samedi, juillet 25, 2020

Richelieu. L'aigle et la colombe (A. Teyssier).

Ca fait du bien à lire après le cloaque nazi des déconstructeurs. Ca change des sinistres clowns qui  nous dirigent en 2020. Les romantiques nous laissé l'image fausse de l'homme rouge des Trois Mousquetaires. Pourtant, Victor Hugo ne peut s'empêcher de lui rendre hommage.

Richelieu (1585-1642) est un fervent catholique au point d'en être superstitieux, c'en est même amusant. Il est aussi un théologien tout à fait honnête. Le nihilisme n'est vraiment pas son truc.

Richelieu, malgré des journées de travail harassantes, de quatorze, quinze, heures, entend ou célèbre la messe tous les jours.

On remarquera que deux hommes qui ont joué un grand rôle dans la construction ou le rétablissement de l'Etat français étaient catholiques, non seulement de foi intime, mais aussi dans leur manière de penser la politique : Richelieu et De Gaulle.

Mais ils ne mélangent pas les ordres : au confesseur du roi qui lui donne son avis politique, Richelieu répond vertement qu'il n'y entend rien, qu'il se mêle de ses affaires, c'est-à-dire de la religion et de rien d'autre.

Le cardinal est un homme d'Etat exceptionnel, qui a une règle : l'homme d'Etat pèche par omission, en ne faisant pas ce qu'il doit faire. Beaucoup plus que par action, car l'homme d'Etat a le droit de se tromper.

Il forme avec Louis XIII un couple très efficace.

Les dépêches de Richelieu sont élégantes, nettes, concises, sans mots pédants. Sa volonté est claire. C'est l'anti-énarque.

La théologie du pouvoir

Un Prince chrétien est à nul autre pareil : comme le Christ s'est sacrifié sur la croix, il doit se sacrifier pour le bien du royaume. Le pouvoir est un sacrifice quotidien. Nous sommes très loin des jouisseurs du pouvoir macrono-umpistes.

Comme l'Eglise est la tunique sans couture du Christ, l'unité du royaume est première. Non pas dans l'immédiat, mais dans l'avenir. Le Prince doit toujours avoir un coup d'avance. Richelieu émerveille les observateurs par sa capacité à anticiper les objections, à prévoir les coups fourrés.

Un but, des moyens

La politique de Richelieu est très clairement affiché dès ses premiers mémoires à Louis XIII en 1624 et ne variera pas de ses 18 ans de ministère. Sa franchise et sa fermeté font beaucoup pour la confiance que lui accorde ce roi aux multiples qualités mais si peu sûr de lui.

Le but : l'ordre au-dedans, la puissance au-dehors (on aimerait que nos politiciens aient ces objectifs là et aussi clairs dans leur tête).

Les moyens : rétablir le prestige de la couronne en réduisant les grands féodaux et l'Etat dans l'Etat huguenot, s'allier aux protestant anglais et allemands contre les Habsbourg d'Espagne et d'Autriche.

Rétablir les finances et la puissance militaire de la France.

L'action : le grignotage

La France étant très affaiblie, à l'intérieur et à l'extérieur, Richelieu ne peut attaquer bille en tête. Il adopte une stratégie périphérique de patience : il grignote, il circonvient. Sa persévérance sans faille, face à des adversaires moins résolus, le sert.

Subtilement (de sa part, c'est presque normal), il met Rome de son côté, en faisant comprendre au pape, par divers émissaires, que, certes, la France s'allie avec des princes protestants allemands tandis que l'Espagne se réclame d'un catholicisme intransigeant, mais que, dans l'équilibre concret des pouvoirs en Europe, le pape a moins à craindre de la France que de l'empire des Habsbourg.

Il réussit à définir une politique religieuse qui n'est ni gallicane ni ultra-montaine.

Ce faisant, il désamorce une partie du contenu religieux de la querelle entre dévots et huguenots.

A l'intérieur, il ne dit rien, mais il agit. Il laisse dépérir des prébendes et des commissions. Il « oublie » de faire nommer des successeurs quand des postes deviennent vacants.

Peu à peu, l'ordre et les finances se rétablissent.

Quand les ennemis (intérieurs et extérieurs) de la France prennent conscience du danger, il est déjà trop tard pour eux.

Pourtant, il n'arrivera jamais à se mettre dans une position telle qu'il puisse supprimer la vénalité des offices, alors qu'il a bien conscience que c'est indispensable à long terme.

L'action : la mise au pas

Richelieu est patient mais il tout de même pressé par le temps. Sa santé est fragile et le désordre n'a que trop duré.

En 1626, le roi convoque une assemblée des notables, qui refuse de prendre ses responsabilités. Richelieu est déçu, il passe outre, il va de l'avant sans le support de cette auguste assemblée. On le traitera de tyran, mais si les classes dirigeantes ne lui avaient pas abandonné le pouvoir pour mieux défendre leurs intérêts au mépris du bien commun, on n'en serait pas là (air connu). Toujours est-il que la prochaine assemblée de notables se tiendra en 1788 avec les suites que l'on sait.

