dimanche, novembre 03, 2024
The second world wars (Victor Davis Hanson)
jeudi, septembre 26, 2024
Masters of the air
Déçu par cette série.
C'est du mauvais cinéma hollywoodien comme Sauver le soldat Ryan : beaucoup de violence et de sang en gros plan, zéro psychologie, personnages sans épaisseur, zéro contexte.
Toujours cette croyance absurde que la technique peut compenser le manque de talent.
Le film de 1949 Twelve o'clock high, avec Gregory Peck, était bien meilleur.
jeudi, août 22, 2024
Le grand rafraichissement (Benoit Duteurtre)
C'est une grande perte mais sa finesse et son intelligence n'étaient plus adaptées à notre époque de grossiers abrutis. Il sera plus utile et mieux reçu là-haut.
Parisien détestant Hidalgo (mais je n'ai pas cru comprendre qu'il appréciait Dati), il était d'une autre époque, son humour pince-sans-rire et cultivé était incompréhensible pour les cyclistes adulescents qui « sauvent la Planète » et se prennent très au sérieux.
Comme Houellebecq, je ne pourrai plus manger d'œufs mayonnaise sans penser à lui (c'était déjà le cas).
Dans cet ultime roman, il imagine que le prétendu réchauffement climatique laisse place à un refroidissement.
Il se permet quelques digressions, comme la loi Justice Equitable, dite loi LJE, qui oblige la police et la justice à condamner par quotas. Il raconte les rafles de bourgeoises blanches dans le XVIème arrondissement, condamnées lourdement pour des peccadilles (évidemment pour équilibrer statistiquement les arrestations de zyvas dans le 9-3). C'est terrifiant parce que le lecteur ne peut s'empêcher de penser que c'est plus une anticipation qu'une fiction.
Il décrit l'acceptation résignée des bourgeoises blanches à leurs injustes condamnations par « souci d'équité ». On s'y croirait.
Petite baisse de régime de Benoît Duteutre : ses amis intellos (de gauche, forcément de gauche) éclatent de rire quand il se prétend de gauche. Il croit qu'il existe une « vraie gauche » (dont il se réclame, évidemment) soucieuse des pauvres et des injustices. Il n'a pas compris que l'essence de la gauche était le nihilisme, la destruction. Oui, il y a bien eu par le passé des gauchistes soucieux des pauvres et des injustices, mais seulement comme des moyens de détruire la société.
La conclusion de ce livre, un peu en baisse par rapport à ses meilleurs, résonne très étrangement : il écrit qu'il ne se voit pas continuer à vivre dans ce monde où touts les plaisirs de vivre ont été stérilisés, aseptisés.
mercredi, août 21, 2024
Chateauvallon
L'avantage de ne pas avoir de télévision, c'est qu'on peut regarder ce qu'on veut à la télévision.
Je regarde Chateauvallon, une série française de 1984, en 26 épisodes, un peu imitée de Dallas, en moins violent et moins sexué.
L'histoire de la famille Berg, notables propriétaires du journal La dépêche républicaine, en 1978 et 1979 dans le val de Loire. Furieusement inspirée de la famille Baylet à Toulouse, propriétaires de La dépêche du Midi.
La série est restée célèbre par l'accident de voiture de sa vedette, Chantal Nobel, qui l'a interrompue.
D'abord, je suis très déçu par les bagnoles : quelques maigrichonnes Alfa, une 205 GTI, des Peugeot 305 et 604, pas de Mercedes pagode ni de Porsche. C'était une série « à la française » dont se moquaient les Inconnus : budget étriqué et ça se voit. Bref, rien d'extraordinaire de ce côté. Il y a quand même un Robin R3000.
Mais, enfin, c'est pas mal.
Mon personnage préféré est Antonin Berg, le patriarche, joué par l'excellent Jean Davy. Ses répliques cinglantes sont un délice. Il est intéressant parce qu'il est une fiction très réaliste : il correspond bien à ses fortes personnalités forgées dans la Résistance et la France Libre (Gaston Defferre prenant le journal Le Provençal le pistolet à main, par exemple. Ou Pierre Messmer, de légionnaire à Bir Hakeim, à premier ministre).
Il tient sa famille et son journal d'une main de fer et sa mort est évidemment le début des vraies emmerdes.
