lundi, mars 27, 2023

L'extinction de l'homme, le projet fou des antispécistes (Paul Sugy)

Paul Sugy est un jeune normalien de 26 ans.

Il démontre clairement, irréfutablement (d'ailleurs, les antispécistes les plus honnêtes l'admettent), que l'antispécisme est une haine génocidaire de l'humanité (dans les deux sens du mot : l'ensemble des humains et la condition des humains).

Heureusement que les Petites Dindes Diplômées vegans (les femmes sont plus influençables par la mode que les hommes) sont inaccessibles à toute forme de surmoi, de remise en cause de leurs habitudes, sinon un gouffre s'ouvrirait sous leurs pieds à la perspective que les écologistes sont pires que les nazis (les nazis voulaient exterminer les juifs et quelques autres, les écologistes veulent exterminer toute l'humanité).

La négation de l'homme

Pour dire que l'homme est un animal comme les autres et que les animaux ont des droits, il faut nier tout ce qui fait l'homme : la conscience, la science, l'intelligence, la tradition, l'art, la beauté, il faut nier la Chapelle Sixtine et la bombe atomique.

Les évolutionnistes considèrent que le fait que l'homme soit carnivore a eu un impact direct sur le développement de son cerveau.

Les anti-spécistes emploient souvent un argument ... spécieux : « Donner des droits aux animaux n'enlève rien aux hommes ». Non, ça nie juste leur humanité. Trois fois rien, une broutille. Peter Singer, le gourou de l'anti-spécisme, lui, est plus logique : il préfère expérimenter sur des handicapés mentaux, humains déficients, que sur des animaux sains.

L'antispécisme, l'anti-christianisme à la portée des caniches

Si les antispécistes sont aussi à l'aise pour considérer les animaux pour ce qu'ils ne sont pas, c'est qu'ils n'en ont rien à foutre des animaux. Leur vrai problème est la haine des hommes, ils sont dans un combat anti-humain.

Evidemment, l'ennemi suprême de l'antispécisme est le christianisme, cette religion qui croit que l'homme est fait à l'image de Dieu, que la vie, celle des hommes, donnée par Dieu est bonne et que la nature est à la disposition de l'homme.

En réalité, l'antispécisme est comme tous les anti-christianismes : une révolte d'adolescents pourris contre le Père.

Les deux philosophies

Il n'y a, en pratique, que deux systèmes philosophiques :

1) Le déontologisme : on pose des règles a priori (« Tu n'auras qu'un seul Dieu », « Tu ne commettras pas de meurtre », « Tu ne commettras pas d'adultère » (1) ...) qui servent de référence à juger les actions.

2) L'utilitarisme : on juge chaque action en fonction de son utilité par rapport à un étalon, en général le bonheur (individuel ou collectif ? Les difficultés commencent). Par exemple, on peut juger utile, et donc moral, de tuer Hitler. Malheureusement, ça dérive vite : tuer les bébés dans le ventre de leur mère et tuer les vieux dans les maisons de retraite.

Le propre de l'homme

Que les Petites Dindes Diplômées vegans croient qu'il y a une continuité parfaite entre le singe et l'homme, qu'il n'y a pas de propre de l'homme, c'est normal : le propre de l'homme est l'intelligence et, justement, elles en sont fort dépourvues.

Mais que des gens écrivent des livres entiers pour dire qu'il n'y a pas de propre de l'homme me fait irrésistiblement penser à Orwell : « Vous devez être un. intellectuel. Jamais quelqu'un de normal ne croirait une chose pareille ».

Bien sûr qu'il y a un propre de l'homme, mais il n'est pas de l'ordre du matériel, c'est pourquoi les matérialistes scientistes n'y comprennent rien.

Ce propre de l'homme est pourtant évident, il saute littéralement aux yeux. GK Chersterton : « Donnez un pot d'ocre à un singe. Même si vous attendez des milliers d'années, jamais il ne vous peindra Lascaux. ».

L'antispécisme, une gnose millénariste

Oh ! Quelle surprise ! L'antispécisme est une gnose millénariste !

