dimanche, juin 27, 2010

La société des enfants trompés

La vie est dure. Le bonheur est fragile et jamais à l'abri des assauts du malheur. On peut trouver des satisfactions éphémères (mais parfois intenses) dans les épreuves surmontées. Tout cela se termine par la maladie et la mort.

Mais ce n'est pas du tout ce que les parents «modernes» apprennent à leurs enfants : ils leur apprennent qu'ils sont le centre du monde, tout tourne autour d'eux, leur moindre caprice est disséqué et analysé, leurs colères et leurs bouderies sont des événements de portée mondiale. Ils ont droit à tout, ils sont couverts de cadeaux. Leurs pulsions narcissiques connaissent bien peu de limites. On leur enseigne que la vie est une éternelle jouissance consumériste et qu'ils sont les maitres du monde.

Mais en contrepartie de cette tyrannie infantile, qu'ils ne demandent pas à avoir une famille stable, qu'ils n'exigent pas de leurs parents qu'ils cessent de se comporter en adolescents attardés, qu'ils ne se plaignent pas qu'on ne leur a pas appris à lire, écrire et compter correctement, qu'ils ne fassent pas reproche qu'on ne leur a pas enseigner à vivre en société, avec ses règles et ses frustrations, qu'on leur a caché que la vie n'était pas rose.

Puis arrive l'adolescence, le choc de la réalité, le dévoilement du mensonge. L'enfant-roi se révèle être un adolescent paumé, qui n'a pas les outils pour faire face aux difficultés, quand se rouler par terre en hurlant ne suffit plus. Certains n'y résistent pas. Et Chloé et ses copains se suicident (1). Et Chloé redevient une dernière fois une star, le centre du monde, elle retrouve cet état de toute-puissance qu'elle n'a pas supporté de quitter.

Comble d'hypocrisie, on lui «rend hommage». Un village rend hommage à une enfant qui a refusé de devenir adulte ! Auto-célébration larmoyante d'une société auto-satisfaite de sa puérilité. L'émotion comme substitut à la réflexion.

Mais c'était avant, qu'il fallait s'en préoccuper ; c'était avant, qu'il fallait avoir pitié ; c'était avant qu'il fallait se poser des questions. Rien ne sert de pleurer sur le lait renversé.

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(1) Le Figaro : «Les jeunes avaient peut-être été durement touchés par la mort récente de deux anciens de l'établissement dans des accidents de la route, expliquait-on à Coursan, une localité de 6.000 habitants, proche de Narbonne. La justice et la préfecture ont souligné la complexité et la diversité des situations personnelles des quatre collégiens. Chloé souffrait peut-être d'un chagrin amoureux. Il y avait aussi des situations familiales conflictuelles. Et les adolescents qui ont survécu n'avaient pas forcément la même volonté de mourir.»

3 commentaires:

  1. Très juste. De façon générale, j'en ai un peu assez des célébrations médiatisées qui "rendent hommage" à des gens qui se sont contentés de mourir de mort violente. Souvent par leur faute.

    On rend hommage à quelqu'un qui a rendu des services exceptionnels à la société. Rendre hommage à un adolescent décédé, qu'est-ce que ça veut dire ?

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  2. Ici aussi donc on célèbre les suicidés, cette nouvelle façon de "vivre" en empathie avec son entourage. J'attends avec impatience ceux des déçus du Mondial.

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  3. Avant, on disait aux enfants «Dans la vie, on ne peut pas tout avoir», maintenant, on leur dit «Dans la vie, tu as droit à tout. Et si on te le refuse, tu as le droit de gueuler».

    Le problème, c'est que la première phrase est une vérité liée à la condition humaine.

    La seconde n'est qu'un mensonge, un fantasme enfantin cautionné par des adultes débiles.

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