lundi, janvier 31, 2011

Mariage homo: de quel droit ?

A chaque lobby sa loi…

Publié le 31 janvier 2011 à 06h01 sur Causeur

Anne-Marie Le Pourhiet est professeur de droit public à l’Université Rennes 1 et vice-président de l’AFDC

Les associations d’homosexuels ont donc feint, comme l’on pouvait s’y attendre, d’être « déçues » par la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011 constatant que la Constitution française n’impose nullement d’ouvrir la possibilité de se marier à deux individus du même sexe. Nulle personne sensée n’avait pourtant imaginé que l’institution de la rue Montpensier, que l’on dit composée de « Sages », allait se mettre soudain à faire divaguer la Constitution, comme le fait souvent la Cour européenne des droits de l’homme en livrant de la Convention du même nom des interprétations pour le moins constructives et fantaisistes. Il se trouve d’ailleurs que la Constitution française est absolument muette sur le mariage et que son article 34 se borne à renvoyer à la loi le soin de « fixer les règles concernant l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux et les libéralités ».

Mais les avocats des deux lesbiennes requérantes et des associations qui les soutiennent y sont évidemment allées de l’éternelle rhétorique victimaire utilisée par toutes les militances catégorielles pour demander au Conseil de mettre un terme à l’odieuse discrimination dont seraient victimes les homosexuels du fait d’une législation civile attentatoire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi.

Seulement, la question juridique n’est, en l’occurrence, pas du tout celle-là. La loi française, en effet, ne prive pas une catégorie de personnes de l’accès à un « droit » qu’elle aurait créé. Il se trouve que le mariage n’a jamais été conçu autrement qu’entre un homme et une femme, seuls capables d’engendrer, et qu’il ne se définit donc pas en dehors d’une relation hétérosexuelle. Il est exclusivement la consécration institutionnelle de celle-ci. Ce que résumait Renaud dans une jolie chanson : « Même si j’étais pédé comme un phoque, je n’serais jamais en cloque. »

Le monopole hétérosexuel du mariage n’est donc pas le fruit d’une législation arbitraire, discriminatoire et « hétérocentriste », il est tout simplement sa définition même, de telle sorte que Jacques Chirac n’avait souffert d’aucune « absence » en parlant de « parodie de mariage ». Il ne peut s’agir que de cela, en effet, et les images du fameux « mariage de Bègles », évoquant celui de Thierry Le Luron et de Coluche, semblaient sorties de ces peintures haïtiennes représentant les mariages burlesques des carnavals antillais.

La loi française n’est donc pas discriminatoire, le traitement différent de situations différentes n’étant évidemment pas prohibé par le principe d’égalité, sauf à prétendre aussi abroger la condition d’âge nubile, autrefois fixée à la puberté et aujourd’hui à la majorité. Ce que veulent les militants homosexuels, c’est tout simplement faire changer le sens même du terme de mariage pour lui faire dire ce qu’il n’a jamais pu vouloir dire.

La question fondamentale est donc celle du sens et de la fonction du droit dans une société. Sans doute le droit sait-il depuis longtemps créer des fictions dont l’adoption est l’exemple type, mais il s’efforce toujours de les rendre vraisemblables et de ne pas s’écarter de la réalité possible. Faut-il aller toujours plus loin dans l’artificialisme en satisfaisant toujours plus de revendications aberrantes au nom d’un prétendu « progrès » et de la reconnaissance de droits illimités ou refuser rationnellement l’institutionnalisation de ce qui n’est tout simplement pas vraisemblable ?

Dans un article du 3 juillet 2010 consacré aux passions de certains individus pour leurs animaux domestiques, le journal Marianne faisait part du mariage d’un individu humain de sexe masculin avec sa chatte prénommée Cécilia. L’on sait, en effet, que des juristes anglo-saxons s’interrogent sur les moyens de léguer un héritage à un animal tandis que le mouvement de l’écologie profonde réclame, derrière l’américain Peter Singer, la rédaction d’une Déclaration universelle des droits des grands singes. Le Traité de Lisbonne a amorcé un pas en ce sens en stipulant que « l’Union et les États-membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles ». Il y a fort à parier que les militants de la libération animale ne s’arrêteront pas là, d’autant que certaines légendes racontent que les singes seraient capables d’élever, à défaut d’éduquer, un enfant humain.