Vous savez que c'est mon dada (voir les billets ici et ) :

1) Gnose : la vie est mauvaise, la chair est mauvaise (donc on peut la prostituer, la tatouer, la mutiler pour la faire « changer de sexe », la priver de nourriture animale etc.).

2) Millénarisme : si on fait une action sacrificielle appropriée  (c'est toujours un massacre : tuer les riches, tuer les juifs, tuer les mangeurs de viande ...), on fait advenir le Paradis sur Terre pour mille ans.

Bien sûr, ce délire (les gnoses sont toujours des délires sectaires : aucune société basée sur la Gnose ne peut être viable. Cf l'URSS) a été démonté par Saint Augustin à coups de cric de camion dans la chetron (Marie-Eugène Camion, bienfaiteur de l'humanité, inventeur éponyme du véhicule, l'a spécialement imaginé pour le cric qui l'accompagne, afin de pouvoir donner des coups de cric de camion dans la gueule des Petites Dindes Diplômées vegans de son époque, déjà insupportables).

Sugy cite (ça me fait bien plaisir) La postérité spirituelle de Joachim de Flore, du cardinal de Lubac, qui est un hénaurme pavé (le livre, pas l'auteur) et Karl Marx, le roi moderne des gnostiques millénaristes.

Homme moderne, homme diminué

L'homme moderne, l'individu des droits de l'homme, est un homme diminué : il est amputé de sa dimension sacrée (nous sommes la première civilisation, plutôt fin de civilisation, à considérer que l'homme n'est que matière) et de sa dimension historique (nous sommes aussi les premiers à considérer que les hommes ne sont pas des passeurs, entre le passé, le présent et l'avenir, où la lignée, la famille, le clan ne comptent pas).

Gunther Anders (ex-mari de Hannah Arendt et plus intéressant qu'elle) a baptisé cela L'obsolescence de l'homme.

Puisqu'on a implicitement amputé l'homme de ce qui le différencie de l'animal, il est facile de comprendre que certains esprits systématiques poussent la logique jusqu'au bout, explicitent le sous-entendu et en tirent les conséquences extrêmes.

L'anti-spécisme n'est possible que dans monde où on considère déjà que la Pietà de Michel Ange (qu'aucun animal ne fera jamais) est superflue, accessoire.

Ca énerve beaucoup les écologistes et les végétariens quand on leur dit qu'Hiler était végétarien, qu'il a pris les premiers lois écologistes et de protection des animaux. Mais ce rappel est justifié parce que le végétarisme d'Hitler n'est pas un accident.

Les outils mentaux sont en place pour traiter les hommes comme des animaux.

Mal barrés

Tout n'est pas parfait : Sugy croit (mollement, semble-t-il) au catastrophisme climatique. Il n'a pas compris que c'est la même logique de haine viscérale de l'humanité que l'antispécisme.

Les idées à retenir :

1) L'homme n'est pas un animal comme les autres. Parce qu'il a une conscience, il est infiniment supérieur à tous les animaux. De ce fait, il a des droits sur eux (et éventuellement quelques devoirs). Oui, il a entre autres le droit de les tuer pour manger et pour certains rituels (je pense à la corrida).

2) non, les antispécistes et les vegans ne sont pas de gentils crétins qui aiment bien faire des mamours aux animaux. Ce sont de très méchants crétins qui détestent l'humanité, qui sont disposés à la génocider pour assouvir cette haine, ils n'en ont en réalité rien à foutre des animaux, qui ne sont que des prétextes de leur narcissisme pathologique.

Les antispécistes me font très peur : toutes les catastrophes humaines commencent par des catastrophes dans l'ordre des idées (Claude Tresmontant). Or, la catastrophe dans l'ordre des idées qu'est l'antispécisme a gagné ou est en passe de gagner (« Les animaux sont gentils, les hommes sont méchants, tuer des animaux c'est mal » est devenu un lieu commun), la catastrophe humaine va suivre.

