samedi, mai 25, 2013
La trahison des chefs (G. Bigot)
Parcours étrange de l'auteur. Elevé sans autorité, pour diverses raisons, il a longtemps eu la vision soixante-huitarde de l'autorité : c'est mal.
Or, dans son parcours professionnel, il a petit à petit découvert la nécessité de l'autorité.
Sur ce blog, j'ai souvent écrit, sous une forme ou sous une autre, que le pouvoir n'était pas seulement un hochet pour les ambitieux, mais une nécessité sociale. Il en est de même de l'autorité.
Or le commandement s'est mué en management. Le commandement est un art, le management se veut une science. La différence est que le management refuse l'autorité et, au fond, la vérité des rapports humains.
Dans le commandement, les choses sont claires : il y a le chef et les subordonnés. Les subordonnés obéissent et glorifient le chef. En contrepartie, le chef agit pour l'intérêt de la communauté, protège ses subordonnés et paye d'exemple. Ce n'est pas un hasard si les meilleurs chefs (Alexandre, César et Bonaparte, par exemple) se sont exposés au feu dans les moments critiques.
Le management nie qu'il existe un intérêt général, il ne voit que des motivations individuelles. Cela aboutit à ce que le chef ne paye plus d'exemple et n'assume plus ses responsabilités, suivant la devise «Chacun pour soi, Dieu pour tous, et merci pour le bonus». Combien de patrons modernes assument l'échec en démissionnant sans indemnités ? Aucun. Serge Tchuruk peut bien couler Alcatel, il part à la retraite avec un gros bonus.
Le poisson pourrit par la tête. Le pourrissement a commencé quand les chefs se sont mués en managers ou en «hiérarchiques» et les hommes en ressources ; autrement dit quand on a déshumanisé les hommes au travail.
Ces managers n'ont évidemment aucune morale, ils sont très loin de Max Weber et de l'éthique protestante. Ils n'ont aucune notion qu'ils pourraient sacrifier leur carrière ou leurs bonus au bien commun. Ils privilégient le court terme et leur pomme. Leur appétit insatiable de satisfactions immédiates participe du capitalisme sans capital qui fait notre crise économique. Vous comprenez bien qu'elle n'est qu'un symptôme d'une profonde crise morale.
J'ai connu quelqu'un qui profitait de son employeur par tous les bouts : gonflement de notes de frais, travail minimal mais harcèlement du manager pour être augmenté. On peut trouver cela minable, mais en quoi est-il différent dans l'esprit du PDG qui se goinfre ?
Quel remède ? Vous l'avez sous les yeux. L'effondrement du système failli est la condition pour rebatir. Nous voyons que le problème est surtout occidental. Que c'est surtout l'invidualisme occidental, que je n'estime pas mauvais en soi mais qui s'est transformé en narcissisme, qui s'écroule, tout simplement à cause de son incapacité à comprendre qu'une communauté, pays ou entreprise, ne peut être réduite à une somme d'individus.
Guillaume Bigot, directeur d'écoles de commerce, constate chez ses élèves une forte demande d'autorité. Si cela est vrai -et je ne peux que rapprocher cette observation des manifestations de la jeunesse contre la destruction de la famille, qui est aussi une défense de l'autorité, alors le management, qui est le refus d'assumer l'autorité, est mourant.
Je radote en disant que le post-modernisme disparaîtra parce qu'il est stérile. On peut tenir le même raisonnement sur le management : il disparaitra parce qu'il n'est pas efficace. Une étude montre que les entreprises vivent en moyenne cinquante ans. La paternaliste Michelin, si elle ne cède pas aux sirènes du management, vivra bien deux cents ans.
A ceci près que les humains ne sont pas toujours rationnels et ne poursuivent pas toujours l'objectif que l'on croit. Le management, en diluant les responsabilités et dispersant la douleur de la décision, a soulagé les chefs de l'angoisse de se comporter en chefs (c'est éprouvant d'être vraiment chef). Dans la tête d'individualistes forcenés qui ne croient pas à l'intérêt général, le bénéfice du management est supérieur à son inconvénient de ne pas être optimal pour l'entreprise.
Comme souvent, tout ne sera pas noir, ni blanc. Mais si le commandement revient à la mode, nous savons comment faire : des exemples de chefs, il y en a plein l'histoire, il suffit de la connaître.
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