Dès qu'il a un peu de marge de manoeuvre financière, après trois ans de pouvoir, il passe à l'action.

En 1627, commence le siège de La Rochelle. Il va durer onze mois et être terrible pour les habitants. Mais rien ne peut détourner le roi de son exigence d'ordre et de justice : pas d'Etat dans l'Etat.

La scène, digne d'une image d'Epinal, du roi prêtant main forte aux terrassiers de la digue voulue par Richelieu, afin d'empêcher le ravitaillement anglais, n'est pas seulement de la propagande. Ou, plutôt, elle est de la propagande significative, véridique. Le roi ne cédera pas : il connaît la leçon de son père Henri IV (que les Français de 2020 sont en train d'apprendre à nouveau à leurs dépens),  « il n'y a pire perte que la perte de l'Etat ». 



Mais Richelieu étant ce qu'il est, c'est ensuite lui qui se démène, après la reddition, pour que La Rochelle retrouve sa prospérité.

Le mauvais exemple

Nous avons un témoignage très sûr, puisque Michel de Marillac, garde des sceaux, et opposant au cardinal, est d'accord sur ce point avec Richelieu : la noblesse, d'épée et de robe (1), donne un très mauvais exemple d'égoïsme, de vanité, de corporatisme, de mépris du bien commun et, bien trop souvent, de trahison pure et simple (contrairement à ce qu'on entend parfois, la conscience nationale était déjà formée et la trahison était bien vécue comme telle).

Richelieu s'efforce de rappeler aux nobles que leurs grands privilèges sont la contrepartie de bien lourds devoirs. C'est pourquoi il n'hésite à faire tomber des têtes (Chalais, Montmorency-Boutteville, Saint-Mars. Dans deux cas, la famille du condamné fait enlever le bourreau, espérant sursoir l'exécution. Elle la transforme juste en horrible boucherie par un maladroit désigné volontaire. Bourreau, c'est un métier).

Les réseaux

Il faut bien comprendre que Richelieu ne dispose pas d'une administration moderne. Il doit se constituer des réseaux d'informateurs et de relais. Ayant compris l'importance de l'opinion publique naissante, il a aussi une armée de libellistes à son service.

La journée des dupes

La 10 novembre 1630, la reine-mère Marie de Médicis (représentante de la féodalité, qui ne raisonne qu'en termes de relations personnelles et non d'intérêt national, que son époux Henri IV surnommait élégamment « la grosse banquière ») croit obtenir du roi Louis XIII (qui a 30 ans) le renvoi de Richelieu. La rumeur court Paris tout le 11 novembre. Richelieu songe à se retirer de lui-même, ses amis l'encouragent à rester « qui quitte la table perd la partie ».

Louis XIII est un roi très peu sûr de lui, maintenu dans l'ignorance et dans l'abandon toute son enfance, mais il a une haute idée de ses devoirs. Malgré le poids du génie de Richelieu, il décide de le garder. Le 11 novembre au soir, il l'invite à son pavillon de chasse de Versailles. Les anti-Richelieu ont été joués. Leur haine pour le cardinal n'aura plus de limites.

La haute politique

La question qui oppose Richelieu au parti dévot, au-delà des ambitions personnelles qui ne comptent pas pour rien, est la suivante : quelle est la priorité ? Mettre au pas les huguenots français, y compris en s'appuyant sur l'Espagne, ou lutter contre les Habsbourg bien que la France ne soit pas totalement en état de marche ?

Pour Richelieu, une fois le siège de La Rochelle victorieux, il est plus que temps de se retourner contre l'empire des Habsbourg qui encercle la France (Pays-Bas, Autriche, Italie, Espagne) mais qui a d'énormes difficultés de communication (essayez donc de faire passer des troupes d'Italie aux Pays-Bas).

J'ai tendance à penser que Richelieu avait raison.


Louis-Dieudonné

Le 5 septembre 1638, nait, après 23 ans de mariage, Louis-Dieudonné, futur Louis XIV. Cet héritier est une délivrance, et pourtant, le pire reste à venir.

L'affaire Cinq-Mars

A partir de 1639, le roi s'éprend d'un jeune favori, le marquis de Cinq-Mars (l'inclination homosexuelle est claire, même si elle ne fut pas consommée). Loin d'être le héros qu'en a fait Alfred de Vigny, Effiat est vaniteux, fourbe, méchant et ambitieux. Il méprise le roi comme on méprise un amant qui se laisse trop humilier.

Il s'acoquine avec Monsieur, frère du roi, Gaston d'Orléans, dans un complot qui vise ni plus ni moins à assassiner Richelieu, à mettre Louis XIII sous tutelle et à conclure avec l'Espagne une paix défavorable à la France. L'Etat est en danger.