Un dernier mot : à tous ceux qui sont tentés de dire « Meuh non, tu exagères, ils sont marginaux », réfléchissez au fait que vous disiez exactement la même chose des transexuels il y a dix ans. Depuis, leur folie furieuse a été transformée en lois que la police fait respecter.

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(1) Histoire juive :

Moïse descend du Mont Sinaï avec les tables de la loi et s'adresse au peuple d'Israël :

« Je suis monté, j'ai prié, j'ai reçu les Commandements de Dieu.

Voilà : j'ai une bonne et une mauvaise nouvelles.

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a plus que Dix Commandements.

La mauvaise nouvelle, c'est que l'adultère reste interdit ».

mardi, mars 21, 2023

L'aigle et le léopard (Eric Branca)

Un livre sur les liaisons dangereuses entre l'Angleterre et le IIIème Reich.

Royal Heilnesses !

En 2015, le Sun titrait Royal Heilnesses ! à cause de cette video de 1933 de la jeune Elizabeth faisant le salut nazi à l'instigation de son enculé d'oncle :

C'est injuste, car si le très fugace roi Edouard VIII et sa salope d'Américaine étaient d'authentique traitres au service des nazis, ce ne fut pas le cas des parents de la reine Elizabeth, qui ont soutenu, malgré leurs doutes initiaux, de plus en plus fermement Churchill.

Branca se sert de cet épisode pour rappeler que la famille royale actuelle est bien plus allemande qu'anglaise, ce sont, de leur vrai nom, des Saxe-Cobourg-Gotha. 2022 est la première année depuis longtemps que le souverain en exercice, Charles, et son successeur désigné, William, sont tous deux mariés à des Anglaises et non, au moins un des deux, à des Allemandes (ou à des Allemands : le prince Philip, père de Charles, était un Teuton).

Bien sûr, ce n'est que l'introduction du l'ouvrage : l'auteur est conscient que le famille royale a peu de pouvoir.

On mesure toutefois la vaste finesse du prince Harry de se pointer à un bal masqué déguisé en SS (la consanguinité, ça attaque le cerveau). On remarquera que son frère n'a pas protesté.

Une politique très mal avisée

Dans l'entre-deux-guerres, l'Angleterre fut fidèle à sa politique traditionnelle « Pas de puissance dominante sur le continent ».

Mais, au-delà de sympathies idéologiques avec les nazis fort déplaisantes, beaucoup de dirigeants britanniques commirent  une énorme erreur de calcul : la puissance  qu'ils craignaient était la France.

Certes, les colonies faussaient l'évaluation du rapport de forces et envenimaient les relations franco-britanniques, mais tout de même !

Les gouvernements allemands ont poussé à cette faute avec beaucoup de talent.

De 1918 à 1936, la politique britannique fut de favoriser l'Allemagne aux dépens de la France (aussi sous l'influence maléfique des Etats-Unis).

De 1936 à 1938, quelque chose comme « Damned ! On est peut-être en train de faire une grosse connerie ! ».

Et, à partir de 1938, bien trop tard, une politique pro-française.

Quelques Britanniques (Eden, Churchill) ont avoué après la guerre, plus ou moins à demi-mots, la responsabilité britannique dans son déclenchement (ce que les Américains n'ont pas fait).

Pétain et Weygand n'ont pas tort de pointer la duplicité britannique, mais elle ne justifie pas leur politique d'abandon. C'est de Gaulle, passant l'éponge (à peu près), qui avait raison. Son intelligence volait des kilomètres au dessus des deux badernes.

La primauté des intérêts financiers

Montaigu Norman (francophobe rabique : « Il y a quatre sortes de brebis galeuses : les Français, les juifs, les Ecossais et les experts-comptables » et ce n'était pas tout à fait de l'humour anglais), gouverneur de la Banque d'Angleterre et Hjalmar Schacht (le financier de génie sans qui l'aventure hitlérienne aurait été impossible), gouverneur de la Reichsbank, se mirent d'accord pour écrouler le Mark, tuer le Franc français et les réparations de guerre, quitte à plonger les Allemands, notamment la classe moyenne, dans la misère.

Ce n'est pas sans rappeler ce que font la FED et la BCE depuis 15 ans.