Question gouvernement des hommes, on est à des kilomètres des managers et des Petites Dindes Diplômées style Aurore Bergé, c'est un autre monde. C'est à se demander, comment, en 50 ans, on est passé de ce monde au nôtre.
Hélas, il meurt d'un cancer au 6 ème épisode. Cela a enlevé beaucoup de mon intérêt.
Je note que, quand il décide de se faire incinérer, toute la famille est scandalisée. En 2024, la mode de l'incinération reste pour moi un scandale.
Ensuite, ça se perd un peu. il y a un flic tout à fait marrant qui imite Galabru dans les moments de tension.
Mais ça me permet de revoir toute une époque, celle où pas un Français sur mille avait entendu le mot « hallal » et où un noir dans la classe était une curiosité, où les hommes étaient des hommes et les femmes étaient des femmes.
mercredi, juillet 24, 2024
De sable et d'acier. Nouvelle histoire du débarquement (Peter Caddick-Adams).
samedi, juillet 13, 2024
Un p'tit truc en plus
Comme je dois être un des très rares en France qui n'avaient pas encore vu ce film, je ne vais pas m'éterniser.
Deux braqueurs, père et fils, se réfugient dans une colonie de vacances pour handicapés, afin d'échapper à la police.
C'est bien fait, sans mièvrerie. C'est marrant, on passe un bon moment.
Les fins observateurs auront remarqué la plaque « Simone Veil » à la fin du film. Il est très douteux que ce soit un hommage.
On notera, phénomène désormais habituel, que ce film est boudé par Paris dans les mêmes proportions qu'il est plébiscité par la province (« si l'on examine les chiffres relayés par le site CBO Box-office, les entrées parisiennes du film représentent moins de 10% du total. A la date du 29 mai, les entrées représentaient 345 000 entrées à Paris sur un total de 4,5 millions »). Les Parisiens sont vraiment des connards, des handicapés mentaux dans leur genre, mais ce n'est pas une découverte.
samedi, juillet 06, 2024
Sidney Cotton: The last plane out of Berlin (Jeffrey Watson)
Beaucoup de crétins se sont moqué, pendant le délire covidiste, des excentricités de Raoult. Mais, sans ses excentricités, il n'aurait été qu'un petit prof de médecine de merde, qui aurait pensé toute sa vie comme tout le monde et n'aurait jamais rien découvert.
D'Astier de la Vigerie disait avec coquetterie des premiers Résistants : « Nous étions des ratés ».
Australien né en 1894, Sidney Cotton est l'inventeur de la reconnaissance stratégique moderne, homme à femmes, cycliquement riche et sur la paille, il a inspiré en partie Ian Fleming pour James Bond.
Il est aviateur naval pendant la première guerre mondiale, mais c'est ensuite que sa vie prend un tour intéressant.
En 1938, il se fait payer, en tant que civil, un Lockheed Electra (alors la pointe de la technique) conjointement par le Deuxième Bureau et par le MI6.
L'authentique Electra de Cotton
Il se balade au-dessus au dessus de l'Allemagne comme homme d'affaires, avec des caméras dernier cri qu'il a installées lui-même, prenant en photos toutes les installations d'intérêt militaire. Son assistante, Pat Martin, est une superbe jeune femme (affectée d'un pied bot, mais parait-il que cela nuisait peu à sa beauté) de 27 ans sa cadette. Inutile de faire le calcul : elle avait 17 ans. Il la libérera ensuite en lui disant d'aller faire sa vie avec un homme de son âge. Elle en gardait un souvenir ému (ça se comprend : faire l'espionne à 17 ans en compagnie d'un homme riche, séduisant et sympathique, une vie de rêve).
Bien sûr, il a fait les premiers voyages à vide, pour laisser aux Allemands le loisir d'inspecter son appareil sous toutes les coutures. Les Allemands ne sont peut-être pas totalement dupes, mais comme ils ont un intérêt politique à faire peur aux Britanniques, ça passe.
Il s'acoquine avec l'entourage de Goering. Comme il ne manque pas de toupet, Cotton emmène des nazis voler en même temps qu'il prend des photos (les appareils sont vraiment bien dissimulés, c'est du travail d'artiste).
En août 1939, Cotton a l'idée saugrenue, qui donne des sueurs froides à ses commanditaires (toute sa vie, il sera un électron libre) de sauver la paix lui-même par l'intermédiaire de Goering. Bien sûr, cela échoue. Mais il a le douteux privilège d'être le dernier pilote étranger à quitter Berlin juste avant le début de la guerre, il a eu chaud aux fesses.
