Le nouvel athéisme est idiot. Les athées à l'ancienne avaient un minimum d'intelligence et de culture, mais nous n'en sommes plus là.
Le nouvel athéisme tient en deux affirmations fausses et une fable :
1) La science est la seule forme de connaissance. Le monde est matériel, et seulement cela.
2) La science prouve que Dieu n'existe pas (variante : la science se passe de l'hypothèse « Dieu »).
3) La modernité est l'histoire de libération de l'humanité de l'obscurantisme médiéval par la science. Les héros en sont Galilée, Newton et Darwin.
80 % des gens que je connais croient dur comme fer ces billevesées (je ne peux, hélas, pas fréquenter que des êtres d'élite). Les cons ont toujours l'opinion conformiste, le problème est que, depuis Voltaire, celle-ci est fausse.
99 % de ce que j’entends sur ce sujet est d’une grande pauvreté intellectuelle (« pauvreté intellectuelle » est mon vocabulaire gentil pour « stupidité totale »), les sempiternels « Faut marier les curés », « Faut ordonner des femmes ». Mamma Mia ! Ca ne sait rien sur rien et ça donne son avis.
Que l'époque qui considère que c'est un droit fondamental et inaliénable de Maurice de se mettre une plume dans le cul et d'exiger qu'on l'appelle Mauricette ou qui croit qu'un bout de papier vaut quelque chose parce qu'il y a marqué « one dollar » dessus se montre méprisante pour l'époque de Saint Louis, de Saint Thomas d'Aquin, de Saint François d'Assise, de Chrétien de Troyes, des croisades, des cathédrales, du Mont Saint Michel et du chant grégorien n'est pas seulement crétin, c'est saugrenu.
L'hypothèse de Rémi Brague est plus pertinente : le moyen-âge a chargé l'Occident d'une énergie spirituelle et intellectuelle que la modernité a dilapidée et, au bout de 600 ans, nous arrivons presque au bout du processus de décadence.
Feser est choqué à quel point le moderne est malléable, est un sous-homme, à quel point on peut lui faire croire n'importe quoi, vraiment n'importe quoi. Et il écrivait cela avant le délire covidiste !
A l'origine de notre drame
Feser commence par une remarque préliminaire qui occupera la fin du livre : athéisme ou déisme est une question philosophique, certes, mais qui a des conséquences très concrètes.
Feser n'hésite pas à dire que l'erreur athée est la cause première de la décadence de l'Occident. Car une conséquence directe de l'athéisme est qu'il ne peut fonder une morale commune, et même en justifie le mépris. Si Dieu n'existe pas, tout est permis (je pense que c'est l'attrait psychologique de l'athéisme : la toute-puissance infantile, ne devoir rendre de compte à personne).
L'erreur fondamentale de l'Occident est d'avoir abandonné le réalisme (les choses ont leur existence propre) pour le nominalisme (seul existe le discours sur les choses). Feser veut démontrer que tous nos problèmes découlent de cette prémisse fausse. Antienne bien connue de mes lecteurs.
C'est juste une autre manière de poser le débat athéisme contre déisme. Feser entend démontrer que Dieu existe et que croire en Dieu est réaliste. Et que l'athéisme n'est que le mensonge nominaliste que se racontent ceux qui veulent se délivrer des contraintes divines.
Saint Bernard de Clairvaux a écrabouillé Abélard, tenant d'une forme de nominalisme, au cours d'une polémique célèbre. Il a ainsi donné deux ou trois siècles de répit à l'Occident. Comme on avait oublié d'être con, les acteurs de ce drame avaient parfaitement conscience de l'enjeu.
Hélas, le nominalisme a redressé la tête inexorablement depuis le XIVème siècle. Il fut véritablement lancé par la Réforme et atteint son plein potentiel nocif sous nos très sombres Lumières.
Pour Feser, les lourds systèmes philosophiques modernes, notamment teutons, sont lourds ... et faux.
