vendredi, mars 21, 2025

Angle of attack. Harrison Storms and the race to the Moon. (Mike Gray)

Harrison Storms (naturellement surnommé Stormy) était le directeur technique de North American, responsable du module de commande d'Apollo.

Il fut désigné comme le bouc-émissaire, viré comme un malpropre, de l'accident d'Apollo 1. Alors qu'aujourd'hui, il est bien établi que le premier responsable était la NASA. Mais quand une administration mène une enquête sur elle-même, il est rare qu'elle s'accuse.

La féminisation des mentalités n'avait pas encore transformé les hommes en copines qui blablatent sans fin et rendu la vie aussi chiante qu'une agonie en EHPAD.

C'était l'époque des grands directeurs techniques, des hommes de fort caractère. Quand ça merdait (un programme, ça merde toujours à un moment ou un autre), la tempête soufflait dans les bureaux mais ils étaient excellents (les ingénieurs n'avaient pas encore été abêtis par la simulation), ils savaient décider et les projets avançaient vite.

J'ai déjà commis un billet sur la gestion de programmes à l'ancienne, quand les Occidentaux, n'étant pas encore devenus des tapettes craintives, faisaient des trucs qui arrachent.

Seul maître à bord après Dieu, le directeur technique (le chief engineer) a l'oeil à tout, il sent venir l'orage.

Son instinct technique l'avertit de la perfidie de détails apparemment anodins (la peinture, le fil à casser, les joints ...), il anticipe les difficultés, il envoie ses émissaires chez le sous-traitant le plus obscur si son intuition lui dit qu'il y a là un danger qui sautera sur l'ingénieur imprudent, au moment crucial.

Il tranche, il choisit, il décide. Il tient ferme la barre, ses avis tombent comme la foudre (et parfois comme l'oracle de Delphes). C'est un meneur d'hommes, on peste, on le maudit, mais on le respecte et on travaille.

Certains directeurs techniques sont restés célèbres : Henri Deplante chez Dassault, Kelly Johnson chez Lockheed, Roger Robert chez Matra, Lucien Servanty sur Concorde, Roger Béteille sur A300.

Ils avaient en commun, paraît-il, un caractère soupe-au-lait. On ne fait pas Apollo ou Concorde avec une bande de copines.

L'auteur Mike Gray, qui écrit en 1992, sacrifie à la  débilité féminolâtre et regrette (pourquoi ?) qu'il n'y ait eu sur Apollo qu'une seule femme ingénieur (c'est d'ailleurs faux) sans comprendre ce qu'il écrit : s'il y avait eu plus de femmes sur Apollo, ce programme n'aurait pas été le club de mecs fonceurs qu'il était et aurait échoué (bin oui, la vraie vie, ce n'est pas les fantasmes idiots du politiquement correct, c'est même l'exact inverse).

Mettre « des femmes dans la science », c'est le meilleur moyen que la science n'avance pas. Ou, si vous préférez, que la science avance à pas de fourmi plutôt qu'à pas de géant. Les femmes sont besogneuses, plus que les hommes, mais n'ont aucun génie (Marie Curie n'est pas Einstein). Aucune femme ne se fixera comme but dans la vie d'aller sur la Lune ou sur Mars, c'est trop farfelu, déraisonnable, puéril. Wernher von Braun et Elon Musk sont des hommes, et ce n'est pas du au machisme de la société.

Ce n'est pas une opinion misogyne de ma part, ce sont des faits aisément vérifiables. Mais, en nos temps où le réalisme est anathème, où être réaliste est pire que tuer des bébés phoques, en disant la simple réalité, je blasphème plus que si j'avais déclaré que Brizitte Macron était un homme (par exemple, au hasard).

La féminolâtrie est une expression de la pulsion de mort occidentale (comme l'écologisme et l'antiracisme, deux autres idéologies orthogonales à la réalité).

Stormy

Né en 1915, Harrison Storms, comme les grands scientifiques de cette époque, n'était pas un citadin. Elevé à la campagne, il avait comme tous un grand sens pratique. Anecdote significative : les directeurs de missions Apollo (une dizaine d'ingénieurs) faisaient tous leur mécanique automobile eux-mêmes.

Etudiant d'abord moyen, il est motivé quand il rencontre sa future épouse Phyllis, qui tiendra ferme la barre de la famille pendant que son mari affrontera les difficultés (l'esprit de l'époque n'avait pas encore appris aux jeunes femmes que l'idéal féminin consistait à comporter comme des pétasses vaines et capricieuses).

Sous la coupe Von Karman, il gérait la soufflerie de Cal Tech. Puis il choisit d'aller chez North American, la petite boite qui montait (à ce jour, North American détient le record, qui ne sera probablement jamais battu, du nombre d'avions militaires produits).

