Partisan de l'étalon-or, il est encore aujourd'hui une autorité reconnu du monétarisme.
Ce livre est son journal entre 1939 et 1945.
Lui ne le sait pas (son journal a été très peu retouché) mais le lecteur le sait : son fils ainé (il en en a 5), Jean, son préféré (ça se sent), centralien dans la métallurgie, juste parmi les nations, sera tué par les Allemands à la bataille du Forez le 21 août 1944. Il existe toujours une médaille Jean Rist des industries métallurgiques.
Il est aisé de se moquer des RMS (les Résistants du Mois de Septembre) mais il ne faut pas oublier que les Résistants de l'été 44, pour tardifs (pas Jean Rist) qu'ils furent, se sont vraiment battus et ce fut l'hécatombe (comme en témoignent les monuments un peu partout en France). L'efficacité militaire de la Résistance armée fut pratiquement nulle (ce n'est pas le cas des réseaux de renseignements) mais elle a sauvé l'honneur.
Ce contexte étant posé, que pensè-je de ce journal ?
Il est passionnant.
Charles Rist a des propos extrêmement durs pour la bourgeoisie française, petite et grande. Plus que certains communistes ! Il saisit tout de suite que la défaite est due à l'incapacité du gouvernement et du commandement, qui fuient leurs responsabilités en accusant les tares supposées du peuple français.
Il est impitoyable pour les militaires qu'ils accusent d'incompétence dans leur métier, la guerre, par paresse intellectuelle et par obsession anti-communiste. Aucune imagination. Routine, carriérisme. Je ne suis pas totalement sûr que les militaires d'aujourd'hui soient beaucoup mieux. Il cite Mac Mahon « On sous-estime toujours le manque de courage des généraux ».
Très révolutionnaire républicain, anti-catholique et anti-réactionnaire, son côté protestant, c'est le seul domaine où il écrit des vraies conneries.
Mais sa compréhension de l'information rend modeste et c'est là qu'est l'intérêt.
C'est un homme très bien informé et aux analyses souvent justes.
Il a entendu l'appel du 18 juin. Il comprend tout de suite ce que le pétainisme a de plus rance et que l'hypothèse sur laquelle il repose entièrement, la défaite prochaine de la Grande-Bretagne ( « L'Angleterre aura le cou tordu comme un poulet » de ce crétin-traitre de Weygand), est erronée. Dès l'été 1940, il n' a aucun doute que les Etats-Unis rentreront en guerre un jour aux côtés de la Grande-Bretagne et que l'Allemagne sera vaincue.
A la publication du statut des juifs d'octobre 1940 (qui le scandalise), il comprend (mieux que 99 % des historiens de 2022 !) immédiatement ce qu'il doit à la pression des Allemands et à la volonté de leur complaire.
Il a des notes rétrospectivement amusantes : dès janvier 1943, il écrit que les généraux allemands survivants rejetteront leurs fautes sur Hitler. Ce que certains historiens de 2022 (de moins en moins nombreux, heureusement), qui se fient aveuglément aux témoignages d'après-guerre, n'ont toujours pas compris.
Il ne cesse de râler contre le manque de combativité des anglo-saxons par comparaison aux Russes. C'est marrant à lire en 2022 parce que cette critique a été entièrement effacée par Hollywood. Pourtant, tous ceux qui connaissent cette période savent que nos Alliés de l'ouest ont eu de gros problèmes de motivation des troupes, spécialement de l'infanterie, et de qualité des généraux.
Le culte de la force et l'esprit systématique des Allemands le mettent hors de lui. Il juge que ce sont des gens tout juste capables de créer des systèmes philosophiques abscons (Rist parle et lit couramment l'allemand) et des symphonies extraordinaires.
Et pourtant, il ne cesse de rapporter des bobards, qu'on appellerait aujourd'hui des « théories du complot », en constatant que ce n'est vraiment pas facile de faire le tri du vrai et du faux. C'est une leçon : quand on commente, on s'égare vite.
Cependant, avec quelques principes simples (les militaires français sont des crétins (1), les Allemands sont des abrutis, les anglo-saxons et les Russes sont tenaces), Rist arrive à des analyses et à des prévisions étonnamment justes.
Extrait :
On n'a pas suffisamment remarqué l'origine des dictateurs : Mussolini instituteur, Staline séminariste, Hitler médiocre dessinateur, fils d'un petit employé des douanes, Laval pion de lycée fils de bouchère. Tous de petits bourgeois à éducation primaire, de faux intellectuels : tous sans scrupules, pleins de ressentiments et de désirs refoulés de richesse, et doués d'une forte volonté, aidée de ruse. Pas de purs paysans, pas de purs ouvriers, pas d'aristocrates ni de grands bourgeois dans ce groupe. Passion du pouvoir et haine des gens plus heureux ou plus cultivés, avec le mépris des faiblesses des meilleurs et plus encore de leurs scrupules, nés de l'éducation ou de la tradition. Tous sans religion et méprisant les croyances religieuses.
C'est marrant : pour moi, cette description correspond exactement à Sandrine Rousseau, Anne Hidalgo, Eric Piolle (maire de Grenoble) ou Grégory Doucet (maire de Lyon) et à beaucoup de ministres actuels.
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(1) : c'est amusant quand on sait tout le mal que Churchill, de Gaulle, Staline et Hitler pensaient des militaires. C'était moins vrai aux Etats-Unis.
Je ne pense pas que Staline ait eu une famille bourgeoise mais plutôt ouvrière.
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SupprimerVissarion était cordonnier. Très porté sur le vin rouge local.
Contrairement à Lénine...
RépondreSupprimerLe comportement de la bourgeoise française m'est d'autant plus insupportable qu'il y a eu dans ma famille de brillants contre-exemples: mon grand-père, fils de grand industriel du nord, tué à la veille de la libération de Strasbourg, après 4 ans de combat dans les réseaux de renseignement puis la division Leclerc. Ses trois beaux-frères, issus eux aussi de la grande bourgeoisie.
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