La reconnaissance stratégique
Incorporé dans la Royal Air Force pour des raisons administratives, il est toujours aussi peu militaire.
Il installe son équipe de pirates dans un coin isolé d'un aérodrome civil (Heston).
Il réclame deux Spitfires, à l'époque où ils valent leur poids en or massif. On les lui refuse. Pas grave, il s'arrange avec Supermarine pour aller les chercher à l'usine. Gros bordel administratif et susceptibilités froissées.
Ils les dépouillent de tout leur équipement militaire (blindage, mitrailleuses etc) et les truffent de caméras et de réservoirs. Le RAE (Royal Aircraft Establishment) de Farnborough (la sépulture de Napoléon III est à Farnborough), l'équivalent de notre STAé, lui dit que ça ne marchera jamais, à cause des problèmes de centrage.
Les Spits de Cotton volent plus haut, plus vite et beaucoup plus loin (distance franchissable multipliée par 3) que les Spits ordinaires. Nouvelles susceptibilités froissées.
Il recrute des pilotes un peu particuliers. Le dicton est « Un pilote de grande reconnaissance, c'est un pilote de chasse avec un cerveau », en fait il préfère les pilotes de bombardier, plus posés, plus réfléchis.
Il professionnalise toute la chaine jusqu'à l'interprétation. Il remplace les bonnes vieilles loupes par de l'optique dernier cri.
Il va lui-même présenter ses albums de photos à Churchill, à l'époque premier Lord de l'Amirauté (la Navy aide Cotton pour des questions de rivalités avec la RAF, c'est comme ça que Ian Fleming, officier de marine, a fait sa connaissance). Nouvelles susceptibilités froissées, rengaine connue.
Ah oui, et Cotton se balade dans Londres en respectant très approximativement le code de la route, dans une Hotchkiss rouge, un peu l'équivalent d'une Ferrari. Le truc discret.
Beaucoup de susceptibilités froissées, certes. Mais il est soutenu par quelques pontes, tout simplement à cause de son efficacité. Avec 10 fois moins d'avions que les unités de reconnaissance classiques, il rapporte plus de photos, et meilleures.
Ses Spitfires ont vu la colonne blindée allemande qui traversait les Ardennes.
Un des problèmes de ces reconnaissance à haute altitude est que les vols sont détectables par les trainées de condensation (hello, les crétins qui croient aux chemtrails).
La bureaucratie fait la peau de Cotton
Comment vient à Cotton l'idée, objectivement idiote, d'aller repêcher contre rémunération Marcel Boussac en pleine débâcle de 40 ? Finalement, cela ne s'est pas fait, mais cette histoire a entachée la réputation de Cotton comme si cela s'était fait.
Bien entendu, ses ennemis s'en donnent à cœur joie, mais bon, il a un peu cherché. On lui reproche aussi d'avoir généreusement distribué l'argent de la RAF à des amis. C'est vrai, mais ils avaient des compétences que la RAF n'avait pas. Qu'est-ce qui coûte le plus ? De l'argent jeté par les fenêtres pour un truc qui marche ou entretenir, en comptant chaque shilling conformément aux procédures, une escadrille totalement inefficace ? La réponse des bureaucrates, ces sous-hommes, vous la devinez.
Mais il est vrai qu'il y avait des accusations plus sérieuses : le mélange militaire/civil missions/affaires laisse un goût désagréable, on n'est jamais loin de la concussion. Et puis, il vend des armes américaines pour son propre compte aux Français.
Les Français le détestent. Son côté mythomane nuit à sa crédibilité. Et sa manière de se balader avec une escorte de jolies femmes fait bien peu militaire, et les militaires français sont assez coincés (même si une rumeur, infondée, bien sûr infondée, dit qu'il est allé au bordel avec Vuillemin, le chef d'état-major de l'armée de l'air).
Bref, le proverbial vase et la non moins proverbiale goutte d'eau ...
Il est privé de son unité et restera conseiller technique. Mais les bureaucrates de la RAF ont quand même été assez avisés pour se débarrasser de lui quand son unité était sur les rails. La Bataille d'Angleterre n'est même pas commencée que la carrière de Cotton comme aviateur est finie.