Il travailla comme un fou pendant la guerre (comme beaucoup de gens restés à l'arrière, il considérait qu'il n'avait pas le droit de prendre une minute de repos tant que des jeunes de son âge mourraient au front). Et après aussi !

Il est le père du XB-70 et duX-15. Scott Locklin considère que cela vaut toutes les créations de Kelly Johnson chez Lockheed, c'est un peu exagéré : il y a tout de même le SR-71 au dessus du lot.

Le premier travail important de jeune ingénieur d'Harrison Storms chez North American fut de calculer le décollage de B25 à partir du porte-avions Hornet (18 avril 1942).

Le X15

Le patron de North American, Dutch Kindelberger, n'était pas chaud quand Storms lui proposa en 1954 de s'engager dans la compétition X15. Il rêvait encore de grosse production, alors 3 prototypes ... Mais il laissa faire.

North American gagna de 1,4 point sur 100.

Premier vol moins de 5 ans après l'appel d'offres. De nos jours, il faut plus de 10 ans pour un missile et 20 ans pour un avion, qui ne sont pas moitié du quart aussi innovants que le X15. Quand je dis que nous sommes devenus des incapables, je ne parle pas en l'air.

Bon, il y avait les moyens financiers : le X15 valait trois fois son poids en or. Mais cela ne va pas dire grand'chose : les programmes actuels coûtent des milliards, étalés sur des décennies, pour des résultats pas forcément mirobolants (voir le F35).



X15, X16, X17 ... et Sputnik

Storms avait une idée rationnelle de la conquête spatiale.

L'avion spatial X15 permet d'étudier la limite de l'espace, puis, un jour, un X16, une navette spatiale, permet d'aller en orbite et d'en redescendre. Ensuite, on construit une station orbitale dans laquelle on peut assembler un vaisseau lunaire. Et, quelque part dans les années 80, on pose un homme sur la Lune. Et c'est en effet l'approche la plus rationnelle, à la fois techniquement économiquement.

Mais Sputnik et la panique qu'il a déclenchée chez les Américains en 1957 bouleversèrent tout cela.

Pourtant, Sputnik était en partie la conséquence du retard des Soviétiques : s'ils avaient besoin de fusées si puissantes, c'était que leurs bombes et leurs systèmes étaient 2 à 3 fois plus lourds que ceux des Américains. Et les décideurs américains en avaient conscience, mais ils ne pouvaient rien contre l'hystérie qui s'empara du public, qui est aussi constitué d'électeurs.

Ca serait donc la fusée.

Le programme Apollo

Au début des années 50, les Américains avaient trois programmes de fusées parallèles : US Air Force, US Navy et US Army.

L'US Navy et l'US Air Force se sont arrangées pour mettre le programme de l'US Army sur la touche alors que c'était le seul qui avait une chance de réussir, parce qu'il employait les Allemands de Wernher von Braun, qui avaient 15 ans d'expérience des fusées.

Von Braun n'était pas très aimé, les souvenirs de la guerre étaient encore frais. Quand il a publié une brochure I reach for the stars (Je cherche à décrocher les étoiles), certains ont ajouté malicieusement But sometimes I hit London (Mais parfois je tape Londres).

La NASA fut fondée sur le squelette de l'ancienne NACA.

Au début des années 60, les Américains prirent une série de décisions dimensionnantes et irréversibles. Elle étaient toutes très audacieuses, obéissant à une logique commune : optimales théoriquement, leur mise en pratique est totalement inconnue au moment où la décision est prise.

Les deux plus importantes :

> LOR : Lunar Orbital Rendez-vous. Le vol vers la Lune et retour se feront en détachant par étape des bouts de vaisseau et cela implique un rendez vous en orbite lunaire, à une époque où il n'y a jamais eu de rendez vous en orbite, lunaire ou pas. Où, d'ailleurs, les Américains ne sont pas allés en orbite de grand'chose.

> le deuxième étage S2 de Saturn V sera hydrogène liquide LH2 (au lieu du kérosène) + oxygène liquide LOX. L'hydrogène étant deux fois plus énergétique que le kérosène, ça se justifie, mais utiliser l'hydrogène liquide est très risqué. Quelques Américains avaient déjà travaillé expérimentalement avec de l'hydrogène, ils étaient moins effrayés que les Allemands. Von Braun s'y opposa,  puis après une nuit de calculs, finit par accepter, emportant le morceau. Sans cette décision, les Américains ne seraient probablement jamais allés sur la Lune. Les Soviétiques n'ont jamais sauté le pas de l'hydrogène et n'ont pas posé d'homme sur la Lune.

Common Bulkhead

Pendant ce temps, Storms bâtissait son équipe de pirates.

Il visait S2, mais surtout le module de commande, le morceau de choix.

