par exemple, avec ceux apportés par la Révolution et l'Empire.
"Nous sommes un pays dysfonctionnel. Nos us et coutumes sont inadaptés à la démocratie à l'anglo-saxonne, qui, nolens volens , est la forme moderne de la démocratie. Les manifestations actuelles ressemblent à nos vieilles jacqueries : des explosions de colère sans but ni avenir. Et le microcosme médiatico-politique ressemble fort à l'ancienne aristocratie dans ce qu'elle avait de pire."
RépondreSupprimerVous répondez vous-même à votre question, puisque ces us et coutumes (colbertisme, centralisme, pas de contre-pouvoirs => absolutisme) se sont établis sous Louis XIV, ainsi que la finalisation de l'espace français(hors Corse, Nice et Savoie) , œuvre millénaire des capétiens. De tout temps, de nombreux français ont attendu leur promotion sociale du Roi ou du Pouvoir plutôt que par leur travail.
Me vient en tête à ce propos la réponse des armateurs malouins de la Compagnie des Indes Orientales qui surpris tant Louis XIV, quand celui-ci leur demanda ce qu'il pouvait faire pour eux (afin de concurrencer le commerce anglais florissant dans l'indien) : "Sire, surtout, ne faites rien !" Il s’agit bien du contre-exemple parfait de ce qu’est l’esprit français vis-à-vis du pouvoir !
@ Pytheas
RépondreSupprimerL'Etat français au XVIIe siècle était considéré comme moderne et efficace, et pour cette raison, a été imité.
Le centralisme étatique dans un royaume où l'on met une semaine pour aller de Paris à Marseille n'est pas la même chose que celui du vingtième siècle. L'évolution ultérieure de l'Etatisme trouve une partie de ses racines dans l'Etat Royal, évidemment. Mais, il faudrait plutôt regarder du côté de la "longue révolution" pour en trouver les vraies causes.
"De tout temps, de nombreux français ont attendu leur promotion sociale du Roi ou du Pouvoir plutôt que par leur travail."
Ah bon ? C'est un tout petit plus compliqué que ça, il me semble.
Pytheas,
RépondreSupprimerJustement, je ne suis plus aussi sûr que je le fus que Louis XIV est à l'origine des mauvaises habitudes que nous dénonçons.
Je connais la thèse Marc Fumaroli dans son livre sur La Fontaine : l'affaire Fouquet est la victoire funeste du parti colbertiste (jacobin) sur le parti fouquetiste (girondin).
Je doute.
@Franck ; il est plutôt sain de douter. Le Colbertisme a eu ses succès. Cependant, même si je suis fier de cette période faste de l’histoire de mon pays, je reste réservé sur les principes mis en application. Colbert avait du nez ; il mit en place une stratégie de guerre économique pour limiter la puissance anglaise. Celle-ci eu des succès. Mais ces courts succès ont leur revers : tout attendre d’un Etat omnipotent, pli dommageable à long terme pour la France.
RépondreSupprimerLes mesures protectionnistes permirent l’essor de grandes manufactures, mais aucune libéralisation ne se fit pour leur permettre de passer à une deuxième phase de croissance (ce que la Corée du Sud a su faire au XXe).
L’excès de centralisme politique, héritage des capétiens, renforcé par Richelieu et consolidé par l’échec de la Fronde mis fin à l’opposition des grandes familles. La volonté de contrôle issue des menaces pour l’unité du royaume ne permit jamais une décentralisation efficace. Le pli était pris ; la France se ferait depuis Paris.
Enfin, l’activisme de Colbert sur les colonies fut le plus cuisant échec ; le contrôle étatique, loin de susciter les vocations, ne permis même pas de tenir des comptoirs commerciaux (cf l’exemple des armateurs malouins, la perte de Madagascar, etc.) . Là encore, la comparaison avec le pragmatisme anglais (qui laissait faire les commerçants, quitte à leur fournir un support armé) nous est désavantageuse.
Pourtant, que de talents nous avions alors ! Les corsaires français, sur de mauvais bateaux, tinrent tête plus efficacement à la Navy que nos armadas mal commandées (lire absolument les mémoires de Garneray) !
@Nico : Bien entendu, le centralisme au XVIIe et celui du XXe n’ont rien à voir. En revanche, en terme de culture politique, ils ont tout à voir. La culture politique française en est profondément marquée.
Si un Etat structuré comme la France est moderne au XVIIe, il l’est surtout car il correspond bien aux problématiques du temps et de l’espace. Ce qui fait la modernité est la capacité de répondre à certains objectifs malgré certaines contraintes. Il est triste de remarquer que nous fonctionnons aujourd’hui avec une structure obsolète, en vivant dans le souvenir de la réussite de ce modèle. Un peu comme ces généraux qui pensaient pouvoir gagner en 40 avec la stratégie qui fit gagner en 18.
Enfin, si la formulation que vous relevez ne brille ni pas sa nuance ni par son originalité, je persiste à penser que le caractère français a intégré la toute puissance étatique qui peut ‘faire’ une carrière sans une once de talent. Ce blog s’en fait souvent l’écho.
Ce trait culturel se retrouve partout ; j’ai rencontré récemment des gens d’une soixantaine d’années qui continuent à se présenter en donnant leur diplôme d’il y a quarante ans comme un titre…Etonnant !
Les diplômes de certaines écoles sont les nouveaux quartiers de noblesse et les syndicats les nouvelles corporations…
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RépondreSupprimerPour rejoindre l'observation finale de Pythéas, cette citation de Henri Lepage (1997) :
RépondreSupprimerD’un point de vue sociologique, il n’est pas interdit de penser que la notion de "service public" est, dans notre pays, consubstantielle à l’existence des grands Corps de l’Etat, et donc à la place des Grandes Ecoles dans la société française. Brièvement résumé, c’est l’assurance d’un débouché qui garantisse aux diplômés des Grandes Ecoles la jouissance des privilèges à l’accès desquels leurs titres scolaires leur donnent en principe droit. Dans cette perspective, on comprend mieux les raisons de cette immense conjuration des élites qui, envers et contre tout, assure la permanence de l’idéologie du "service public à la française".