Il faut beaucoup de temps, 6 siècles !, à une erreur aussi profonde pour faire sentir tous ses effets.
Démontrer
Comme Claude Tresmontant, Feser soutient que l'existence de Dieu n'est pas une question de foi ou de croyance ou de conviction mais de démonstration, une question qu'on peut résoudre rationnellement.
C'est un point d'accord avec les nouveaux athées, qui pensent avoir démontré que Dieu n'existe pas.
Feser insiste que c'est un sujet technique : « Discuter de l'existence de Dieu avec un athée qui n'a pas lu Saint Thomas d'Aquin, c'est comme discuter du Titien avec un enfant de trois ans qui croit que peindre se fait en étalant la peinture avec les doigts » (Feser a un franc-parler assez réjouissant).
Comme Feser est malicieux, il parle d'un philosophe athée célèbre, Anthony Flew, qui, à 84 ans, a changé de position en alléguant que les arguments philosophiques en faveur de l'existence de Dieu étaient justes.
Pas d'attaques ad hominem
Les attaques ad hominem des athées (« Tu as besoin de croire en Dieu, d'avoir "un ami dans le ciel", parce que tu as peur de la mort ») sont faciles à retourner (« Tu as besoin de croire qu'il n'y a pas de dieu parce tu crains son jugement sur toi »).
Donc, pas d'attaques ad hominem.
La dernière superstition
Feser montre en quoi l'athéisme a les caractéristiques d'une superstition.
Il commence par se moquer des croyances annexes idiotes des athées, non directement reliées à leur athéisme mais qu'ils se trouvent tous partager : superstition carbophobe, superstition écologiste, superstition féministe, superstition woke etc. Feser n'est pas du style à prendre des précautions oratoires pour ménager l'esprit du temps.
Il en vient au sujet. Il montre que l'athéisme a toutes les caractéristiques de la superstition, notamment le biais de confirmation. C'est une pensée magique qui croit qu'en professant certaines choses, on fait advenir une réalité.
Feser n'hésite pas à traiter Nietszche de menteur (il fait du christianisme un homme de paille). Condoléances pour les midwits droitards à la Rochedy qui se prennent pour des surhommes parce qu'ils ont réussi à lire le Teuton cinglé (Nietzsche a fini à l'asile).
Le monde platonicien des Idées
Il existe un monde des Idées (Feser parle des « Formes », pour éviter les connotations du mot « idée »), bien réel, indépendant (peut-être) du monde matériel.
L'Idée du triangle, avec sa définition et ses propriétés (théorème de Pythagore, par exemple) existe, indépendamment de toutes ses représentations matérielles.
Tout triangle matériel peut être jugé en fonction de l'Idée Triangle.
C'est évidemment l'opposée brutale du relativisme. Toute chose a un étalon de jugement dans le domaine des Idées. Cela ne signifie pas que le jugement est toujours facile.
Socrate et Platon ne sont pas vraiment intéressés par le Triangle mais par le Bien.
S'en suit une discussion compliquée pour savoir si les Idées ont une existence indépendante ou sont seulement dans nos têtes. Je vous donne la réponse : existence indépendante ... jusqu'à Aristote. Même si l'humanité disparaissait, l'idée du triangle continuerait à exister dans son monde des Idées.
Et Aristote vint ...
Une autre manière de formuler la thèse de Feser « Tous les malheurs de l'Occident viennent qu'il a abandonné le réalisme pour le nominalisme » est « Tous les malheurs de l'Occident viennent qu'il a abandonné Aristote pour Kant ».
Avant d'attaquer la philosophie d'Aristote, j'attire votre attention et vos prières sur Sylvain Gouguenheim, dont la carrière universitaire fut brisée pour avoir dit dans Aristote au Mont Saint Michel une vérité qui dérangeait la gauche : le savoir grec nous vient des Byzantins et non des arabes, envers lesquels nous n'avons aucune dette.