S'il y avait eu une justice, ces deux-là auraient été les deux premiers condamnés à mort à Nuremberg, parce qu'ils sont les premiers fauteurs de guerre dans l'ordre chronologique.

Eric Branca conseille ce livre dont je vous ai fait la recension La montée d'Hitler, hasards, complaisances, complicités ... .

Oswald Mosley est le très riche et très aristocrate fondateur de la British Union of Fascists. Mais, avant cela, tout jeune député et ministre travailliste (les fascistes viennent de la gauche), il proposa en 1930 le Memorandum Mosley, qui, par certains côtés, préfigurait l'Etat-providence. Celui-ci fut rejeté comme portant atteinte aux intérêts commerciaux et financiers du commerce international, notamment avec l'Allemagne.

Le racisme aristocratique en partage

Houston Stewart Chamberlain (très lointain rapport avec Neville Chamberlain) était un des rares hommes vivants qu'Hitler admirait. Anglais naturalisé Boche (il a passé la première guerre mondiale en Bochie), il fut l'un des théoriciens du racisme exterminateur moderne.

Des tranches entières de l'aristocratie britanniques sont conquises.

On connait les sœurs Mitford (5 sur les 6 furent plus ou moins, plutôt plus que moins, nazies. Leur seul frère mourut en Birmanie, où il avait demandé à être envoyé, pour ne pas avoir à combattre les Allemands. Leur père, Lord Redesdale disait : « Je suis normal, ma femme est normale, mais mes filles sont toutes plus folles les unes que les autres. »).

La Grande-Bretagne fut la nation qui s'est le plus déplacée pour la grande fête publicitaire nazie des Jeux Olympiques de 1936. Notamment, la haute société était très représentée : pas moins de 20 000 VIP (!!!!), au point que l'ambassadeur britannique en Allemagne s'alarma auprès de son gouvernement : « Mayfair (le Neuilly londonien) déménage à Berlin et beaucoup parlent alors qu'ils feraient mieux de se taire».

Le pompeux crétin sur le trône

Edward VIII, roi de janvier à décembre 1936, était un pompeux crétin (vous avez sans doute remarqué que l'intelligence n'est pas le point fort de la famille royale britannique), sympathisant nazi.

Son père, le roi George V, horrifié par ses dépenses pharaoniques, l'avait fait mettre sur écoutes, et découvrit à cette occasion l'étendue de ses sympathies nazies.

Si sa volonté de se marier avec une divorcée fut la cause réelle et sérieuse de son abdication, les gens qui savaient furent bien contents de débarrasser l'Angleterre de ce dangereux imbécile. Les inspecteurs de Scotland Yard avaient les oreilles écorchées par le langage ordurier employé par l'Américaine pour parler à celui qui était tout de même le roi.

Il était vaniteux, dépensier, creux, bête, méchant, joueur, alcoolique, paresseux, écrasé par sa pouffiasse (il était une sorte de Harry en plus nocif). Un proche de la famille royale a résumé : « il n'avait pas d'âme ». C'est à l'honneur du système britannique d'avoir réussi à éjecter du trône ce danger public.

Devenu duc de Windsor, il ne trouva rien de mieux que de s'afficher avec Hitler :


La position du bulldog couché

Vers 1935, on peut définir trois types de politiciens britanniques vis-à-vis de l'Allemagne :

1) l'establishement pro-nazi.

2) l'establishment « équilibre des puissances », complètement manœuvré par la force et par le vice d'Hitler.

3) les churchilliens, à l'effectif très réduit, puisqu'il fut souvent de un (deux, si on compte Clementine).

En 1935, eut lieu une catastrophe diplomatique comme il y en a peu dans l'histoire : la Grande-Bretagne signa un traité naval avec l'Allemagne, en cachette de l'Italie et de la France. 

Le contenu du traité importait peu face à la défiance entre alliés qu'installait cette duplicité britannique, c'était tout le système d'alliance contre l'Allemagne qui volait en éclats, si ce n'était dans les textes, au moins dans les têtes. Avec le recul, on peine à expliquer une bourde pareille. Paraît-il qu'Hitler eut du mal à contenir sa joie. On le comprend.

