vendredi, janvier 23, 2009

Le problème de la compétence du citoyen : l'exemple du conflit israelo-palestinien.

Vous lirez l'article ci-dessous, ce n'est pas à lui en tant que tel qui m'intéresse.

Ce sont les réactions des abonnés du journal qui ont attiré mon attention.

Il y en a à ce jour 173 et environ 90 % sont très négatives, grossières et insultantes. La plupart révèlent des réactions passionnelles, un manichéisme envahissant et, pour le dire franchement, une complète réussite de la stratégie d'intoxication médiatique du Hamas.

Dans ce conflit, les fractions sont multiples, d'un coté comme de l'autre (il y a des Palestiniens qui ont aidé les Israeliens à frapper le Hamas), le passé est lourd, la situation complexe et les responsabilités partagées.

Le manichéisme n'a donc pas sa place dans l'analyse. Le seul manichéisme, omniprésent, est celui de la propagande : chaque camp prétend être celui du Bien, des pauvres victimes (innocentes, forcément innocentes), contre le Mal, l'horrible agresseur d'enfants (innocents, forcément innocents).

A cette lumière, l'article de Jourde, qu'on soit d'accord ou non sur l'ensemble, rappelle quelques vérités, dit quelques contre-vérités ou biaise le propos, mais en tout cas, ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

Or, la plupart des réactions sont du genre «Beurkk, c'est à vomir», ce qui me semble tout à fait excessif et ridicule.

Visiblement, ces gens sont incapables de saisir et de penser la complexité de la situation. Le vomi est plus facile que la réflexion.

D'où la question que je me pose : quelle est la proportion de citoyens aptes à comprendre une situation complexe (crise économique, conflit millénaire, théorie scientifique, etc ...) et à se former un avis qui ait quelque consistance ?

J'avoue avoir de grands doutes sur la valeur des opinions communément exprimées sur des sujets d'actualité comme les OGMs, le climat, la crise économique, la politique étrangère, etc ...

Je suis perplexe face au gouffre chaque jour plus béant entre la complexité du monde et la capacité de réflexion des citoyens, qui se révèle à l'usage fort limitée.

Il me semble qu'il y a là une explication du sentiment que la démocratie est dans une impasse. Je n'ai pas de solution, juste des inquiétudses.

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Le juif, coupable universel, par Pierre Jourde
LE MONDE | 21.01.09 | 13h58 • Mis à jour le 21.01.09 | 13h58

Depuis l'entrée de Tsahal dans la bande de Gaza, les médias parlent benoîtement d'"importation du conflit", de "violences intercommunautaires". Elles sont tout de même un peu à sens unique, les violences "intercommunautaires". Cela consiste, en gros, à ce que des jeunes gens d'origine arabo-musulmane s'en prennent à des juifs, manifestant par là leur soutien à leurs "frères" palestiniens opprimés. Ils n'ont d'ailleurs pas attendu le conflit de Gaza pour pratiquer ce sport, et l'agression ou l'injure adressée aux juifs est devenue un phénomène récurrent.

La mort de centaines de femmes et d'enfants palestiniens est un désastre humain qui doit susciter en tout homme l'horreur et la compassion. En conséquence de quoi, il est légitime d'aller casser la figure à un juif de France qui n'y est pour rien. Sans doute parce que ces gens-là, c'est bien connu, forment un lobby. Tout juif est complice.

Que soutiennent-ils, en tant que quoi manifestent-ils, ceux qui cassent du juif, et ceux qui manifestent contre l'opération israélienne ?

Soutiennent-ils le Hamas ? Savent-ils que les textes de référence de ce mouvement n'ont rien à envier à ceux du Parti nazi ? Que son objectif déclaré est de tuer les juifs et de détruire Israël ? Veulent-ils qu'Israël reçoive éternellement ses missiles sans réagir ? Savent-ils que l'intrication des combattants et des civils est telle, à Gaza, que faire le tri lors d'une opération militaire est d'une extrême difficulté ?