Il est amusant d'ajouter que la thèse désormais officielle et exclusive (le savoir grec nous vient des arabes) est récente (1960) et émise par une nazie (Sigrid Hunke) dont la repentance n'a pas fait la une des journaux. Quand je vous dis que la post-modernité est une longue et furtive réhabilitation du nazisme ...
Aristote conteste la vision platonicienne d’un monde des Idées séparé. Venons en à la causalité aristotélicienne :
Pour chaque chose, il y a, selon Aristote, quatre causes (prenons le moteur Rolls Royce Merlin) :
> la cause matérielle. Le Merlin est en acier avec quelques éléments en caoutchouc.
> la cause formelle. Le Merlin a une forme en V avec 12 cylindres.
> la cause effective. Les ouvriers anglais qui ont coulé et usiné le Merlin.
> la cause finale (au sens de but, « arriver à ses fins »). Les Anglais avaient besoin d’un moteur pour leurs avions de chasse.
Chaque chose a son actualité (ce qu’il est) et ses potentialités (ce qu’il pourrait être). La cause est cette chose extérieure qui transforme une potentialité en actualité (la chaleur qui transforme le glaçon en eau liquide).
Vous pouvez vous amuser à chercher les quatre causes de n’importe quoi, un nuage, le vélo Solex, Emmanuel Macron, votre concierge … Pas toujours facile.
Nos modernes philosophes sont vent debout contre les quatre causes aristotéliciennes, d’ailleurs la notion même de causalité les hérisse. Ainsi, dans leur monde, rien n’a vraiment de cause et ils se heurtent à des contradictions insurmontables.
C'est, bien entendu, la cause finale qui les tracasse le plus. Alors, ils l'ont caricaturée pour s'en débarrasser. Est-ce que la Lune veut tourner autour de la Terre ? Nous avons chassé toute idée de cause finale. L'invoquer est considéré, à la suite de Descartes, comme une erreur méthodologique grave.
La cause finale
Le monde philosophique moderne, qui réfute catégoriquement toute idée de cause finale, est bien étrange.
Pour Aristote et Saint Thomas d'Aquin, la cause finale du chêne est de donner des glands, qui donneront d'autres chênes.
Mais le moderne est embarrassé pour répondre à la question « Pourquoi le chêne ne donne-t-il pas des pommes ou des tomates ? », puisqu'il réfute l'idée que les choses ont une cause finale et une nature.
Vous me direz « Et l'ADN ? ». Bin, justement, l'ADN est assez embarrassant pour le moderne : il prouve que les êtres vivants ont une nature orientée dans un certains sens. Mais bon, parait-il que c'est le hasard total.
Fesser est farouchement opposé à l'avortement et à l'euthanasie, parce que, dès qu'un amas de cellules a son ADN propre et tant qu'il est vivant, il possède sa nature d'être humain, quel que soit son état physique.
Les preuves de l'existence de Dieu
Feser refuse les preuves basées sur l'étude la nature parce qu'elles sont probabilistes, donc faibles. Par exemple, le réglage fin des constantes universelles permet la vie, quelques % de différence et il n'y aurait pas de vie, ce constat augmente la probabilité de l'existence de Dieu.
Feser cherche des preuves fortes, comme une démonstration mathématique ou géométrique.
Des cinq voies pour accéder à l'existence de Dieu de Saint Thomas d'Aquin, Feser en étudie trois.
1) Le Moteur Immuable
Certaines choses en mouvement ont des causes (Saint Thomas d'Aquin ne dit pas, comme on l'a caricaturé, « Toute chose a une cause »), en remontant la chaine des causes, on finit par tomber sur la cause qui n'est pas causée et qui cause toutes les autres (la régression doit s'arrêter parce qu'elle n'est qu'un jeu de l'esprit. La manière dont les choses se passent réellement, c'est que la cascade de causes coule vers l'aval, donc il y a nécessairement un point de départ), le Moteur Immuable.
