jeudi, novembre 19, 2015

La cécité des bisounours

Je n'ai pas, Dieu merci, beaucoup de bisounours dans mon entourage, mais on m'a rapporté des propos assez stupéfiants sur les derniers attentats, minimisant ces événements comme un malheureux accident.

C'est en pensant à eux que je copie cet article :

Attentats de Paris : pourquoi le 11e arrondissement ?

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Quand j’avais observé ces badauds inconnus qui ne partageaient pas notre peine, j’étais en compagnie d’amis de gauche. Ces derniers n’avaient rien vu. Mieux : quand je les entretins après coup de mes observations, ils m’accusèrent d’hallucinations passionnelles. Il aura fallu le mouvement de panique, bien plus tard dans la soirée, et son explication par la police et la presse, pour que mes amis consentissent à ne pas m’expédier à Sainte-Anne. Au bénéfice du doute bien sûr, car rien ne prouve jamais rien dans les milieux où sévit toujours le « qu’est-ce-qui vous permet de dire que… ».

Cette cécité ne fait pas que m’agacer. Elle m’intéresse. Si hallucination il y eut cette après-midi-là, elle venait de mes amis de gauche. J’ai pu observer, in vivo, ce « refus de voir ce que ses yeux voient » pour reprendre l’expression d’Alain Finkielkraut. Pour ma part, je n’y entends pas qu’angélisme et dogmatisme. J’y reconnais du symptôme.

En effet, la psychanalyse et son concept de refoulement nous aident à appréhender ce comportement. Le névrosé obsessionnel ne voit jamais les coups venir. Pourquoi ? Parce qu’il est trop occupé à refouler sa propre hostilité pour distinguer celle de l’autre. Son aveuglement face à la violence de l’autre n’est qu’un reflet possible de son effort d’aveuglement face à sa propre violence. Ce qu’il ne veut pas voir chez lui, il ne peut l’envisager pour un autre. Et surtout, reconnaître l’hostilité extérieure déclencherait une hostilité insurmontable et culpabilisante.

Si l’homme de gauche ne voit donc pas l’inimitié dont il est l’objet de la part de ceux qu’il prétend aimer, ce n’est pas parce qu’il serait balourd, naïf, et encore moins de mauvaise foi. C’est parce qu’il entreprend avec une belle énergie intérieure de dissimuler sa propre hostilité envers l’objet de son désir, et d’abord à ses propres yeux. Son aveuglement face à l’évidence trahit non pas ses bons sentiments, mais ceux qu’il refoule, culpabilisé, et qui sont, sans doute, moins bons.

[…]

Mieux : donner une place à la pulsion du rejet de l’autre, légitimer nos craintes, peurs et refus (ne serait-ce qu’au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) pourra désamorcer en partie l’hostilité des nouveaux venus. L’affirmation « oui, nous avons des préjugés, nés d’une histoire longue et d’une expérience quotidienne » peut générer des comportements si exemplaires qu’ils en modifieront notre jugement. En revanche, l’affirmation hallucinée que nous n’aurions aucun préjugé, que notre société serait naturellement ouverte aux quatre vents, que nous serions en quelque sorte idéaux, suscite presque nécessairement une tentative de démystification, par l’hostilité. Dans son délire, la racaille entreprend un discours de vérité, non sur les supposées discriminations dont elle serait l’objet (elle n’en a rien à faire, au contraire, elle en jouit), mais sur le mensonge névrotique des bons sentiments antiracistes. C’est la lutte du fou contre le grand secret, de l’enfant psychotique contre le parent névrosé. Et ce n’est pas pour rien que le 11e arrondissement de Paris – seul endroit où Marine Le Pen a fait moins de voix qu’Eva Joly – a été attaqué.


Reste que cette hostilité envers ce qui fait France n’est pas l’apanage des nouveaux venus. L’éternelle dénonciation d’un racisme français par les Français eux-mêmes, sur le mode du « mauvais objet » extérieur à la bonne communauté, et au-delà de l’aveuglement qu’il génère – sur soi, donc sur l’autre – n’aide évidemment pas ceux qui ont encore à s’assimiler au pays dont ils ont choisi de partager le destin.

Il est ainsi particulièrement frappant qu’à l’émission « Des paroles et des actes » de lundi dernier, Jean-Luc Mélenchon commence son intervention, non pas en dénonçant les crimes du 13 novembre, mais en s’en prenant aux jeunes identitaires. Et de quelle manière !

Oui, si Jean-Luc Mélenchon entend un « glapissement » chez ceux de ses compatriotes qui ne pensent pas comme lui, comment s’étonner que d’autres, dont on sait le goût pour le littéralisme le plus crétin, abattent « ces chiens d’infidèles » ? *********

Cette analyse m'intéresse car j'ai pu constater, tant ces derniers jours qu'en janvier, que les plus sanguinaires en paroles étaient les gauchistes et les bisounours (catégories qui ne se recoupent pas complètement).

Les méchants «fachos» comme moi étaient plus pondérés. Notre situation, ils l'avaient analysée. Les attentats, ils les avaient prédits, même quand on les traitait d'alarmistes. Aucune bêtise à se faire pardonner. Pas besoin de surenchère verbale pour dissimuler un sentiment de culpabilité. Quand on n'est pas démenti par la réalité, on est plus serein.

Ceux qui acceptent que la guerre fait partie de la vie et qu'on ne peut pas aimer tout le monde  ni être aimé de tout le monde, n'éprouvent pas la nécessité de déshumaniser leurs ennemis. La grandiloquence («des fous», «des barbares», ou comme Libé, «des non-humains»  ...) est ridicule. Et dommageable.




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