Lord Holy Fox

Halifax est de ces personnages historiques (Voltaire, Weygand, ...) pour qui j'éprouve une aversion au-delà du raisonnable.

Aristocrate hautain, qui se croyait plus intelligent que tout le monde,  il prit de funestes initiatives dans le dos de ses collègues (c'était un serpent) qui outrepassaient son mandat de ministre des affaires étrangères. Et toujours dans le sens de concessions à Hitler.

Evidemment, manœuvrer ce genre de vaniteux par la flatterie, ce fut l'enfance de l'art pour les nazis. Göring lui organisa des chasses grandioses.

Il était aussi l'ami du roi George VI.

En mai et juin 1940, il conspirait dans le sens d'une paix avec Hitler (c'est très probablement pour cela qu'Halifax a laissé Churchill devenir Premier Ministre quand Chamberlain lui a proposé le poste le 9 mai 1940 au soir : d'abord, laisser échouer et décrédibiliser l'option jusqu'au boutiste, puis avoir les mains libres pour négocier la paix avec Hitler. Sauf que Churchill a duré plus longtemps que prévu par Halifax).

Mais, à manœuvrier, manœuvrier et demi, Churchill coinça Halifax.

D'abord, il fit voter le 22 mai 1940 la Defence Regulation 18B qui lui permettait d'emprisonner qui il voulait. Il fit aussitôt arrêter les fascistes de Mosley, qui n'avaient aucune importance en eux-mêmes. Mais le message fut reçu 5 sur 5 dans la haute société à laquelle Mosley appartenait : les soutiens de Halifax se firent soudain moins fermes, plus distants.

Ensuite, Churchill eut deux habiletés :

1) il se ménagea l'appui de Chamberlain, déjà très malade, qui restait le chef du parti conservateur (le pouvoir de Churchill était très fragile) et qui avait été si souvent trompé par Hitler qu'il n'était plus prêt à faire des concessions. Il sut ne pas le brusquer, et même le flatter.

2) il temporisa, il évita la confrontation avec Halifax et le laissa s'enfermer dans ses erreurs.

Première erreur en mai : Halifax choisit comme intermédiaires de paix les Italiens. Or, ceux-ci étaient déjà décidés à entrer en guerre contre la France (ce que Churchill, lui, devina). Mauvaise pioche. Comme Halifax a menti au Cabinet, en parlant d'initiative italienne, ça tourna court sans rattrapage possible.

Deuxième erreur en juin : Halifax passe par les Suédois mais une bonne âme dévoile tout à la presse dès le début et il est obligé de se désolidariser piteusement. Et là, il commet la boulette de cette année 1940 très chargée (celle de Gamelin est hors concours) : il propose au Cabinet de céder Gibraltar aux Espagnols pour les encourager à jouer les intermédiaires.

Dans les poubelles de l'histoire, Halifax. Mais Churchill a senti le vent du boulet. Dès qu'il le put, à l'automne 1940 (après la mort de Chamberlain, Churchill devint enfin le chef du parti conservateur), il expédia Halifax aux Etats-Unis.

La dupe

Mieux que ses services de renseignements, qui n'y croyaient guère, Churchill a compris qu'Hitler brulait de se retourner contre l'URSS. Il voulait encourager cette décision qu'il estimait, à raison, avantageuse pour son pays.

Dans le plus pur style d'intoxication anglaise (je ne parle pas que de la cuisine), il s'est servi d'appeasers retournés pour faire passer des signaux de faiblesse.

Le voyage rocambolesque de Rudolf Hesss en mais 1941 l'a embarrassé : Hess avait l'espoir fou de négocier la paix dans le dos de Churchill avant l'attaque de l'URSS et son échec instantané a prouvé que le Premier Ministre était fermement installé à son poste.

Mais, bon, tout est bien qui finit bien : le 22 juin 1941, s'est produite l'attaque que vous savez. Le jour même, Churchill prononça, en soutien de l'URSS, un de ses plus grands discours. Et six mois plus tard, c'était l'échec allemand devant Moscou.