Saint Thomas d'Aquin ne s'y attarde pas trop. Il vit dans un monde où l'athéisme est une incongruité, où il est inutile de perdre du temps à prouver ce que tout le monde sait.
Ce qui l'intéresse vraiment, c'est de prouver que le Moteur Immuable a toutes les caractéristiques du Dieu des chrétiens (et des juifs) :
> unique
> omniscient
> tout-puissant
> hors du temps et de l'espace
> bon (pas au sens de « il est gentil » mais au sens de « il est parfait donc il a la bonté parmi ses attributs mais je ne suis pas bien sûr de savoir ce que cela veut dire »)
**************
Digression néo-paganisme : le néo-paganisme est à la mode chez les crétins (je connais un couple qui a refusé l'église mais a fait une espèce de prière tout à fait pénible et malaisante autour d'un arbre. On est vraiment à une époque de débiles) poussés par quelques intellectuels pourris (n'importe quelle foutaise plutôt que de se soumettre au Père).
Chez les philosophes de la fin de l'antiquité classique, l'idée qu'il y avait une divinité unique existait. La question était « A-t-elle besoin de dieux intermédiaires incarnés dans la Nature ou peut-elle communiquer directement avec les hommes ? ». Le dieu des juifs et des chrétiens a définitivement réglé la question en établissant une relation personnelle avec les hommes.
Militer pour le néo-paganisme aujourd'hui est aussi farfelu que de militer pour le géocentrisme (certains le font).
Le néo-paganisme ne peut être qu'une parodie. D'ailleurs, les néo-païens ne s'aventurent jamais sur le terrain métaphysique, où ils seraient immédiatement ridicules. Ils insistent sur les avantages sociaux et politiques du néo-paganisme mais un tel discours, basé sur une connerie, est forcément une impasse. C'est pourquoi il ne séduit que les crétins. Les autres, sans être de grands métaphysiciens, sentent bien qu'il y a un loup.
**************
2) La Première Cause
Bon. Celle là, je n'y ai rien compris. Pour moi, ce n'est qu'un assemblage de mots creux. Je ne vois pas en quoi elle se différencie de la précédente. Je passe mon tour.
3) L'Intelligence Suprême
Feser récuse les arguments probabilistes « Le monde est complexe donc il a probablement un architecte ».
Il renvoie dos à dos darwinisme (qui essaie de prouver par les probabilités que Dieu n'existe pas) et Dessein Intelligent (qui essaie de prouver par les probabilités que Dieu existe).
Ils ont en commun selon lui le rejet moderniste de la notion aristotélicienne de cause finale.
Une fois qu'on admet la notion de cause finale, les régularités du monde (complexe ou non) prouvent qu'il y a une cause finale, donc qu'il y a une conscience qui ordonne cette cause finale (ça, cause finale => conscience, c'est facile à prouver).
L'âme
Autant je peux comprendre qu'on ne tienne pas l'existence de Dieu pour évidente, autant il me semble que, pour nier l'existence de l'âme, il faut un putain de lavage de cerveau matérialiste.
Tout en l'homme, pour peu qu'on l'observe, montre qu'il a quelque chose en plus que le corps. Toutes les cultures en ont tenu ainsi, je ne ne vais pas user le soleil sur cette question.
C'est d'autant plus évident en nos temps d'« intelligence artificielle » (en réalité , de machines apprenantes). La pièta de Michel-Ange est volontairement mal proportionnée afin de s'adapter à la perspective de l'observateur. Jamais une machine, quelle que soit sa puissance, n'imaginera une chose pareille sans l'avoir apprise d'abord d'un humain.
Pour la faire courte, l'âme est ce qui fait la différence entre un être humain et un cadavre. Entre un ordinateur et un homme (en plus de bien d'autres choses).
