Un article Paul Fabra dans les Echos.
Résumé :
Sous prétexte qu'il peut exister de « bons » déficits, on a oublié, et pas seulement en France et en Allemagne, de s'en prendre à la dangereuse et insidieuse anomalie - parce qu'elle est une entrave à l'activité économique et, donc, à l'emploi (et à l'emploi stable) - qui caractérise notre temps : le déficit permanent. Il se présente soit sous forme ouverte (dans les deux pays cités, par exemple), soit de manière latente, comme c'est le cas dans les pays où l'équilibre est obtenu en laissant se dégrader le patrimoine public. Pis : une telle détérioration commence à se manifester aussi dans des pays hautement déficitaires comme le nôtre.
Paradoxalement, la bonne nouvelle d'un fort abaissement du déficit budgétaire français (ramené à 43,9 milliards d'euros contre une prévision initiale de 55,1 milliards dans la loi de Finances) a fait ressortir le côté purement formaliste des politiques budgétaires inspirées par le Pacte de stabilité et de croissance que le Conseil européen se propose de rénover les 22-23 mars prochain. L'amélioration est le résultat de plus-values fiscales (IS et TVA) fortuites et totalement inespérées. Ce miracle qui n'en est pas un pourrait bien changer la nature même du problème posé.
Le déficit reste à 3,6 % du PNB, soit au-dessus des 3 % considérés par les traités européens, comme le maximum à ne pas dépasser sauf circonstances exceptionnelles. François Copé n'en a pas moins dit que l'amélioration budgétaire « récompense la politique du gouvernement depuis deux ans et demi ».
Quelle récompense ? Quelle politique ? Dans le but de se rapprocher progressivement des 3 %, il a été procédé à une compression indifférenciée des dépenses sur plusieurs années consécutives, compression modérée, mais compression tout de même. Cette absence de discrimination vaut à elle seule comme forte présomption d'une absence de politique budgétaire proprement dite. Elle suppose optimale l'actuelle répartition des dépenses, puisque le gouvernement, se donnant pour mission de les plafonner (par rapport, toutefois à un PNB nominal en augmentation), décide de le faire globalement. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, il s'agit d'un tour de passe-passe. La consolidation des comptes publics la facilite.
Ainsi, « pour la première fois depuis 1992, l'Etat aurait-il tenu en 2003 ses engagements » en matière d'effectifs. Ceux-ci ont diminué cette année-là de quelque 2.000 fonctionnaires. Un chiffre très inférieur à la marge d'erreur dans l'évaluation des effectifs ! Mais laissons de côté cette considération. Le rapport publié par l'Observatoire de l'emploi public note (« Les Echos » du 19 janvier) que les réductions d'effectifs, concentrées sur deux postes budgétaires seulement (1) - Education nationale et Culture - se sont traduites entièrement par « des transferts de personnels vers d'autres administrations ». Or, dans toute la mesure où le défaut principal, sinon unique, des déficits actuels, c'est leur permanence, une véritable politique corrective impliquerait une sévère sélection entre les dépenses, étant entendu qu'il conviendrait de « faire de la place » pour en augmenter quelques-unes dans les secteurs où les effectifs sont notoirement insuffisants.
Les politiques en question continuent à s'appuyer sur le concept de « stabilisateurs automatiques ». Encore aujourd'hui, la majorité des esprits continuent d'admettre, sans doute parce que beaucoup de raisonnements reposent sur lui, le schéma ultra-connu : en période d'expansion, les recettes fiscales augmentent, ponctionnant opportunément du pouvoir d'achat au moment où la surchauffe menace ; pour des raisons inverses, la contraction des rentrées d'impôts en période de récession serait bienvenue, tandis que le déficit qui en résulte présenterait l'avantage d'injecter du pouvoir d'achat au moment où la demande en a besoin. Qui a dit que l'économie était une science pessimiste ? Mais qui savait la semaine dernière qu'on était déjà si bien engagé dans la phase ascendante du cycle que l'Etat avait commencé d'en engranger les sous-produits fiscaux ?
Ne sommes-nous pas en train d'entrer dans une période d'évanescence du cycle économique ? Ce n'est pas que des politiques économiques adéquates - consistant précisément à laisser jouer les fameux stabilisateurs - auraient fini par en avoir raison. La réalité serait au contraire qu'une économie nourrissant en permanence un endettement public considérable se trouverait par là même anémiée du fait qu'une part grandissante de l'épargne nationale - ou internationale - est absorbée par le financement de la dette publique. D'où résulte, notamment, que la croissance, quand croissance il semble y avoir, « crée peu d'emplois ». Mais si elle crée peu d'emplois, on est en droit de douter de la solidité de cette croissance, voire de son existence. Cette croissance insaisissable, on se demandait avant-hier si elle finirait bien par décoller ! Le comble est qu'on la découvre à travers les statistiques fiscales. Une économie d'endettement est une économie agitée : elle engendre du chiffre d'affaires (TVA). Les restructurations détruisent des emplois, mais gonflent les profits (rentrées d'IS).
Dans son fonctionnement idéal, le Pacte de stabilité prévoit que les pays dégagent des surplus budgétaires en période de croissance. Ils y gagneront des marges de manoeuvre nécessaires quand, la récession étant venue, le moment le sera aussi pour le secteur public d'accroître ses dépenses déficitaires. La Commission Barroso ne cache pas son intention de (re)mettre en route, moyennant certaines concessions, cette belle machine. Mais ce savant balancement est-il encore de mise quand les vents soufflent simultanément dans toutes les directions, quand la conjoncture devient aussi volatile que les marchés financiers ?
(1) Ajoutons que c'est sans doute aussi le cas, mais plus discrètement, au ministèredes Finances.
Lien :Cycle mou, Pacte flou
vendredi, janvier 28, 2005
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