Olivier Babeau : « Sus au tourisme de masse ! »
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Venise, le Parthénon, Versailles, Barcelone : de nombreuses destinations prisées des
touristes s’inquiètent des foules sans cesse plus denses qui viennent les envahir.
Dégradation et usure des sites, exclusion des populations locales : la manne financière
apportée par ces hordes de visiteurs ne suffit plus à calmer les mécontents. La sensibilité
croissante au gâchis énergétique allonge l’acte d’accusation. Le tourisme de masse avait
accompagné et symbolisé la démocratisation des loisirs et le rapprochement des peuples.
Il en représente désormais l’impasse.
Le tourisme prend désormais la forme de monstrueuses migrations dont le principe n’est
plus de découvrir et de s’ouvrir, mais de se désennuyer.
Jean Clair décrit avec une mordante justesse
les hordes déferlant dans les musées. Les touristes défilent en hâte devant des tableaux
auxquels ils ne comprennent rien, dépourvus de toutes les clés culturelles qui leur
permettraient d’avoir accès à leur signification. « Le pèlerin moderne (…) que cherche-t-il ?
Quel salut de la contemplation d’oeuvres qui seraient, à elles seules, la récompense de
ces migrations ? (…) On croit découvrir là, dans la chaleur et dans le bruit de la foule, ce
qu’offrait autrefois la communauté d’une foi ou d’une Patrie. On y découvre un désarroi
commun, une solitude augmentée, quand la croyance a disparu ».
Les voyages à répétition ne sont au fond que les nouveaux signes de distinction sociale.
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Tout est dit.
Plus je vieillis, plus je trouve le tourisme vulgaire.
Certes, à vingt ans, j'avais plus voyagé que la plupart de mes connaissances. Mais ce n'était déjà plus le cas à trente. Peut-être que mes voyages précoces ont désamorcé l'attrait du tourisme.
Avec mon épouse, nous avons encore quelques projets de voyages touristiques, mais ils sont peu nombreux et ça sera pour plus tard.
Depuis des années, par choix délibéré, nous ne sommes pas partis en vacances à l'étranger, sauf pour une occasion familiale. Et quand nous sommes en vacances en France, nous évitons soigneusement les hordes (1). Par exemple, nous préférons Hasparren à Biarritz ou à Saint Jean de Luz, Bayeux à Deauville, Cancale au Mont Saint Michel etc. Nous sommes à chaque fois frappés de la différence de fréquentation que fait une distance de quelques kilomètres.
De toute façon, il n'y a plus aucun lieu à découvrir : il y a juste à comparer la réalité avec ce qu'on en sait déjà, les dix mille photos et videos déjà vues. La plupart des gens passent d'ailleurs leur temps à comparer l'image qu'ils s'étaient faite à la réalité, qu'ils trouvent décevante.
On voit mille fois mieux la Joconde en photo qu'en vrai. Pas la peine d'aller au Louvre, à part la vanité médiocre de dire « Je l'ai vue ».
En revanche, on peut encore découvrir une région, des gens, des coutumes (mais pas pour conforter un sentiment colonial de supériorité, comme beaucoup de voyageurs en Afrique).
Nous essayons autant que faire se peut de nous fondre dans la population, de ne pas déranger, de nous adapter aux coutumes locales. Restons honnêtes : nous sommes néanmoins des touristes, mais pas trop insupportables j'espère.
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(1) : théorème de Boizard (je vous le démontre quand vous voulez) : « Si tu fais la même chose que tout le monde, en même temps que tout le monde, tu te retrouves avec tout le monde. Comme un con ».
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