mardi, avril 28, 2015

Le drame de Prosper

Prosper est un réseau du Special Operations Executive qui couvre Paris et le nord de la France.

A l'été 1943, il tombe par pans entiers. Il y a un traitre.

Nous n'avons aucune preuve formelle de ce qui suit. Juste des conjectures et des coïncidences troublantes. Cette histoire constitua le sujet du roman de Larry Colins, Fortitude. Je  vous fais ce récit à l'indicatif, moins lourd que le conditionnel, mais j'aurais pu tout aussi bien utiliser ce mode pour chaque verbe. Allons-y.

Le traitre ? Henri Déricourt, le responsable des opérations aériennes, qui a passé un pacte faustien avec les Allemands. Ils peuvent voir le courrier transmis. En échange, ils ne touchent pas aux agents. Le responsable pour la France du SD, le contre-espionnage allemand, a même assisté à un atterrissage clandestin caché dans les fourrés.

Seulement voilà, Déricourt n'est ni un agent simple, ni un agent double, c'est un agent triple ! Il travaille pour le SOE, qu'il trahit au profit du SD, mais sur ordre du MI6.

Pourquoi des Anglais trahissent-ils d'autres Anglais, et beaucoup de Français ?

D'une part pour induire les Allemands à penser que le Nord est primordial, laissant deviner un débarquement dans le Pas de Calais. L'opération Jéricho n'a pas un but différent. D'autre part pour ouvrir des canaux de communication, en laissant les Allemands briser des codes, qui permettront le moment venu de les intoxiquer.

Comble de perversité, nombre de jolies jeunes femmes, agents de liaison, radios, sont livrées à cette occasion. Les machiavels de cette machination savent bien qu'on a tendance à croire des renseignements  obtenus difficilement, par la torture par exemple. Si, en plus, ils viennent de jolies femmes, comment croire à une intoxication ? Comment croire qu'il y a des gens assez pervers pour les livrer sciemment afin d'intoxiquer l'ennemi ?

En comparaison de l'Anglais, l'Allemand est brutal mais naïf.

Ce récit est édifiant.

Mais cela a fonctionné : jusqu'à la fin juin 1944, Adolf Hitler a eu des doutes sur un éventuel second débarquement dans la Pas-de-Calais.

Comme je l'ai dit, il n'y a aucune preuve indiscutable et il n'y en aura probablement jamais : ce ne sont pas des choses qui laissent des traces écrites.

Mais si un jour on vous explique que l'expression «perfide Albion» est exagérée, souvenez vous du réseau Prosper.

Le monument de Valençay a une première signification limpide : un hommage aux agents du SOE tués. Mais il pourrait aussi avoir une seconde signification cryptée : un hommage aux victimes de manipulations.



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