lundi, février 06, 2006
Armée de Chirac, armée de Napoléon le petit ?
L'émission C dans l'air est très souvent instructive. J'ai saisi un bout sur la dissuasion nucléaire. Un intervenant commençait à dire quelque chose de fort intéressant mais il a été interrompu par la publicité et la discussion a pris un autre chemin. C'est bien dommage, j'aurais été passionné par un développement.
Voilà ce que disait cet intervenant : "L'armée du second empire s'est dispersée en interventions extérieures, (Mexique, Maroc, ...) et, quand est venu le moment de remplir sa véritable mission, c'est-à-dire défendre le territoire et combattre l'Allemagne, elle s'est effondrée en quelques jours. J'ai peur qu'il en soit de même pour notre armée actuelle."
Or, je partage cette crainte. La situation a bien changé par rapport au XIXème siècle, mais la question que je me pose est la suivante : l'armée française d'aujourd'hui serait-elle capable de faire face à une menace grave et inattendue (ce sont les plus difficiles à maitriser) ?
L'exemple que j'ai en tête est la guerre des Malouines : si quelques mois avant, on avait dit aux Britanniques qu'ils auraient à mener, seuls, sans l'appui d'alliés, une guerre à l'autre bout du monde, ils auraient sans doute répondu que c'était fou que ce n'était pas prévu dans leurs plans. Ils s'en sont quand même sortis avec quelques improvisations. La France aurait-elle la même capacité en 2006 dans une situation aussi surprenante ?
C'est une grande et malheureuse tradition de l'armée française que de préparer la guerre d'avant plutôt que celle d'après. Cette mauvaise préparation a souvent été payée au prix du sang. Frappés par l'horreur de la guerre des tranchées, nous oublions les massacres de l'été 14, où des centaines de milliers de pioupious habillés comme des cibles de carnaval ont été fauchés à la sulfateuse.
Le problème aujourd'hui est que, même pour compenser l'impréparation au prix du sang, il faut du temps, qui est la chose la plus rare dans les guerres actuelles.
Les cent missiles qui manquent dans l'arsenal, le satellite espion qui n'a pas été lancé, l'escadron de Rafale qui est prévu pour dans trois ans, tout cela ne pourra pas apparaître, en cas de besoin, du jour au lendemain même avec de grands efforts.
Chiffre édifiant : en quinze ans, la dsiponibilité des hélicoptères de l'armée, moins nombreux pourtant, est passé de 70 % à 37 %. (je ne vous ai pas mis une photo d'hélicoptère mais de Miarge 2000 que je trouve très élégant)
La France est-elle encore indépendante militairement (1), c'est-à-dire encore souveraine, ou n'est-elle qu'une force supplétive des USA ? (Je rappelle pour les oublieux cette phrase de Condoleezza Rice : "Nous ferons la guerre et les Européens aideront les vieilles dames à traverser la rue.")
J'évoquais il y a peu un scénario où la France bombarderait seule les installations nucléaires iranniennes. A supposer, ce qui est par ailleurs exclu, que la volonté politique y soit, la France en aurait-elle les moyens ? J'en doute très fortement (il suffit de regarder une carte : 8000 km bien tassés à partir de la France...). Si on me demanndait de parier sur ce sujet, je parierais que seul Israel en a la volonté et les USA les moyens..
Je pense que, depuis quelques années déjà, les armées françaises ne sont plus des instruments au service de la politique mais que c'est la faiblesse de ces armées qui décide de la politique. On fait la politique de nos moyens au lieu de nous donner les moyens de notre politique.
On en revient toujours à cette phrase de Daniel Halévy que j'aime citer : "Sans la menace de la force armée, la diplomatie n'est qu'aboiement de roquet."
Or, au moment où les tensions montent avec certains pays musulmans et où l'Asie est une poudrière, nous sommes à poils. Autre chiffre édifiant : 20 000 hommes "projetables" pour un effectif global de 360 000 hommes, autrement dit, les choses étant ce qu'elles sont, comme disait Charles de G., seul 1 militaire sur 18 a vraiment une utilité politique.
Tout cela, c'est une question de sous et d'organisation, mais, sur ce point je vais être obligé de revenir à mon tropisme libéral : je considère que les missions de l'Etat sont en priorité la défense, la police, la justice et que le reste tombe très vite dans la dispersion, le saupoudrage, le gaspillage, l'abus de pouvoir. Malheureusement, ce qui est gaspillé en "Langueries", gouffre de l'EN et autres fariboles pseudo-sociales finit par manquer pour les véritables missions de l'Etat.
(1) : quelle que soit le haute qualité que nécessitent des interventions comme celle de Cote d'Ivoire, il ne s'agit que d'une opération de police et non d'une guerre. D'autre part, je raisonne en considérant que les coopérations européennes ne sont que cela, des coopérations, mais que, en dernier ressort, il y a des opérations qu'un pays doit avoir la capacité de mener sans en référer à personne, en comptant sur ses propres moyens.
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je ne vous ai pas mis une photo d'hélicoptère mais de Miarge 2000
RépondreSupprimerAh cest ça ! Je me disais aussi...
Comme vous le dites, la France n'est pas à même d'avoir une armée conséquente : impossible politiquement.
Aux yeux d'un humaniste, comment justifier l'achat de Rafales à 45 millions deuros pièce dans un pays où tout le monde n'est pas à la retraite à 50 ans (j'exagère Georges-Jean) ou d'un sistership pour le Charles de Gaulle ?
Et pourtant... quoi de plus créateur d'emplois que la préparation d'une guerre... Y a ceux qui bossent et ceux qui s'engagent...
A moins que ce ne soit une stratégie pour se faire raser gratis, qu'on puisse tout reconstruire façon Trente Glorieuses ?
A voir...
Paul Fabra fait un très intéressant parallèle entre notre économie et une économie de guerre :
RépondreSupprimer> sacrifice des jeunes
> vieux inutiles
> déficits étatiques
> épargne investie en bon du trésor
> interventionnisme étatique dans tous les domaines
Ca mérite réflexion
PS : c'est un Mirage, pas un Miarge comme j'ai écrit en tapant trop vite