Le seul point intéressant est que, contrairement à Platon, Aristote (cohérent avec les juifs) ne sépare pas strictement l'âme du corps, sauf après l'épisode violent de la mort.
La loi naturelle
La loi naturelle est celle qui découle de la nature des choses, par exemple que l'homme est un animal rationnel qui a une âme.
Nous avons la loi naturelle câblée en nous. En général, nous jugeons d'instinct les comportements suivant la loi naturelle.
Mais la modernité est un long et tenace lavage de cerveau pour nous faire réprimer cet instinct, parce qu'elle nie que les choses aient une nature. Donc tout est permis, il ne faut pas juger (ah, le fameux et horrible « Je ne juge pas », bien différent du « Ne jugez pas » de Jésus : ne pas juger les hommes n'exclut pas de juger leurs actions).
Ainsi, le philosophe David Hume, ayant rejeté Aristote et nié la loi naturelle, peut écrire, de manière cohérente mais fausse, que les passions gouvernent la raison. Et on aboutit en 2025 au « philosophe » Peter Singer (il a une tête de malade mental. Pourquoi les gens n'écoutent-ils pas leur intuition ? Pourquoi écoutent-ils à la place les sales types qui ont des têtes de malades mentaux ?) qui dit sans trop déranger que l'infanticide doit être permis et qu'il est dans beaucoup de cas préférable de tuer un humain plutôt qu'un animal. Les mauvaises idées finissent par avoir de mauvaises conséquences.
La loi naturelle est la loi de l'Eglise (normal, elle est aristotélicienne). Par exemple, sa condamnation de l'homosexualité comme un désordre intrinsèque est limpide suivant la loi naturelle (malgré la mafia homosexuelle dans le clergé). Il est dans la nature de l'homme (à la fois comme animal et comme sujet rationnel) de faire l'effort (pas toujours facile) de s'unir au sexe opposé.
Causes finales, nature des choses, loi naturelle, tout se tient.
Si chaque chose a une cause finale, elle a une nature et la loi naturelle est justifiée.
Si la cause finale de l'homme, c'est de faire son salut, sa nature est alors d'être un animal rationnel, doté d'une âme, sa raison et son âme lui permettant d'approcher Dieu. Ca colle.
Seulement voilà, les choses ont-elles une cause finale ? Aristote et Feser l'affirment et prétendent le démontrer, la modernité le nie absolument (j'ai envie de dire « hystériquement »).
Tout que ce je peux dire (qui irriterait probablement Feser), c'est qu'admettre les causes finales fait rentrer un tas de choses dans l'ordre, le monde retrouve son harmonie. Le cerveau humain fait appel aux causes finales instinctivement. Les modernes, notamment les biologistes, doivent énormément se surveiller pour ne pas commettre par inadvertance cette faute inexpiable, à leurs yeux, d'expliquer les choses par les causes finales.
Il est vrai que l'existence de Dieu résout le problème : si Dieu existe, il a des intentions, donc il y a des causes finales, même si je peine à les prouver.
Mais alors je tombe dans un cercle logique qui ne prouve rien : l'existence de Dieu prouve les causes finales, les causes finales prouvent l'existence de Dieu. Ca me fait une belle jambe. Je tourne en rond.
Mais bon, comme d'un autre côté, j'ai la certitude de l'existence de Dieu, même si je ne peux pas le « prouver » au sens de Feser, je ne suis pas tant gêné. Et l'acceptation de la notion de cause finale coule de source.
Mais, pour Feser, le fait que le chêne ne se transforme pas magiquement en pommier devrait établir la vérité de la notion de cause finale, même si on ne croit pas en Dieu (et même si, logiquement, ces deux idées Dieu et la cause finale, vont de pair).
D'ailleurs, un philosophe nominaliste (donc qui refuse les causes finales et la nature des choses) écrit qu'il n'a aucune raison de penser qu'un jour, toutes émeraudes ne deviendront pas bleues. Mais lui, cela ne le gêne pas.