Puis il est emmerdé pour avoir travaillé avec une puissance étrangère ... les Etats-Unis. La bêtise bureaucratique à front de taureau. A l'époque, la politique britannique était de tout faire pour attirer les Américains dans la guerre (on est à quatre mois de Pearl Harbour).
Probablement une dénonciation de la RAF : pour des raisons que j'ai expliquées dans un autre billet, la hiérarchie de la RAF des années 40 était, à quelques brillantes exceptions près qui ont sauvé les meubles, un ramassis de sales cons. La RAF, eu égard aux moyens énormes qui lui étaient alloués, fut plutôt un échec. Les villes allemandes ont été rasées, et alors ? Pour quel impact militaire, économique et politique ? Plus d'officiers aviateurs britanniques sont morts pendant la deuxième guerre mondiale que d'officiers d'infanterie pendant la première guerre mondiale.
On ne sait pas bien ce que Cotton a fait entre 1940 et 1945. Probablement pas grand'chose.
Trafiquant d'armes
Après la deuxième guerre mondiale, il y a : des guerres de décolonisation, des armes et des avions bradés, des pilotes au chômage.
Cotton n'est pas le seul à avoir l'idée d'additionner tout cela. Il gagne des fortunes, qu'il dépense aussitôt en prostituées et en drogue.
Les prostituées, c'est affaire de goût. Mais la drogue à 50 ans, ça fait vraiment minable (à tous les âges, d'ailleurs).
Dans les années 50, alors qu'il aurait pu profiter des quelques millions qu'il lui restait, il s'embarque dans une histoire d'achat de concession de pétrole. Il se fait rouler dans la farine par les Saoudiens (il est bien trop brouillon et impulsif pour l'emporter face à des arabes patients et retors) et sort ruiné de cette aventure.
Une triste fin
Il se remarie en 1951 avec sa secrétaire de trente ans sa cadette (une de ses ex-épouses a fait remarquer qu'il n'aurait pas supporté le choc d'une femme qu'il n'aurait pas dominée). Ils ont deux enfants. La misère après l'affaire saoudienne (qui n'arrête pas les folles dépense de Sidney) détruit le mariage.
Son épouse, aigrie avec quelque raison, dira toute sa vie qu'un seul mois du temps de leur splendeur leur aurait permis de finir leur vie tranquilles au lieu de quoi Sidney Cotton a fini sa vie en tapant les uns et les autres et n'a laissé que des dettes.
Il meurt en 1969.
Une reconnaissance (!) tardive
Aujourd'hui, Sidney Cotton est considéré comme le père de la reconnaissance stratégique : avions spécialement adaptés, matériel photographique de pointe, notamment la prise de photos déroulante, équipe d'interprétation professionnelle.
Ces éléments existaient plus ou moins dans d'autres forces aériennes, mais jamais systématisés ainsi (Saint-Exupéry était un pilote de « grande reconnaissance », mais c'était le moyen-âge par rapport à ce que faisait Cotton).
C'est avec Cotton qu'ont lieu les reconnaissances systématiques en profondeur, en territoire ennemi.
mardi, juin 25, 2024
Rome, Naples et Florence (Stendhal)
Je n'aime pas Stendhal.
Je suis une brute : pour moi, égotisme rime trop facilement avec nombrilisme et cela m'ennuie terriblement, à m'en décrocher la mâchoire à force de bâillements. J'apprécie les natures plus vigoureuses. J'ai bien du mal à comprendre comment un homme aussi énergique que Jean Prévost a pu s'éprendre de ce mollasson de Stendhal.
J'ai pourtant lu sans déplaisir la Chartreuse, pourtant je ne suis pas allé au bout (Stendhal non plus, d'ailleurs).
Mais (banalité) quel styliste !lundi, juin 24, 2024
L'affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français (Dominique Missika)
Il me plait d'autant plus d'évoquer ce sujet que la résurgence de la judéophobie (1) en France ne cesse de m'inquiéter.
Bien sûr, il y a la judéophobie musulmane, transplantée en France par le Grand Remplacement.
Mais pas seulement, d'autres (Soral, Meyssan, Jovanovic, Durain etc), sous prétexte de critiquer le « judaïsme talmudique » et le « sionisme », remettent au goût du jour les pires clichés anti-juifs : peuple comploteur pratiquant les sacrifices humains. Et certains d'entre eux sont catholiques !