Nul doute qu’après la décision du Conseil constitutionnel, les associations d’homosexuels reprendront leur harcèlement en direction du législateur, tout comme le lobby mortifère du « droit de mourir dans la dignité » qui reprend sans relâche sa « lutte » après chaque refus essuyé. Dans son livre intitulé Quand les minorités font la loi (Les voies du droit, PUF, 2002), la juriste canadienne Andrée Lajoie a montré comment la tyrannie des minorités s’exerçait complémentairement dans les prétoires et les hémicycles. On s’en remet donc désormais au politique non sans avoir d’abord paradoxalement obtenu de celui-ci qu’il interdise le débat démocratique en incriminant pénalement les arguments adverses qualifiés de sexistes, homophobes, handiphobes ou autres. Le débat politique avec les « Khmers roses » (François Devoucoux de Buysson, éditions Blanche, 2003) a donc toutes les chances de se transformer en monologue agressif et sectaire.

7 commentaires:

  1. Très bon texte. Je dois avouer que je suis un peu fière d'avoir cours dans une université avec de tels professeurs.
    Ceci dit, dans les amphithéâtres de droit de la famille, ce genre de discours déclenche des murmures indignés chez la plupart des étudiants.

    RépondreSupprimer
  2. Les homosexuels nous expliquent que «c'est inéluctable, c'est le sens de l'histoire» et qu'il faudrait y céder, qu'il serait vain de résister.

    Je pense exactement l'inverse : ils sont à l'apogée de leur puissance médiatique.

    Si le mariage homosexuel n'est pas reconnu d'ici la fin de la prochaine législature, en 2017, il sera trop tard, nous serons pris par des sujets autrement plus sérieux que les lubies de groupuscules activistes.

    RépondreSupprimer
  3. Obsédé Textuelfévrier 01, 2011

    "...reprendront leur harcèlement en direction du législateur..."


    Pourtant il existe un bon moyen d'éradiquer leur influence, c'est tout simplement de ne pas les écouter, de ne pas leur préter attention.

    Mais bien évidemment çà passe par une autre voie.
    Celle d'une réforme complète du fonctionnement de la presse. En instituant, par exemple, des droits ET des devoirs (des vrais), de la liberté de la presse ET leur responsabilité, une parité droite-gauche dans les rédactions du service public....
    Mais là je rêve.
    C'est une autre conception du pouvoir qui est nécessaire...
    Nous y viendront.
    Mais pour l'instant ce n'est pas encore assez le bordel en France.

    RépondreSupprimer
  4. ui c'est le même Môsieur Boizard qui se déchaine sur les commentaires du Monde dès que le thème du mariage gay y est abordé. Il serait bon, cher Môsieur, que vous réfléchissiez sur l'énergie que vous mettez à nier le moindre droit à ses "marginaux" comme vous dites.

    RépondreSupprimer
  5. Déchainé ? Vous m'avez jamais vu déchainé !

    C'est le vieil argument gauchiste : on accuse les adversaires, même les plus posés, d'être en proie à des pulsions irréfléchies. Mais non. Mon opposition au mariage homosexuel est tout ce qu'il y a de calme, muri et médité.

    Quant à votre sous-entendu, il est tout aussi éculé : soit on est d'accord avec les revendications de ces messieurs-dames, soit on est un refoulé. Bref, ils ont toujours raison. Il n'y a donc pas à discuter.

    Mon énergie est justifiée par mon angoisse, non par un hypothétique refoulement : la famille est la pierre de base de la société. La ridiculiser encore un peu plus en autorisant le grotesque mariage homosexuel serait une contribution majeure à notre glissement vers la barbarie.

    RépondreSupprimer
  6. "ces "marnigaux" comme vous dites" (j'ai pris la peine de corriger la faute d'orthographe) ->
    Oui, les homosexuels sont marginaux. Ce n'est pas à mettre entre guillemets, c'est un fait.
    Mieux encore, parmi les homosexuels, il y en a une bonne proportion qui condamne fermement les mouvements militants pour les droits des homosexuels, parce qu'ils les jugent très extrémistes. Je connais plusieurs homosexuels qui sont fermement contre le mariage homosexuel et l'adoption (homosexuelle, s'entend).
    Il serait bon de dissocier la critique du mariage ou de l'adoption des homosexuelle, et la critique du comportement homosexuel en lui-même.

    RépondreSupprimer
  7. La marginalité est au coeur de cette problématique de la revendication homosexuelle.

    Les homosexuels sont des marginaux qui n'assument pas leur marginalité, d'où leurs revendications pour qu'on torde les lois et les usages de manière à leur permettre de vivre dans le déni de leur marginalité.

    Vous n'entendez pas les handicapés, pourtant nombreux, revendiquer aussi bruyamment tout simplement parce qu'ils ne vivent pas dans le déni de leur handicap.

    RépondreSupprimer