mercredi, janvier 25, 2023

Le Saint Suaire de Turin, témoin de la Passion du Christ (Jean-Christian Petitfils)

J'appellerai dans la suite le Saint Suaire de Turin « le Linceul ».

L'auteur ne cache pas ses convictions chrétiennes.

Le livre est divisé en deux parties : l'histoire et la science

L'histoire

L'histoire est simple : on connait le parcours du Linceul, sauf un trou d'un siècle et demi au moyen-âge qui permet d'introduire l'hypothèse de la contrefaçon.

La science

Il faut bien différencier deux hypothèses :

1) le Linceul est authentique, il n'est pas une contrefaçon.

2) le Linceul a contenu le corps de Jésus tel que décrit dans les Evangiles.

L'authenticité

L'hypothèse de l'authenticité, si elle n'était pas si chargée idéologiquement, serait une évidence.

On n'a aucun exemple d'une telle contrefaçon, ni même qu'une telle contrefaçon soit possible, aucune idée des procédés qui permettraient d'y parvenir.

C'est comme l'idée que les Evangiles sont une contrefaçon : il faudrait un miracle pour parvenir à une contrefaçon aussi parfaite, or cette hypothèse de la contrefaçon est soutenue par des gens qui ne croient pas aux miracles.

Un exemple parmi d'autres. Si contrefaçon il y a, elle vient de l'Antiquité, de gens qui ont vu des crucifixions. En effet, les clous dans les poignets sont à l'endroit exact où les os peuvent tenir le poids du corps, mais sans toucher aux artères, l'hémorragie aurait abrégé les souffrances du supplicié, cette disposition témoigne d'une excellente technique des bourreaux. Au Moyen-Age, on représentait la crucifixion avec les clous dans les mains. Par quel miracle un contrefacteur médiéval se serait-il exclamé « Bon sang ! Mais c'est bien sûr ! Il faut mettre les clous dans l'espace de Destot » ?

Donc l'hypothétique contrefaçon vient de l'Antiquité. Comment a-t-elle été faite ? Mystère total : on n'a pas trouvé trace de coups de crayon ou de pinceau.

Un mot sur la crucifixion : l'homme n'a jamais été avare de tortures sur ses semblables mais la crucifixion est un des supplices les plus terribles. Le condamné meurt par asphyxie lente, du fait d'avoir son poids pendu par les bras, il ne peut soulever sa cage thoracique pour respirer correctement, il s'appuie sur ses pieds cloués pour reprendre de l'air, ça peut durer des une journée entière (les Romains s'étonnent que Jésus, épuisé par la flagellation, soit déjà mort). Les Romains cassaient les jambes des condamnés à coups de barre de fer quand ils voulaient les achever (c'est ce qui arrive aux deux larrons).

On note que le supplicié du Linceul n'a pas les jambes cassées mais le côté transpercé, comme dans les Evangiles. Transpercé du côté droit, où il n'y a pas de bouclier, comme les légionnaires romains étaient entraînés à faire (encore un détail difficile à inventer au Moyen-Age, une chance sur deux, gauche ou droite).

Le Linceul n’a recueilli le corps que pour quelques jours, puisqu’on ne détecte aucun produit de décomposition.

Le livre fourmille de détails et de réflexions scientifiques intéressants. Cependant, à mes yeux, c’est pour le plaisir de la discussion. La question de l’authenticité du Linceul est vite tranchée : si un jour il était prouvé que le Linceul est fait de main d’homme, ça serait une révolution vertigineuse de notre évaluation des connaissances et des capacités de nos ancêtres.

L'hypothèse de la contrefaçon du linceul d'un crucifié est à ce point invraisemblable que certains opposants à la thèse de l'authenticité complète ont émis l'hypothèse d'un crucifié médiéval.

Mais cette hypothèse se heurte toujours au même problème : il n'y a aucune explication satisfaisante de la formation de cette image sur le Linceul, en cohérence avec toutes les caractéristiques qu'on a pu mesurer.

Le Linceul du Christ ?

Le supplicié du Linceul est-il Jésus ? A-t-il ressuscité ?