L'étude scientifique du cerveau
Un des passages les plus intéressants.
Pour Feser, l'étude scientifique du cerveau humain est vouée à l'échec parce qu'elle se trouve au nœud des contradictions insurmontables de la modernité.
La science est matérialiste, alors que la pensée est spirituelle.
La science nie la cause finale, alors que le cerveau est une usine à intentions, donc à causes finales.
Il faut bien constater que, comme la physique quantique, la théorie de la pensée (comment se forme une pensée dans le cerveau ?) stagne. Les moyens d'investigation toujours plus performants impressionnent mais ne font pas bouger la théorie d'un millimètre.
Pour l'instant, Feser a raison.
La science
Feser conteste que le combat contre la notion de cause finale ait lancé l'essor scientifique moderne.
Il a en partie raison. La fable de la lumière de la modernité qui combat l'obscurantisme du moyen-âge est entièrement fausse. La mentalité scientifique trouve incontestablement sa genèse dans le moyen-âge, dans la curiosité de moines pour le monde fait par Dieu.
Mais la contestation de la cause finale a tout même été une libération méthodologique.
La métaphysique d'Aristote est peut-être vraie (c'est ce que Feser s'efforce de démontrer) mais sa physique est fausse, et ce n'est pas par hasard.
Molière se moquait de l'opium qui faisait dormir parce qu'il avait une « vertu dormitive ». Mais Feser fait remarquer que décomposer l'opium en ses différentes caractéristiques, c'est déjà un début d'analyse.
Seulement (c'est le sujet qu'esquive Feser), il faut explorer plus avant, et l'idée de cause finale est intellectuellement paralysante « Bon, j'ai trouvé la cause finale de l'opium, c'est la vertu dormitive. Je peux aller me recoucher ».
Ceci étant dit, au bout du bout, la question de la science moderne se pose brutalement : est-ce que ça serait si abominable de ne pas avoir découvert la bombe atomique, les écrans qui transforment les humains en légumes et les opérations de changement de sexe ? Les Amish ne semblent pas particulièrement malheureux.
Il n'y a pas plus moderne que Lénine, Hitler, Mao et Pol Pot. Que la destruction industrielle des juifs. Que de piquer les vieux au RIVOTRIL parce qu'une bureaucratie impersonnelle a décrété que c'était la chose à faire. Que le gouvernement Macron obsédé de tuer les bébés, les malades et les vieux.
La personne, le libre arbitre, la morale, tout ça, tout ça
Comment expliquer qu'un être humain soit une seule personne de la naissance à la mort, alors qu'à sa mort il n'y a peut-être plus un seul atome de sa naissance présent dans son corps ?
Quand on est matérialiste, on répond classiquement « la conscience », sans trop chercher à définir ce que sait. Ceci explique que ces gens considèrent que les malades à la conscience altérée puissent être mis à mort comme des animaux. Mais quand je dors, je suis inconscient, et-ce que je cesse d'être moi ?
Quant au libre-arbitre, c'est la cabane sur le chien. Déjà qu'Aristote et Saint Thomas d'Aquin rament un peu. Mais, pour un matérialiste, l'univers est déterministe. Et le libre arbitre, quelle horreur !
Il est très facile de comprendre que, dans un paysage mental nominaliste et matérialiste, où les choses n'ont plus de nature, plus de cause finale, où tout n'est qu'un assemblage d'atomes, aucune morale commune n'est possible, tout n'est qu'affaire d'opinion individuelle.
Quelquefois la bonne volonté des athées qui essaient de construire une morale commune se manifeste, ils ne peuvent qu'échouer, puisque leur morale est bâtie sur du sable.
Dans l'Occident de 2025, la parole de Leo Strauss est pleinement accomplie : le cannibalisme n'est qu'affaire de goût.
