Je trouve l'article de Jacques Marseille plein de vérité, mais allez donc expliquer à un fonctionnaire que la surprotection dont il jouit, et l'inefficacité étatique qui en découle, provoque la précarité des exposés. Il ne vous écoutera même pas.
Il ne faut donc pas essayer de convaincre, c'est inutile, mais agir.
Ainsi, réduire les effectifs de fonctionnaires en redistribuant aux restants une partie des gains ainsi obtenus ne nécessite aucune explication, aucune discussion ésotérique sur les causes du chomage et sur les méfaits et les bienfaits comparés du libéralisme et du soviétisme.
20 % de chômeurs en France
Jacques Marseille
A la veille de l'élection présidentielle de 2007, il est fort probable que le taux de chômage en France ne sera plus que de 8,6 % de la population active, peut-être même moins. Est-ce pour autant que le pari de Dominique de Villepin et de Jean-Louis Borloo aura été gagné et que la France aura presque rejoint à cette date le peloton des pays qui ont su réduire ce fléau ? Rien n'est moins sûr, tant l'indicateur utilisé pour mesurer cette performance convient mal aux structures de l'emploi et aux spécificités du « modèle social » français.
Certes, apparemment, la mesure du chômage selon la définition qu'a proposée le Bureau international du travail est la même dans tous les pays de l'OCDE, sauf qu'aucun pays de l'OCDE n'a un pourcentage de personnels à statut protégé aussi fort que celui de la France.
Ainsi, sur les 22 millions d'emplois salariés que compte le pays, il faut soustraire tous les emplois qui ne sont soumis à aucun risque de chômage : les effectifs des agents de l'Etat et ceux des établissements publics nationaux (SNCF, RATP, Banque de France...), les effectifs de la fonction publique territoriale et ceux des établissements de santé. On arrive ainsi à environ 15 millions d'emplois salariés marchands. Et encore en comptant large, car ce chiffre inclut les employés des banques et des groupes d'assurances mutualistes ou encore des organismes paritaires comme la Sécurité sociale, où le risque de perdre son emploi est pratiquement nul.
Considérons donc malgré tout que 15 millions de salariés en France peuvent être au chômage.
Par ailleurs, aux 2 310 000 demandeurs d'emploi recensés à la fin de l'année 2005, il faudrait aussi ajouter une partie des bénéficiaires du RMI qui, retirés des statistiques du chômage dans la mesure où ils sont en fin de droits, sont toutefois des Français supposés en recherche d'« insertion » par le travail.
En fin de compte, on arrive à un taux de chômage effectif de 20 % (3 millions sur 15 millions) de ceux qui, à des degrés divers, craignent pour leur emploi. Un taux qu'il faudrait ensuite comparer à ceux des pays où le nombre de fonctionnaires et d'emplois protégés est bien plus faible qu'en France. Ainsi, au Royaume-Uni ou en Allemagne, le pourcentage de fonctionnaires avoisine seulement 15 % de la population active. Un simple calcul permet de comprendre la différence. Sur les 28,5 millions d'emplois salariés que compte le Royaume-Uni, on recense 4,5 millions de fonctionnaires et assimilés. Le dernier taux de chômage officiel, soit 5,4 % (de 28,5 millions), est en fait de 6,4 % (1,5 million de demandeurs d'emploi sur 24 millions d'emplois « à risque »). Même si, comme en Suède, on ajoute à ces chômeurs les adultes « handicapés » exclus des statistiques du chômage, on mesure le formidable écart entre nos deux pays : un écart qui n'est pas de 5,4 % à 8,6 % mais de 6,4 % à 20 %.
Un taux qui reflète mieux que l'indicateur officiel l'anxiété d'une population qui, à l'encontre des producteurs officiels de statistiques, mesure l'emprise du risque sur son existence. Une enquête menée en 2001 par le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) avait ainsi révélé que 34 % des Françaises et des Français avaient connu le chômage au cours des dix dernières années contre 25 %... seulement (!) en 1988. Encore fallait-il ajouter que l'enquête portait sur l'ensemble des Français de plus de 18 ans, y compris les étudiants, les inactifs et les retraités qui, par définition, sont loin du chômage. Si l'enquête avait porté sur les seuls actifs « à risque », le nombre de personnes concernées aurait été encore plus important. D'ailleurs, à cette autre question posée par le Cevipof (Centre d'étude de la vie politique française) : « Dans le passé, depuis la fin de vos études ou de l'école, avez-vous déjà été vous-même au chômage ? » 53 % des femmes actives et 46 % des hommes avaient répondu avoir connu, à un moment ou à un autre, le chômage.
Des chiffres qui amènent à relativiser sérieusement les taux de chômage qu'on nous annonce aujourd'hui et qui mesurent l'emprise de ce fléau dans une société duale, où les plus bruyants et les plus revendicatifs sont souvent les mieux protégés, et les plus silencieux, tous ces chômeurs de l'ombre qui échappent aux définitions officielles.
Autant dire surtout que, pour s'attaquer au cancer qui ronge notre société depuis maintenant plus de vingt-cinq ans, mieux vaut affiner les statistiques que brandir comme des bulletins de victoire des baisses de virgules qui sont autant de contes à dormir debout.
© le point 02/11/06 - N°1781 - Page 99 - 765 mots
lundi, novembre 06, 2006
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