Ils se croient supérieurement intelligents, ayant compris des choses cachées que les naïfs dans mon genre ne comprennent pas. Il sont juste méchants et idiots : la complexité du monde les dépasse, ils ont besoin de s'inventer des mécanismes cachés simples. Les demi-habiles sont une calamité biblique.
Je soupçonne qu'il y a aussi une soumission femelle, plus ou moins consciente, au mâle viril du moment : le barbu musulman.
Quittons ce préambule.
Un passionné de cinéma
Nohum Tannenzapf est un juif roumain né en 1886. Passionné d'image, assez vite, il s'oriente vers le cinéma.
Il immigre en France. Il se marie à une Française.
En 1911, il est condamné pour outrages aux bonnes mœurs pour des films « grivois ». Ses ennemis en feront plus tard des tonnes sur ce sujet, le qualifiant, comme un dirait aujourd'hui, d'acteur porno. C'est très exagéré.
Il faut noter, pour remettre les choses dans le contexte, que beaucoup de maisons de production s'y livrent pour arrondir des fins de mois, parfois difficiles.
Il fait une « belle guerre », suivant l'expression de l'époque. Sa condamnation est effacée et il est naturalisé sous le nom de Bernard Natan.
Avec la réussite, les ennuis, et la jalousie, commencent.
Le premier en France, il tente une intégration verticale de la production de films, avec des techniques de pointe.
Première faute : il étale trop sa réussite, très parvenu, nouveau riche. On ricane dans son dos. Bien des pique-assiettes ayant profité de ses largesses et de ses soirées fastueuses sauront s'en méchamment souvenir. Il ressemble (hasard ?) au châtelain juif joué par Dalio dans La règle du jeu (un film que j'adore, mais c'est une autre histoire).
Il aide financièrement Mélies qui, tombé dans la misère, tient une petite boutique de fleurs à la gare Saint Lazare.
En 1929, il rachète ses parts à Charles Pathé et l'entreprise devient Pathé-Natan. Charles Pathé a alors une attitude ignoble, déshonorante : il savonne la planche, dans le dos, en traitre, de celui à qui il a vendu ses parts. Deuxième faute de Natan : il ne se méfie pas de Pathé.
Natan finance aussi les balbutiements de la télévision.
Mauvaise date : 1929, c'est l'année du krach de Wall Street, qui fera sentir ses effets en France deux ans plus tard. Pathé-Natan, comme tous ses concurrents, souffre beaucoup. Natan doit se battre pour survivre et ce n'est pas toujours blanc-bleu.
En 1936, Pathé-Natan dépose le bilan mais continue son activité.
En 1938, Natan est arrêté pour escroquerie après une campagne de presse immonde et condamné en 1939 à cinq ans de prison. C'est la vengeance des jaloux et des judéophobes.
La justice aussi est immonde. Le réquisitoire du procureur a un ton et un vocabulaire pamphlétaires, bien loin de la sérénité et de la mesure qui siéent à un magistrat. Le célèbre avocat Maurice Garçon, pourtant anti-juif, en est choqué.
Il y a bien eu escroquerie, mais fort légère, et les victimes en étaient des margoulins, elle a été grossie hors de proportion et la peine est très excessive.
On notera que Pathé n'a pas été liquidée et fut florissante après ce passage à vide. Il semble qu'Ernest Mercier, polytechnicien fondateur de ce qui s'appelle aujourd'hui Total, fut à la manœuvre pour profiter de la chute de Natan (Mercier est lié à la famille Dreyfus, difficile de l'accuser de judéophobie).
Natan est l'une des « vedettes » des expositions anti-juives organisées après la défaite.
En 1942, toujours en prison, il est déchu de sa nationalité française et livré aux autorités allemandes en tant que juif apatride (rappelons que c'est un décoré de guerre). Il meurt en 1942 à Auschwitz.
Sa réhabilitation commence en 1996, pour le centenaire de Pathé, et une plaque d'hommage est dévoilée à la FEMIS.
Un milieu de pourris
Cette histoire n'est à la gloire ni de la France ni du milieu du cinéma.
Jean Dréville poursuivra Marcelle Natan de ses injures jusqu'à la fin de sa vie. Elle est belle, la hauteur d'âme des « grands » artistes.
Un mot de conclusion : la Mal est partout en l'homme. Mais les gens de cinéma et de télévision vivent d'images et, souvent, de leur image. Cet état de fait, de profession, prédispose aux sentiments les plus bas. Il est dans l'ordre des choses que ce soit un milieu de pourris.
