samedi, août 19, 2006

L'illusion de la faiblesse

Bon, j'ai encore piqué ça à Ludovic Monnerat, mais ça fait tellement plaisir de s'extraire des pseudo-analyses des bas de plafond partisans que je ne résiste pas [mes commentaires entre crochets] :

L'illusion de la faiblesse

La capacité du Hezbollah à survivre aux assauts partiels de Tsahal a relancé l'intérêt pour les mouvements paramilitaires pratiquant la guérilla et le terrorisme. La Syrie a annoncé son intention de créer un mouvement similaire, le monde arabo-musulman acclame ceux qui ont "tenu tête à l'entité sioniste", alors que nombre d'experts pontifient sur la prétendue supériorité des forces irrégulières face aux armées conventionnelles. De toutes parts est propagée l'impression d'une défaite militaire et stratégique d'Israël, coupable d'avoir gravement sous-estimé les capacités du Hezbollah et de s'être attaque à plus fort que lui. On en viendrait presque à oublier les pertes terribles de la milice chiite, les combattants aguerris et les stocks de munitions qu'elle mettra des années à remplacer, et l'annihilation qu'elle a frôlée [les chiffres qui traînent sur les blogs libanais établis à partir de coups de fil aux hopitaux et aux morgues (et non des communiqués des parties en présence) le Hezbollah aurait perdu environ 3000 combattants aguerris et il ne lui en resterait plus que quelques centaines.] !

Au-delà de la capitalisation politique de cette saignée, à laquelle Nasrallah et consorts se livrent aujourd'hui mais qui sera bien vite diluée dans les tourbillons de l'actualité, il est bon de rappeler certaines réalités. Premièrement, la branche armée du Hezbollah est largement équipée et entraînée comme des forces non conventionnelles de type militaire, avec par exemple des appareils de vision nocturne, des armes de précision et des missiles antichar très performants ; une organisation tirant des TOW ou des Kornet ne répond pas vraiment au stéréotype de la guérilla populaire. Autrement dit, le Hezbollah a mené un combat d'infanterie basé sur l'usure, les actions dispersées de petites unités s'appuyant sur un terrain renforcé, le cumul des accrochages censés être furtifs et mortels pour une armée lente et lourde.

Le problème, c'est que la plupart des unités de Tsahal n'ont pas tardé à faire la différence entre le Hezbollah et les bandes armées palestiniennes, entre des unités irrégulières prêtes à se battre jusqu'à la mort et des essaims de combattants majoritairement ineptes, de sorte que ces accrochages ont presque toujours tourné au bain de sang pour la milice chiite. Si Israël a abusé de la puissance aérienne et en a payé le prix politique, son emploi de l'infanterie - bien plus que des blindés - contre le Hezbollah a été judicieux. La réactivité, la mobilité et la précision des fantassins israéliens leur ont permis de sortir vainqueurs d'un combat très difficile : celui consistant à entrer dans un secteur lourdement fortifié, face à un adversaire préparé depuis des années à le défendre, pour rechercher ce dernier et le détruire [Israel a tout de même souffert de pbs logistiques et stratégiques et, comme - faut-il le rappeler ?- c'est une démocratie, on en parle et on en débat abondamment dans la presse.].

Deuxièmement, le sacrifice quasi automatique des combattants n'est une méthode applicable que lorsqu'un immense réservoir est disponible, que si un peuple entier est prêt à se battre jusqu'au bout. Malgré les perceptions propagées dans ce sens par le Hezbollah, ce dernier ne constitue qu'un pan très minoritaire de la société libanaise [le Hezb est peut-être majoritaire parmi les chiites qui sont une minorité ; seul l'appui de politiciens non-chiites (Aoun, Lahoud) aux ordres de la Syrie ,lu iassure une place politique supérieure à son poids électoral] ; et si cette dimension sociétale lui confère une force considérable, elle n'existe que par la faiblesse du Liban.

Conçu comme un Etat dans l'Etat, avec son armée, sa télévision officielle, ses services sociaux, ses filières d'éducation (et d'endoctrinement), le Hezbollah est une structure parasitaire qui exploite une situation donnée, se protège derrière la souveraineté libanaise en cas de besoin, mais ne doit sa survie qu'au manque de capacités ou de volonté des véritables Etats [le Hezb par ses méthodes rappelle la Mafia]. A commencer par celui d'Israël.

C'est le troisième élément à prendre en compte : les tergiversations politiques et la timidité opérative des Israéliens sont la principale cause de leur succès limité. Ils ont réagi rapidement face à l'ouverture stratégique que le Hezbollah leur a fournie sur un plateau, mais ils n'ont pas su pleinement adapter le rythme et la modalité des opérations au caractère ponctuel de cette ouverture. Ce qui est une constante : dans un affrontement du fort au faible, ce sont les faiblesses du fort qui sont décisives, et pas les forces du faible. Le Hezbollah a tout jeté dans la bataille, a sacrifié ses meilleurs hommes comme ses meilleurs équipements, pendant qu'Israël, malgré un soutien populaire très fort, s'est longtemps escrimé à éviter tout ce qui pouvait ressembler à une opération massive. Jusqu'à accepter une résolution de l'ONU qui place la communauté internationale devant ses responsabilités.

Derrière les grandes déclarations du monde arabo-musulman se cache la réalité de cette retenue, et de son raisonnement essentiel : la volonté de ne pas être lié, de conserver toute sa liberté d'action pour faire face aux prochaines étapes du conflit [il ne faut pas perdre de vue que la plupart des gouvernements arabes voit la claque que s'est prise le Hezbollah comme une bonne chose]. Déjà, les Israéliens ont tiré les leçons de leur imprudence en relançant les projets de défense antimissile et antiroquette sur leur frontière nord ; déjà, ils étudient la manière de mieux protéger leurs chars contre les missiles modernes, tout en exploitant la mine de renseignements capturée. La carte Hezbollah ayant été jouée, maîtrisée, analysée et bientôt totalement contrée, elle perd son intérêt à court et moyen terme dans le jeu iranien [je n'en suis pas si sûr : si le Hezbollah en tant que force armée disparait pour un certain temps, il pourrait bien profiter de la reconstruction et de l'argent iranien pour se renforcer politiquement. Toujours l'effet pervers d'un baril à 70 $]. Au contraire, le jeu israélien reste dans l'ombre, ses capacités incertaines, sa volonté imprévisible, surtout en rapport avec un jeu américain qui peut soudain abattre ses propres cartes [on, au moins ceux qui sont hypnotisés par lé télé, a peu oublié le nucléaire iranien, alors qu'il sous-tend toute l'affaire libanaise, il risque de faire un retour fraccassant avant la fin 2006].

[J'ajoute qu'il y a un article dans l'IHT sur la victimologie des medias qui a empêché toute compréhension par le grand public.]

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