vendredi, novembre 03, 2017

Droite-gauche, ce n'est pas fini (JL Harouel)

Le titre de ce livre est nullissime. Il est même trompeur. Quelqu'un qui croirait trouver un livre assez léger de politique actuelle serait déçu.

Mais le livre en lui-même vaut le coup. Eric Zemmour en a fait la recension :

Éric Zemmour : « Les racines religieuses de la gauche et de la droite »

La thèse d'Harouel est simple : il corrige la très célèbre formule de Chesterton sur les « vertus chrétiennes devenues folles ».

Pour Harouel, la gauche n'est pas faite de vertus chrétiennes devenues folles mais d'idées hérétiques (donc d'idées chrétiennes devenues folles, voir Belloc) digérées : la gnose (1) pour le gauchisme sociétal, le millénarisme (2) pour le communisme.

Le parallèle entre gauchisme sociétal et gnose est impressionnant : haine des différences homme-femmes ; haine du mariage et de la procréation ; éloge de l'homosexualité ; préférence pour le déviant, pour le criminel, pour l'ennemi,  pour l'Autre absolutisé ; existence d'une avant-garde éclairée, d'initiés séparés des hommes ordinaires ; individualisme exacerbé s'affranchissant de toute morale ordinaire ; mélange de débauche et de puritanisme ; et last but not least anti-judaïsme obsessionnel ...

Le parallèle, que je vous épargne, entre communisme et millénarisme est tout aussi édifiant.

Harouel fait remonter la fusion entre millénarisme et gnose à Joachim de Flore.

L'intérêt de ce livre est que Harouel tient ces similitudes non pour une désastreuse (pour l'humanité) coïncidence, mais pour le fruit d'un cheminement historique qu'il essaie de retracer.

Par exemple, même s'il l'a rejeté ensuite, Karl Marx a été très influencé par un gnostique illuminé, Weitling.

La gnose fait un détour par la mode des spiritualités orientales. Au XIXème siècle, occultisme, spiritisme et socialisme sont très liés. Victor Hugo faisant tourner les tables pour découvrir, ô surprise, que les esprits partagent ses convictions socialistes est hilarant (Fantine la prostituée et Valjean le bagnard sont des héros gnostiques : toujours cette préférence pour les déviants).

Plus d'un socialiste se justifie par sa croyance en la métempsycose et c'est assez logique. En effet, si toutes les saloperies, goulag, holodomor, exterminations diverses et variées, sont justifiées par le but de faire advenir le paradis socialiste sur terre, au moins on se console en se disant que les malheureux qu'on a violés, torturés et massacrés pour la bonne cause vont se réincarner dans un monde meilleur.

En tout cas, vous ne serez plus étonnés des affinités entre New Age et socialisme.

Cela aboutit, par un chemin tortueux et désespérant pour l'humanité, à la mortifère religion de l'humanité que traduit la religion des doits de l'homme.

Au fond, pour être droits-de-l'hommiste, il ne faut pas être très intelligent. Quand on a l'intelligence des saints, on n'est pas droits-de-l'hommiste. D'ailleurs, le droit-de-l'hommisme n'a jamais donné aucun saint.

La franc-maçonnerie (très imprégnée du mépris gnostique du peuple - qu'on veut d'ailleurs remplacer) est l'église cachée du droit-de-l'hommisme, tandis que l'Etat est son bras armé. Cette confusion du spirituel et du temporel au service d'une cause fausse (le sens de l'histoire n'existe pas) est mortelle, au sens le plus littéral, pour la France.

Un des fruits empoisonnés de la gnose, c'est le mépris de la raison, qui est très présent de nos jours. Il y a aujourd'hui neuf occidentaux sur dix pour estimer que l'émotion est supérieure à la raison, qu'il vaut mieux ressentir les choses que les penser.

En face, il y a, ou il devrait y avoir, le catholicisme et la droite.

Même si l'Eglise romaine a dérivé vers le droit-de-l'hommisme et le socialisme, elle a, étant donné que « mon royaume n'est pas de ce monde », vocation à combattre les utopies.