La connaissance historique de Jésus incontestée (sauf pour des cons très marginaux qui ont un train de retard comme Onfray) est la suivante : « Il a existé, au premier siècle, en Palestine, un prophète juif nommé Jésus, qui a eu des disciples, puis a été crucifié et dont les disciples ont prétendu qu’il était ressuscité ».

Comment cela se réconcilie-t-il avec le Linceul ?

Aucun problème pour la crucifixion, ça colle. Ce supplice n’était pas rare, donc retrouver un linceul de crucifié n’a rien d’incroyable (même si c’est le seul connu).

Par contre, la couronne d’épines et la flagellation, ça dérange. En effet, ce supplice n’est connu que pour le Jésus des Evangiles donc il n’y a que 3 hypothèses :

1) Le Linceul prouve les Evangiles.

2) Le Linceul a été fabriqué pour coller aux Evangiles (fabrication du Linceul : hypothèse peu vraisemblable, sauf s'il y a eu une vraie crucifixion suivant la recette des Evangiles pour créer un faux linceul, hypothèse pour le moins étrange, mais pas totalement incroyable).

3) Il y a eu d’autres suppliciés antiques couronne d’épines, flagellation, crucifixion, mais nous n’en avons pas connaissance.

La date aiderait bien. Des chercheurs ont cru détecter sur les yeux des pièces de l'époque de Tibère, mais d'autres pensent qu'ils ont vu ce qu'ils voulaient voir.

Le supplicié a-t-il ressuscité ? Impossible de le dire. La seule chose qu’on peut dire, c’est que le corps ne s’est pas décomposé dans le Linceul. Les premiers opposants des chrétiens ont émis l’hypothèse d’un déplacement du corps par les disciples. pourquoi pas ?

Un mystérieux rayonnement ?

Les croyants ont trouvé une explication simple à la formation de l'image : le rayonnement du à la résurrection.

Mais comme la résurrection est un phénomène non reproductible jusqu'au Jugement Dernier, impossible de savoir si elle rayonne.

La rage de ne pas croire

L'affirmation maintes fois répétée par les opposants à l'authenticité que « la science a dit »,  qu'« il y a consensus des scientifiques », que « le débat est clos » rappelle d'autres débats à prétention scientifique lourdement chargés par l'idéologie.

En réalité, le seul contre-argument (qui serait suffisant à invalider l'authenticité s'il était vrai) est une datation au Carbone 14 fort contestée (la datation au C14 n'est pas adaptée à un objet qui a eu une vie aussi mouvementée que le Linceul).

Résumons

1) Il n'y a pas de preuve que le Linceul est un faux, à part une datation au Carbone 14 contestée.

2) Faux ou pas faux, le processus de formation de l'image reste inconnu. Aucune des tentatives d'explication n'arrive à être en cohérence avec toutes les données.

3) L'hypothèse du faux se heurte à l'éléphant dans la pièce, quel que soit le procédé utilisé : la qualité anatomique de l'image.

Aujourd’hui, l’hypothèse de très loin la plus vraisemblable est : le linceul exposé à Turin est bien un linge très ancien ayant contenu pour quelques jours le corps d’un supplicié qui a reçu une couronne d’épines, été flagellé, puis crucifié jusqu’à ce que mort s’en suive.

Le reste est affaire de croyance personnelle.

La position de l'Eglise

La position de l'Eglise est la même que pour toutes les reliques, la méfiance. Elles sont une aide à la Foi et non une preuve. Le débat sur l'authenticité du Linceul ne change rien à la théologie : si c'est un faux, ça ne prouve pas que les Evangiles sont faux, et si c'est un vrai, on savait déjà ce qu'il nous raconte (à part qu'on aurait une image du Christ).

L'Eglise refuse dorénavant les expertises sur le Linceul.

De toute façon, tout a déjà été dit : « Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d'autre miracle que celui de Jonas. Puis il les quitta, et s'en alla. ».

Quand on ne veut pas croire, on sait trouver toutes les « bonnes » raisons de ne pas croire. Le mot de Nixon peut s'appliquer aujourd'hui à Jésus : « Si je marchais sur l'eau, les journalistes titreraient "Il ne sait pas nager" ».

« Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois.
Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu! Jésus lui dit :
Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru ! »