Heureusement, comme souvent, les comploteurs sont peu discrets et le cardinal bien renseigné. Cinq Mars a eu l'imprudence de se moquer du roi devant témoins, propos qui sont rapportés à Louis XIII. Le complot est dévoilé et la foudre royale tombe. Les têtes des conspirateurs aussi.

Mais cette affaire a créé une faille entre le roi et son principal ministre : Louis XIII a fait des confidences à Cinq Mars disant que le joug du cardinal lui pèse. Pour les quelques mois qui restent à vivre à Richelieu, Louis XIII lui en voudra de l'avoir remis dans son devoir. Et Richelieu s'attriste de la faiblesse de caractère du monarque. 

Une agonie sereine

Le cardinal est perclus de maladies (dont des hémorroïdes qui le font surnommer « cul pourri » par ses ennemis). Son agonie est longue. Sa sérénité effraie même ses amis. 

Voilà un homme qui ordonné des exécutions, déclaré des guerres et qui ne semble pas effrayé de rencontrer son Créateur.

Il s'en est expliqué lui-même à la fois comme théologien et comme homme d'Etat : l'homme d'Etat a des devoirs qui ne sont pas ceux de l'homme ordinaire. Les vertus privées ne sont pas les vertus publiques. Or, d'après l'étalon qu'il nous donne, Richelieu n'a pas failli à ses devoirs publics.


Une philosophie politique

Nous sommes trop habitués à l'Eglise catholique des eunuques, des couilles molles et des pédés, telle qu'elle est depuis un demi-siècle, à cette Eglise suicidaire (car, oui, encourager, ou même simplement tolérer, l'immigration musulmane massive en Europe - comme le font trop de mitrés- est un suicide pour l'Eglise romaine. La seule position admissible, c'est le combat contre cette immigration, comme nous avons combattu aux croisades).

Par lâcheté, par pusillanimité, par manque de foi (je le dis et l'assume), l'Eglise s'est réfugiée dans le culte de l'individu, négligeant totalement les collectivités (en cela, elle a cédé à la mode beaucoup plus qu'elle ne croit). En particulier, elle se complait dans la pitié pour certains individus, se voilant la face sur la dangerosité de cette pitié pour une civilisation entière.

Ce détour par l'Eglise contemporaine est pour vous faire comprendre Richelieu par contraste.

Richelieu n'était pas de cette Eglise là, il était d'une Eglise qui croyait à la nécessité de la Foi agissante. Ce n'est évidemment pas un hasard si les écrits politiques du cardinal alternent avec les écrits théologiques. Les deux sont indissociables dans son esprit. Il ne pensait pas pécher en étant un ministre dur et exigeant, ses critères étaient la justice et le bien commun.

Un ministre de cette trempe nous manque.





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(1) : sous la monarchie, les parlements sont des cours de justice. Les parlementaires sont donc des magistrats. Un de leur rôle est d'enregistrer les lois. Ils peuvent s'opposer au roi en usant de leur droit de remontrance. Le roi peut briser cette opposition, en forçant l'enregistrement, ce qu'on appelle un lit de justice. S'ils continuent à résister, le roi peut les exiler.

Ils touchent les « épices ». C'est, tout simplement, de la corruption institutionnalisé, pour rendre des jugements en faveur de telle partie (la plus riche, évidemment). Louis XV et Louis XVI essaieront de réformer ce sytème mauvais.
Un peu comme les bobos d'aujourd'hui, la noblesse de robe, les robins (dont faisait partie Montesquieu), souvent ridiculisés par Molière, est entièrement absorbée par les soucis égoïstes et corporatistes et néglige totalement le bien commun.

Ils ont été un obstacle constant pour les rois depuis Henri IV (sauf pour Louis XIV, qui a su les mettre au pas). Leur bêtise, leur égoïsme, ont fini par avoir la peau de la monarchie. Voltaire les appelait « les boeufs-tigres, bêtes comme des boeufs, méchants comme des tigres ».

Dans La disgrâce de Turgot, Edgar Faure a bien analysé comment les parlementaires tenaient lieu d'opinion publique à une époque où celle-ci n'avait pas de voix et comment ils ont été liquidés quand les événements révolutionnaires lui en ont donné une.

François Mitterrand, qui connaissait l'histoire de France, a dit un jour : « les juges ont eu la peau de l'ancien régime, prenez garde qu'ils n'aient pas la peau de celui-ci ». En France, par tradition, les magistrats sont des irresponsables malfaisants. Et rien dans l'actualité ne contredit ce jugement historique.

Le seul traitement qui convient aux magistrats français est celui de Louis XIV, se présentant au parlement de Paris le fouet à la main, ou celui de son grand-père Henri IV, s'adressant au parlement de Toulouse avec les grosses dents « je sais ce que vous avez dans le ventre et, croyez moi, je saurai vous faire entendre raison, pour le bien de mes Etats, dont je suis seul garant ».


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