La fond de l'argumentation des anti-Zemmour et des anti-Bilger est très simple :
«Il y a des propos que nous n'aimons pas, qui nous paraissent détestables».
Jusque-là, je n'ai aucun problème : il y a des propos qu'on a le droit de ne pas aimer.
C'est avec l'articulation logique qui suit cette première affirmation que mon angoisse commence : «Puisque nous savons ce qui est bien, ce que nous n'aimons pas doit être censuré et interdit».
La faute est bien entendu de d'exciper des bonnes intentions et de prétendre détenir la Vérité. Puis, d'en conclure son droit à requérir la force de la loi pour faire taire les oppositions.
Tous les Amis du Bien Suprême ne sont pas irrécupérables, du moins, je l'espère.
Je leur demande de réfléchir à ceci :
> les communistes, qui ont tué, exterminé, emprisonné, des dizaines millions de personne avaient d'excellentes intentions et croyaient détenir la Vérité, ils préparaient des lendemains qui chantent.
> les fascistes aussi, Hitler et Mussolini, avaient également d'excellentes intentions et croyaient détenir la Vérité : ils voulaient rendre leur grandeur au peuple allemand (respectivement, italien) et préparaient un monde meilleur.
N'oubliez pas que le fascisme se voulait une synthèse moderne et révolutionnaire, répondant aux maux de ce temps, alliant le technicisme (le coté «socialiste» de national-socialisme) et la parade au déracinement (le «nationalisme» du national-socialisme), et se raccrochait à des théses scientifiques eugénistes qui apparaissaient à beaucoup comme incontestables. A tel point que Robert Paxton a pu écrire que si le fascisme revenait, ça serait sous une forme aussi rassurante -bien noter ce mot- qu'Hitler l'était pourla majorité des Allemands des années 30.
Je crois que les Bisounours sont sincères quand ils disent que la société qu'ils souhaitent, multiculturelle, non-discriminante, ouverte, égalitaire etc. serait meilleure (1).
Mais la pureté des intentions proclamées, que je ne mets pas en doute, ne constituent ni une preuve de justesse ni une garantie de bons résultats, comme le montrent les exemples ci-dessus.
La seule formule que nous avons trouvée pour obtenir les meilleurs résultats et prouver la véracité d'une thèse, c'est une confrontation et un ajustement permanents entre les intentions et la réalité, de manière à prendre des décisions intelligentes. C'est la discussion, la disputatio, comme on disait au Moyen-Age, basée sur des hypothèses, des faits et des expériences, confrontant la pluralité des opinions.
Décréter que certains sujets, la race, l'immigration, l'Etat-providence, la Halde, l'égalité homme-femme, la peine de mort, l'enfant-roi etc. sont interdits de discussion (2), revient à avouer que, dans tous ces domaines, on a peur de la confrontation et donc de la réalité.
En effet, si le conformisme et la bien-pensance sont ancrés dans la réalité, ils y trouveront des arguments, ils pourront se défendre sans recourir à l'interdit. En revanche, si l'opinion dominante est détachée de la réalité, flotte sur un nuage idéologique, si elle n'a pas d'arguments solides, il lui est alors nécessaire de recourir à l'interdit.
C'est pourquoi les matons de la bien-pensance, en appelant à tout va à la censure, en criant, vraiment comme des cons, au «dérapage» (expression d'un ridicule à pleurer) prouvent à la fois leur force politique (qui m'effraie) et leur faiblesse intellectuelle.
Je reconnais que les débats télévisés actuels sont par leur nature (faire vite, spectaculaire, choquant, compréhensible par tous) le degré zéro de l'intelligence. Mais, hélas, c'est tout de même ce que les Français regardent.
Ici, sur un blog, où l'on s'exprime par écrit, on a le temps d'argumenter, de réfléchir. Les insultes habituelles «nauséabond», «fasciste», «raciste», «extrême-droite», «les heures les plus sombres de notre histoire» qui servent à couper court à toute discussion sont démonétisées : quand on coupe court à une discussion alors qu'on a le loisir de faire autrement, on s'avoue sans arguments.
Et j'ai remarqué que ceux, plutôt rares, qui ont essayé de sortir des imprécations, ont écrit des choses assez intéressantes, ce qui prouve au passage que l'affirmation reprochée à Eric Zemmour portait bien le fer dans la plaie d'un authentique problème.
Il faut tout de même une fois de plus constater que les médias dominants, télévisions, journaux, radios, sont en proie à un conformisme très lourd et n'ayant aucune scrupule à se montrer liberticide. C'est d'ailleurs ce qui rend risible les prétentions de «rebellitude» de certaines de ses vedettes : où est le courage et l'indépendance d'aller exactement dans le sens du groupe où vous vivez ?
Ils sont beaux, tous ces tolérants et ces «ouverts» qui ne tolèrent qu'une chose : qu'on dise et pense comme eux. Chasser en meute, n'y a-t-il pas de meilleure preuve de bêtise de tous ces connards qui se prétendent intelligents et éclairés ? Décidément, ces peoples journalistico-médiatiques sont des grosses têtes enflées de vide.
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(1) : bien sûr, vous l'avez compris, je ne suis pas de cet avis, je pense que c'est au contraire une société très violente, à force de vouloir tordre la nature humaine dans un sens irréel.
(2) : qualifier systématiquement de «dérapage» toute opinion non conformiste et dérangeante revient à interdire la discussion, puisque une discussion entre gens qui sont tous du même avis et pinaillent sur des divergences microscopiques, ce n'est pas une discussion, c'est, pardonnez moi l'expression, de la branlette intellectuelle narcissique. Sans intérêt.