La scholastique, le caillou dans la chaussure des modernes
Les modernes ne contestent pas scholastique dans sa logique, mais dans sa conclusion (démarche qui les met en position de faiblesse).
En effet, si les causes finales et Dieu existent, la nature de l'homme est de faire son salut pour l'autre monde. C'est très emmerdant pour les modernes, qui sont définis par la conviction que le but de la vie est d'accumuler les biens matériels dans ce monde.
Donc descente en flèche de la scholastique, non sur le fond (c'est très difficile) mais sur la forme, pour en ridiculiser la conclusion, qui est déplaisante à certains. Et l'on comprend alors les moqueries de Rabelais.
Je connais plein de divorcés. Je suis sûr qu'ils ne seraient pas ravis d'apprendre que, si la scolastique a raison, ils sont bien partis pour quelques années de purgatoire. Je comprends donc qu'ils préfèrent penser que tout ça, ce sont des conneries moyenâgeuses (on avait dit « Pas d'attaques ad hominem »).
Si on suit Aristote, Saint Thomas d'Aquin et Feser, la modernité est bâtie sur une erreur métaphysique, sa conception du monde, de la vie et de l'homme est fausse et cela explique qu'elle aboutisse à notre décadence actuelle.
Le monde des hommes diminués
La modernité est basée sur un mensonge ou, au moins, sur une grosse erreur : le rejet des causes finales et de la nature humaine (pas un hasard si l'expression « condition humaine » est devenue prépondérante).
La modernité ne peut donc donner que de mauvais fruits. Nous avons le frigo, la voiture, l'avion, la télé. L'aspirine et la pénicilline. Et alors ? Sommes nous des humains plus accomplis ?
Les modernes de 2025 continuent à penser que c'est un bien en soi qu'on vive en moyenne jusqu'à 90 ans plutôt que jusqu'à 60. Mais ils n'en sont plus si assurés. La société de consommation leur a donné le frigo, la voiture et la télé et ils ne sont toujours pas heureux (voir le bonheur comme le but de la vie est très moderne).
La conclusion de Feser
La conclusion de Feser est logique.
La modernité est bâtie sur l'erreur. Dante aurait fait figurer beaucoup des contemporains que nous croisons tous les jours dans la rue parmi les démons de son Enfer. Un Enfer physiquement douillet, mais qui nie absolument les besoins non physiques de l'homme et le dégrade.
Un compte Twitter,
Visages de France, publie des portraits de nos ancêtres. La différence avec les modernes est frappante, même en prenant en compte que les sujets posent. Dans un cas, on sent qu'on a à faire à des hommes, dans l'autre ...
Les réalistes/aristotéliciens/déistes et les nominalistes/kantiens/athées sont de plus en plus séparés, parce que nous vivons les conséquences dévastatrices du nominalisme.
Dévastation qui touche principalement les domaines humains et spirituels, qui, pour les nominalistes, n’existent même pas.
Pour un nominaliste/kantien/athée, il n’y a pas de différence de nature entre un homme et un robot. Un homme n’est qu’un robot très perfectionné (par le hasard de la sélection naturelle) et, un jour, les robots atteindront cette perfection et même la dépasseront. Ce sont toutes les discussions autour du transhumanisme, de l’« intelligence artificielle » et aussi de l’homme, danger pour « la Planète ».
Ils n’ont aucune raison de ne pas remplacer les hommes par des robots, de ne pas exterminer les hommes surnuméraires ou, au moins, de ne pas les empêcher de se reproduire (si vous avez reconnu le programme nazi, c’est normal : c’est la même logique).
Ce fossé s'étend à tous les domaines : entre ceux qui ont compris que l'écologisme est une pulsion de mort, la « transition énergétique » l'escroquerie du millénaire et les « petits gestes » une manipulation et ceux qui ne l'ont pas compris, il n'y a pas de dialogue possible.
