mardi, décembre 26, 2017

La grande histoire vue de la mer (C. Buchet) / La France et la mer (Perspectives Libres)





Ces deux ouvrages, l'un sur un mode très plaisant (c'est un joli cadeau), l'autre sur un mode parfois pénible, disent tous les deux la même chose : sans puissance, pas d'avenir et sans la mer, pas de puissance.

Ce n'est pas un hasard si nos dirigeants, qui sont des traitres ne croyant ni à l'avenir ni à la puissance de la France, sont tournés vers Berlin plutôt que vers Londres et ne seraient pas fâchés de se débarrasser de la Nouvelle-Calédonie suite au prochain referendum.

Le sujet est d'importance, c'est pourquoi j'y reviens souvent.

Buchet a une thèse originale à laquelle j'adhère immédiatement.

La France fut la Chine de l'Europe : grande, populeuse, agricole. Mais, bien loin d'être des atouts, cela, comme en Chine, entrava sa montée en puissance. En effet, ces caractéristiques l'empêchèrent de développer une marine, seule vecteur durable de puissance.

Grande : le coût, économique et politique, de l'unité française fut colossal. C'est ça de moins pour la marine. Populeuse : sa population restée agricole, l'empêchant de se projeter à l'extérieur. Agricole : l'agriculture française fut très en retard. Les hommes collés à la terre, ce sont des marins en moins. Le développement anglais s'explique en grande partie par l'agronomie, qui dégagea des hommes pour la marine puis pour la révolution industrielle.

Enfin, la noblesse, malgré les efforts de Louis XIV, était liée à la terre ; ce qui n'était pas le cas en Angleterre ou aux Pays-Bas. Le succès de l'ère Meiji au Japon tient entre autres choses à la transformation des samouraïs en marins d'élite. Les Russes s'en souviennent, les Américains un peu aussi.

La marine, seul vecteur durable de puissance ? Oui, parce qu'avec elle se développe un éco-système plusieurs ordres de grandeur supérieur au système terrien.

Deux exemples.

On estime qu'à son apogée, à la fin du moyen-âge, la richesse par tête de Venise, puissance maritime s'il en fut, était dix fois supérieure à celle de la France. Pas deux ou trois fois, dix fois.

Lors de la désastreuse (pour la France) guerre de Sept Ans, la France et la Grande-Bretagne dépensèrent des sommes équivalentes. Mais l'Angleterre la finança à 81 % par l'emprunt et à des taux moitié de ceux de la France. Pourquoi ? Parce que le commerce maritime anglais avait conduit à un système financier beaucoup plus sophistiqué que le système français. La chose se reproduisit à l'identique pendant les guerres napoléoniennes.

Venise, Amsterdam, Londres et New-York montrent que puissance maritime, puissance financière et, à la fin, puissance tout court coïncident. Fernand Braudel pensait que le destin de la France eut été radicalement différent avec Rouen, maritime, plutôt que Paris, si loin de la mer, comme capitale.

La Chine l'a bien compris : s'il y a bien une originalité de la politique chinoise actuelle par rapport à sa tradition millénaire, c'est l'obsession maritime. Rien que cela prouve que les Chinois ont une vraie pensée stratégique, par essence de long terme et de puissance. Le développement de Shangaï et de Hong-Kong ne doit rien au hasard.

Puissance et long terme, ces siamois de la stratégie font cruellement défaut à la France.

Une fois qu'on a compris que la stratégie française doit être maritime, le reste est étonnamment facile.

L'argent ? Les 40 milliards d'Euros que nous coûte l'immigration tous les ans ne demandent qu'à être mieux employés. Et avec cette somme, on en ferait des choses en mer.

Il n'y rien à conquérir, l'histoire nous ayant légué, presque par miracle, la deuxième Zone Economique Exclusive derrière les Etats-Unis. Il n'y a aucun droit à créer, il suffit de faire respecter ceux qui existent.



Il faut protéger et exploiter notre ZEE.

Protéger ? Aujourd'hui, la France en est à donner des droits de pêche à cause des interdictions qu'elle n'arrive pas à faire respecter. Ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs. C'est une honte.

Plus de frégates, plus de patrouilleurs, plus de bases, ce n'est pas si difficile quand on en fait un objectif national. C'est une goutte d'eau (sic) dans le budget de l'Etat.

Exploiter ? Nous avons une compétence phénoménale dans les choses de la mer (Total, Technip, IFREMER, Bourbon, CMA CGM, Chantiers de le l'Atlantique, etc.).

Il faudrait expliquer aux habitants de l'outremer qu'ils ne sont pas des boulets exotiques que nous sommes bien gentils de subventionner mais d'authentiques, eux, chances pour la France et leur en donner des preuves concrètes. Nul doute qu'ils accueilleraient la nouvelle avec plaisir !

Enfin, le plus grand port commercial français est ... Rotterdam. C'est à en pleurer de honte. Là encore, il est assez simple de faire de Marseille, du Havre, de Bordeaux les portes de la France sur le monde.

Il faut briser des décennies de mauvaises habitudes ? Les corporations crieront ? Et alors ? Tout n'était-il pas facile quand l'analyse est juste et la volonté forte ?

Puisqu'en France, tout passe par la bureaucratie, pourquoi pas un ministère de la mer en tête des ministères d'Etat ?

Aujourd'hui, nous n'avons plus à défendre nos frontières de l'est. C'est le moment ou jamais de redécouvrir la mer.

Ce n'est évidemment pas un hasard si nos plus grands rois, Saint Louis, Louis XIII, Louis XIV s'intéressèrent beaucoup aux choses de la mer, si le dernier déplacement officiel de De Gaulle fut en Bretagne.

Puisse Richelieu (« Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée »), De Gaulle ou Jacqueline Tabarly être entendus.




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