Réagissent-ils en tant qu'Arabes ? Mais ils sont français, et en quoi un Français est-il impliqué dans un conflit international, sinon au nom de la justice universelle ? Réagissent-ils alors au nom de la justice universelle ? En tant qu'êtres humains ? Mais alors, pourquoi ne se révoltent-ils pas quand on massacre les Indiens du Chiapas, les Tibétains ? Pourquoi les centaines de milliers de morts, les inconcevables cruautés perpétrées au Darfour ne les jettent-ils pas dans les rues ? Tout de même pas parce qu'elles sont le fait des milices d'un régime islamiste ? Pourquoi ne trouvent-ils pas étrange que les communautés juives aient quasiment disparu de tous les pays arabes, après persécutions et spoliations ? Pourquoi ne réclament-ils pas, au nom de la justice, le droit au retour des juifs chassés ?

PROPAGANDE PARANOÏAQUE

S'ils réagissent en tant qu'Arabes, où étaient-ils quand les Syriens ou les Jordaniens massacraient dix fois plus d'Arabes, palestiniens ou non, que Tsahal ? Savent-ils que l'un des rares endroits du Moyen-Orient où les Arabes bénéficient de droits démocratiques, c'est Israël ? Savent-ils que, pour la liberté, la démocratie, les droits de l'homme, il vaut infiniment mieux être arabe en Israël que juif dans un pays arabe, et, à bien des égards, qu'arabe dans un pays arabe ?

Savent-ils qu'Israël soutient financièrement la Palestine, soigne les Palestiniens dans ses hôpitaux ? Que les deux millions d'Arabes israéliens ont leurs députés ? Savent-ils que, si la haine antijuive et le négationnisme se déchaînent dans les pays arabes, attisés par une propagande paranoïaque, qui n'hésite pas à faire usage du faux antisémite des Protocoles des Sages de Sion, la réciproque n'est pas vraie ? Que si de nombreux Israéliens défendent les droits des Arabes, rarissimes sont les Arabes qui défendent des juifs ?

Réagissent-ils en tant que communauté opprimée ? Mais alors, pourquoi les Noirs de France ne s'en prendraient-ils pas aux Arabes qui les exterminent au Soudan ? Pourquoi la communauté indienne ne manifesterait-elle pas contre les régimes arabes du Golfe qui traitent leurs "frères" comme des esclaves ? Voilà qui mettrait de l'ambiance dans la République !

Réagissent-ils en tant que musulmans ? Mais où étaient-ils quand on les massacrait en Bosnie, en Tchétchénie, en Inde ? Leur silence ne s'explique tout de même pas parce que les massacreurs n'étaient pas des juifs, n'est-ce pas ? Savent-ils que les musulmans d'Israël pratiquent librement leur culte ? Que l'université hébraïque de Tel-Aviv abonde en jeunes filles voilées ? Combien de juifs en kippa au Caire, à Damas, à Bagdad ? L'exigence de justice est-elle à sens unique ?

On finit donc par se dire que ces manifestations, les violences et les cris de haine qui les accompagnent ne sont motivés ni par la compassion envers les victimes palestiniennes, ni par le souci de la justice, ni même par la solidarité religieuse ou communautaire, mais bien par la bonne vieille haine du juif. On peut massacrer et torturer à travers le monde cent fois plus qu'à Gaza, le vrai coupable, le coupable universel, c'est le juif.

Une poignée de juifs qui transforment un désert en pays prospère et démocratique, au milieu d'un océan de dictatures arabes sanglantes, de misère, d'islamisme et de corruption, une poignée de juifs qui, en outre, décident de ne plus être victimes, voilà qui est insupportable. Il faut donc bien que les juifs soient coupables, sinon où serait la justice ?

10 commentaires:

  1. C'est marrant, même quand à très juste titre, tu dénonces ceux qui s'expriment sans compétence ni légitimité particulière, tu verses dans le même travers en citant un article totalement partial.

    De plus, parler de propagande du Hamas est tout à fait croustillant quand tu connais les efforts appuyés et publics de Tsahal pour multiplier les sources de communication : Youtube, Twitter, etc.

    Une fois de plus, je retrouve sur un blog le même travers : l'expression "être objectif" ou "être compétent/légitime sur un sujet" a en réalité comme signification "être du même avis que moi".

