mercredi, mai 12, 2021

Bruckberger, l'enfant terrible (B. et B. Chovelon)

 Léopold (Raymond, en religion) Bruckberger est né en 1907.

Après une enfance difficile en Auvergne (père autrichien en fuite, mère très dure), il est ordonné prêtre dominicain en 1936.

Sergent mitrailleur dans le corps franc de Joseph Darnand en 1940 (les religieux, comme le frère Guérin à l'aile gauche française à Bouvines, ne faisaient pas semblant de partir à la guerre), il lui dit en novembre, après une soirée de discussion houleuse : « Vous prenez une voie (la collaboration) qui vous mènera au peloton d'exécution. Et je serai assez con pour venir vous défendre ».

En 1941, il appelle à la Résistance, la sanction de l'évêque de Nice le scandalise. Il écrit : « Les évêques n'ont pas tous les jours une Jeanne d'Arc à bruler. Monseigneur l'évêque de Nice fait ce qu'il peut  ».

Résistant, il finit par être emprisonné cinq mois (il n'apprendra que des années après la mort de Darnand que c'est grâce à lui qu'il a été libéré au lieu d'être fusillé). Evidemment, dès sa libération, il prend le maquis (dans le Vivarais).

Bruck rejoint Paris à l'été 44. Avec les services publics en grève, les morts ne sont plus enterrés. Notre bouillant dominicain va voir Parodi, le délégué de de Gaulle qui lui répond :  « Faites comme vous voulez. Je couvre toutes vos décisions. Les morts doivent être enterrés ». On est à des lieues de ce connard robotisé d'Edouard Philippe qui interdit les funérailles à cause d'un gros rhume (vivement que notre civilisation inhumaine meurt. Même les hommes des cavernes enterraient leurs morts).

Il accueille de Gaulle à Notre Dame, le 26 août 1944, pendant que ça tiraille encore sur les toits, après avoir expliqué au cardinal Suhard que ses fraîches complaisances pétainistes devaient le pousser à la discrétion (« Le Magnificat s'élève. En fut-il de plus ardent ? » Mémoires de Guerre)

Après guerre, il harcèle de Gaulle de demandes en grâce pour des collabos. Il assiste plusieurs condamnés à mort, dont Darnand. C'est très mal pris par certains extrémistes de l'épuration et l'ordre domincain se désolidarise lâchement de Bruckberger, au comportement pourtant très chrétien. Evidemment, il le prend mal. L'incompréhension s'installe, qui ne fera qu'empirer.

Il est connu de tout Saint-Germain des Près.

Il participe à l'adaptation de plusieurs films.

Il est mis en marge de son ordre (mais non exclu) parce qu'il vit avec sa maitresse. 

Pour lui donner l'occasion de se calmer, son ordre nomme « Bruck » aumônier de la Légion au fin fond du Sahara.

Au retour, après un passage de quelques années par les Etats-Unis, à l'écart du tumulte, il s'installe en France et, parce qu'il faut bien gagner sa croute, il fait le journaliste. Profession qui manque de discrétion.

C'est un violent adversaire de l'esprit moderniste dans l'Eglise (avec soixante ans de recul, on sait qu'il avait raison : les églises sont vides, et la moitié des rares qui continuent à aller régulièrement à la messe ont une foi bricolée tout à fait hérétique (1)).

Il dénonce les communistes mais aussi (ce qui est assez bien vu, avec le recul) les chrétiens dits sociaux (de sociaux, ils sont devenus socialistes, puis plus chrétiens du tout. L'état pitoyable, grotesque, de Témoignage Chrétien et des prétendus chrétiens de gauche est à pleurer. Les Mignard, la Croix et compagnie sont des naufrages intellectuels et spirituels).

Toujours la même histoire. Il vaut mieux un religieux aux moeurs douteuses et à la doctrine droite que l'inverse. Peu importe que Jorge Bergoglio soit chaste et économe, c'est un hérétique. On oubliera les moeurs de Bergoglio ; en revanche, le mal qu'il aura fait au dogme fera sentir longtemps ses conséquences néfastes.

Bien sûr, Bruck n'a jamais remis en cause le célibat des prêtres. Ceux qui prétendent que les problèmes de l'Eglise seraient résolus par le mariage des prêtres et l'ordination des femmes sont soit des imbéciles qui répètent un discours à la mode sans en comprendre les fondements anti-catholiques, soit (c'est plus grave s'ils sont dans l'institution) visent consciemment à détruire l'Eglise. D'ailleurs, les pasteurs protestants peuvent se marier et être des femmes, je ne sache pas que leurs temples soient plus pleins que nos églises.

Puis, Bruck déménage en Suisse avec sa nouvelle maitresse, il n'a pas dit la messe depuis des années mais il n'a pas perdu la foi, il est très tourmenté. A bout de ressources (ses livres anti-concile se vendent mal, il n'est pas à la mode), il est sauvé par une coalition de bienveillance des habitants du coin, qui s'organisent pour qu'il ne les quitte pas.

Il finit par se séparer de sa maitresse et par rejoindre une maison de retraite de l'ordre où il décédera à 91 ans.

On chercherait en vain des personnalités aussi truculentes et aussi profondément croyantes chez les tristes petits fonctionnaires du culte qui constituent la majorité (mais pas la totalité) du clergé de 2021. Il faut dire que la majorité a complètement perdu la foi au sens qu'on pouvait encore donner à ce mot en 1950 (le covidisme est un terrible révélateur de ces défaillances spirituelles mais aussi de quelques heureuses exceptions).

L'Eglise sera sauvée par les Bruckberger.

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(1) : je me base sur les sondages à propos de la croyance en la présence réelle, en la résurrection du Christ, en la résurrection de la chair et en la vie éternelle. C'est un désastre.

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