Les Français « oui mais non »
Les Français sont-ils capables de comprendre que leurs problèmes viennent qu'ils sont athées (c'est-à-dire nominalistes sans le savoir) et que le mieux qu'ils aient à faire, c'est de retourner à l'église tous les dimanches (c'est la manière de redevenir aristotéliciens sans se faire de nœuds au cerveau. Même si l'Eglise modernisée peine parfois à être aristotélicienne) ? Non, évidemment. A part quelques individus au dessus du lot.
Je suis frappé par l'emprise du « oui mais non » : des gens qui croient être d'accord avec l'analyse de ce billet mais qui ne mettront pas un pied dans une église pour autant. Ou des gens qui refusent d'aller jusqu'au bout de cette analyse, bien que partageant la critique de la modernité, à cause de la conséquence qu'elle implique.
Il y a des cons partout, on est cerné :
_ Il faut absolument recréer du « lien social » entre Français.
_ Facile : allez à la paroisse près de chez vous. Ou, si vous trouvez celle-ci trop colorée, à la communauté traditionaliste la plus proche.
_ Ah bah nan alors ! Pas ce « lien social » là !
_ Alors, de quoi vous plaignez vous, exactement ?
Et l'objection « L'Eglise mondialiste immigrationniste » ? Oui, c'est un problème, mais qu'il ne faut pas exagérer : les églises seraient pleines de Français de droite, l'Eglise de France serait droite.
Nous vivons une époque d'âmes faibles. A un moment, va falloir songer à arrêter de me casser les couilles avec les geignardises alors que la solution est à portée de main et que vous la refusez (si vous voulez vraiement retourner à l'Eglise, allez voir le curé du coin. Il sera ravi de vous recevoir. S'il ne vous plait pas -ça peut arriver- allez voir celui d'à côté).
Quand je vois la violence avec laquelle la plupart des Français (pas que de gauche) rejettent la religion de leurs ancêtres (au nom de « la science »), je sais qu'ils sont prêts à être soumis à l'islam (leur refus d'intérioriser la religion chrétienne les soumettra à une religion toute extérieure, qui ne demande que d'obéir à des règles idiotes. Ils sont mûrs pour cela).
Les peuples occidentaux, le français au premier rang, flottent dans un monde imaginaire, ils rejettent comme une faute de goût, obstinément, tout sens des réalités et cela les mène à la mort aussi sûrement que s'ils étaient allongés sur les rails devant un train.
L'Occident est une secte géante. Merci Hume, Voltaire, Kant, Nietzsche et compagnie.
Le goût perdu de la vérité
Je suis convaincu qu'il est rationnel de penser que Dieu existe, mais toutes ces démonstrations métaphysiques me paraissent bien fumeuses, très verbeuses.
Feser n'aime pas les arguments probabilistes. ll les trouve même faux : si le monde était moins complexe, cela signifierait-il qu'il est moins probable que Dieu existe ?
Mais les preuves qu'il donne sont trop compliquées pour moi. Au bout d'une page, ce ne sont plus qu'un brouillard de mots.
Cependant, j'ai un tel respect pour Saint Thomas d'Aquin (un type qui redresse des erreurs de traduction par des raisonnements théologiques a oublié d'être con) que je respecte aussi son travail. Mais, lui non plus ne paraissait pas très intéressé par les preuves de l'existence de Dieu, qui était une évidence. Il a consacré beaucoup plus de temps et d'énergie aux caractéristiques de Dieu.
Je suis un peu (toutes proportions gardées !) dans la même position.
Enfin, méditez sur le fait que l'œuvre de Saint Thomas d'Aquin est restée volontairement inachevée. Devenu mystique la fin de sa vie, il disait qu'il découvrait plus de Dieu par la prière que tout ce qu'il avait pu écrire par la raison.
Thomas écoutait la voix qui disait à Pilate :
« Je suis suis né et je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la Vérité. Quiconque appartient à la Vérité écoute ma voix. »