« Collaboration », ça se dit aussi en anglais

La proposition d'Hitler aux Anglais, la co-direction du monde, était bien plus séduisante que sa proposition aux Français, l'asservissement.

Sans Churchill, il se serait facilement trouvé un gouvernement pour discuter avec Hitler. L'occupation des iles anglo-normandes a prouvé que les Anglais n'étaient pas intrinsèquement plus Résistants que les autres.

Je note avec amusement (mais sans surprise, après le délire covidiste) que la plupart des appeasers sont devenus des churchilliens farouches et sincères, à commencer par son secrétaire, Sir John Colville, et par le roi George VI, tant il est vrai qu'il ne faut pas chercher loin les raisons des opinions des hommes. Le conformisme et le suivisme suffisent à les expliquer dans 90 % des cas.

samedi, mars 04, 2023

Churchill, the end of glory (John Charmley).

Charmley se dégage de la légende churchillienne. Dresse-t-il un portrait à charge ou juste objectif ? j'y reviendrai à la fin de la billet.

Churchill l'insupportable

Les reproches que Charmley fait à Churchill sont tout à fait classiques, ce sont ceux qu'on lui faisait de son vivant, et pas que ses ennemis : brouillon, pas fiable, manquant de discernement.

Brouillon : Churchill avait ce défaut fréquent des autodidactes (ce qu'il était largement), il manquait de structure. Ca partait de tous les sens.

Pas fiable : Churchill n'a été fidèle qu'à deux choses, à lui-même et à son épouse. Il a changé deux fois de parti et il a très souvent changé d'avis.

Manque de discernement : c'est le reproche le plus grave pour un chef. Egocentrique à un niveau olympique, il n'écoutait pas la contradiction et, surtout, il n'écoutait pas les signaux de la réalité. Sa spécialité était de foncer droit dans le mur jusqu'au choc, puis d'utiliser sa formidable énergie pour limiter des dégâts qui auraient pu être complètement évités s'il avait écouté. Il se lançait fréquemment dans des discours grandiloquents et dans des idées grandioses manquant de réalisme.

Churchill était totalement dépourvu de bon sens. Mais c'est aussi ce qui lui permettait d'imaginer des choses que de plus raisonnables s'interdisaient d'envisager.

C'est Roosevelt qui a le mieux résumé le fonctionnement de Churchill : « Winston a 100 idées par jour. Malheureusement, il n'y en a que 3 bonnes et il ne sait pas lesquelles ». Et c'était bien le problème : il arrivait que Churchill ait des conceptions intelligentes et qui voyaient plus loin que ses collègues, mais noyées au milieu d'un tissu de fantaisies.

Bonar Law, un des chefs du parti conservateur,  était de ces hommes imperméable au charme de Churchill : « Winston est dangereux, car son énergie est égale à son manque de jugement ». Ce qui donnait des sorties pittoresques en conseil des ministres : « Maintenant que nous avons écouté les absurdités de Winston, reprenons les choses sérieuses » ou « Mr Churchill, si vous pensez que le gouvernement dont vous faites partie se trompe gravement, vous avez une solution à votre main : démissionnez ».

C'était infernal de travailler avec Churchill, de nombreux témoignages dans ce sens. Ses subordonnés font un gros travail de filtrage, pas toujours judicieux d'ailleurs.

Mais ses défauts l'ont bien servi pendant sa traversée du désert des années 30. Quelqu'un de plus ordinaire ne se serait pas obstiné dans l'anti-hitlérisme.

Les Dardanelles ou l'art churchillien de la guerre

Dans la catastrophe des Dardanelles (prendre le détroit pour venir au secours des Russes et faire sortir la Turquie de la guerre), tout le pire de Churchill y est : plan grandiose mais irréaliste, vœux pieux, mépris de l'ennemi, des détails pratiques et des solutions de repli, passage en force, exagération des bénéfices et négations des risques. Le plus grave pour un chef est l'irréalisme, Churchill nageait dedans.