Pour S2, il a poussé une décision technique audacieuse.

Pour des questions de tenue à la pression, les fonds de réservoirs d'oxygène liquide et d'hydrogène liquide sont arrondis.

Vous pouvez les empiler comme deux œufs par le cul mais beaucoup de place est perdu. Ou vous retournez l'un des arrondis et vous les empilez comme deux chapeaux melon l'un dans l'autre, zéro place et zéro masse perdues.

Bien évidemment, Storms voulait la seconde solution. Et elle posait des problèmes techniques à rendre fous les ingénieurs. Il fallait concevoir une cloison de séparation commune (common bulkhead) qui soit à la fois fois isolante (70°C entre LH2 et LOX), solide et légère, et qui bien sûr tienne les températures (LH2 : -252 °C).

On estime que cette décision a économisé entre 3 et 4 tonnes de structure (sur 36 tonnes de matériels autres que le carburant). Le S2 était composé de 92,6 % de carburant et de 7,4 % d'autre (structure, moteur, etc).

L'offre Apollo Command and Service Module (CSM)

Stormy convainquit Dutch, déjà très malade, de se lancer dans l'aventure du module de commande.

Autorisé à dépenser 1 million de dollars, il en dépensa 5 en deux mois ! Un ingénieur pointa 250 heures de travail .. en deux semaines. De la folie furieuse. Vous remarquerez que ce genre d'exploit n'est possible que si vous avez une femme dévouée à la maison qui s'occupe de tout le reste (je le répète pour bien que ça rentre : les grands exploits techniques sont impossibles ou très difficiles au temps du féminisme. Quand vous voyez une photo de Space X, il n'y a que des « mâles blancs » et je ne sais pas comment ils se débrouillent avec leurs femmes, s'ils en ont).

Contre toute attente, North American  remporta la compétition.

Ses atouts :

1) Moins disant : 400 millions de dollars. A la fin du programme, cette partie aura en fait coûté 4.4 milliards ! Mais ce n'est sans doute pas le plus important.

2) Une conception (relativement) simple. Ceux qui avaient commencé l'étude 2 ou 3 ans avant se sont retrouvés handicapés : noyés par la masse des problèmes qu'ils avaient identifiés, ils ont proposé des conceptions trop complexes.

3) Une longue habitude de confiance entre North American Aviation et les services officiels. Ils savaient que, quand ça merderait (hélas, ça a merdé encore pire qu'imaginé), NAA n'enverrait pas ses avocats et ses comptables, mais essaierait de résoudre les problèmes.

4) Charlie Feltz. Ingénieur réputé pour son extraordinaire sens pratique, il rassurait la NASA, qui le connaissait bien et qui savait que ça ne partirait pas tous les sens. Il avait supervisé la construction des X15. Un exemple : tout le monde était soucieux des vibrations et s'inquiétait que le pilote ne puisse même pas piloter. Feltz a eu un raisonnement simple : qu'est-ce qui vibre le plus ? Les tracteurs. Il est allé voir un marchand de machines agricoles pour l'aider à concevoir le siège du X15, et ça a fonctionné.


Harrison Storms et Wernher von Braun




Apollo 1

Le 27 janvier 1967, les astronautes Grissom, White et Chaffee moururent dans l’incendie instantané de leur capsule Apollo 1 lors d’essais au sol.

L’analyse de cet accident est simple :

1) Cause technique : la capsule a été étudiée pour une atmosphère 100 % oxygène à un tiers de la pression atmosphérique. Les essais au sol ont eu lieu dans une atmosphère 100 % oxygène à la pression atmosphérique, cette pression d’oxygène pur trois fois plus élevée que la spécification a transformé certains matériaux (les velcros pour empêcher les objets de flotter dans la cabine et le filet de nylon pour recueillir les objets tombés au fond) en bombes.

2) Cause organisationnelle : comme d’habitude, c’est l’implicite qui tue. Les équipes d’essais sont parties dans l’idée que la capsule était étudiée pour une atmosphère 100 % d’oxygène et la question de la pression est restée implicite. Lors de l’enquête la NASA a constaté que cette pratique datait du programme Gemini et que c’était un miracle qu’il n’y ait pas eu ce genre d’accidents avant.

3) Circonstance aggravante : la porte d’entrée n’était pas conçue pour une évacuation d’urgence.

North American avait vivement protesté contre ces deux décisions techniques (oxygène pur et pas de boulons explosifs), la NASA les avait imposées (la NASA craignait les pannes d’un système de renouvellement d’air trop complexe et ne voyait pas la nécessité d’une évacuation dans l’espace).

Lors de l’enquête parlementaire qui a suivi, les politiciens ont été égaux à eux-mêmes : bêtes et méchants (dans une démocratie médiatique, les politiciens de qualité ne peuvent être qu’un malentendu provisoire). 