L'équipe du Splendid, vachement cool, n'est-ce pas ? Et bien, Anémone raconte que les Lhermitte, Jugnot et compagnie ont monté en douce une société sans lui en parler pour la spolier d'une partie des bénéfices du Père Noël est un ordure.
Cette grande dégueulasserie met en perspective l'élan purificateur qui s'est emparé des moralistes du cinéma français depuis quelques temps.
J'aime le cinéma, mais je n'ai jamais compris qu'on puisse admirer les gens de cinéma pour autre chose que pour leurs qualités professionnelles. Les opinons des acteurs et des metteurs en scène sur la vie, la mort, l'amour, la politique, je m'en fous comme de colin-tampon.
Le Caravage et de La Tour étaient des voleurs et même un petit peu des assassins,. Il ne serait pas venu à l'esprit de leurs commanditaires de tenir compte de leur avis sur quoi que ce soit à part la peinture.
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(1) : je préfère ce mot à « antisémitisme », plus flou, plus ambigu.
samedi, juin 22, 2024
Mosquito (Rowland White).
Une ode au meilleur avion de la deuxième guerre mondiale, le De Havilland Mosquito.
Il a excellé dans tous les rôles : chasseur, bombardier, reconnaissance et même transport (il a notamment transporté Niels Böhr hors de Suède).
Une hérésie selon le conformisme de l'époque : un avion en bois. Mais du bois sophistiqué, l'ancêtre des matériaux composites, un sandwich de bouleau et de balsa. Est-ce à dire que le conformisme a toujours tort ? J'ai tendance à le penser.
Hermann Göring aurait fulminé : « Non seulement ils font cet avion merveilleux, mais en plus, ils le font en bois, même pas un matériau stratégique, n'importe quel fabricant de pianos peut le faire ».
Le bureau d'études de Beechcraft, étudiant les plans du Mosquito, conclut que c'est un avion « sans utilité militaire ». Pas ce qu'ils ont fait de meilleur. Ce jugement peut étonner : les qualités du Mosquito sautent aux yeux, même si leur exploitation militaire peut poser problème. Tel est le poids du conformisme.
Evidemment, le projet est rejeté par l'administration, et Mr De Havilland s'arrange avec un officier moins con que la moyenne pour se faire financer une partie en douce (c'est pourquoi le bordel dans l'administration n'est pas forcément une mauvaise chose : ça laisse des marges de manœuvre aux intelligents, mais aussi aux imbéciles).
Le pilote et l'observateur-navigateur sont côte à côte. On a fait remarquer à Mr De Havilland que ce n'était pas le meilleur choix aérodynamique, il a répondu que son interlocuteur méconnaissait le prix de la chaleur humaine dans le stress du combat.
Les Allemands ont tenté une copie du Mosquito (subtilement baptisée Moskito) mais ils ont eu des problèmes de collage. La mise au point du collage est toujours la difficulté avec les avions en bois, un des fils De Havilland est mort quand un prototype s'est désintégré en vol, à cause d'une mauvaise colle.
Le Mosquito, avion pittoresque
Quand on a interrogé Keith Miller, champion de cricket et ancien pilote de Mosquito, sur la pression dans le sport, il a répliqué : « La pression, c'est quand tu as un Messerschmidt au cul. Le cricket, ce n'est pas de la pression ».
Les anecdotes sur le Mosquito sont innombrables. Un jour, un navigateur penché sur sa carte voit passer une ombre très rapide, il demande à son pilote :
_ Qu'est-ce que c'était ?
_ Un clocher.
C'est ce qui s'appelle voler bas.
La partie arrière était sans doute trop fine, d'où une certaine fragilité structurelle. Mais cela reste un avion formidable. Il a le taux de pertes le plus bas de tous les avions alliés alors qu'il effectuait des missions de pirate.
La spécificité opérationnelle du Mosquito était d'emporter le chargement d'un B17, plus 4 canons et 4 mitrailleuses, à la vitesse d'un Spitfire (et même un peu plus), jusqu'à Berlin, avec un navigateur. Sans le navigateur, les Mosquitos n'auraient pas pu voler aussi bas. Monopilotes, ils se seraient rapidement perdus. Quand on déboule à 500 km/h à 100 pieds/sol (voire moins), toute l'attention du pilote est à l'évitement des obstacles.
Les Mosquitos pouvaient aussi voler très haut, ce qui les rendait intouchables d'une autre manière.