Balfour souleva tout de suite l'objection fondamentale à l'idée que l'opération pourrait avoir un impact stratégique sur l'Allemagne : « Les Allemands ne viennent au secours de leurs alliés que lorsqu'ils sont directement menacés, ça ne sera pas le cas. Cette opération ne rapportera rien ». Et ça, c'était en cas de succès.

Alors pourquoi est-ce passé ? Parce que, dans un cabinet désorienté par l'évolution désastreuse de la guerre, Churchill était le seul à proposer quelque chose, même si c'était totalement idiot.

Le résultat : une défaite et 250 000 pertes (morts, blessés malades, prisonniers) alliées (je sais que les chiffres de la première guerre mondiale sont vite énormes, mais tout de même).

Les conservateurs mirent une condition à leur participation à un gouvernement de coalition, l'éjection de Churchill. Il retourna au front où il prouva une fois de plus que le courage physique faisait partie de ses qualités.

En 1917, il redevint ministre, des armements, mais dans un statut très affaibli. Il n'était plus le petit jeune qui montait mais l'homme qui avait des casseroles. C'est pour ça qu'il fut nommé : sans appuis, il dépendait entièrement du premier ministre Lloyd George (l'homme qui a un jour reçu un journaliste dans son lit, encadré de ses deux maitresses. Bon, en France, Thiers, avait aussi deux maitresses, la mère et la fille. Quand je vous dis que nous vivons une époque triste ...).

L'obsession hitlérienne de Churchill

Cependant, la mort de sa fille Marigold et divers échecs politiques ont fait mûrir Churchill dans les années 20.

La thèse politique de Charmley a le mérite de la clarté : dans sa lutte à outrance contre Hitler, Churchill, poussé par son exaltation égocentrique, a fait une erreur grossière de calcul, a ruiné la Grande-Bretagne, détruit l'empire et donné le pouvoir aux Américains. Il aurait bien mieux fait de conclure la paix avec Hitler en 1940 et de laisser les Russes et les Allemands s'entretuer, ce qui était exactement la politique voulue par tonton Adolf. Bref, Charmley est un halifaxien.

Le problème de cette thèse, aujourd'hui comme à l'époque, est qu'elle fait l'impasse sur les particularités du nazisme. Significativement, Charmley n'en parle pas. Il traite le nazisme comme une tyrannie ordinaire, soumise au froid calcul de la realpolitik.

Or, tous les penseurs du totalitarisme nous ont montré que le totalitarisme est comme un vélo : il ne s'arrête jamais, sinon il tombe (ce qui le distingue de la tyrannie ordinaire : Pinochet et Franco n'ont jamais eu l'ambition de conquérir le monde). Ceci invalide au passage la thèse à la mode que la guerre froide est une pure création des Américains : si les Soviétiques avaient pu, ils auraient conquis le monde.

1942, année de la liquidation de l'empire britannique

1941 est l'année où Churchill rampa devant l'URSS et les USA. Il était cohérent avec son obsession hitlérienne, mais Staline et Roosevelt n'avaient pas de telles obsessions, ils avaient des objectifs d'après-guerre. Et en 1942 et 1943, ça ne s'est pas arrangé.

Il ne faut jamais oublier, malgré Hollywood,  que les Etats-Unis ne sont entrés dans la deuxième guerre mondiale que 2 ans 4 mois et 6 jours après son début, et même pas de leur propre initiative. Une thèse infondée (le complotisme ne date pas de 2023) prétend que Roosevelt a laissé faire l'attaque de Pearl Harbor pour entrainer son pays dans la guerre. C'est faux mais ça aurait été plutôt à son honneur.

Toujours est-il que l'Amérique est entrée en guerre à la date idéale pour tirer les marrons du feu.

Les ministres britanniques avaient bien conscience de se faire avoir et manifestaient un certain anti-américanisme, mais Churchill ne voulait rien entendre, son Cabinet était dysfonctionnel, peuplé de yes men.