Un sénateur a reproché au directeur de la NASA « une incompétence comme il n’en avait jamais vue ». Il ne devait pas avoir vu grand-chose dans sa vie : la NASA venait de réussir 16 tirs sur 16 en 6 ans en augmentant à chaque fois la complexité.

La NASA ne pouvait pas être coupable, sinon c’était la fin du programme Apollo. Cette raison explique d’ailleurs pourquoi certains politiques voulaient absolument que la NASA fût coupable, pour récupérer l’argent pour autre chose (guerre, corruption, assistanat. Gravy train comme disent les Américains).

La NASA fit donc comprendre à North American que l’heure des sacrifices humains était venue. Harrison Storms, qui n’avait rien à se reprocher (et tous les acteurs du programme le savaient), sauta. On le remplaça par un ingénieur terne et obéissant de Martin, celui là même qui avait perdu l'appel d'offres. Mais le plus pénible était fait dans la conception du module de commande.

Le problème technique fut résolu sans difficulté : la porte fut simplifié et, au moment du tir, l’atmosphère de la capsule comprenait une proportion d’azote qui était éliminé en cours du de vol.

Cette affaire eut un effet collatéral positif. Les politiques s’étant montré sous leur meilleur jour (antiphrase, évidemment), les gens du programme Apollo adoptèrent une mentalité obsidionale, « nous contre eux ».  Leur solidarité et leur coopération s'en trouvèrent renforcées.

Point intéressant : en 2025, l’Occident est noyé sous les procédures, toutes plus idiotes et paralysantes les unes que les autres (plus personne ne veut prendre de responsabilité, il faut que les procédures prennent les décisions toutes seules, c’est le turbo-sanscouillisme). Lors de l’enquête de 1967, on s’aperçut que, selon la procédure d’appel d’offres, Martin aurait dû gagner de quelques points le contrat du module de commande face à North American. On parla de corruption. En réalité, un décideur avait fait ce pour quoi il était payé : il avait décidé. Entre North American qui fabriquait quelques-uns des meilleurs avions du monde et Martin qui fabriquait quelques-uns des plus mauvais, il n’y avait pas photo dans l’esprit des gens de la NASA, à quelques points près dans l’évaluation de l’appel d’offres, en qui ils avaient le plus confiance.

La fin

Harrisson Storms et North American ont endossé le blâme d'Apollo 1 à la place de la NASA. Stormy a démissionné et s'est établi consultant. 

Les autorités ont forcé North American, excédentaire, à fusionner avec Rockwell International, déficitaire. Rockwell International étant géré par les financiers, le groupe a coulé dans les années 80.

L'esprit étroit, mesquin et cupide des financiers est totalement inadapté à l'industrie aéronautique, risquée et de long terme. Pour couler une boite aéronautique, rien de plus efficace : exiger une rentabilité régulière de cette industrie en dents de scie.

Les dépouilles de Rockwell International ont été rachetées par Boeing, qui a fait ensuite exactement les mêmes erreurs.

Entretemps, la NASA a attribué le contrat de la navette spatiale à Rockwell International. Certains pensent que ce fut une manière implicite de récompenser North American de sa docilité lors de l'affaire Apollo 1.

En fait, North American était foutu quand Dutch est mort. Son successeur, Lee Atwood était considéré comme le chief engineer des chiefs engineers, mais il lui manquait l'entregent politique pour échapper aux requins à grandes dents de Washington.


Documents : X-15 et XB-70

Video du X-15 :

 




 Video du XB-70 :



Lunatisme

Des connards propagent le doute. Voire affirment carrément que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune. En anglais Moon Hoax, que je traduis par Lunatisme.

Je refuse de discuter sur le fond. Cette thèse est tellement absurde que discuter est déjà concéder des points à leur logique paranoïaque.

En revanche, ce délire paranoïaque est révélateur.

Qu'est-ce qu'Apollo ? C'est le plus grand exploit des Américains et peut-être de l'humanité.

Donc raconter des craques sur Apollo, c'est à la fois cracher sur les Américains et sur l'humanité. Quel bonheur !

En réalité, ce sont juste des petits mecs de 2025, en panne de tout, d'intelligence, de désir, d'audace, qui, devant leur ordinateur, éprouvent le besoin, pour ne pas regarder leur insupportable médiocrité en face, de souiller les géants des années 60.

Le lunatisme exprime bien la mentalité de notre triste époque.

1 commentaire:

  1. "...Son instinct technique l'avertit de la perfidie de détails apparemment anodins ..."
    J'aime beaucoup l'aphorisme "le détail oublié se venge"
    Et j'aurais tendance à ajouter que plus le détail a été oublié longtemps, plus il a été réduit à l'insignifiance, plus la vengeance est implacable.

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