Embry
Les Mosquitos sont commandés par Basil Embry (ultérieurement, Sir Basil Embry).
Il fait partie des marginaux de la Royal Air Force ne partageant pas l'idéologie du bombardement stratégique et qui ont tous eu des ennuis à un moment de leur carrière : HCT Dowding (le vainqueur de la Bataille d'Angleterre), Keith Park (Malte), Sidney Cotton (l'inventeur de la reconnaissance stratégique et un des modèles de Ian Fleming pour James Bond), Sailor Malan etc.
Embry est une légende de la RAF : en 1940, survivant d'une attaque de Blenheim malheureuse, il est fait prisonnier et tue ses gardes pour s'évader. Sa tête est mise à prix par les Allemands. Il vole aussi souvent que possible (sous pseudonyme), notamment les missions difficiles, ce qui le rend immensément populaire auprès de ses hommes (beaucoup moins auprès de ses chefs, que son franc-parler prend à rebrousse-poil).
C'est lui qui va chercher des étudiants d'Oxford un week-end pour les former comme opérateurs radar pour la chasse de nuit (évidemment, contre toutes les règles administratives). Première sortie, première victoire.
Aux missions de Mosquitos, il apporte ses qualités : rigueur, audace et imagination. Il recrute dans le personnel au sol des maquettistes (bien entendu, en contournant leurs fonctions officielles) afin d'avoir en quelques heures une maquette de la cible à partir des photos de reconnaissance.
Il met en place une équipe de navigateurs spécialisés dans la préparation de mission, en exigeant d'eux qu'ils tiennent à jour la position des batteries de DCA ennemies, un travail de Titans, même avec l'aide des services spécialisés.
A des fins de propagande et de debriefing, Embry fait filmer les raids les plus spectaculaires par un Mosquito caméra.
Il fait aménager en bout de piste un dépôt de bombes pirate, ce qui permet de charger directement les avions en cas d'urgence, avec un colosse qui porte sur son dos les bombes de 500 lb de la soute aux avions !
Ce travail paye : prévenue par la Résistance (les missions Jedburgh, un Français, un Américain, un Anglais, faisant la liaison avec la Résistance et les missions Sussex, des SAS en assistance de la Résistance, étaient d'une efficacité redoutable) d'un dépôt d'essence de la division Das Reich à Châtellerault, son escadrille décolle trois-quart d'heures plus tard. Deux heures après la réception du renseignement, le dépôt d'essence a cessé d'exister.
Je ne suis pas sûr que toutes les forces aériennes de 2024 soient capables d'une boucle aussi rapide.
A Copenhague, Embry vole tellement bas qu'il s'enfile une avenue entre les immeubles. Avec cet humour anglais bien connu, un de ses pilotes dit : « Tiens, le Vieux fait du tourisme ».
Comme tout Anglais qui se respecte, il a fini sa vie éleveur de moutons. Il a eu 5 enfants.
Mosquitos contre Gestapo
Les Mosquitos ont un ennemi « personnel » : la Gestapo. Prison d'Amiens, siège de la Gestapo à La Haye, siège de la Gestapo à Arrhus, siège de la Gestapo à Copenhague.
La précision des bombardements est stupéfiante, les quatre coins de la prison d'Amiens sautent, libérant les prisonniers. Il y a quelques victimes collatérales, mais pour l'époque, c'est très impressionnant (et aujourd'hui encore, d'ailleurs).
Bien dans leur manière, les gestapistes ont tenté une parade : les boucliers humains. Mais les Résistants estiment que le jeu en vaut la chandelle.
Seul vrai drame : à Copenhague, un Mosquito heurte un pylône d'éclairage (bas, c'est bas) et s'écrase. Les suivants se trompent de cible et bombardent l'incendie, détruisant une école, tuant 85 enfants et 18 adultes.
En revanche, 18 des 26 boucliers humains réussissent à s'évader, ce qui est inespéré.
Rowland White écrit à l'américaine, c'est-à-dire sans aucun style, avec tous les trucs qu'on apprend à l'université (semer des allusions au destin futur des personnages pour inciter le lecteur à continuer, varier les points de vue, etc). C'est insipide comme un thé sans thé.
Mais le sujet est intéressant. Ce livre est un hommage à un avion et à des hommes qui le méritent.
C'est du cinéma, dans la réalité ils volaient plus bas :