L'exercice solitaire du pouvoir churchillien eut des conséquences dramatiques : le jugement de Churchill était toujours aussi pauvre. Son obsession (il allait d'obsession en obsession) du moyen-orient l'amena à dégarnir l'Asie contre l'avis des militaires. Il est directement responsable de la chute de Singapour (lui et le général sur place, totalement inepte), qui mit la Grande-Bretagne sous la dépendance américaine, en coupant les approvisionnements orientaux, et signa la fin de l'empire.

Charmley reproche aussi à Churchill d'avoir trop cédé à Staline. On ne peut lui donner tort.

Mais personne n'était de taille à prendre la place de Churchill, parce que personne n'en avait l'énergie.

La faute de Charmley

Charmley répète plusieurs fois le proverbe « Il arrive que les idiots (sous-entendu, comme Churchill) soient de meilleurs prophètes que les raisonnables ». C'est bien le nœud de l'affaire. Charmley commet une faute parce que, visiblement il a compris où le problème de sa thèse et il persiste dans l'erreur malgré tout.

L'avenir n'est pas toujours calculable, en fait il ne l'est presque jamais, et la raison des raisonnables est fautive, toujours à côté de la plaque. C'est pourquoi les modérés, les centristes, les raisonnables, sont à l'aise dans le fascisme : le monde, réduit à un paramètre obsédant (les juifs, le virus, les Russes ...), devient enfin (faussement) calculable. C'est aussi la thèse (entre autres) d'Abel Bonnard dans Les modérés.

On remarquera que Charmley est catholique. Il y a deux sortes de catholiques : ceux qui aiment de Gaulle parce qu'il se prend pour Jeanne d'Arc et ceux qui le détestent à cause de cela (on peut facilement transposer à Churchill). Charmley appartient à la seconde catégorie, celle qui se trompe et que je méprise.

Et pourtant, le livre de Charmley, fondamentalement erroné, a un mérite : il montre (pour l'accuser) à quel point Churchill était seul en 1940 et tenait le destin du monde sur ses épaules.

Les autres faisaient-ils mieux ?

Ce n'est pas par chauvinisme (ou alors juste un petit peu), mais je pense que de Gaulle dans la situation difficile qui était la sienne, a fait moins de fautes de jugement (Dakar 1940, à part ça ...). Roosevelt : c'est plus facile de prendre les bonnes décisions quand on est en position dominante, il y a plus de moyens, plus d'options et moins de risques.

La faute de Churchill

La grande faute de Churchill est la campagne de bombardement délibéré des civils, conseillé par le maléfique « Prof » Lindemann (le premier cercle de Churchill était d'assez mauvais conseil, Clementine ne l'aimait guère). Contrairement à mes manichéens contemporains, j'en comprends les raisons, qui ne sont pas toutes à rejeter (voir mes explications dans les billets The fall of Forteresses et Dresden), mais, quand tout est dit, cela reste une grave faute morale.

L'intérêt contemporain de ce livre

En ce moment où on traite de « collabos » et de « munichois » à tout bout de champ ceux (dont je suis) qui pensent et disent que la guerre d'Ukraine est un événement local qui ne met pas en jeu les intérêts de la France, Charmley montre que les accords de Munich étaient la moins mauvaise solution dans une situation fort mal engagée (je ne dis pas la même chose de la Collaboration).

Churchill a fait à ce moment là de beaux discours, mais il était trop tard pour une autre politique que celle choisie par Chamberlain. Sauf, dada churchillien, une alliance avec les Soviétiques, à laquelle Staline n'était pas prêt (mais on n'a pas essayé très fort).

La politique internationale, c'est un peu plus compliqué que les bons et les méchants à BFM.

Dominion (CJ Sansom)

La réponse à Charmley, c'est l'uchronie Dominion. L'auteur imagine qu'Halifax est devenu Premier Ministre le 10 mai 1940 et a appliqué la politique de Charmley.

La puissance et l'empire britanniques disparaissent aussi, parce que l'Allemagne nazie n'est pas une puissance amicale. C'est très vraisemblable.

Bref, les critiques de Charmley se réduisent à pas grand'chose. C'est un portrait à charge, mais pas totalement idiot.