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  2. «Le seul manichéisme, omniprésent, est celui de la propagande : chaque camp prétend être celui du Bien, des pauvres victimes (innocentes, forcément innocentes), contre le Mal, l'horrible agresseur d'enfants (innocents, forcément innocents).»

    Il semble que j'ai été clair sur le fait que chaque camp fait de la propagande.

    « "être objectif" ou "être compétent/légitime sur un sujet" a en réalité comme signification "être du même avis que moi".»

    Alors que "être objectif", c'est être du même avis que toi ? :-)

    Au fait, je n'ai nulle part parlé d'objectivité, mais de l'aptitude à comprendre une situation complexe, c'est différent : on peut être d'un avis opposé au mien mais savoir le défendre.

    Bien entendu, j'incline à penser que mes opinions sont les meilleures et mes arguments aussi (c'est une simple question d'honnêteté : pourquoi défendrais-je des arguments auxquels je ne croisris pas ?). Si ça n'était pas le cas, j'adopterais immédiatement les opinions et les arguments que j'estimerais supérieurs aux miens et, de ce fait, mes opinions et mes arguments redeviendraient les meilleurs.

    Il arrive aussi qu'il y ait des questions seur lesquelles je n'ai aucun avis ou sur lesquelles mon avis n'est pas très ferme.

    Je n'ai aucune passion particulière pour l'article de Jourde, ce qui me frappe, c'est l'unanimité et la violence des réactions.

    Les avis aurait été à 50 / 50 et les arguments posés, pondérés, ça m'aurait laissé totalement froid.

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  3. Bonjour,

    Certes, le taulier a des convictions, mais, à ma connaissance, depuis les années que je suis ce blog, je ne l'ai jamais vu - ma mémoire me joue peut être des tours - répondre ad hominem à des argumentaires fondés - pour avoir eu quelques desaccords bloguestes , j'en sais quelque chose - . C'est sans doute ce qui fait que, personnellement, je continue avec plaisir à le lire.

    Sur le fond, l'incapacité ou plutôt la capacité des gens à avoir des avis tranchés sur des questions qu'ils ne maitrisent pas, c'est un fait avéré et documenté par la science politique depuis au moins trente ans.

    Je n'ai plus la référence en tête, mais je me souviens d'un article écrit à la fin des années 1970 par un grand politologue US, étudiant les sondages, qui s'étonnait de voir combien les personnes interrogées pouvaient exprimer des certitudes sur des sujets tellement complexes que personne ou presque ne maîtrise complètement et, plus "drôle", que les politiques pouvaient accorder du crédit à cela.
    Loin de lui l'idée de dénier une valeur à la "sagesse des foules", mais il se demandait en fin d'article si cette dernière n'avait pas aussi un domaine de validité, qui pouvait être circonscrit, en première analyse, aux actions sur lesquelles chaque individu de la foule a directement prise.

    @ Chitah
    Parler de propagande du Hamas est aussi croustillant que de parler de celle de Tsahal : la guerre des images fait rage dans les deux camps.

    Sans réussir personnellement à y voir clair dans ce brouillard, je constate simplement que lorsque le gouvernement libanais a utilisé à l'été 2007 des mortiers - autrement plus dangereux et destructeurs - pour rayer de la carte le camp des radicaux palestiniens sur son sol - 40 000 personnes blessées, tuées, déplacées -, personne n'a hurlé de la sorte.

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  4. @Tonton: "More than 400 people, including civilians, died in clashes between the two sides before the Lebanese army took control of the Nahr al-Bared camp on 2 September 2007."

    Le problème n°1 de la démocratie: qui se tient réellement informé, des OGM à l'Iran, pour voter en conséquence??

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  5. Merci Sheiro pour cette correction dans les chiffres.

    Environ 400 morts , avec un camp de 40 000 personnes entièrement détruit.

    http://www.reuters.com/article/worldNews/idUSL2219180220070722?feedType=RSS&rpc=22&sp=true

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  6. De rien, Tonton et je suis d'accord avec toi pour dire que "personne n'a hurlé de la sorte" alors que, si l'on regarde les photos de l'époque, la guerre avec ses bombardements sur les maisons et donc son cortège d'horreurs n'a rien à envier aux horreurs qui se sont produites à Gaza dernièrement. Mais, effectivement, je ne me souviens pas d'avoir lu autant de protestations dans la presse fr. et encore moins de la part des lecteurs.