Alain Besançon fait remarquer que les condamnations théologiques du socialisme étaient plus précises, plus profondes et plus exactes au XIXème siècle. Que la connaissance des horreurs du socialisme concret est allée de pair avec des condamnations plus circonstancielles, plus superficielles.

Le chrétien (qu'on prendra dans la suite de ce billet pour équivalent de l'homme de droite) ne croit pas que la Mal puisse être extirpé de l'homme, il essaie de tirer la meilleure part d'une situation dont il sait quelle restera insatisfaisante jusqu'au Jugement Dernier.

Il ne croit pas aux utopies, il ne croit donc pas aux crimes qu'on doit commettre en leur nom. Là où l'utopiste prend, le chrétien donne ; c'est toute la différence entre la « solidarité » socialiste et la charité chrétienne.

Le chrétien s'efforce aussi de mettre en ordre une société qu'il sait perfectionnable à l'infini. Il croit donc en la sécurité et en la justice, il n'a pas cette préférence pour les assassins et pour les violeurs de MM. Hugo et Badinter. Harouel en profite pour nous glisser un passage décapant sur le Mur des Cons, révélateur à la fois du mépris du peuple, de la morale commune et des victimes et d'une conviction d'une supériorité morale des juges.

La priorité politique du chrétien est la sécurité des citoyens, sans laquelle la liberté et la la responsabilité sont des mensonges. Il ne rechigne pas à punir les criminels puisqu'il sait que le Mal ne vient pas de l'extérieur (comme le croit le gnostique, d'où la théorie à la mode que tout le mal vient non des individus mais de la société) mais que le Mal est en l'homme dès la Chute originelle.

Contrairement au gnostique, qui est par nature marcioniste (hérésie consistant à rejeter l'Ancien Testament), le chrétien est héritier de peuple juif et donc reconnaît sans réticence la nécessité des nations (pape François, entends-tu ?), à l'exemple de la nation juive. Il en découle que la défense des nations est parfaitement chrétienne.

Ce qui différencie le libéralisme, de droite, d'origine chrétienne, du libéralisme de gauche, c'est le réalisme, le refus d'en faire un absolu, applicable partout. De manière intéressante, Harouel considère que Smith et List (théoricien du protectionnisme allemand) étaient tous deux libéraux mais s'adressaient à des sociétés différentes : la Grande-Bretagne dominatrice de Smith avait intérêt à un libre-échangisme maximal tandis que l'Allemagne naissante de List avait intérêt à des barrières douanières.

Le libéralisme de droite, c'est très simple : libéral à l'intérieur, raisonnablement protectionniste à l'extérieur, parce que les nations existent et que le libéralisme n'est pas un absolu, mais juste un moyen d'exprimer la responsabilité de l'homme sous le regard de Dieu.

La conclusion est la partie la plus faible, peut-être parce qu'il ne peut faire autrement.

Les religions font les civilisations, et non le contraire. Il peut arriver que les civilisations se suicident par de mauvais choix religieux. C'est précisément le cas de l'Europe déchristianisée.

Mais le droite survivra parce quelle est indispensable (on peut ne pas y croire).

Mon opinion est différente : la droite survivra seulement si la France se rechristianise. Ce n'est pas impossible : la spécialité de l'Eglise est tout de même la résurrection. En attendant, prions, ne faisons pas que cela, mais faisons le aussi.

Bien sûr, les petites magouilles des petits arrivistes de LR sont très  à la surface des choses. Je vous parle du temps long.









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(1) : la gnose affirme l'existence d'un dieu supérieur, connu des seuls initiés, qui ont vocation à devenir de purs esprits. Tout ce qui tend vers ce but est bon, y compris, bien entendu, s'affranchir de la morale commune.

(2) : le millénarisme suppose qu'en faisant une certaine action, en général exterminer tous les riches, les dignitaires et les juges, on fera advenir le paradis sur terre pour mille ans.



2 commentaires:

  1. Frédéric Guillaud a écrit dans Tu es Petrus un article soutenant que le libéralisme, quelle qu'en soit la forme ( capitaliste, socialiste ou communiste ) n'est par essence qu'un satanisme.
    Amitiés.

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    1. Je pense qu'il se trompe. Jésus est le grand libérateur.

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