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  7. Pierre Jourde exprime des vérités qui dérangent. Il a tort : personne n'a envie d'être dérangé dans ses convictions. Il faut vraiment être un cynique de la plus pure espèce pour parler ainsi du monde comme il est, et non comme il devrait être.
    Des commentaires agressifs, insultants ? Il n'a que ce qu'il mérite :quelle impolitesse de sa part !

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  8. Très bon article du Monde.

    Ce qui est reproché aux Juifs n'est pas de massacrer des Palestiniens mais le fait d'être juifs, d'être nés comme tels : c'est l'essence même de l'antisémitisme.

    Concernant les compétences des citoyens, qui connaît un peu l'histoire des Juifs depuis l'Antiquité ? Qui sait ce que fut la diaspora en 135 de notre ère ? Qui connaît le sort immonde réservé aux Juifs dans l'Espagne débarassée des Maures alors qu'à Rome ils ne risquaient pas d'être ennuyés par les autorités pontificales ? Plus près de nous, qui connaît l'idéologie des Frères musulmans ? Qui connaît le grand mufti de Jérusalem et son alliance avec Hitler ? Qui sait qu'il y avait plein de musulmans dans les SS (arborant un drapeau ù la croix gammée cotoyait le croissant) présents sur le front soviétique et que cela révulsait Himmler ? Qui sait que toutes les bonnes librairies islamistes diffusent tous les pmaphlets les plus immondes de la littérature antisémite ? Et ensuite ce sont les mêmes qui viennent traiter les Israëliens de nazis. Bravo l'ignorance.

    Comme l'a dit un jour Jolio-Curie :"je suis communiste parce que ça me dispense de réfléchir". C'est exactement ce qui se passe ici. Curieusement (enfin pas pour moi), les gauchistes sont à la pointe du combat antisémite en Europe.

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  9. Tonton Jack,

    Les biais des sondages ont été largement étudiés et sont bien connus.

    Celui que vous citez, donner une réponse sur un sujet auquel on ne connait rien ou dont on se fout, n'est qu'un parmi d'autres. Il y a aussi l'inclination à pencher du coté du «politiquement correct» ou de l'avis qu'on croit être celui de la majorité, ce qui fait que le vote FN a été sous-estimé par les sondages pendant des années.

    Les sondages sont tellement entachés de biais que je suis effrayé que les politiciens y attachent tant d'importance. Et, quand je dis qu'ils y attachent de l'importance, ce n'est pas une opinion, c'est un fait avéré : il est assez aisé de constater une commitence avec certaines poussées sondagières et le vote de lois de circonstance ou certaines décisions.

    Scherio,

    Ne nous voilons pas la face (c'est le cas de le dire, vu les populations concernées) : les Palestiniens ne sont qu'un prétexte pour exprimer la haine du juif, pardon, de l'Israelien.

    La meilleure preuve en est que les Palestiniens massacrés par des Libanais ou des Jordaniens n'intéressent absolument personne.

    Par contre, je suis prêt à parier que les Israeliens lanceraient quelques missiles sur les Népalais, nous aurions exactement les mêmes manifestations, avec les mêmes manifestants et les mêmes slogans haineux ou hypocrites.

    Paul,

    Vous mettez en plein dans le mille.

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  10. "D'où la question que je me pose : quelle est la proportion de citoyens aptes à comprendre une situation complexe (crise économique, conflit millénaire, théorie scientifique, etc ...) et à se former un avis qui ait quelque consistance ?"

    Surement pas beaucoup, l'esprit des gens étant déja pénétré d'idées et de croyances toutes faites (via les médias notamment). Les procédés sont bien connus : affirmation, répétition et contagion. L'action est lente mais les effets une fois produits sont durables.

    L'affirmation la plus pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un des plus sûrs moyens de faire pénétrer une idée dans l'esprit des gens. Plus l'affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité. Les livres religieux et les codes de tous les âges ont toujours procédé par simple affirmation.

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